lundi 29 avril 2013

René Guénon - Voyages extra-terrestres dans différentes Traditions

 
 
L’Ésotérisme de Dante, René Guénon, éd. Gallimard, 1957
 
 
Chapitre V

VOYAGES EXTRA-TERRESTRES DANS DIFFÉRENTES TRADITIONS



Une question qui semble avoir fortement préoccupé la plupart des commentateurs de Dante est celle des sources auxquelles il convient de rattacher sa conception de la descente aux Enfers, et c’est aussi un des points sur lesquels apparaît le plus nettement l’incompétence de ceux qui n’ont étudié ces questions que d’une façon toute « profane ». Il y a là, en effet, quelque chose qui ne peut se comprendre que par une certaine connaissance des phases de l’initiation réelle, et c’est ce que nous allons maintenant essayer d’expliquer.


Sans doute, si Dante prend Virgile pour guide dans les deux premières parties de son voyage, la cause principale en est bien, comme tout le monde s’accorde à le reconnaître, le souvenir du chant VI de l’Énéide ; mais il faut ajouter que c’est parce qu’il y a là, chez Virgile, non une simple fiction poétique, mais la preuve d’un savoir initiatique incontestable. Ce n’est pas sans raison que la pratique des sortes virgilianœ fut si répandue au moyen âge ; et, si on a voulu faire de Virgile un magicien, ce n’est là qu’une déformation populaire et exotérique d’une vérité profonde, que sentaient probablement, mieux qu’ils ne savaient l’exprimer, ceux qui rapprochaient son œuvre des Livres sacrés, ne fût-ce que pour un usage divinatoire d’un intérêt très relatif.

D’autre part, il n’est pas difficile de constater que Virgile lui-même, pour ce qui nous occupe, a eu des prédécesseurs chez les Grecs, et de rappeler à ce propos le voyage d’Ulysse au pays des Cimmériens, ainsi que la descente d’Orphée aux Enfers ; mais la concordance que l’on remarque en tout cela ne prouve-t-elle rien de plus qu’une série d’emprunts ou d’imitations successives ? La vérité est que ce dont il s’agit a le plus étroit rapport avec les mystères de l’antiquité, et que ces divers récits poétiques ou légendaires ne sont que des traductions d’une même réalité : le rameau d’or qu’Énée, conduit par la Sibylle, va d’abord cueillir dans la forêt (cette même « selva selvaggia » où Dante situe aussi le début de son poème), c’est le rameau que portaient les initiés d’Éleusis, et que rappelle encore l’acacia de la Maçonnerie moderne, « gage de résurrection et d’immortalité ». Mais il y a mieux, et le Christianisme même nous présente aussi un pareil symbolisme : dans la liturgie catholique, c’est par la fête des Rameaux1 que s’ouvre la semaine sainte, qui verra la mort du Christ et sa descente aux Enfers, puis sa résurrection, qui sera bientôt suivie de son ascension glorieuse ; et c’est précisément le lundi saint que commence le récit de Dante, comme pour indiquer que c’est en allant à la recherche du rameau mystérieux qu’il s’est égaré dans la forêt obscure où il va rencontrer Virgile ; et son voyage à travers les mondes durera jusqu’au dimanche de Pâques, c’est-à-dire jusqu’au jour de la résurrection.


——————————
[1] Le nom latin de cette fête est Dominica in Palmis ; la palme et le rameau ne sont évidemment qu’une seule et même chose, et la palme prise comme emblème des martyrs a également la signification que nous indiquons ici. – Nous rappellerons aussi la dénomination populaire de « Pâques fleuries », qui exprime d’une façon très nette, quoique inconsciente chez ceux qui l’emploient aujourd’hui, le rapport du symbolisme de cette fête avec la résurrection.
Mort et descente aux Enfers d’un côté, résurrection et ascension aux Cieux de l’autre, ce sont comme deux phases inverses et complémentaires, dont la première est la préparation nécessaire de la seconde, et que l’on retrouverait également sans peine dans la description du « Grand Œuvre » hermétique ; et la même chose est nettement affirmée dans toutes les doctrines traditionnelles. C’est ainsi que, dans l’Islam, nous rencontrons l’épisode du « voyage nocturne » de Mohammed, comprenant pareillement la descente aux régions infernales (isrâ), puis l’ascension dans les divers paradis ou sphères célestes (mirâj) ; et certaines relations de ce « voyage nocturne » présentent avec le poème de Dante des similitudes particulièrement frappantes, à tel point que quelques-uns ont voulu y voir une des sources principales de son inspiration. Don Miguel Asîn Palacios a montré les multiples rapports qui existent, pour le fond et même pour la forme, entre lq Divine Comédie (sans parler de certains passages de la Vita Nuova et du Convito), d’une part, et d’autre part, le Kitâb el-isrâ (Livre du Voyage nocturne) et les Futûhât el-Mekkiyah (Révélations de la Mecque) de Mohyiddin ibn Arabi, ouvrages antérieurs de quatre-vingts ans environ, et il conclut que ces analogies sont plus nombreuses à elles seules que toutes celles que les commentateurs sont parvenus à établir entre l’œuvre de Dante et toutes les autres littératures de tout pays1. En voici quelques exemples : « Dans une adaptation de la légende musulmane, un loup et un lion barrent la route au pèlerin, comme la panthère, le lion et la louve font reculer Dante… Virgile est envoyé à Dante et Gabriel à Mohammed par le Ciel ; tous deux, durant le voyage,


——————————
[1] Miguel As[in Palacios. La Escatologia musulmana en la Divina Comedia, Madrid, 1919. – Cf. Blochet, Les Sources orientales de la « Divine Comédie » , Paris, 1901.
satisfont à la curiosité du pèlerin. L’Enfer est annoncé dans les deux légendes par des signes identiques : tumulte violent et confus, rafale de feu… L’architecture de l’Enfer dantesque est calquée sur celle de l’Enfer musulman : tous deux sont un gigantesque entonnoir formé par une série d’étages, de degrés ou de marches circulaires qui descendent graduellement jusqu’au fond de la terre ; chacun d’eux recèle une catégorie de pécheurs, dont la culpabilité et la peine s’aggravent à mesure qu’ils habitent un cercle plus enfoncé. Chaque étage se subdivise en différents autres, affectés à des catégories variées de pécheurs ; enfin, ces deux Enfers sont situés tous les deux sous la ville de Jérusalem… Afin de se purifier au sortir de l’Enfer et de pouvoir s’élever vers le Paradis, Dante se soumet à une triple ablution. Une même triple ablution purifie les âmes dans la légende musulmane : avant de pénétrer dans le Ciel, elles sont plongées successivement dans les eaux des trois rivières qui fertilisent le jardin d’Abraham…L’architecture des sphères célestes à travers lesquelles s’accomplit l’ascension est identique dans les deux légendes ; dans les neuf cieux sont disposées, suivant leurs mérites respectifs, les âmes bienheureuses qui, à la fin, se rassemblent toutes dans l’Empyrée ou dernière sphère… De même que Béatrice s’efface devant saint Bernard pour guider Dante dans les ultimes étapes, de même Gabriel abandonne Mohammed près du trône de Dieu où il sera attiré par une guirlande lumineuse… L’apothéose finale des deux ascensions est la même : les deux voyageurs, élevés jusqu’à la présence de Dieu, nous décrivent Dieu comme un foyer de lumière intense, entouré de neuf cercles concentriques formés par les files serrées d’innombrables esprits angéliques qui émettent des rayons lumineux ; une des files circulaires les plus proches du foyer est celle des Chérubins ; chaque
cercle entoure le cercle immédiatement inférieur, et tous les neuf tournent sans trêve autour du centre divin… Les étages infernaux, les cieux astronomiques, les cercles de la rose mystique, les chœurs angéliques qui entourent le foyer de la lumière divine, les trois cercles symbolisant la trinité de personnes, sont empruntés mot pour mot par le poète florentin à Mohyiddin ibn Arabi1. »
De telles coïncidences, jusque dans des détails extrêmement précis, ne peuvent être accidentelles, et nous avons bien des raisons d’admettre que Dante s’est effectivement inspiré, pour une part assez importante, des écrits de Mohyiddin ; mais comment les a-t-il connus ? On envisage comme intermédiaire possible Brunetto Latini, qui avait séjourné en Espagne ; mais cette hypothèse nous paraît peu satisfaisante. Moyiddin était né à Murcie, d’où son surnom d’El-Andalûsi, mais il ne passa pas toute sa vie en Espagne, et il mourut à Damas ; d’un autre côté, ses disciples étaient répandus dans tout le monde islamique, mais surtout en Syrie et en Égypte, et enfin il est peu probable que ses œuvres aient été dès lors dans le domaine public, où même certaines d’entre elles n’ont jamais été. En effet, Mohyiddin fut tout autre chose que le « poète mystique » qu’imagine M. Asîn Palacios ; ce qu’il convient de dire ici c’est que, dans l’ésotérisme islamique, il est appelé Esh-Sheikh el-akbar, c’est-à-dire le plus grand des Maîtres spirituels, le Maître par excellence, que sa doctrine est d’essence purement métaphysique, et que plusieurs des principaux Ordres initiatiques de l’Islam, parmi ceux qui sont les plus élevés et les plus fermés en même temps, procèdent de lui directement. Nous avons déjà indiqué que de telles


——————————
[1] A. Cabaton, « la Divine Comédie » et l’Islam, dans la Revue de l’Histoire des Religions, 1920 ; cet article contient un résumé du travail de M. Asîn Palacios.
 
organisations furent au XIIIe siècle, c’est-à-dire à l’époque même de Mohyiddin, en relations avec les Ordres de chevalerie, et, pour nous, c’est par là que s’explique la transmission constatée ; s’il en était autrement, et si Dante avait connu Mohyiddin par des voies « profanes », pourquoi ne l’aurait-il jamais nommé, aussi bien qu’il nomme les philosophes exotériques de l’Islam, Avicenne et Averroès1 ? De plus, il est reconnu qu’il y eut des influences islamiques aux origines du Rosicrucianisme, et c’est à cela que font allusion les voyages supposés de Christian Rosenkreuz en Orient ; mais l’origine réelle du Rosicrucianisme, nous l’avons déjà dit, ce sont précisément les Ordres de chevalerie, et ce sont eux qui formèrent, au moyen âge, le véritable lien intellectuel entre l’Orient et l’Occident.

Les critiques occidentaux modernes, qui ne regardent le « voyage nocturne » de Mohammed que comme une légende plus ou moins poétique, prétendent que cette légende n’est pas spécifiquement islamique et arabe, mais qu’elle serait originaire de la Perse, parce que le récit d’un voyage similaire se trouve dans un livre mazdéen, l’Ardâ Vîrâf Nâmeh2. Certains pensent qu’il faut remonter encore plus loin, jusqu’à l’Inde, où l’on rencontre en effet, tant dans le Brâhmanisme que dans le Bouddhisme, une multitude de descriptions symboliques des divers états d’existence sous la forme d’un ensemble hiérarchiquement organisé de Cieux et d’Enfers ; et quelques-uns vont même jusqu’à supposer que Dante a pu subir directement l’influence indienne3. Chez


——————————
[1] Inferno, IV, 143-144.
[2] Blochet. Études sur l’Histoire religieuse de l’Islam, dans la Revue de l’Histoire des Religions, 1899. – Il existe une traduction française du Livre d’Ardâ Vîrâf par M. A. Barthélémy, publiée en 1887.
[3] Angelo de Gubernatis, Dante e l’India, dans le Giornale della Società asiatica italiana, vol. III, 1889, pp. 3-19 ; Le Type indien de Lucifer chez Dante, dans les Actes du Xe Congrès des Orientalistes. – M. Cabaton, dans l’article que nous avons cité plus haut, signale qu’« Ozanam avait déjà entrevu une double influence islamique et indienne subie par Dante » (Essai sur la philosophie de Dante, pp. 198 et suivantes) ; mais nous devons dire que l’ouvrage d’Ozanam, malgré la réputation dont il jouit, nous paraît extrêmement superficiel.
 
ceux qui ne voient en tout cela que de la « littérature », cette façon d’envisager les choses se comprend, quoiqu’il soit assez difficile, même du simple point de vue historique, d’admettre que Dante ait pu connaître quelque chose de l’Inde autrement que par l’intermédiaire des Arabes. Mais, pour nous, ces similitudes ne montrent pas autre chose que l’unité de la doctrine qui est contenue dans toutes les traditions ; il n’y a rien d’étonnant à ce que nous trouvions partout l’expression des mêmes vérités, mais précisément, pour ne pas s’en étonner, il faut d’abord savoir que ce sont des vérités, et non pas des fictions plus ou moins arbitraires. Là où il n’y a que des ressemblances d’ordre général, il n’y a pas lieu de conclure à une communication directe ; cette conclusion n’est justifiée que si les mêmes idées sont exprimées sous une forme identique, ce qui est le cas pour Mohyiddin et Dante. Il est certain que ce que nous trouvons chez Dante est en parfait accord avec les théories hindoues des mondes et des cycles cosmiques, mais sans pourtant être revêtu de la forme qui seule est proprement hindoue ; et cet accord existe nécessairement chez tous ceux qui ont conscience des mêmes vérités, quelle que soit la façon dont ils en ont acquis la connaissance.
 
 

jeudi 25 avril 2013

René Guénon : Quelques considérations sur l’hermétisme


                Kimyâ el-Saâdah ou «    Alchimie de la Félicité » d'Al-Ghazali , 1308 (BNF) (Copie)

 
 
 
 
 
René Guénon, Aperçus sur l’initiation, Chap. XLI : Quelques considérations sur l’hermétisme
 
Nous avons dit précédemment que les Rose-Croix étaient proprement des êtres parvenus à l’achèvement effectif des « petits mystères », et que l’initiation rosicrucienne, inspirée par eux, était une forme particulière se rattachant à l’hermétisme chrétien ; en rapprochant ceci de ce que nous venons d’expliquer en dernier lieu, on doit pouvoir comprendre déjà que l’hermétisme, d’une façon générale, appartient au domaine de ce qui est désigné comme l’« initiation royale ». Cependant, il sera bon d’apporter encore quelques précisions à ce sujet, car, là encore, bien des confusions se sont introduites, et le mot « hermétisme » lui-même est employé par beaucoup de nos contemporains d’une façon fort vague et incertaine ; nous ne voulons pas seulement parler en cela des occultistes, pour lesquels la chose est trop évidente, mais il en est d’autres qui, tout en étudiant la question d’une façon plus sérieuse, paraissent, peut-être à cause de certaines idées préconçues, ne pas s’être rendu très exactement compte de ce dont il s’agit en réalité.

Il faut noter tout d’abord que ce mot « hermétisme » indique qu’il s’agit d’une tradition d’origine égyptienne, revêtue par la suite d’une forme hellénisée, sans doute à l’époque alexandrine, et transmise sous cette forme, au moyen âge, à la fois au monde islamique et au monde chrétien, et, ajouterons-nous, au second en grande partie par l’intermédiaire du premier (1), comme le prouvent les nombreux termes arabes ou arabisés adoptés par les hermétistes européens, à commencer par le mot même d’« alchimie » (el-kimyâ) (2). Il serait donc tout à fait abusif d’étendre cette désignation à d’autres formes traditionnelles, tout autant qu’il le serait, par exemple, d’appeler « Kabbale » autre chose que l’ésotérisme hébraïque (3) ; ce n’est pas, bien entendu, qu’il n’en existe pas d’équivalents ailleurs, et il en existe même si bien que cette science traditionnelle qu’est l’alchimie (4) a son exacte correspondance dans des doctrines comme celles de l’Inde, du Thibet et de la Chine, bien qu’avec des modes d’expression et des méthodes de réalisation naturellement assez différents ; mais, dès lors qu’on prononce le nom d’« hermétisme », on spécifie par là une forme nettement déterminée, dont la provenance ne peut être que gréco-égyptienne. En effet, la doctrine ainsi désignée est par là même rapportée à Hermès, en tant que celui-ci était considéré par les Grecs comme identique au Thoth égyptien ; ceci présente d’ailleurs cette doctrine comme essentiellement dérivée d’un enseignement sacerdotal, car Thoth, dans son rôle de conservateur et de transmetteur de la tradition, n’est pas autre chose que la représentation même de l’antique sacerdoce égyptien, ou plutôt, pour parler plus exactement, du principe d’inspiration « supra-humaine » dont celui-ci tenait son autorité et au nom duquel il formulait et communiquait la connaissance initiatique. Il ne faudrait pas voir là la moindre contradiction avec le fait que cette doctrine appartient proprement au domaine de l’initiation royale, car il doit être bien entendu que, dans toute tradition régulière et complète, c’est le sacerdoce qui, en vertu de sa fonction essentielle d’enseignement, confère également les deux initiations, directement ou indirectement, et qui assure ainsi la légitimité effective de l’initiation royale elle-même, en la rattachant à son principe supérieur, de la même façon que le pouvoir temporel ne peut tirer sa légitimité que d’une consécration reçue de l’autorité spirituelle (5).

Cela dit, la question principale qui se pose est celle-ci : ce qui s’est maintenu sous ce nom d’« hermétisme » peut-il être regardé comme constituant une doctrine traditionnelle complète en elle-même ? La réponse ne peut être que négative, car il ne s’agit là strictement que d’une connaissance d’ordre non pas métaphysique, mais seulement cosmologique, en entendant d’ailleurs ce mot dans sa double application « macrocosmique » et « microcosmique », car il va de soi que, dans toute conception traditionnelle, il y a toujours une étroite correspondance entre ces deux points de vue. Il n’est donc pas admissible que l’hermétisme, au sens que ce mot a pris dès l’époque alexandrine et gardé constamment depuis lors, représente, fût-ce à titre de « réadaptation », l’intégralité de la tradition égyptienne, d’autant plus que cela serait nettement contradictoire avec le rôle essentiel joué dans celle-ci par le sacerdoce et que nous venons de rappeler ; bien que, à vrai dire, le point de vue cosmologique semble y avoir été particulièrement développé, dans la mesure du moins où il est encore possible actuellement d’en savoir quelque chose de tant soit peu précis, et qu’il soit en tout cas ce qu’il y a de plus apparent dans tous les vestiges qui en subsistent, qu’il s’agisse de textes ou de monuments, il ne faut pas oublier qu’il ne peut jamais être qu’un point de vue secondaire et contingent, une application de la doctrine principielle à la connaissance de ce que nous pouvons appeler le « monde intermédiaire », c’est-à-dire du domaine de manifestation subtile où se situent les prolongements extra-corporels de l’individualité humaine, ou les possibilités mêmes dont le développement concerne proprement les « petits mystères » (6).

Il pourrait être intéressant, mais sans doute assez difficile, de rechercher comment cette partie de la tradition égyptienne a pu se trouver en quelque sorte isolée et se conserver d’une façon apparemment indépendante, puis s’incorporer à l’ésotérisme islamique et à l’ésotérisme chrétien du moyen âge (ce que n’aurait d’ailleurs pu faire une doctrine complète), au point de devenir véritablement partie intégrante de l’un et de l’autre, et de leur fournir tout un symbolisme qui, par une transposition convenable, a pu même y servir parfois de véhicule à des vérités d’un ordre plus élevé (7). Nous ne voulons pas entrer ici dans ces considérations historiques fort complexes ; quoi qu’il en soit de cette question particulière, nous rappellerons que les sciences de l’ordre cosmologique sont effectivement celles qui, dans les civilisations traditionnelles, ont été surtout l’apanage des Kshatriyas ou de leurs équivalents, tandis que la métaphysique pure était proprement, comme nous l’avons déjà dit, celui des Brâhmanes. C’est pourquoi, par un effet de la révolte des Kshatriyas contre l’autorité spirituelle des Brâhmanes, on a pu voir se constituer parfois des courants traditionnels incomplets, réduits à ces seules sciences séparées de leur principe transcendant, et même, ainsi que nous l’indiquions plus haut, déviés dans le sens « naturaliste », par négation de la métaphysique et méconnaissance du caractère subordonné de la science « physique » (8), aussi bien (les deux choses se tenant étroitement, comme les explications que nous avons déjà données doivent le faire suffisamment comprendre) que de l’origine essentiellement sacerdotale de tout enseignement initiatique, même plus particulièrement destiné à l’usage des Kshatriyas. Ce n’est pas à dire, assurément, que l’hermétisme constitue en lui-même une telle déviation ou qu’il implique quoi que ce soit d’illégitime, ce qui aurait évidemment rendu impossible son incorporation à des formes traditionnelles orthodoxes ; mais il faut bien reconnaître qu’il peut s’y prêter assez aisément par sa nature même, pour peu qu’il se présente des circonstances favorables à cette déviation (9), et c’est là du reste, plus généralement, le danger de toutes les sciences traditionnelles, lorsqu’elles sont cultivées en quelque sorte pour elles-mêmes, ce qui expose à perdre de vue leur rattachement à l’ordre principiel. L’alchimie, qu’on pourrait définir comme étant pour ainsi dire la « technique » de l’hermétisme, est bien réellement « un art royal », si l’on entend par là un mode d’initiation plus spécialement approprié à la nature des Kshatriyas (10) ; mais cela même marque précisément sa place exacte dans l’ensemble d’une tradition régulièrement constituée, et, en outre, il ne faut pas confondre les moyens d’une réalisation initiatique, quels qu’ils puissent être, avec son but, qui, en définitive, est toujours de connaissance pure. D’un autre côté, il faut se méfier parfaitement d’une certaine assimilation qu’on tend parfois à établir entre l’hermétisme et la « magie » ; même si l’on veut alors prendre celle-ci dans un sens assez différent de celui où on l’entend d’ordinaire, il est fort à craindre que cela même, qui est en somme un abus de langage, ne puisse que provoquer des confusions plutôt fâcheuses. La magie, dans son sens propre, n’est en effet, comme nous l’avons amplement expliqué, qu’une des plus inférieures parmi toutes les applications de la connaissance traditionnelle, et nous ne voyons pas qu’il puisse y avoir le moindre avantage à en évoquer l’idée quand il s’agit en réalité de choses qui, même encore contingentes, sont tout de même d’un niveau notablement plus élevé. Du reste, il se peut qu’il y ait là encore autre chose qu’une simple question de terminologie mal appliquée : ce mot de « magie » exerce sur certains, à notre époque, une étrange fascination, et, comme nous l’avons déjà noté, la prépondérance accordée à un tel point de vue, ne serait-ce même qu’en intention, est encore liée à l’altération des sciences traditionnelles séparées de leur principe métaphysique ; c’est sans doute là l’écueil principal auquel risque de se heurter toute tentative de reconstitution ou de restauration de telles sciences, si l’on ne commence par ce qui est véritablement le commencement sous tous les rapports, c’est-à-dire par le principe même, qui est aussi, en même temps, la fin en vue de quoi tout le reste doit être normalement ordonné.

Un autre point sur lequel il y a lieu d’insister, c’est la nature purement « intérieure » de la véritable alchimie, qui est proprement d’ordre psychique quand on la prend dans son application la plus immédiate, et d’ordre spirituel quand on la transpose dans son sens supérieur ; c’est là, en réalité, ce qui en fait toute la valeur au point de vue initiatique. Cette alchimie n’a donc absolument rien à voir avec les opérations matérielles d’une « chimie » quelconque, au sens actuel de ce mot ; presque tous les modernes se sont étrangement mépris là-dessus, aussi bien ceux qui ont voulu se poser en défenseurs de l’alchimie que ceux qui, au contraire, se sont faits ses détracteurs ; et cette méprise est encore moins excusable chez les premiers que chez les seconds, qui, du moins, n’ont certes jamais prétendu à la possession d’une connaissance traditionnelle quelconque. Il est pourtant bien facile de voir en quels termes les anciens hermétistes parlent des « souffleurs » et « brûleurs de charbon », en lesquels il faut reconnaître les véritables précurseurs des chimistes actuels, si peu flatteur que ce soit pour ces derniers ; et, même au XVIIIème siècle encore, un alchimiste comme Pernéty ne manque pas de souligner en toute occasion la différence de la « philosophie hermétique » et de la « chymie vulgaire ». Ainsi, comme nous l’avons déjà dit bien des fois en montrant le caractère de « résidu » qu’ont les sciences profanes par rapport aux sciences traditionnelles (mais ce sont là des choses tellement étrangères à la mentalité actuelle qu’on ne saurait jamais trop y revenir), ce qui a donné naissance à la chimie moderne, ce n’est point l’alchimie, avec laquelle elle n’a en somme aucun rapport réel (pas plus que n’en a d’ailleurs l’« hyperchimie » imaginée par quelques occultistes contemporains (11) ; c’en est seulement une déformation ou une déviation, issue de l’incompréhension de ceux qui, profanes dépourvus de toute qualification initiatique et incapables de pénétrer dans une mesure quelconque le vrai sens des symboles, prirent tout à la lettre, suivant l’acception la plus extérieure et la plus vulgaire des termes employés, et, croyant par suite qu’il ne s’agissait en tout cela que d’opérations matérielles, se lancèrent dans une expérimentation plus ou moins désordonnée, et en tout cas assez peu digne d’intérêt à plus d’un égard (12). Dans le monde arabe également, l’alchimie matérielle a toujours été fort peu considérée, parfois même assimilée à une sorte de sorcellerie, tandis que, par contre, on y tenait fort en honneur l’alchimie « intérieure » et spirituelle, souvent désignée sous le nom de kimyâ el-saâdah ou « alchimie de la félicité » (13).

Ce n’est pas à dire, d’ailleurs, qu’il faille nier pour cela la possibilité des transmutations métalliques, qui représentent l’alchimie aux yeux du vulgaire ; mais il faut les réduire à leur juste importance, qui n’est pas plus grande en somme que celle d’expériences « scientifiques » quelconques, et ne pas confondre des choses qui sont d’ordre totalement différent ; on ne voit même pas, a priori, pourquoi il ne pourrait pas arriver que de telles transmutations soient réalisées par des procédés relevant tout simplement de la chimie profane (et, au fond, l’« hyperchimie » à laquelle nous faisions allusion tout à l’heure n’est pas autre chose qu’une tentative de ce genre) (14). Il y a pourtant un autre aspect de la question : l’être qui est arrivé à la réalisation de certains états intérieurs peut, en vertu de la relation analogique du « microcosme » avec le « macrocosme », produire extérieurement des effets correspondants ; il est donc parfaitement admissible que celui qui est parvenu à un certain degré dans la pratique de l’alchimie « intérieure » soit capable par là même d’accomplir des transmutations métalliques ou d’autres choses du même ordre, mais cela à titre de conséquence tout accidentelle, et sans recourir à aucun des procédés de la pseudo-alchimie matérielle, mais uniquement par une sorte de projection au dehors des énergies qu’il porte en lui-même. Il y a d’ailleurs, ici encore, une distinction essentielle à faire : il peut ne s’agir en cela que d’une action d’ordre psychique, c’est-à-dire de la mise en œuvre d’influences subtiles appartenant au domaine de l’individualité humaine, et alors c’est bien encore de l’alchimie matérielle, si l’on veut, mais opérant par des moyens tout différents de ceux de la pseudo-alchimie, qui se rapportent exclusivement au domaine corporel; ou bien, pour un être ayant atteint un degré de réalisation plus élevé, il peut s’agir d’une action extérieure de véritables influences spirituelles, comme celle qui se produit dans les « miracles » des religions et dont nous avons dit quelques mots précédemment. Entre ces deux cas, il y a une différence comparable à celle qui sépare la « théurgie » de la magie (bien que, redisons-le encore, ce ne soit pas de magie qu’il s’agit proprement ici, de sorte que nous n’indiquons ceci qu’à titre de similitude), puisque cette différence est, en somme, celle même de l’ordre spirituel et de l’ordre psychique ; si les effets apparents sont parfois les mêmes de part et d’autre, les causes qui les produisent n’en sont pas moins totalement et profondément différentes. Nous ajouterons d’ailleurs que ceux qui possèdent réellement de tels pouvoirs (15) s’abstiennent soigneusement d’en faire étalage pour étonner la foule, et que même ils n’en font généralement aucun usage, du moins en dehors de certaines circonstances particulières où leur exercice se trouve légitimé par d’autres considérations (16).

Quoi qu’il en soit, ce qu’il ne faut jamais perdre de vue, et ce qui est à la base même de tout enseignement véritablement initiatique, c’est que toute réalisation digne de ce nom est d’ordre essentiellement intérieur, même si elle est susceptible d’avoir à l’extérieur des répercussions de quelque genre que ce soit. L’homme ne peut en trouver les principes qu’en lui-même, et il le peut parce qu’il porte en lui la correspondance de tout ce qui existe, car il ne faut pas oublier que, suivant une formule de l’ésotérisme islamique, « l’homme est le symbole de l’Existence universelle » (17) ; et, s’il parvient à pénétrer jusqu’au centre de son propre être, il atteint par là même la connaissance totale, avec tout ce qu’elle implique par surcroît : « celui qui connaît son Soi connait son Seigneur » (18), et il connaît alors toutes choses dans la suprême unité du Principe même, en lequel est contenue « éminemment » toute réalité.

 (René Guénon, Aperçus sur l’initiation, Chap. XLI : Quelques considérations sur l’hermétisme.)

 

 


(1) Ceci est encore à rapprocher de ce que nous avons dit des rapports qu’eut le Rosicrucianisme, à son origine même, avec l’ésotérisme islamique.
(2) Ce mot est arabe dans sa forme, mais non dans sa racine ; il dérive vraisemblablement du nom de Kêmi ou « Terre noire » donné à l’ancienne Egypte, ce qui indique encore l’origine de ce dont il s’agit.
(3) La signification du mot Qabbalah est exactement la même que celle du mot « tradition » ; mais, ce mot étant hébraïque, il n’y a aucune raison, quand on emploie une langue autre que l’hébreu, de l’appliquer à d’autres formes traditionnelles que celle à laquelle il appartient en propre, et cela ne pourrait que donner lieu à des confusions. De même, le mot Taçawwuf, en arabe, peut être pris pour désigner tout ce qui a un caractère ésotérique et initiatique, dans quelque forme traditionnelle que ce soit ; mais, quand on se sert d’une autre langue, il convient de le réserver à la forme islamique à laquelle il appartient par son origine.
(4) Notons dès maintenant qu’il ne faut pas confondre ou identifier purement et simplement alchimie et hermétisme : à proprement parler, celui-ci est une doctrine, et celle-là en est seulement une application.
(5) Cf. Autorité spirituelle et pouvoir temporel, ch. II.
(6) Le point de vue cosmologique comprend aussi, bien entendu, la connaissance de la manifestation corporelle, mais il l’envisage surtout en tant qu’elle se rattache à la manifestation subtile comme à son principe immédiat, en quoi il diffère entièrement du point de vue profane de la physique moderne.
(7) Une telle transposition est en effet toujours possible, dès lors que le lien avec un principe supérieur et véritablement transcendant n’est pas rompu, et nous avons dit que le « Grand Œuvre » hermétique lui-même peut être regardé comme une représentation du processus initiatique dans son ensemble ; seulement, il ne s’agit plus alors de l’hermétisme en lui-même, mais bien en tant qu’il peut servir de base à quelque chose d’un autre ordre, d’une façon analogue à celle dont l’exotérisme traditionnel lui-même peut être pris comme base d’une forme initiatique.
(8) Il va de soi que nous prenons ici ce mot dans son sens ancien et strictement étymologique.
(9) De telles circonstances se sont présentées notamment, en Occident, à l’époque qui marque le passage du moyen âge aux temps modernes, et c’est ce qui explique l’apparition et la diffusion, que nous signalions plus haut, de certaines déviations de ce genre pendant la période de la Renaissance.
(10) Nous avons dit que l’« art royal » est proprement l’application de l’initiation correspondante ; mais l’alchimie a bien en effet le caractère d’une application de la doctrine, et les moyens de l’initiation, si on les envisage en se plaçant à un point de vue en quelque sorte « descendant », sont évidemment une application de son principe même, tandis qu’inversement, au point de vue « ascendant », ils sont le « support » qui permet d’accéder à celui-ci.
(11) Cette « hyperchimie » est à peu près, par rapport à l’alchimie, ce qu’est l’astrologie moderne dite « scientifique » par rapport à la véritable astrologie traditionnelle (cf. Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, ch. X).
(12) Il existe encore çà et la des pseudo-alchimistes de cette sorte, et nous en avons connu quelques-uns, tant en Orient qu’en Occident ; mais nous pouvons assurer que nous n’en avons jamais rencontré aucun qui ait obtenu des résultats quelconques tant soit peu en rapport avec la somme prodigieuse d’efforts dépensés dans des recherches qui finissaient par absorber toute sa vie !
(13) Il existe notamment un traité d’El-Ghazâli qui porte ce titre.
(14) Rappelons à ce propos que les résultats pratiques obtenus par les sciences profanes ne justifient ni ne légitiment en aucune façon le point de vue même de ces sciences, pas plus qu’ils ne prouvent la valeur des théories formulées par celles-ci et avec lesquelles ils n’ont en réalité qu’un rapport purement « occasionnel ».
(15) On peut ici employer sans abus ce mot de « pouvoirs », parce qu’il s’agit de conséquences d’un état intérieur acquis par l’être.
(16) On trouve dans la tradition islamique des exemples très nets de ce que nous indiquons ici : ainsi, Seyidnâ Ali avait, dit-on, une connaissance parfaite de l’alchimie sous tous ses aspects, y compris celui qui se rapporte à la production d’effets extérieurs tels que les transmutations métalliques, mais il se refusa toujours à en faire le moindre usage. D’autre part, on raconte que Seyidi Abul-Hassan Esh-Shâdhili, durant son séjour à Alexandrie, transmua en or, à la demande du sultan d’Egypte qui en avait alors un urgent besoin, une grande quantité de métaux vulgaires ; mais il le fit sans avoir recours à aucune opération d’alchimie matérielle ni à aucun moyen d’ordre psychique, et uniquement par l’effet de sa barakah ou influence spirituelle.
(17) El-insânu ramzul-wujûd.
(18) C’est le hadith que nous avons déjà cité précédemment : Man arafa nafsahu faqad arafa Rabbahu.



 

lundi 22 avril 2013

La crise sectaire du monde des guénoniens - Olivier Courmes

Le Porteur de Savoir
 
 
 
 
Nous remercions les Éditions Traditionnelles de nous avoir autorisé à reproduire ici un témoignage effectué dans le cadre de la commémoration du cinquantième anniversaire de la disparition de René Guénon. La description de certaines tendances sectaires que nous avons eu à constater dans des milieux se réclamant pourtant tous de l’auteur sont accompagnées de références qui montrent que les remèdes sont tout aussi connus que les maux.
 
 
 
 
 

vendredi 19 avril 2013

Lettres d'un maître soufi - Le sheikh Al-'Arabi Ad-Darqâwî - Traduit par Titus Burckhardt - Lettre 53 - Tout ce qui se manifeste dans le coeur, apparaît aussitôt dans le monde sensible






Traduit par Titus Burckhardt
Lettre 53




J'étais dans un état qui unissait, avec une très grande intensité, l'ivresse et la sobriété spirituelles, lorsque j'entrai un soir dans la mosquée funéraire du sherif hussaini Ahmed aç-Çaqallî 2 à Fès. C'était juste l'heure du coucher du soleil, et le muezzin appelait à la prière depuis le toit du sanctuaire. Je portais une vieille muraqqa'ah (froc fait de morceaux rapiécés) et sur la tête trois calottes tout aussi vieilles, l'une sur l'autre, car telle était alors ma disposition 3.
 
Or, il se présenta en ma conscience intime l'idée qu'il me fallait une quatrième calotte, et aussitôt le muezzin descendit avec elle du toit, en courant et riant: une cigogne, qui la portait vers son nid, l'avait laissé tomber sur lui.

Comme il l'apportait et riait, je lui dis: "Donne-la moi, par Dieu, elle m'est destinée!" Et voyant que je portais déjà trois calottes toutes pareilles (à celle qu'il venait de recevoir), il me la remit. Ainsi est toujours l'état des hommes de sincérité cidq) spirituelle: tout ce qui se manifeste dans leurs coeurs, apparaît aussitôt dans le monde sensible. Que la malédiction de Dieu soit sur ceux qui mentent!

1 C'est-à-dire, du descendant du Prophète par son petit fils Hussain.
2 Aç-Çaqalli signifie "le Sicilien", la famille étant immigrée de Sîcile. Ahrned aç-Çaqalli, qui vécut au 18e siècle, est le fondateur d'une branche de l'ordre shâdhillte qui s'assimila certaines méthodes provenant des Naqshabendis. Sa mosquée funéraire, qui sert de lieu de réunion aux membres de l'ordre, existe toujours.
3 Analogue à celle des malâmatiyah, qui s'attirent volontairement le blâme des exotéristes.

mercredi 17 avril 2013

Soufis d'Afghanistan - Maître et Disciple - Reportage réalisé par Arnaud Desjardins en 1973


Le mausolée construit sur le tombeau d’Ahmad Shah Durrani est le monument majeur de Kandahar. Il avoisine le Kherqa Sharif Ziarat, qui renferme le manteau du Prophète SAWS.





















Arnaud Desjardins (18 juin 1925 - ) était réalisateur à l'ORTF de 1952 à 1974 et est l'un des premiers occidentaux à faire découvrir aux Français, au travers de documents télévisés, quelques grandes traditions spirituelles méconnues des Européens : l'hindouisme, le bouddhisme tibétain, le zen et le soufisme (mystique de l'Islam) d'Afghanistan.. Voir l’extrait d’un documentaire exceptionnel sur les soufis d’Afghanistan..



Ces films réalisés en 1973, sont des documents inespérés sur ce que fut la culture traditionnelle de l’Islam en Afghanistan, avant que ce pays ne connaisse les désastres des luttes idéologiques et de la guerre civile. Mais ils représentent aussi, pour une sensibilité de Musulman, bien plus que cela. D’abord, un témoignage objectif et respectueux, fait par un réalisateur occidental, d’aspects profonds et essentiels de la culture spirituelle de l’Islam.

      Cette culture là, qui constitue la trame intérieure, l’âme vivante, des sociétés musulmanes traditionnelles, reste malgré son importance primordiale quasiment non connue et non perçue en Occident. La présence sur la pellicule de ces grands maîtres est, à elle seule, une chose profondément émouvante. Je crois qu’il s’agit là de documents uniques et exceptionnels, aussi bien pour les pays islamiques que pour l’Occident.Il me semble important et nécessaire par les temps qui courent, que ces films puissent connaître une très large diffusion. Un public occidental aurait à découvrir, au-delà des aspects aberrants des idéologies politico-religieuses de l’Islamisme récent, une réalité autrement plus profonde et plus authentique de la tradition séculaire de l’Islam.

      Un public musulman pourrait avoir beaucoup à apprendre, à travers un témoignage d’une qualité et d’une transparence extraordinaires, sur ses propres tradition et culture. Ils peuvent être, à mon avis, un élément essentiel permettant une bonne compréhension par de jeunes musulmans de leur tradition, au-delà des mirages de l’intégrisme. » Faouzi Skali

      Faouzi Skali est anthropologue, écrivain et spécialiste du soufisme. Il est le directeur général des Rencontres et du Festival de Musiques sacrées du Monde qui se tient chaque année à Fès (Maroc).




Jean-Louis Michon - Ali Abd al-Khâliq : Un grand savant suisse nous a quittés


 
 
 
 
Tribune Libre - Habes Mustapha

 

Les musulmans et musulmanes d’Europe ont été affectés par le décès de Jean-Louis Michon survenu le 22 février dernier à Genève.

 

Dr Jean-Louis Michon, une éminente personnalité de l’Oumma musulmane, qui a en particulier traduit le Coran en français,  est né à Nancy (France) en 1924, et a embrassé l’islam en 1945, après avoir lu un article dans la Revue africaine sur un cheikh soufi algérien Ahmad al-Alawî, fondateur de la confrérie alawiyya, décédé dix ans auparavant. Dans l’article était mentionné le fait qu’en Europe l’islam avait des disciples, de même que la cause algérienne, même en France. Le jeune homme de 21 ans, en quête d’un maître spirituel, décida alors de se rendre à la mosquée de Paris pour assister à la prière. Quelques-jours après, avec l’aide de Michel Vâlsan, un converti d’origine roumaine,  il embrasse l’islam sous le nom de Ali Abd al-Khâliq (le serviteur du Créateur), signifiant ainsi sa relation spéciale avec cet aspect d’Allah ta’âla. Ce nom Ali Abd al-Khâliq évoque non seulement  l’élévation,  la hauteur spirituelle, mais aussi le dépouillement, la pureté, l’engagement, l’obéissance, dans une société occidentale matérialiste et plongée, selon lui, dans la turpitude.

 

On notera que de la racine khalaqa dérive le mot khulq, caractère, tempérament, que Ali Abd al-Khâliq avait particulièrement d’agréable et de doux.

 

Ali Abd al-Khâliq demeure un nom qui résume une histoire remplie de dons, une voix résumant une communauté dans sa spiritualité, sa croyance, ses sciences, son humanité. Ce nom restera comme celui d’un serviteur de Dieu conscient du Message dans lequel il s’est fondu, comme disent les soufis (1).

 

En 1946, il saisit l’occasion qui lui est offerte d’être enseignant d’anglais à Damas, et l’année suivante, il va au Caire rendre visite au métaphysicien René Guénon (1886-1951), dont les écrits l’ont fortement influencé.

 

Ali Abd al-Khâliq Michon a été actif au service de l’islam et des musulmans, non seulement dans sa langue maternelle, le français, mais aussi en anglais, comme traducteur, puis il a percé aussi dans la langue de la Révélation, l’arabe,  grâce notamment à cheikh Mahmoud Bouzouzou, (1918-2007), doyen des exilés musulmans en Suisse, qui a appartenu à l’Association des Oulémas Musulmans Algériens (Jam’iat al-ulamâ al-muslimîn al-jazâ’iriyyîn), professeur d’arabe à l’Université de Genève et  imam de cette ville, qui lui a facilité l’accès à la traduction du Coran, disponible aujourd’hui sur internet à côté de celle de Muhammad Hamidullah.

 

Auparavant, il avait obtenu le titre de docteur en sciences islamiques à la Sorbonne, grâce à sa thèse intitulée Le soufi marocain Ibn Ajîba et son Mi’râj. Glossaire de la mystique musulmane. A propos de sa thèse, il rappelait toujours que sans l’aide de ‘’sîdî Mahmoud’’ (Bouzouzou), dont il était devenu un ami, il n’aurait jamais pu la soutenir, étant donné la difficulté de la tâche de déchiffrer les manuscrits et de les traduire. Cela nous a été confirmé par Dr Larbi Kechat, recteur de la mosquée Eddawa à Paris, en présence du Pasteur genevois Dr Henry Babel, lors d’une conférence interreligieuse organisée en Suisse conjointement par le Centre Culturel des Musulmans de Lausanne (CCML) et l’association Cheikh Bouzouzou.

 

En commentant l’intervention du Dr Michon,  notre ami le Pasteur Martin Hoegger de Lausanne, rapporte que ‘’Jean-Louis Michon, docteur en sciences islamiques de la Sorbonne, nous a partagé sa recherche de la beauté des religions et comment il a été initié à l’islam mystique : "Dieu est proche et le chemin pour Le rencontrer est celui du sacrifice, de la renonciation de son égo". Alors qu’il a fait un tour du monde pour "s’envoler vers la Source, qui est la même pour tous", il a fait l’expérience que "Dieu conduit là où Il veut, comme Il veut et quand Il veut."  Il a été frappé par l’Imam Mahmoud Bouzouzou, qui incarné l’idéal de "la paix de l’âme dans la maison".(2)

 

Pour le Dr Michon, la pureté du message de l’islam et la tradition du saint Prophète Mohammad (paix sur lui) ont été gardées intactes à travers une longue chaîne de transmission par les grands maîtres du Hadith. Malgré les obstacles et les difficultés, ces éminents maîtres se battirent et déployèrent de grands efforts pour enseigner et diffuser la vérité de l’islam jusqu’à nos jours.

 

Le grand savant et maître spirituel Ibn Ajîba vécut dans la seconde moitié du 18e siècle, et est le seul commentateur du Coran à avoir rédigé un tafsîr (exégèse) à la fois exotérique et ésotérique (ishârî’, appelé Al-Bahr al-Madîd fi Tafsîr al-Qur'ân al-Majîd. 

 

Jean-Louis Michon a exercé la profession de traducteur de l’anglais vers le français à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pendant 25 ans (1957-1972). Il a apporté une contribution remarquable à la préservation des arts et artisanats traditionnels de l’Islam, notamment comme expert auprès de l’UNESCO et des gouvernements marocain et omanais.

 

Il a également collaboré à diverses publications, dont les Etudes traditionnelles et Studies in Comparative Religion et, outre sa thèse, est l’auteur et traducteur de plusieurs ouvrages (3).

 

Nous concluons ce témoignage en priant le Tout-Puissant d’accueillir cheikh Ali Abd al-Khâliq dans Son vaste Paradis.  Puisse Dieu lui accorder  Sa miséricorde, l’honorer et lui réserver le Paradis comme demeure en compagnie des bienfaisants et à leur tête notre Prophète - Paix et Salut sur lui-. Et qu’il puisse accorder à sa famille, à ses élèves et à tous ceux qui l’aiment endurance et consolation.

 

Mustapha Habès

19 mars 2013

Notes de renvoi :

1) Article de l’auteur in Al-Bassair, Hebdo arabe, N° 643, du 11-17 mars 2013 p : 11.

 

2) Bulletin de l’Arzillier N° 23, décembre 2009, pages 20-12.

 

3) Parmi ses ouvrages :

- L'autobiographie (Fahrasa) du Soufi Marocain Aḥmad Ibn ʻAǧība  (1747-1809)

- Lumières d’Islam : institutions, art et spiritualité dans la Cité musulmane

- Introduction to Traditional Islam, Illustrated : Foundations, Art, and Spirituality (a reçu le prix américain Silver Midwest Book Award for Religion/Philosophy/Inspiration)

- Sufism : love and wisdom

- Every Branch in Me : Essays on the Meaning of Man

- Traductions : Le Prophète Muhammad. Sa vie d'après les sources les plus anciennes, de Martin Lings,

- Traductions  du Coran

 

mardi 16 avril 2013

Oeuvres du Cheikh Al Alawi


http://aisa-net.com/





Le Cheikh Al Alawi (date inconnue)






(Éléments d’une bibliographie du Cheikh Al Alawi)


 

LA MER EN EBULLITION : COMMENTAIRE DU CORAN


Comme son nom l’indique, c’est un commentaire du Coran (ou plutôt d’une petite partie : le début) que le Cheikh a commencé vers la fin de sa vie et qu’il a dû interrompre à la suite de la maladie puis du décès. C’est néanmoins un commentaire unique en son genre et il ne semble pas que la méthode suivie par le Cheikh ait été déjà utilisée auparavant. En effet, dans ce commentaire mystique le Cheikh distingue dans chaque verset plusieurs niveaux de significations (généralement quatre) et parfois l’analyse structurale d’un groupe de versets mène à des significations inattendues mais combien évidentes. Nul doute que nous sommes là en présence d’un travail d’une grande originalité et d’une pensée qui, sur bien des points, était bien en avance sur son temps.

 

LA QUINTESSENCE DE LA SOURATE »L’ETOILE »


Très importante chez les Soufis, cette Sourate relate l’ascension du Prophète Sidna Muhammad (sur lui la Prière et la Paix) ; ascension à laquelle aspire tout cheminant mais réalisée par les élus seulement d’entre les rapprochés.
Dans ce commentaire mystique, le Cheikh s’arrête longuement aux notions essentielles de cette sourate telles que « le lotus de la limite », le « grand signe » ou « l’assemblée suprême ». C’est un commentaire qui éclaire bien des points obscurs de cette sourate révélée à la Mekke.


 

LA CLE DES SCIENCES DE L’INTIME OU LA » SOURATE AL’ASR «


Court traité dans lequel le Cheikh traite des principes fondamentaux du bonheur dans ce monde et dans l’autre.
Partant de la sourate « Al’Asr « , le Cheikh distingue quatre principes, à savoir :
- la croyance en Dieu et en Ses Envoyés
- les bonnes actions
- la patience
- se recommander la vérité.


 

DISCOURS AUTORISE SUR LA LEGALITE DU » DHIKR «


Point central dans le Soufisme, le Dhikr du Nom Suprême n’a été abordé, en raison de sa subtilité en même temps que de sa puissance foudroyante, que par certains grands Maîtres. Il est, pour celui qui en détient le secret, la preuve évidente de l’héritage Muhammadien. Le chercheur sincère ne peut s’empêcher de reconnaître là, l’autre perle que le Cheikh Al Alawi nous donne et qui illustre la fécondité de sa pensée, la valeur de son expérience et l’inestimable valeur de son héritage spirituel.
Parus tout d’abord dans la revue » Al Balâgh AI Jazâirî « , ces articles ont été groupés dans un seul ouvrage et auxquels a été ajouté un supplément contenant des témoignages de plusieurs savants de l’Université » Qarawiyîn » du Maroc.


 

RECHERCHES » ALAWIYYA » DANS LA PHILOSOPHIE ISLAMIOUE


En fait, il ne s’agit guère de philosophie, au sens courant du terme.
Cet ouvrage du Cheikh Al Alawi met une lumière à l’honneur, celle du ‘Aql, en montrant son affinité avec les données révélées avec la Parole Divine, avec le Coran généreux et sublime. Et qu’est-ce que le ‘Aql ? C’est cette lumière de l’intelligence proprement humaine, pensée et tous ses attributs. Dans cet ouvrage, le Cheikh fait appel à notre réflexion et nous guide dans l’examen de l’Univers qui nous entoure. Il nous amène à nous questionner sur son origine et sur sa finalité, qui est l’Homme. Et ce qui est extraordinaire, c’est de s’apercevoir alors que le raisonnement sainement conduit à partir de nos propres perceptions immédiates nous amène immanquablement au seuil de la Révélation ; bien plus il attire à nous cette Parole Divine, que nous sommes alors à même d’apprécier à sa juste valeur et d’accepter en toute connaissance de cause. C’est ainsi que l’adhésion pleine et entière à la Loi divine s’inscrit pour nous dans l’équilibre cosmique tout entier. Le Livre de Dieu ne déclare-l-il pas : » Ceux qui sont dans les cieux et ceux qui sont sur la terre se prosternent devant Dieu – ainsi que leurs ombres – de gré ou de force, le matin et le soir » (Coran XIII, 15).
Saluons ce rappel du Cheikh Al Alawi, qui nous ramène aux vérités fondamentales, dont le seul voile jamais ne fut que l’évidence.


 

REPONSES A L’OCCIDENT


Ces dix réponses constituent un document d’une importance capitale.
Elles n’ont jamais été éditées jusqu’à présent, pas même en arabe. Les questions qui sont à l’origine de ce manuscrit avaient été posée au Cheikh Al Alawi en 1924 par M. Tapie, un libraire d’Oran (Algérie), homme cultivé et fin connaisseur de l’islam.
Et cette longue réponse qu’y fait le Cheikh est vraiment un enseignement d’une richesse extraordinaire ; sa valeur pour les occidentaux ne peut être assez appréciée. Car on ne trouve guère de grands Soufis en ce siècle qui aient traité ces sujets. Le Cheikh y a répondu en détail, avec générosité, pourrait-on dire.
Nul doute que tous les chercheurs occidentaux voudront prendre connaissance de ces réponses qui leur sont enfin accessibles après soixante années d’oubli ?


 

DIWAN


Recueil de poèmes mystiques où le Cheikh célèbre la Présence prophétique et l’ivresse de l’Amour Divin dans un style poétique flamboyant.
Il est à noter que l’une des pièces maîtresse de ce recueil est son long poème dit « Lâmiya » (dont la rime se termine par un L) et qui constitue tout un programme pour le disciple qui entreprend le voyage dans la voie de Dieu.
Inspiré de l’émanation de la Présence de l’Unité, ce poème ainsi que d’autres sont un chef-d’oeuvre de spiritualité et d’art poétique.


 
                           Un précieux document archivistique du diwan ( Source: BOUMESBAH Omar )



LA LUMIERE DE PLUS GRANDE CLARTE


« Wa Kullu khillin lahu khalilu »
« Pour tout amant Son intime »
Ainsi s’exprime le Cheikh dans un de ses poèmes.
Dans ces moments de secret, de solitude sereine et paisible, où l’être vit cet état de « miskîn » (nécessiteux spirituel), l’amant a besoin de se retrouver avec le Bien-Aimé.
Le Cheikh AI Alawi, à travers ces confidences secrètes nous fait pénétrer et goûter ces moments. « Al Munâjât » est un petit livre contenant le discours intime ainsi qu’un certain nombre d’aphorismes et de pensées exprimant la sagesse du Cheikh.
L’importance de ces » munâjât » est telle que le Cheikh AI Alawi lui- même conseille aux disciples de les réciter au moins le jeudi soir. Une telle récitation est source de lumières et de dons spirituels pour celui qui s’y adonne.


 

L’ASCENSION DES « SALIKIN » ET LE BUT DES « WASILIN »


C’est le commentaire entrepris par le Cheikh Al Alawi d’un poème de son Maître spirituel Sidi Muhammad Al Bûzîdî. C’est l’une des premières Ouvres du Cheikh dans laquelle il entreprend un commentaire spirituel selon la méthode dite « du goût » (Dhawq).
Il serait peut-être utile de rappeler qu’à travers la lecture de ce commentaire, nous pouvons percevoir en partie, le degré de réalisation auquel le Cheikh Al Alawi était parvenu et cela, dès le vivant de son Maître.


 

L’ARBRE DES SECRETS OU LA PRIERE SUR LE PROPHETE ELU


« Oui, Dieu et Ses Anges bénissent le Prophète.
Ô vous, les croyants !
Priez pour lui et appelez sur lui le Salut » (Coran XXXIII, 56).
Dans cet opuscule, le Cheikh Al Alawi nous donne quelques-unes des significations que comporte la prière sur les prophètes en général et sur le prophète Muhammad en particulier. L’auteur attire l’attention du lecteur et l’incite à découvrir la présence de l’esprit Muhammadien, âme universelle insufflée à Adam, premier chaînon dans le cercle de la Prophétie.


 

SA SAGESSE


Ce petit livre est une quintessence de ce que les Soufis nomment « Ma’rifa », la gnose, la connaissance. C’est un ensemble d’aphorismes tirés de l’œuvre du Cheikh ; et, s’ils sont peu nombreux, la lumière incomparable qu’ils projettent dans notre conscience intime en fait des thèmes de méditation inépuisables. Ils montrent assez quel était le rang spirituel du Cheikh Al Alawi. Tout chercheur de vérité trouvera en chacun de ses aphorismes, s’il sait les interroger avec l’intelligence du cœur, les scruter avec l’œil du connaissant, un joyau qu’il fera sien et qui sera son guide dans une voie riche en mystères mais fertile en pièges. Mais à l’esclave, tout est possible quand tout lui est par son Seigneur et par nul autre. En attendant la prochaine publication en français d’œuvres du Cheikh consacrées à la Voie spirituelle, ce petit livre satisfera la soif du vrai chercheur. Et nous lui souhaitons l’accès vers ce qu’il cherche, s’il plait à Dieu.


LES DONS SANCTIFIES


C’est l’un des meilleurs ouvrages qui aient été écrits sur la religion musulmane d’un point de vue soufi. En effet, il ne s’agit rien de moins que du commentaire ésotérique du dogme et du rituel de la religion musulmane.
Partant de l’exposé versifié de la religion islamique dans ce qu’elle a d’extérieur et de formel fait par Ibn ‘Achir et intitulé « Al Murshid al Mu’in » (le guide qui aide), le Cheikh AI Alawi fait ressortir avec une évidente clarté les implications subtiles et les significations cachées de ce dogme et de ce rituel.
Ce livre constitue un monument de la Bibliographie Soufie à l’époque moderne ; et en tout cas, c’est l’une des meilleures productions de la pensée en Algérie durant la période dite de la « Renaissance culturelle » (nahda).


 

LA SOURCE PURE OU LES REPONSES ET LES LETTRES


« At Ta’bîr ‘alâ hasabi at tanwîr », disent les Soufis. (Les propos de l’être reflètent le degré de son illumination).
Le Cheikh Al Alawi, dans cet ouvrage, répond de la façon la plus spontanée et avec une aisance qui impose admiration et respect auprès d’un auditoire divers qui lui pose des questions. Il dénoue, d’une manière simple et claire à la fois, quelques-uns des sens cachés de versets coraniques, de hadiths, de certaines caresses de Soufis et autres, laissant le soin au lecteur d’apprécier leur contenu.
Il n’en demeure pas moins que ces réponses elles-mêmes constituent une richesse énorme pour qui les médite et constate par là-même que la pensée de cet être exceptionnel et son savoir font qu’il dépasse de loin ses contemporains.


 

COGNITIONS UNIVERSELLES


L’expérience vécue de tout initié a pour aboutissement : » Shuhûd wa ‘ayân » (vision et témoignage vivant).
Témoin de la Vérité, témoin de l’Unicité, ce grand Maître, du vivant de son Cheikh, nous offre ici à travers des considérations d’ordre astronomique et sociologique, une interprétation spirituelle de l’univers.
Partant des connaissances objectives de ce qui est, il nous mène à la connaissance de ce qui doit être, à savoir la nécessité du Tawhîd (Unicité).
S’il est important de connaître la configuration du ciel et la position des astres qui s’y meuvent, il est plus important encore de pouvoir y lire la Sagesse Divine qui préside à toute chose.


 

LE MODELE UNIQUE DE LA PURE UNICITE


Court traité, dans lequel le Cheikh analyse les significations ésotériques du point qui se trouve sous la lettre Ba (B) dans « Bismi L-Lâhi R-Rahmâni R-Rahîm » (Au Nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux).
D’étape en étape, le Cheikh nous amène vers ce point d’où tout émane et où tout converge. Il symbolise en effet la source de la création et de la Manifestation Divine comme seul principe premier et éternel.
Les perles retirées par le Cheikh de ses plongées dans l’océan de l’Unicité sont d’une rare beauté et a nulles autres pareilles.


 

DISCOURS AGREE OU LA THEOLOGIE RATIONNELLE


L’enseignement du Cheikh Al-Alawi comme celui de tout autre maître Soufi étant basé sur le « Tawhîd » ou l’Unicité, ce court traité donne les éléments théoriques essentiels permettant à tout cheminant de réaliser « Lâ llâha Illa L-Lâh » (Il n’y a pas de dieu, si ce n’est Dieu).


 

DISCOURS CONNU OU REFUTATION DE CEUX QUI NIENT LA DOCTRINE « SOUFIE »


Comme son nom l’indique, ce texte est une épître qui vise à réfuter les arguments fallacieux des adversaires du Soufisme. Se référant aux textes les plus authentiques et les plus autorisés, le Cheikh montre également le fondement coranique et traditionnel (c’est-à-dire fondé aussi sur la Sunna et les hadiths du Prophète) de la doctrine Soufie. L’argumentation développée par le Cheikh Al-Alawi se révèle être décisive par sa rigueur et la force de son évidence.


 

TRAITE » ALAWI » DES PRESCRIPTIONS RELIGIEUSES


Traité composé de mille vers environ qui expose le dogme et sa théologie ainsi que les prescriptions relatives au jeûne, au pèlerinage, à l’aumône légale et à d’autres obligations religieuses.
Cet ouvrage nécessaire à tout musulman soucieux de connaître les principes de sa religion se termine en outre par un chapitre spécial sur le Tassawwuf (Soufisme). Le Cheikh y expose la doctrine et les normes à suivre avec la profondeur et la clarté du Maître inspiré.


 

LA MANIFESTATION DES EVIDENCES DANS L’INTRODUCTION DES PRINCIPES


Cette introduction constitue en elle-même une unité complète. Elle fait partie de ces réponses qui, sur le point de paraître, sont un rappel pour l’Occident désireux de découvrir une partie de l’Enseignement de Sidna ‘Isâ (Jésus, sur lui la Prière et la Paix). Il s’agit, dans cette introduction, du problème essentiel de l’humanité, à savoir la nécessité où elle se trouve d’avoir pour guide une Loi Divine. En effet, seule une religion authentique fondée sur l’Unité est capable de montrer le chemin du bonheur dans les deux mondes.
Le livre constitue essentiellement une réfutation des idéologies athées qui prétendent connaître les vérités métaphysiques par la simple raison.


 

LA MANIERE DE L’ANTIMOINE OU LA TRADITION DE METTRE UNE MAIN SUR L’AUTRE AU COURS DE LA PRIERE


Il s’agit d’une réponse faite à un cheikh tunisien qui s’interrogeait sur le bien fondé de cette tradition qui consiste à poser une main sur l’autre au cours de la prière.
Le Cheikh Al Alawi justifie cette position en se référant à des traditions remontant aux compagnons du Prophète et leurs successeurs ainsi qu’aux jugements émis par l’Imam Mâlik sur cette question.


 

LES FLUX VITAUX DE LA SAGESSE


Brillant commentaire des aphorismes (hikam) du grand soufi de Tlemcen, Sidi Abû Madyan Al Ghawth (1126-1197).
La profondeur du commentaire et la clarté de l’expression font de ce livre un chef-d’oeuvre du genre. Il constitue de ce fait un excellent instrument de travail pour le chercheur qui veut enrichir son information concernant la voie Soufie et ses secrets.


 

ELEMENTS EN VUE D’UNE AIDE AU DISCIPLE


Manuel très clair exposant avec simplicité les principes de la religion et surtout les éléments du dogme et de la théologie. Le disciple ou tout débutant dans les études religieuses peut y trouver l’essentiel de ce qu’il faut connaître sur la foi musulmane.


 

LA VOIE DU « TASAWWUF »


Constituant l’intériorité de tout Message et plus particulièrement de l’Islam, le tasawwuf a toujours été et demeure la voie de l’élite. Ceux qui le suivent, vivent le Message dans sa profondeur ; Message transmis par le Prophète Sidna Muhammad (sur lui la Prière et la Paix) l’Islam avec ses trois fondements : – Islam – Imâm – Ihsân.
Le Cheikh Al Alawi nous décrit dans ce traité la voie, sa doctrine, les règles de conduite du disciple ainsi que les qualités que doit avoir le vrai Maître.
Ouvrage précieux pour tous ceux qui, à un titre ou à un autre s’intéressent au Soufisme.