بـــسْم ﭐلله ﭐلرّحْمٰن ﭐلرّحــيــم ﭐللَّهُمَّ صَلِّ عَلَى سَيِّدِنَا مُحَمَّدٍ وَ عَلَى آلِهِ و صحبه وَ سَلِّمْ السلام عليكم و رحمة الله و بركاته
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samedi 25 mars 2017
mardi 30 août 2016
L’âge sombre – René Guénon
http://www.index-rene-guenon.org/
On vit bientôt apparaitre quelque chose dont on n’avait encore eu aucun exemple, et qui devait, par la suite, exercer une influence néfaste sur tout le monde occidental : nous voulons parler de ce mode spécial de pensée qui prit et garda le nom de « philosophie »; et ce point est assez important pour que nous nous y arrêtions quelques instants.
Le mot « philosophie », en lui-même, peut assurément être pris en un sens fort légitime, qui fut sans doute son sens primitif, s’il est vrai que, comme on le prétend, c’est Pytagore qui l’employa le premier : étymologiquement, il ne signifie rien d’autre qu’ »amour de la sagesse »; il désigne donc tout d’abord une disposition préalable requise pour parvenir à la sagesse, et il peut désigner aussi, par une extension toute naturelle, la recherche qui, naissant de cette disposition même, doit conduire à la connaissance. Ce n’est donc qu’un stade préliminaire et préparatoire, un acheminement vers la sagesse, un degré correspondant à un état inférieur à celle-ci; la déviation qui s’est produite ensuite a consisté à prendre ce degré transitoire pour le but même, à prétendre substituer la « philosophie » à la sagesse, ce qui implique l’oubli ou la méconnaissance de la véritable nature de cette dernière. C’est ainsi que prit naissance ce que nous pouvons appeler la philosophie « profane », c’est-à-dire une prétendue sagesse purement humaine, donc d’ordre simplement rationnel, prenant la place de la vraie sagesse traditionnelle, supra-rationnelle et « non-humaine ». [...]
En voulant tout ramener à la mesure de l’homme, pris pour une fin en lui-même, on a fini par descendre, d’étape en étape, au niveau de ce qu’il y a en celui-ci de plus inférieur, et par ne plus guère chercher que la satisfaction des besoins inhérents au côté matériel de sa nature, recherche bien illusoire, du reste, car elle crée toujours plus de besoins artificiels qu’elle n’en peut satisfaire.
Le monde moderne ira-t-il jusqu’au bas de cette pente fatale, ou bien, comme il est arrivé à la décadence du monde gréco-latin, un nouveau redressement se produira-t-il, cette fois encore, avant qu’il n’ait atteint le fond de l’abîme où il est entraîné ? Il semble bien qu’un arrêt à mi-chemin ne soit plus guère possible, et que, d’après toutes les indications fournies par les doctrines traditionnelles, nous soyons entrés vraiment dans la phase finale du Kali-Yuga, dans la période la plus sombre de cet « âge sombre », dans cet état de dissolution dont il n’est plus possible de sortir que par un cataclysme, car ce n’est plus un simple redressement qui est alors nécessaire, mais une rénovation totale. Le désordre et la confusion règnent dans tous les domaines; ils ont été portés à un point qui dépasse de loin tout ce qu’on avait vu précédemment, et, partis de l’Occident, ils menacent maintenant d’envahir le monde tout entier. [1]
Ce n’est guère qu’au XIXe siècle qu’on a vu des hommes se faire gloire de leur ignorance, car se proclamer « agnostique » n’est point autre chose que cela, et prétendre interdire à tous la connaissance de ce qu’ils ignoraient eux-même ; et cela marquait une étape de plus dans la déchéance intellectuelle de l’Occident.
En voulant séparer radicalement les sciences de tout principe supérieur sous prétexte d’assurer leur indépendance, la conception moderne leur enlève toute signification profonde et même tout intérêt véritable au point de vue de la connaissance, et elle ne peut aboutir qu’à une impasse, puisqu’elle les enferme dans un domaine irrémédiablement borné.
C’est pourquoi la « science profane », celle des modernes, peut à juste titre, ainsi que nous l’avons déjà dit ailleurs, être regardée comme un « savoir ignorant » : savoir d’ordre inférieur, qui se tient tout entier au niveau de la plus basse réalité, et savoir ignorant de tout ce qui le dépasse, ignorant de toute fin supérieure à lui-même, comme de tout principe qui pourrait lui assurer une place légitime, si humble soit-elle, parmi les divers ordres de la connaissance intégrale ; enfermée irrémédiablement dans le domaine relatif et borné où elle a voulu se proclamer indépendante, ayant ainsi coupé elle-même toute communication avec la vérité transcendante et avec la connaissance suprême, ce n’est plus qu’une science vaine et illusoire, qui, à vrai dire, ne vient de rien et ne conduit à rien.
Cet exposé permettra de comprendre tout ce qui manque au monde moderne sous le rapport de la science, et comment cette même science dont il est si fier ne représente qu’une simple déviation et comme un déchet de la science véritable, qui, pour nous, s’identifie entièrement à ce que nous avons appelé la « science sacrée » ou la « science traditionnelle ». La science moderne, procédant d’une limitation arbitraire de la connaissance à un certain ordre particulier, et qui est le plus inférieur de tous, celui de la réalité matérielle ou sensible, a perdu, du fait de cette limitation et des conséquences qu’elle entraîne immédiatement, toute valeur intellectuelle, du moins si l’on donne à l’intellectualité la plénitude de son vrai sens, si l’on se refuse à partager l’erreur « rationaliste », c’est-à-dire à assimiler l’intelligence pure à la raison, ou, ce qui revient au même, à nier l’intuition intellectuelle. Ce qui est au fond de cette erreur, comme d’une grande partie des autres erreurs modernes, ce qui est à la racine même de toute la déviation de la science telle que nous venons de l’expliquer, c’est ce qu’on peut appeler « l’individualisme », qui ne fait qu’un avec l’esprit antitraditionnel lui-même, et dont les manifestations multiples, dans tous les domaines, constituent un des facteurs les plus importants du désordre de notre époque ; c’est cet « individualisme » que nous devons maintenant examiner de plus près. [2]
[1] L’âge sombre. Extrait de La Crise Du Monde Moderne.
[2] Science sacrée & Science profane. Extrait de La Crise Du Monde Moderne.
jeudi 9 janvier 2014
Correspondance avec Goffredo Pistoni (1949-1950) - René Guénon
Le Caire, 19 juin 1949
Cher Monsieur,
Je viens de recevoir votre lettre du 9 juin ; entre
temps, M. Rocco m’avait dit aussi que vous étiez allé récemment le voir à
Naples ; je suis heureux que vous ayez fait sa connaissance directement, car il
pourra certainement vous donner des informations sur beaucoup de choses.
Parmi ceux de mes livres que vous voudriez avoir
maintenant, il y en a plusieurs qui sont épuisés, et il paraît qu’il est
impossible de les trouver actuellement ; mais « Orient et Occident », «
Autorité spirituelle » (dont M. Rocco termine en ce moment la traduction) et
les « États multiples de l’être » ont été réédités l’année dernière, et le «
Symbolisme de la Croix » doit l’être prochainement ; quant à la « Grande Triade
», qui est le dernier ouvrage paru, elle existe encore. Pour se procurer tous
mes livres, le mieux est de s’adresser toujours à la librairie Chacornac, qui a
un dépôt de ceux qui ont paru chez différents éditeurs ; il est en effet
beaucoup plus simple de n’avoir affaire ainsi qu’à une seule librairie.
Je ne peux qu’approuver tout à fait ce que vous dites
pour la pratique de l’exotérisme catholique, car j’ai moi-même insisté sur la
nécessité d’un exotérisme traditionnel, aussi bien pour ceux qui veulent aller
plus loin que pour les autres. Le seul inconvénient dans ce cas, c’est que le
Catholicisme, du moins dans son état actuel, ne semble laisser aucune porte
ouverte, si l’on peut dire, sur l’ésotérisme et l’initiation. –
L’interprétation que vous envisagez d’autre part à propos du Catholicisme serait
justifiée si ce mot pouvait être pris dans son sens étymologique, puisque
celui-ci exprime une idée d’universalité ; mais, en fait, ce qui porte ce nom
de Catholicisme est tout autre chose : ce n’est bien qu’une forme particulière
de tradition, et qui de plus se limite strictement au point de vue exotérique.
Du reste, il n’y a qu’à voir de quel exclusivisme ses représentants font preuve
à l’égard des autres traditions ; je ne crois pas que, sauf dans le Judaïsme,
on puisse le trouver ailleurs à un degré aussi accentué. – Je ne voudrais
certainement pas me substituer à M. Schuon pour l’interprétation de ce qu’il a
écrit, surtout en ce qui concerne le Christianisme, qui soulève souvent bien
des questions difficiles et plus ou moins obscures ; mais, pour ce qui est du
passage que vous citez, il me semble que c’est très clair et qu’il n’y a pas à
y chercher autre chose que ce qu’il exprime formellement et qui s’applique à
toutes les formes d’exotérisme traditionnel, aussi bien au Catholicisme qu’aux
autres. J’ajoute que le cas du Catholicisme est loin d’être le seul exemple
d’un mot que l’usage qui en a été fait a complètement détourné de sa
signification originelle, de telle sorte qu’il n’est plus possible de revenir à
celle-ci. – Je ne crois pas qu’on puisse dire que M. Schuon connaisse mieux le
christianisme orthodoxe ; mais la vérité est qu’il pense, et avec raison
d’après tout ce que j’ai pu en savoir, qu’il s’y est conservé jusqu’à
maintenant certaines choses dont l’équivalent a cessé depuis longtemps d’exister
dans l’Église latine.
Croyez, je vous prie, cher Monsieur, à mes sentiments
les meilleurs.
René Guénon
Le Caire, 24 juillet 1949
Cher Monsieur,
Vos deux lettres me sont arrivées presque en même
temps, et je m’excuse de n’avoir pu y répondre tout de suite ; j’ai beaucoup de
correspondance en retard en ce moment, et il ne m’est pas toujours facile de la
tenir à jour comme je le voudrais, car le temps me fait trop souvent défaut
pour arriver à tout.
Il me serait malheureusement bien difficile de vous donner
un avis sur les considérations que vous exposez dans votre lettre à M. Schuon,
et cela pour deux raisons principales, dont la première est que, comme je crois
vous l’avoir déjà dit, il ne m’appartient pas de répondre à des questions
posées au sujet de ce qui a été écrit par quelqu’un d’autre, et que, ne sachant
pas exactement ce que M. Schuon lui-même pourra en penser, il ne m’est vraiment
pas possible de me substituer en quelque sorte à lui en l’occurrence, ou de
vous donner une réponse qui risquerait peut-être de ne pas concorder
entièrement avec la sienne, faute de voir assez nettement sur quels points
précis portent les objections soulevées par vous. La seconde raison est
celle-ci : je dois dire que ces considérations, en elles-mêmes, ne me paraissent
pas entièrement claires, peut-être en partie parce qu’elles se rapportent à un
point de vue que je n’ai pas l’habitude d’envisager, mais sans doute aussi
parce qu’il y a réellement dans le Christianisme, et surtout en ce qui concerne
son caractère original, quelque chose qui est très obscure et difficile à
préciser, et qui semble même bien avoir été obscurci intentionnellement ; vous
avez d’ailleurs dû remarquer que, quand il m’est arrivé d’avoir à toucher
quelque peu à ces questions, je ne l’ai jamais fait qu’avec la plus grande
réserve. S’il ne paraît pas douteux que le Christianisme original avait surtout
le caractère d’un ésotérisme, il n’en est pas moins certain qu’il les a perdus
très tôt, quelles qu’en aient été les raisons, et qu’il est arrivé à les perdre
si complètement que le Catholicisme notamment, dans son état actuel, est
l’exotérisme le plus rigide et le plus exclusive qu’on puisse concevoir, à tel
point que ses représentants nient expressément l’existence même de tout
ésotérisme, ce dont il n’y a peut-être d’exemple dans aucune autre tradition
(les Juifs mêmes ne nient pas la Kabbale, même quand ils reconnaissent n’y rien
comprendre ou ne pas vouloir s’en occuper). Bien entendu, cela n’empêche pas le
sens profond et ésotérique d’exister, mais il est entièrement en dehors du
domaine dans lequel la religion chrétienne comme telle entend se renfermer
volontairement ou involontairement, et sa forme occidentale plus exclusivement
encore que ses formes orientales, qui laissent toujours au moins une
possibilité de dépasser le point de vue exotérique, ce que le Catholicisme
actuel ne veut au contraire admettre en aucune façon.
Quant à la distinction entre l’exotérisme et
l’ésotérisme, ce que vous dites dans votre dernière lettre me paraît juste en
un certain sens, mais on peut aussi marquer plus nettement leur différence à la
fois par leur domaine et par leur but : le domaine de l’exotérisme est toujours
celui de l’individualité humaine (avec ses prolongements indéfinis), tandis
que, pour l’ésotérisme, il s’agit au contraire essentiellement de dépasser
celle-ci, alors même qu’il la prend comme un point de départ et un support
nécessaire ; le but de l’exotérisme est le « salut » (état encore individuel),
tandis que le but ultime de l’ésotérisme est la « Délivrance » ou l’« Identité
Suprême », c’est-à-dire l’état absolument inconditionné.
La question des rapports du Judaïsme et du
Christianisme est certainement beaucoup plus complexe que vous l’envisagez, car
cela n’expliquerait pas l’existence persistante de la tradition judaïque
jusqu’à nos jours, qui pourtant doit bien avoir aussi sa raison d’être ; mais
c’est à un sujet qui nous entraînerait sans doute bien loin…
Je regrette de ne pas pouvoir vous donner plus
complètement satisfaction pour cette fois, et je vous prie, cher Monsieur, de
croire à mes sentiments les meilleurs.
René Guénon
Le Caire, 5 septembre 1949
Cher Monsieur,
Il a déjà quelque temps que j’ai reçu votre lettre du 8
août, et je m’excuse de n’avoir pu y répondre plus tôt ; j’ai tant de
correspondance que j’ai souvent bien de la peine à la tenir à peu près à jour.
Vous avez certainement raison de vouloir approfondir le
plus possible l’étude de la tradition catholique, puisque c’est la vôtre ; mais
malheureusement, pour ce qui est de trouver dans le Catholicisme, tel qu’il est
actuellement en fait, une possibilité effective de dépasser l’exotérisme, c’est
là une chose qui me paraît extrêmement douteuse, pour ne pas dire plus…
L’objection soulevée par votre ami contre la nécessité
d’un rattachement initiatique régulier, du moins dans certains cas, montre
seulement chez lui une incompréhension des lois cycliques et des conditions qui
en résultent. Tant que dure le Kali-Yuga (et il est bien évident que nous y
sommes encore), la « descente » se continue, et même d’une façon de plus en
plus accentuée et rapide, jusqu’à la catastrophe finale. Le retour aux origines
se produit, par une sorte de « retournement » instantané, au début même du
cycle suivant, et non pas d’une façon graduelle au cours du cycle actuel. La
possibilité dont il s’agit n’existe donc pas dans les dernières périodes de
celui-ci, et même la simple qualification pour l’initiation y devient toujours
de plus en plus rare ; c’est là toute la réponse à cet argument.
Je suis étonné que vous n’ayez eu aucune réponse au
sujet des livres et des revues, mais, si vous êtes allé dernièrement à Paris
comme vous vous le proposiez, j’espère que vous aurez pu y trouver sans
difficulté tout ce que vous vouliez avoir.
Croyez, je vous en prie, cher Monsieur, à mes
sentiments les meilleurs.
René Guénon
Le Caire, 22 septembre 1949
Cher Monsieur,
J’ai bien reçu, dès la semaine dernière, votre lettre
du 12 septembre. – Je pense, d’après ce que vous me dites, que vous avez bien
compris que l’argument de votre ami n’était pas valable, par là même que nous
sommes toujours dans le Kali-Yuga et que, tant qu’il durera, l’obscuration
spirituelle ne peut qu’aller en
augmentant encore. Il va de soi que, par là même, les initiés (je veux dire
naturellement les initiés effectifs) seront toujours de moins en moins
nombreux, ainsi que vous le dites ; mais je ne comprends pas pourquoi certains,
tout en étant vraiment qualifiés, se trouveraient en fait, même dans les
circonstances les plus défavorables, dans l’impossibilité de recevoir
l’initiation dans quelqu’une des formes traditionnelles où elle existe encore…
Quant à trouver dans le Catholicisme un moyen pour
dépasser l’exotérisme, il faudrait pour cela qu’il existe une initiation
prenant pour base cette forme exotérique qu’est le Catholicisme lui-même ; cela
n’a évidemment rien d’impossible en principe, et il y en a sûrement eu au moyen
âge, mais malheureusement je doute fort qu’il en existe encore actuellement, ou
alors elles sont tellement cachées et limitées à un nombre de membres si
restreints qu’elles sont pratiquement inaccessibles ; ce n’est là qu’une
situation de fait, bien entendu, mais on n’est est pas moins obligé d’en tenir
compte.
Je ne vois pas du tout pourquoi ni comment la
difficulté ne commencerait qu’en ce qui concerne les « grands mystères », car
ne peut aborder ceux-ci que celui qui a tout d’abord parcouru entièrement la
voie des « petits mystères ». L’« état primordial » est la perfection et le
terme des « petits mystères », et il me paraît bien évident que, avant d’y
parvenir (et de passer de là aux « grands mystères »), il faut nécessairement
être passé par les degrés précédents, et, tout d’abord et avant tout, avoir
reçu la première initiation donnant l’entrée au domaine des « petits mystères
». Je ne vois donc pas comment une question se rapportant à l’« état primordial
» pourrait se poser pour quelqu’un qui n’a même pas encore reçu cette première
initiation, ni quel intérêt elle pourrait présenter dans ces conditions, car,
en cela comme en toutes choses, on ne peut pas prétendre commencer par la fin.
Je regrette que mes réponses ne soient sans doute pas
aussi satisfaisantes que vous l’auriez souhaité, et je vous prie, cher
Monsieur, de croire à mes sentiments les meilleures.
René Guénon
Le Caire, 29 septembre 1949
Cher Monsieur,
J’ai reçu votre lettre du 17 septembre peu après avoir
répondu à la précédente, et vous verrez que précisément j’avais été assez
étonné de la phrase sur laquelle vous revenez. Je vous remercie des
explications que vous me donnez à ce sujet, mais je dois dire franchement
qu’elles me paraissent bien loin d’être entièrement claires. – Je remarque
d’abord que, quand vous parlez des « traditions de famille, de race, etc. »,
vous employez ce mot de tradition dans un sens qu’on lui donne en effet souvent
dans le langage courant, mais que je me refuse absolument à accepter ; pour
nous, en effet, comme je l’ai souvent expliqué, ce nom ne peut être donné
légitimement qu’à ce qui est essentiellement caractérisé par la présence d’un
élément supra-humain, ce qui évidemment n’est pas le cas ici. – D’autre part,
tout ce que vous dites de l’intégration d’éléments traditionnels, même dans la
mesure où il s’agit réellement de tradition religieuse, reste entièrement dans
les limites du domaine exotérique et n’a par conséquent absolument rien de
commun avec les « petits mystères ».
Il est possible qu’on arrive par là, dans le cas le
plus favorable, à obtenir certains états « mystiques » ou quelque chose de
comparable à ceux-ci, mais non pas, très certainement, la restauration de l’«
état primordial ». Il est d’ailleurs à craindre que, en fait, les résultats ne soient
le plus souvent que d’ordre psychologique ou « subjectif », c’est-à-dire tout à
fait inexistants et illusoires au point de vue d’une réalisation quelconque. –
Il y a sûrement dans tout cela bien autre chose que de simples questions de
terminologie ; au fond, j’y vois surtout une confusion entre l’exotérisme et
l’ésotérisme, qu’il faudrait que vous vous attachiez avant tout à dissiper pour
que nous puissions arriver à mieux nous comprendre…
Croyez, je vous prie, cher Monsieur, à mes sentiments
les meilleurs.
René Guénon
Le Caire, 8 novembre 1949
Cher Monsieur,
J’ai reçu votre lettre du 25 octobre ; je vois que vous
n’avez pas réalisé votre projet d’aller à Paris, mais il faut espérer que, sans
avoir besoin de faire ce voyage, vous allez pouvoir vous faire envoyer ceux de
mes livres qui vous manquent, ou du moins ceux qu’il est possible de se
procurer actuellement, car il y en a qui sont épuisés et qui n’ont pas encore
été réédités.
Je comprends bien que les questions dont vous m’aviez
parlé demandent de la réflexion et de la méditation, et il n’est pas étonnant qu’il
y ait dans tout cela des choses qui ne vous paraissent pas encore parfaitement
claires. – Bien que vous ne me demandiez pas de réponse cette fois, il y a
cependant un ou deux points sur lesquels je voudrais appeler votre attention.
D’abord, pour le sens qu’on donne communément au mot « tradition », et
notamment, quand on parle de « traditions de famille, de race, etc. », comme
vous le faisiez dans une précédente lettre, il me paraît bien douteux que ce
qu’on a en vue puisse être considéré comme représentant des restes même
dégénérés de la véritable tradition ; ce sont plutôt de simples « coutumes »,
c’est-à-dire quelque chose de purement humain et qui n’a jamais été rien de
plus que cela. Les restes ou les « dépouilles » de la tradition sont ce que désigne
proprement le mot de « superstition » entendu dans son sens étymologique, et
c’est là quelque chose de tout à fait différent. – D’autre part, il est vrai
qu’il faut, d’une certain façon, traverser le domaine psychique pour aller
au-delà ; mais cela ne peut pas être considéré réellement comme une préparation
en vue d’atteindre le spirituel, mais seulement comme une chose inévitable en
fait, et en tout cas il est dangereux de s’y arrêter. Il faut au contraire
viser constamment au-delà, sans se laisser détourner de la voie qui doit
conduire au spirituel ; ce n’est qu’ensuite qu’on pourra aborder le psychique
par en haut et y redescendre sans avoir plus aucun danger à en redouter, si
toutefois cela présente encore un intérêt
pour des raisons quelconques.
Croyez, je vous prie, cher Monsieur, à mes sentiments
les meilleurs.
René Guénon
Le Caire, 12 février 1950
Cher Monsieur,
Je viens de recevoir votre lettre du 2 février ; je
comprends bien que votre mariage et votre nouvelle installation n’ont guère dû
vous permettre d’écrire ni d’étudier tous ces temps-ci, mais du moins est-ce là
un empêchement qui n’est dû qu’à d’heureuses circonstances ! – Je vois qu’en
somme on peut vous écrire indifféremment à l’une ou à l’autre des deux adresses
indiquées ; naturellement, je ne savais pas que vous gardiez l’ancienne pour
votre bureau.
Je suis content d’apprendre que vous avez enfin pu recevoir
de Paris quelques-uns de mes livres, et aussi plusieurs années des « E. T. » ;
celles-ci doivent être probablement les seules qui ne sont pas encore
complètement épuisées.
Pour ce qui est de mes articles sur « Christianisme et
Initiation », qui ont en effet eu un certain rapport avec les questions dont
nous avons parlé précédemment, signalez-moi, quand vous aurez retrouvé un peu
plus de calme, ce qui vous paraîtra avoir besoin d’éclaircissements ; je vous
les donnerai bien volontiers dans la mesure où je le pourrai. Je dois
d’ailleurs dire franchement qu’il y a là-dedans bien des points qui restent
obscurs malgré tout et sur lesquels il serait bien difficile d’apporter des
affirmations précises (par exemple les changements qui se sont produits à certaines
époques dans le rituel des sacrements, car on ne sait pas exactement ce
qu’était celui-ci dans le Christianisme primitif, et il y a bien d’autres
choses sur lesquelles on n’est pas mieux informé). Ce qui est même singulier,
c’est que plus on cherche à examiner tout cela de près, plus on y découvre des
complications et des difficultés inattendues, de sorte qu’il est bien douteux
que tout puisse jamais être complètement élucidé… C’est pourquoi j’ai hésité
longtemps avant d’écrire ces articles, et je ne m’y suis décidé que parce que
je m’y suis trouvé en quelque sorte obligé par les questions et les réflexions
de nombreux correspondants ; je ne sais pas encore s’il y aura lieu de revenir
sur ce sujet un peu plus tard, et cela dépendra sans doute surtout de ce que
pourront me communiquer des personne qui sont mieux placées que moi pour faire
certaines recherches, pour lesquelles il faudrait d’ailleurs pouvoir disposer
de beaucoup de temps.
Veuillez, je vous prie, présenter mes respects à Madame
Pistoni, et croire à mes sentiments les meilleurs.
René Guénon
Le Caire, 26 mars 1950
Cher Monsieur,
Il y a déjà assez longtemps que j’ai reçu votre lettre
du 14 février, mais cette fois il ne m’a pas été possible d’y répondre plus
tôt, ayant été continuellement pris ces temps-ci par diverses choses urgentes.
– J’ai été heureux de savoir que votre santé s’était améliorée, et je veux
croire que depuis ce temps vous êtes complètement rétabli.
Ce que j’ai dit dans mes articles au sujet de la
permanence du caractère initiatique dans les rites répondait directement à une
objection qui avait été présentée sous cette forme par un de mes
correspondants. Il est bien entendu que ce n’est là qu’un côté de la question ;
mais, d’autre part, je dois vous faire remarquer que je n’ai pas dit que le
caractère original du Christianisme avait été « perdu », puisqu’il s’agit d’un
changement qui, en raison des conditions du monde occidental, présentait un
caractère nettement providentiel. Pour que des initiés transmettent ce qu’ils
ont reçu, il faut évidemment qu’ils en aient l’intention (et cela même dans le
cas où il s’agit de simples initiés virtuels n’ayant pas clairement conscience
de la véritable nature de ce dont il s’agit) ; les initiés chrétiens ont très
bien pu, à partir d’un certain moment, cesser d’avoir cette intention, et cela
par leur propre initiative, puisqu’il y a eu là une action providentielle,
mais, suivant le langage de la tradition chrétienne, sous l’inspiration du
Saint-Esprit. Il n’est d’ailleurs pas prouvé que les rites eux-mêmes n’aient
pas subi alors certaines modifications plus ou moins importantes ; c’est là une
question très difficile à résoudre d’une façon précise, mais il y a tout au
moins des indices que de telles modifications se sont produites en fait au
cours des premiers siècles du Christianisme. – J’ajouterai à ce propos que la
cessation voulue d’une transmission initiatique n’est pas une chose absolument
exceptionnelle ; actuellement, certaines initiations sont précisément sur le
point de s’éteindre par suite d’une décision de ne plus les transmettre à
personne, pour des raisons qui sont en rapport avec les conditions de la
période cyclique où nous sommes ; j’en connais notamment un cas ici même chez
les Coptes.
Entre l’« extériorisation » du Christianisme, ou ce
qu’on pourrait appeler sa « descente » dans le domaine exotérique, et
l’apparition du mysticisme, il s’est écoulé un assez grand nombre de siècles,
de sorte que la question que vous envisagez à ce sujet ne peut pas se poser
réellement.
L’être qui a obtenu le « salut » n’a rien réalisé
effectivement ; il a seulement acquis une virtualité qui lui permettra
d’arriver à une certaine réalisation dans le cours de ses états posthumes ;
cette réalisation, se situant dans les prolongements de l’état humain, doit
naturellement aboutir à l’« état primordial », mais elle peut être différée
jusqu’à la fin du cycle actuel.
La « divinification », pour reprendre l’expression que
vous employez, implique nécessairement la sortie du Cosmos (c’est-à-dire du
monde manifesté) ; elle ne peut donc pas consister dans une harmonisation avec
le rythme cosmique, et celle-ci ne peut être dans tous les cas qu’une simple
étape préparatoire. – Par ailleurs, ce que vous dites au sujet de la présence
d’êtres ayant en quelque sorte pour fonction de « restaurer l’équilibre » est
certainement juste, et j’ajouterai même que, s’il n’y en avait pas constamment,
le monde finirait aussitôt. Suivant la tradition islamique, il y a un tel être
qui, chaque année, prend sur lui-même les trois quarts des maux qui doivent
survenir en ce monde…
Croyez, je vous prie, cher Monsieur, à mes sentiments
les meilleurs.
René Guénon
Le Caire, 9 mai 1950
Cher Monsieur,
J’ai reçu depuis une semaine déjà votre lettre du 17
avril, mais je n’ai pas pu arriver jusqu’ici à trouver quelques instants pour y
répondre. – Au sujet des remarques faites par votre ami, je suis bien d’accord
avec lui pour penser que l’initiation est plus nécessaire que jamais, mais à la
condition d’ajouter : pour ceux qui sont réellement qualifiés pour la recevoir
; or c’est un fait que ceux-là sont de moins en moins nombreux, et c’est
pourquoi il est naturel que les organisations initiatiques se ferment de plus
en plus, surtout si l’on songe que celles qui sont demeurées trop facilement
accessibles ont subi par là même une certain dégénérescence plus ou moins
accentuée suivant les cas. D’un autre côté, s’il est possible maintenant
d’exposer certaines choses plus facilement qu’en d’autres temps, c’est parce
qu’autrefois elles auraient pu être mal comprises par beaucoup, tandis
qu’aujourd’hui elles risquent seulement de n’est pas comprises du tout, ce qui
est beaucoup moins grave et moins dangereux, puisque la plupart des gens n’y
font aucune attention et qu’elles sont pour eux comme si elles n’existaient pas
; il est donc tout à fait erroné de parler en cela de « divulgation », ces
choses étant au contraire exclusivement destinées à servir d’indications au
très petit nombre de ceux qui sont encore capable d’en profiter ; il n’y a donc
là rien de contradictoire en réalité. – Puisque le nom de J. Evola a été
mentionné incidemment, vous savez sans doute que, malgré l’intérêt
incontestable de ses travaux, j’ai toujours été obligé de faire de très
sérieuses réserves sur certains points qui, chez lui, ne sont pas en accord
avec l’orthodoxie traditionnelle.
Pour en venir à votre propre question, il n’est
aucunement douteux qu’il y a eu un ésotérisme spécifiquement chrétien pendant
tout le moyen âge (il se peut même qu’il en existe encore des vestiges, surtout
dans les Églises orientales ; vous avez tout à fait raison de citer à cet égard
Maître Eckhart, et il y en a d’autres qu’on a tort aussi de prendre aujourd’hui
pour des « mystiques ». Cette coexistence de l’exotérisme et de l’ésotérisme
dans une forme traditionnelle est parfaitement normale, et on en a un autre
exemple dans le cas de l’Islam ; ce qui n’est pas normal, c’est la négation de
l’ésotérisme de la part des représentants de l’exotérisme… Mais je vois qu’il y
a lieu de dissiper une confusion : le but de l’ésotérisme est bien de conduire
au-delà de toutes les formes (but qui au contraire n’est pas et ne peut pas
être celui de l’exotérisme) ; mais l’ésotérisme lui-même n’est pas au-delà des
formes, car, s’il l’était, on ne pourrait évidemment pas parler d’ésotérisme
chrétien, d’ésotérisme islamique, etc. ; du reste, l’existence même de rites
initiatiques en est aussi une preuve suffisante. Comme ceci modifie forcément
les considérations de la fin de votre lettre, je n’y insiste pas davantage, car
il sera préférable que vous repreniez la question en en tenant compte.
Croyez, je vous prie, cher Monsieur, à mes sentiments
les meilleurs.
René Guénon
Le Caire, 25 juillet 1950
Cher Monsieur,
Vos 3 lettres des 7, 14 et 19 juin me sont parvenues il
y a quelques temps à peu d’intervalle, mais non pas dans l’ordre de leurs
dates, car c’est même la première que j’ai reçue en dernier lieu. Il faut dire
qu’y a eu tous ces temps-ci dans les courriers un désordre extraordinaire et
tout à fait inexplicable : des lettres envoyées par avion sont restées jusqu’à
2 et 3 mois en route, et j’ai fini par en recevoir en une seule fois une
cinquantaine qu’on aurait pu croire perdues ; je ne suis pas encore arrivé à
remettre à jour toute cette correspondance arriérée…
Pour l’objection faire par votre ami à propos de «
vulgarisation » ou de « divulgation », je vois que vous et moi sommes bien
d’accord ; il me semble que, quand il parle d’une si grande quantité de gens
qui aujourd’hui s’intéressent à l’ésotérisme, il fait une confusion, car, en
réalité, la plupart de ces gens ne sont attirés que par des caricatures ou des
contrefaçons de l’ésotérisme, qui sont tout à fait dans leurs goûts et à leur
portée, tandis que, si on leur présente le véritable ésotérisme, ils sont bien
incapables d’y comprendre quoi que ce soit. La multiplication des
pseudo-ésotérismes à notre époque est d’ailleurs aussi une des raisons pour
lesquelles il convient de présenter certaines notions traditionnelles
authentiques, pour éviter à ceux qui méritent mieux, si peu nombreux qu’ils
soient, de se laisser tromper et égarer par toutes ces choses ; et, si ces
notions sont exposées telles qu’elles sont et sans déformation ni
simplification abusive, comme il n’est pas dans leur nature d’être « à la
portée de tout le monde », on ne peut pas parler en cela de « vulgarisation ».
Ce n’est pas parce qu’une chose est mise sous les yeux de tous qu’elle en est
mieux comprise ; les anciens hermétistes usaient même parfois volontairement,
dans leurs écrits, d’un procédé qui consistait à mettre précisément en évidence
ce qu’ils se proposaient de dissimuler plus particulièrement… D’un autre côté,
si au moyen âge il n’y avait pas besoin de donner certaines indications par
écrit, c’est que ceux qui cherchaient et qui étaient réellement qualifiés
pouvaient trouver, en Occident même, des organisations initiatiques répondant à
leurs aspirations, mais il n’en est plus de même aujourd’hui. Quant au
Christianisme actuel, il serait assurément à souhaiter que votre ami ne se
trompe pas, mais je crois qu’il se fait bien des illusions ; du reste, je ne
vois pas plus que vous ce que pourrait signifier une « reconstruction » de
l’ésotérisme s’il y avait une initiation chrétienne encore vivante, celle-ci
devant, par définition même, avoir conservé cet ésotérisme intact.
Pour ce qui est de votre propre question, il doit être
bien entendu que la constitution du Christianisme en exotérisme n’a pas eu pour
effet de faire disparaître l’ésotérisme, qui s’est au contraire maintenu encore
pendant bien des siècles avec des organisations correspondantes, bien que
l’Église extérieure n’ait pu que l’ignorer « officiellement », puisque ce sont
là des choses qui ne relèvent pas de son domaine, celui-ci étant exclusivement
celui de l’exotérisme. Quant aux « lueurs » d’intuition dont vous parlez, en
dehors de toute transmission régulière, je suis bien loin de les contester,
mais je ne pense pas qu’elles puissent jamais cesser d’être fragmentaires et
dispersées, ni par conséquent remplacer l’initiation ; tant qu’on reste dans le
seul exotérisme, il ne peut pas y avoir plus que cela ; en outre, ce sont
toujours des cas d’exception, dont on ne peut pas faire une règle, et parmi
lesquels personne n’est en droit de penser qu’il pourra se trouver lui-même,
car il n’y a là rien de volontaire.
Pour en revenir à votre ami, au sujet de ce que vous me
citez de lui dans votre 2e lettre, il n’y a en somme pas grand’chose à ajouter,
car il revient beaucoup sur les mêmes choses ; je ne peux que maintenir qu’il
n’y a pas de « divulgation », et je me demande ce que peut bien être cette «
avalanche de publications » dont il parle, car je n’en vois au contraire qu’un
nombre infime qui aient réellement une valeur traditionnelle. Il est d’ailleurs
évident que, par la marche même du cycle, les initiables doivent être toujours
de moins en moins nombreux, et cela jusqu’à la fin même du Kali-Yuga, car c’est
alors seulement que la « descente » sera achevée (il faut bien comprendre que
la remontée, pour rejoindre l’origine, ne s’effectue que par un « retournement
» soudain et non pas graduellement). Je ne m’explique pas ce qu’il peut trouver
qui ne soit pas suffisamment clair dans tout cela ; s’il ne comprend pas mes
explications, je n’y peux véritablement rien… – Ce que je viens de dire répond
déjà en partie aux questions que vous avez ajoutées vous-même ; par ailleurs,
il est possible que, comme vous le dites, la nécessité d’« anticiper » soit en
un certain sens moindre vers la fin du cycle, mais il ne faut pas oublier qu’il
y a aussi une autre nécessité, celle que quelques-uns au moins gardent jusqu’au
bout le dépôt intégral de la tradition pour la transmettre au cycle futur. Ce
que je ne comprends pas bien, c’est que vous pensiez que l’exotérisme soit
préférable dans certains cas à l’ésotérisme, car ce n’est pas du même ordre, et
vous paraissez envisager par là une voie ésotérique en dehors des organisations
initiatiques, tandis qu’il ne peut s’agit alors que d’une simple étude théorique
dont je ne vois pas le danger. Enfin, il est bien entendu que tout exotérisme a
forcément un côté « social » (cela n’est pas propre au seul Christianisme), et
on peut dire en effet que cela explique en partie ses limitations.
Je vous remercie de m’avoir communiqué aussi dans votre
3e lettre, les nouvelles précisions données par votre ami ; naturellement, cela
ne change rien à ce que j’ai déjà dit, malgré la distinction qu’il cherche à
faire entre différents types d’initiation ; les « qualifications » initiatiques
sont d’ailleurs tout autre chose que les « qualités » profanes avec lesquelles
il semble avoir tendance à les confondre. J’ajoute seulement que certaines
similitudes extérieures entre le langage des mystiques et la terminologie
initiatique ne doit pas faire illusion ; les mêmes mots, comme celui d’« union
» par exemple, ne sont aucunement pris dans le même sens, et je crois
d’ailleurs l’avoir signalé en diverses occasions.
Croyez, je vous prie, cher Monsieur, à mes sentiments
les meilleurs.
René Guénon
vendredi 27 décembre 2013
En attendant l'heure de la puissance des ténèbres - Denys Roman
* Ce
texte a été publié dans la revue « Vers la Tradition », n° 11-12 de juil.-août-sept.-oct.
1984.
Durant
les années qui suivirent la libération de la France, certains lecteurs de René
Guénon, qui avaient retrouvé avec joie la publication régulière de ses articles
et de ses chroniques, se plaignaient parfois (entre eux) de ce que le Maître se
laissât trop souvent aller à discuter sur « des détails de symbolisme», au lieu
de traiter de la seule chose qui importe vraiment : la réalisation
métaphysique.
Un
tel« reproche » - l'avouerons-nous ? - ne laissait pas de nous surprendre, venant
de guénoniens. A plusieurs reprises, en effet, Guénon avait mentionné qu'il s'inspirait,
pour ses écrits, des événements qui se produisaient dans le monde et qui devait
forcément « manifester » certaines de ces réalités d'un ordre supérieur
auxquelles seules il attachait quelque intérêt. Négliger ces événements,
c'était, selon lui, admettre qu'ils sont le fait du « hasard », conception
foncièrement anti traditionnelle, mais à laquelle certains philosophes
ultra-modernes, qui se targuent parfois de « spiritualisme », attribuent dans
l'évolution du Cosmos un rôle prépondérant.
Si
Guénon, cela est vrai, après la Seconde Guerre mondiale, a mis un accent
particulier sur l'importance du symbolisme traditionnel, c'est, pensons-nous,
parce que les circonstances lui en avaient montré l'opportunité. Rappelons, en
particulier, que cette époque fut marquée par la fondation d'une Loge maçonnique
dont les travaux devaient s'inspirer de l'enseignement de Guénon. Pour le dire
en passant, le Maître fut toujours surpris que l'intérêt constamment témoigné
par lui à la Franc-Maçonnerie ne fut longtemps partagé que par un tout petit
nombre de ses « disciples ». La réputation politicienne et occultiste de
certaines Obédiences françaises pourrait expliquer ce manque d'enthousiasme,
mais en tout cas Guénon l'a toujours déploré.
Dans
les « critiques » dont nous parlons ci-dessus, nous avions tout de suite été
frappé par l'expression « détails de symbolisme ». Il suffit d'avoir étudié
quelque peu les traités sur le symbolisme hermétique pour se rendre compte de
l'importance capitale qu'y joue le moindre détail.
Or, on sait les rapports de l'hermétisme avec la Maçonnerie, rapports soulignés par la présence de la racine HRM à la fois dans les noms Hermès et Hiram. Mais nous aurons dans le cours de cet article à insister sur l'importance de certains détails qu'on trouve dans les textes sacrés du Christianisme, et singulièrement dans les plus sacrés de tous ceux qui ont trait à la Passion et à la Résurrection du Christ.
Or, on sait les rapports de l'hermétisme avec la Maçonnerie, rapports soulignés par la présence de la racine HRM à la fois dans les noms Hermès et Hiram. Mais nous aurons dans le cours de cet article à insister sur l'importance de certains détails qu'on trouve dans les textes sacrés du Christianisme, et singulièrement dans les plus sacrés de tous ceux qui ont trait à la Passion et à la Résurrection du Christ.
Une des particularités qui distinguent fondamentalement la pensée symbolique de la pensée profane, même « philosophique », c'est l'importance qu'y jouent les différents modes de « correspondance ». On sait, par exemple, les rapports qui relient les sept planètes de l'astrologie traditionnelle aux sept métaux de l'alchimie (et aussi, par extension, aux sept « couleurs » du blason). Nous allons maintenant attirer l'attention sur une correspondance d'un type particulier : celle qu'on peut établir entre les événements de la vie mortelle du Christ et ceux qui ont marqué et qui marqueront l'existence « terrestre » de l'épouse du Christ, qui est l'Église.
Rappelons
tout d'abord que l'Église, dans son universalité, comprend à la fois les
institutions exotériques connues officiellement sous les noms des différentes
Églises, mais aussi l'ésotérisme chrétien, incarné au cours des siècles en
diverses organisations qui, pratiquement, ont toutes fini par se résorber dans
la seule Franc-Maçonnerie. Pour ne pas alourdir notre exposé, nous nous
contenterons de faire un rapprochement entre certains faits qui ont marqué la
fin de la vie terrestre de Jésus et ceux (que nous connaissons par la
révélation des Écritures) qui marqueront le comportement de l'Église au cours
des tribulations de la fin du cycle.
Lors de son arrestation au jardin des Oliviers, le Christ avait dit aux envoyés du prince des prêtres : « C'est maintenant votre heure, l'heure la puissance des ténèbres » (Luc, XXII, 53).
Il
fut mis en croix à la sixième heure du jour, et « de la sixième heure à la neuvième,
il y eut des ténèbres sur toute la terre » (Matthieu, XXVII, 45 ; Marc, XV, 33
; Luc, XXIII, 44). Durant cette longue « obscuration », le seul Apôtre présent
était Jean, qui avait suivi la « Voie Douloureuse » avec la Vierge Marie et
aussi avec quelques femmes parmi lesquelles Marie de Magdala, qui toutes
apparaissent dans les Évangiles comme des « myrrhophores », c'est-à-dire des «
porteuses de myrrhe », la myrrhe
étant, selon Guénon, le « breuvage d'immortalité », le troisième et le plus
excellent des présents offerts par les Mages au Christ naissant.
Jean,
bien entendu, représente ici l'ésotérisme. Mais où étaient donc les
représentants de l'exotérisme ? Tous s'étaient enfuis, à l'exception pourtant
de Pierre qui était allé jusqu'au palais de Caïphe où il avait eu le malheur de
renier son Maître par trois fois. Rentré en lui-même au chant du coq, il était parti
pour « pleurer amèrement », n'ayant pas osé se joindre aux femmes fidèles qui,
avec le disciple bien-aimé, avaient eu le courage de monter jusqu'au Golgotha.
Nous ne nous arrêterons pas sur la « valeur » exotérique de ces « larmes amères
», que nous comparerions volontiers à celles versées par le premier couple
humain chassé du Paradis. Mais il convient de rappeler que, dans le langage
secret utilisé par Dante et les Fidèles d'Amour, le mot « pleurer » avait une
signification très particulière. Les organisations initiatiques d'alors, depuis
la destruction de l'Ordre du Temple, avaient décidé de cacher, beaucoup plus
complètement qu'auparavant, leurs doctrines et leur existence même. Et c'est le
fait de cette « dissimulation » qu'ils désignaient symboliquement par le verbe
«pleurer».
Durant
ces trois longues heures d'obscurité surnaturelle, nous savons donc que Pierre
« pleurait », tandis que Jean recevait du Christ, comme un « dépôt »
particulièrement sacré, la garde de sa mère, ce fait exceptionnel ayant eu
comme témoins les seules myrrophores. Rappelons aussi qu'à la neuvième heure le
Christ, avant de mourir, poussa en hébreu un cri que les assistants prirent
pour un appel au prophète Élie; et, dans le symbolisme très complexe de Dante,
9 avait une importance particulière, au point
que l'Alighieri a pu écrire : « Béatrice est elle-même le nombre 9. »
La
dixième et dernière partie de notre Manvantara est le Kali-Yuga ou âge sombre.
Nous sommes à la fin de cet âge de fer, et cette fin connaît une obscuration
qui s'accélère rapidement et deviendra bientôt presque totale. Ce sera alors «
l'heure de la puissance des ténèbres », qu'on appelle encore le « règne de
l'Antéchrist ». Si nous avons raison d'attendre à une telle époque des
événements en correspondance avec ceux qui ont précédé la mort du Christ, il
devrait se produire quelque chose de comparable à ce que furent autrefois les
larmes de Pierre et en même temps une sorte de « promotion » de la fonction de Jean.
Nous avons parfaitement conscience de la gravité de ce que nous disons là. Nous
savons quel usage peuvent en faire les ennemis de l'Ordre maçonnique, et aussi
les chrétiens adversaires de toute idée d'ésotérisme. Mais d'autres avant nous
ont envisagé des événements de cet ordre, et ont été frappés par la double
prédiction qui termine l'Évangile selon saint Jean et qui semble bien n'avoir
pas d'autre but que de faire allusion aux événements des derniers jours. Il est
vrai que si la prédiction au sujet de Jean est bien connue (« Je veux qu'il
demeure jusqu'à ce que je vienne »), celle relative à Pierre semble avoir moins
attiré l'attention. La voici : « En vérité je te le dis, lorsque tu étais
jeune, tu te ceignais toi-même et tu allais où tu voulais. Mais quand tu seras
vieux, tu étendras les bras, un autre te ceindra et te mènera là où tu ne
voudrais pas aller. »
Cela
ne fait-il pas allusion à une certaine perte d'indépendance pour
les successeurs de Pierre ?
L'obscurité
est, pour la condition « espace », exactement ce qu'est le silence pour la
condition « temps », - ce silence qui est le premier des devoirs imposés aux
initiés, et que les Fidèles d'Amour symbolisaient par l'injonction de « pleurer
». Mais l'obscurité a deux aspects, l'un maléfique et l'autre bénéfique.
L'obscurité
complète symbolise la « mise sous le boisseau » de la Tradition, ou tout au moins
de sa partie « visible » : c'est vraiment « l'heure de la puissance des
ténèbres ». Mais c'est aussi seulement au sein de cette obscurité que peut
s'accomplir le passage d'un cycle à un autre, passage qui est toujours celui de
l'âge de fer à l'âge d'or. Pour en revenir au symbolisme évangélique, dans la
dernière page du texte johannique, le dernier ordre donné par Jésus à Pierre
fut l'injonction : « Suis-moi ! »
Et
Pierre, se retournant alors, vit que Jean venait derrière eux, c'est-à-dire les
suivait. Quelles que puissent être les dernières et terribles tribulations qui
assailliront l'Église dans les derniers jours, on peut être certain que Pierre
et Jean se retrouveront alors pour être les serviteurs obéissants du Maître
incomparable qui
a pu dire : « Celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres, mais il aura
la Lumière de la Vie. »
jeudi 26 décembre 2013
Le Pacifisme du Prophète - Tayeb Chouiref
De nombreux préjugés marquent la conception que se font beaucoup de nos contemporains au sujet du Prophète. Parmi eux, il est une idée reçue qui a la vie dure, à savoir que le Prophète aurait beaucoup combattu dans sa vie et que le combat armé faisait partie intégrante de sa personnalité. Rien n’est plus faux, comme permet de s’en rendre compte une étude impartiale des sources traditionnelles de l’Islam, comme la Sîra et le Hadith. Ces dernières années, les différentes affaires des caricatures du Prophète ont montré l’étendue des préjugés et de l’ignorance abyssale qui règnent en maître dans certains milieux.
J’ai montré dans mon ouvrage comment certains proches du Prophète ont été marqué par sa compassion et la profonde bonté qui émanaient de sa personne. Voici deux extraits qui me semblent significatifs du pacifisme du Prophète, montrant qu’il ne faisait appel à la force qu’en ultime recours.
Extrait 1 : Volume II, p. 139-140
عن أنس بن مالك : “ما مَسَسْتُ دِيباجاً وَلا حَرِيراً أَلْيَنَ مِنْ كَفِّ رَسُولِ ٱللهِ وَما شَمَمْتُ رائِحةً قَطُّ أَطْيَبَ مِنْ رائِحةِ رَسُولِ ٱللهِ . وَلَقَدْ خَدَمْتُ رَسُولَ ٱللهِ عَشْرَ سِنِينَ فَما قالَ لِي قَطُّ “أُفّ” وَلا قالَ لِشَيْءٍ فَعَلْتُهُ : “لِمَ فَعَلْتَهُ ؟” وَلا لِشَيْءٍ لَمْ أَفْعَلْهُ : “أَلا فَعَلْتَ كَذا ؟”
(رواه البخاري. حديث صحيح)
D’après Anas b. Mâlik : « La main de l’Envoyé de Dieu était plus douce que le satin ou la soie et son odeur était le plus agréable des parfums. J’ai servi l’Envoyé de Dieu pendant dix ans sans que jamais il ne me réprimande, et sans que jamais il ne me demande pourquoi j’avais fait telle chose ou pourquoi je n’avais pas fait telle autre. »
(Cité par Bukhârî. Hadith authentifié)
Commentaires :
Pour ceux qui l’ont connu directement, le Prophète fut l’incarnation du modèle parfait et la personnification des vertus. Afin de partager ce qu’a pu être son vécu avec le Prophète, Anas cite la douceur aussi bien physique que morale qui fut la sienne et l’immense bonté qui émanait de lui. Derrière la ‘‘manière anecdotique’’ d’évoquer sa personnalité en isolant et accentuant un trait, se laisse entrevoir une description très profonde de la spiritualité du Prophète. Ainsi, la douceur de sa main et le parfum qu’il exhale témoignent de la sanctification du Prophète par l’Esprit et la Révélation qui pénétrèrent non seulement son âme mais jusqu’à la moindre parcelle de son corps. Quant à l’immense bonté qu’évoque Anas, elle marque la réalisation des Attributs divins de miséricorde et de pardon et, évidemment, l’effacement total de l’ego et de ses tendances à la domination d’autrui. Comme le remarque P. Nwiya, le Prophète est, pour l’Islam, ‘‘le modèle insurpassable de toute sainteté’’[1].
Frithjof Schuon :
«‘‘Vous avez dans l’Envoyé de Dieu un bel exemple’’ dit le Koran, et ce n’est certes pas pour rien. Les vertus qu’ont peut observer chez les pieux musulmans, y compris les modalités héroïques auxquelles elles donnent lieu chez les soufis, sont attribuées par la Sunna au Prophète : or, il est inconcevable que ces vertus aient pu se pratiquer à travers les siècles jusqu’à nous sans que le fondateur de l’Islam les ait personnifiées au plus haut degré ; de même, il est inconcevable que des vertus aient été empruntées ailleurs, et on ne verrait du reste pas où, puisque leur conditionnement et leur style sont spécifiquement islamiques. Pour les musulmans, la valeur morale et spirituelle du Prophète n’est pas une abstraction ni une conjecture, elle est une réalité vécue, et c’est précisément ce qui prouve rétrospectivement son authenticité ; le nier reviendrait à prétendre qu’il y a des effets sans cause. Ce caractère mohammédien des vertus explique d’ailleurs l’allure plus ou moins impersonnelle des saints : il n’y a pas d’autre vertu que celles de Mohammed, elles ne peuvent donc que se répéter dans tous ceux qui suivent son exemple ; c’est par elles que le Prophète survit dans sa communauté.»
(Forme et substance dans les religions, Paris, 1975, p. 91-92)
* * *
Extrait n°2 : volume Ī, p. 223-224.
عن أبي موسى الأشعري : “إِنَّ بَيْنَ يَدَيِ ٱلسَّاعةِ فِتَناً كَقَطْعِ ٱللَيْلِ ٱلْمُظْلِمِ يُصْبِحُ ٱلرَّجُلُ فِيها مُؤْمِناً وَيُمْسِي كافِراً وَيُمْسِي مُؤْمِناً وَيُصْبِحُ كافِراً. القاعِدُ فِيها خَيْرٌ مِنَ ٱلقائِمِ وَٱلقائِمُ فِيها خَيْرٌ مِنَ ٱلْماشِي وَٱلْماشِي فِيها خَيْرٌ مِنَ ٱلسَّاعِي. فَكَسِّرُوا قِسِيَّكُمْ وَقَطِّعُوا أَوْتارَكُمْ وَٱضْرِبُوا سُيُوفَكُمْ بِٱلْحِجارةِ فَإِنْ دُخِلَ عَلَى أَحَدٍ مِنْكُمْ بَيْتَهُ فَلْيَكُنْ كَخَيْرِ ٱبْنَيْ آدَم.”
(رواه الحاكم. حديث صحيح)
D’après Abû Mûsâ al-Ach’arî : « Peu avant l’Heure dernière, il y aura des séditions aussi ténébreuses que l’obscurité de la nuit. L’homme pourra avoir la foi le matin et l’avoir perdue le soir venu ; de même, il pourra avoir la foi le soir et l’avoir perdu le matin venu. Durant ces troubles, la personne assise sera en meilleure posture que celle qui est debout ; de même, celui qui marche sera en meilleure posture que celui qui s’empresse. Brisez donc vos arcs, arrachez-en les cordes et frappez le tranchant de vos épées contre un rocher ! Et si un agresseur pénètre dans votre demeure, comportez-vous comme le meilleur des deux fils d’Adam. »
(Cité par Hâkim. Hadith authentifié)
Commentaire :
La fin des temps, dans ce hadith comme dans de nombreux autres, est décrite comme une période très troublée où au désordre extérieur répond le chaos intérieur des âmes. D’où l’image de l’homme qui peut perdre sa foi en l’espace d’une journée ou d’une nuit. On peut considérer que ces deux moments désignent deux modalités différentes de la perte de la foi : le premier cas peut être interprété comme une ‘‘perte active’’ – l’action n’est pas motivée par une intention droite et ne s’appuie pas sur une véritable connaissance – ; et le second peut être entendu comme une ‘‘perte passive’’ de la foi, l’homme se laissant alors déterminé par l’ambiance chaotique dans laquelle il vit.
Le meilleur des deux fils d’Adam, évoqué à la fin de ce hadith, n’est autre qu’Abel dont le Coran rapporte le pacifisme inconditionnel face à la volonté manifeste de son frère Caïn d’attenter à sa vie :
﴿لَئِنْ بَسَطتَ إِلَيَّ يَدَكَ لِتَقْتُلَنِي ما أَنا بِباسِطٍ يَدِيَ إِلَيْكَ ِلأَقْتُلَكَ إِنِّي أَخافُ ٱللهَ رَبَّ ٱلعالَمِينَ﴾
« Si tu portes la main sur moi pour me tuer, je ne porterai pas la mienne sur toi pour te tuer car je crains Dieu le Seigneur des mondes. » (Coran, 5, 28)
Autant qu’il lui était possible, le Prophète a tenté d’éviter le recours à la force. Toutefois, parce qu’il eut à constituer une cité et une communauté de croyants, il fut parfois contraint d’y avoir recours par réalisme social et historique. C’est ce que l’on peut appeler un pacifisme conditionnel. Mais la fin des temps n’étant pas destinée à fonder quoi que ce soit, le point de vue du réalisme social n’a plus lieu d’être : seule la démarche spirituelle importe. C’est pourquoi le Prophète recommanda pour cette période le pacifisme inconditionnel, en donnant Abel pour modèle.
Tayeb Chouiref
vendredi 16 août 2013
Le Hadîth de Jibrîl (Gabriel) - Commentaire par L’Imâm Nawawî
Le contenu entre [ ] correspond aux sites suivants :
Source : Porteur de Savoir
Source : DOCTRINE MALIKITE
Source : http://www.hemmah.fr/
`An `Umar Radi Allahu `anhu aydan Qal :
Baynama nahnu julousun
`inda Rasulu Allahi - Sal Allahu `alayhi wa sallama - dhaata yawm. Idh tala`a `alayna rajulun shadidu bayadi Ath-Thiyaab,
shadidu sawadi as-sha`r
La yura `alayhi atharu as-safar, wa la
ya`rifuhu minna ahada
Hatta jalasa ila
an-nabiyy - Sal Allahu `alayhi wa sallam -
Fa asnada rukbataihi ila rukbataih, wa wada`a
kaffaihi `ala fakhidhayhi wa Qal :
- Ya Muhammad, akhbirni `ani l-Islam
- Fa qala Rasulu Allahi - Sal Allahu `alayhi
wa sallam - : al-Islam an tash-hada an la ilaaha illa Allahu wa anna Muhammadan
Rasulu Allah, wa tuqimu as-Salata, wa tu'tiya az-Zakata, wa tasuma Ramadan wa
tahujja al-bayta in istatahta ilayhi sabila
- Qala : Sadaqta.
Fa 'ajibnaa lahu yas'aluhu wa yusaddiquhu
- Qal : fa akhbirni `ani
al-Imaan
- Qal : An
tu'mina bi Allahi wa mala'ikatihi wa kutubihi wa rusulihi wa al-yawmi al-akhiri
wa tu'min bi al-qadri khairihi wa sharih
- Qal : Sadaqta
- Qal : Fa
akhbirni `ani al-Ihsan
- Qal : An tahbuda Allaha ka annaka tarah, fa
in lam takun tarah fa innahu yaraak
- Qal : Fa akhbirni `ani
as-sa`ah
- Qal : Ma
al-mas'oulu anhaa bi 'alam min as-sa-il
- Qal : Fa akhbirni `an amaratiha
- Qal : An talida al-amatu rabataha, wa an
tara al-hufata al-`urata al-`alata ri`a a-shaah, yatatawaluna fi al-bunyaan
Thuma ntalaqa falabithtu malliya
Thuma qal : Ya `Umar, A-tadri man as-saa'il ?
Qultu : Allahu wa rasuluhu
A`lam
Qal : Fa innahu
jibril, ataakum yuhallimukum dinakum
[ Umar
rapporte ce qui suit :
« Un jour que nous étions assis auprès de l’Envoyé
d’Allah, un homme se présenta. Il portait des vêtements d’un blanc éclatant ;
il avait des cheveux très noirs. On ne pouvait remarquer sur lui aucune trace
de voyage et personne d’entre nous ne le connaissait. S’étant assis auprès du
Prophète et l’ayant salué, il appuya ses genoux sur les siens, posa ses mains
sur ses cuisses, et dit : »
Muhammad, parle-moi de l’Islâm .
« - Il consiste, lui répondit-il, à témoigner qu’il n’y
a de divinité qu’Allah et que Muhammad est l’Envoyé d’Allah, à s’acquitter de
la prière et de l’aumône rituelles, du jeûne de Ramadan et du pèlerinage à la
Maison d’Allah, si l’on en a les moyens. »
« – Tu as répondu juste », lui dit-il. Notre
étonnement fut grand de le voir ainsi poser un question à l’Envoyé et lui
donner raison.
Parle-moi, reprit-il, de la foi (imân) [1] . »
« - Elle consiste à croire en Dieu, en Ses Anges [2] et Ses Envoyés ainsi qu’au Dernier Jour et au
décret [3] de Sa toute-Puissance, tant pour le
bien que pour le mal. »
« – Parfait, répondit-il, parle-moi du « bien-agir
» (ihsân). »
« - Il consiste à adorer Dieu, comme si tu Le voyais,
car si tu ne Le vois pas, Lui te voit. »
« – Parle-moi de la Dernière Heure (Sâ’ah). »
« – Celui qu’on interroge n’en sait pas plus à son
sujet que celui qui pose la question. »
« – Parle-moi alors de ses signes avant-coureurs.
»
« – Les voici, répondit-il : c’est la servante qui
mettra au monde sa maîtresse; on verra des bergers, va-nu-pieds et sans
ressources, rivaliser en hauteur dans les édifices qu’ils bâtiront. »
Sur ce, il s’en alla. [Le Prophète] resta là un bon
moment. Puis il dit : » ‘Umar, sais-tu
qui a posé la question ? « - « Dieu et Son Envoyé, répondis-je, le savent mieux
que moi. »- « Eh bien, dit-il, c’est Jibrîl qui est venu vous trouver pour vous
apprendre votre religion. »
Ce hadîth est rapporté par Muslim. (Extrait des
Commentaires des 40 ahâdîth de L’Imâm Nawawî par lui-même.) ]
Commentaire
du Hadîth Jibrîl par L’Imâm Nawawî
[1. Cet état exprime que ce que l’on reconnaît par la langue l’est aussi par le cœur. Le fidèle qui vit l’état de la foi ne se contente pas d’accomplir les cinq piliers, sa vie intérieure en est le reflet. Nul ne pourra rentrer au Paradis sans avoir la foi et nul ne pourra prétendre à la foi sans aimer son prochain.]
[2. Les anges sont des êtres purs créés par Dieu à partir de la lumière : leur mission est d’adorer Dieu, Lui obéir et de prier (demander le pardon pour les croyants entre autre) : parmi les plus connus des anges on cite : Jibrîl (Gabriel), Mikâîl,’Azrâîl (l’ange de la mort), Mâlik (l’ange qui garde l’Enfer), Ridwân (gardien du Paradis)…. Dieu dit : « Ceux qui portent le Trône et ceux qui l’entourent chantent la gloire et la louange de leur Seigneur et croient à Lui. Ils implorent rémission pour ceux qui ont cru : « Seigneur ! Ta miséricorde, et Ta science ont la contenance de toute chose. Absous ceux qui sont revenus repentant et ont suivi Ta voie et préserve-les du supplice de Fournaise ardente » Sourate 40, verset 7.
Dieu dit aussi à ce propos:
"C'est à Lui qu'appartiennent ceux qui sont dans les cieux et en terre , et ceux qui sont auprès de Lui (les anges) ne se sentent nullement trop grands pour L'adorer et n'en éprouvent ni ennui ni lassitude.
Ils proclament Sa gloire et Sa pureté la nuit et le jour sans arrêt."
Sourate 21, versets: 19 et 20.
Il dit aussi:
"La louange est à Dieu, créateur des cieux et de la terre et qui a fait des Anges des messagers pourvus d'ailes doubles, triples ou quadruples. Il ajoute à la création ce qu'Il veut..." Sourate 35, verset 1.
Il s’agit chez certains savants de croire aussi à l’existence des Djinns : qui sont des êtres créés de feu, leur père est Iblîs (Satan) qui a désobéit à Dieu. Les Djinns ont leurs sociétés et leurs modes de vie : ils peuvent être musulmans ou non : voir : Sourate : al-djinn. ]
[3. Le musulman croit aux arrêts de Dieu, à Sa sagesse et à Sa volonté.
Tout ce qui arrive à l'homme et toute action effectuée par ce dernier sont connus par le Seigneur et ne peuvent échapper à Sa volonté.
L'homme croyant est sûr de la justice divine et dans ce que Dieu décide.
La sagesse d’Allah est inhérente à Sa Volonté. Tout ce qu'il veut se réalise, jamais le contraire. Il n'y a de puissance ni de force que par Lui et de Lui.
Le Prophète (paix et salut sur lui) dit :
« La formation de quiconque d'entre vous, dans la matrice de sa mère, passe par une série de stade : il est pendant quarante jours sous forme liquide. En quarante autres jours, il se transforme en élément qui s'accroche. Il devient un morceau de chair pendant les quarante jours qui suivent. A ce stade, Dieu lui envoie un ange qui lui insuffle la vie, sous son ordre, et lui assigne quatre formules :ce qu'il doit acquérir, la durée de sa vie, ses actes, sa future résidence : au Paradis ou Enfer. J'en jure par Allah, que l'un de vous suit une conduite qui le mène directement au Paradis, à peine lui reste-t-'il une coudée pour l'atteindre que la prédestination le fait changer de conduite, et il se verra mené droit à l'Enfer.
Par contre, il y en a qui mène une conduite de damné. A peine lui reste-t-'il une coudée pour être à l'Enfer que sa prédestination le fait changer, et le voilà reçu au Paradis. » (Rapporté par An-nawawî dans ses quarante hadîth.)
Le Prophète (paix et salut sur lui) dit à ‘Abdallah Ibn ‘Abbâs:
« Observe la loi de Dieu, Allah te préservera. Sois lui fidèle, tu le trouveras à tes cotés. Ne demande rien à personne, ni de secours ni d'aide qu'à Lui.
Sache que si tout le monde s'unit pour te faire du bien, il ne peut t'accorder que ce que Dieu t'a réservé. S'il s'accorde à te faire du mal, il ne peut t'arriver que ce que Dieu t'a destiné. Cet arrêt est irrévocable. » (Rapporté par An-nawawî dans ses quarante hadîth.)
La raison ne juge pas impossible ce qui a trait à la prédestination, à la volonté de Dieu, à Sa sagesse et à Sa gestion du monde. Au contraire, la raison le juge inévitable et l'exige vu par les aspects apparents de cette prédestination dans ce monde.
Du moment qu'on croit au pouvoir de Dieu, cela implique la croyance en Sa décision, en Sa sagesse et en Sa volonté.
L'architecte dessine sur une petite feuille de papier le projet d'un palais, fixe la durée de son exécution puis commence à donner une forme réelle à son projet. Le palais apparaît dans les délais fixés tel qu'il a été prévu.
Alors comment méconnaître à Dieu la possibilité de prévoir le destin des créatures de ce monde jusqu'à l'Heure fatale ? Vu Sa toute Puissance à réaliser ce destin comme il a été conçu, selon la quantité prévue, sa manière d'être en son temps et lieu, Dieu étant capable de tout faire. ]
[Sur la parole de l’Envoyé : « Parle-moi de la foi … »
le terme « foi » (Imân), du point de vue linguistique, signifie l’assentiment
(tasdîq) d’une façon générale et, du point de vue légal, un certain type
d’assentiment, celui que l’on donne à Dieu, à Ses anges, à Ses livres, à Ses
envoyés, au Dernier Jour, au Décret [divin} tant pour le bien que pour le mal.
Le terme islâm, lui, signifie l’accomplissement des devoirs fondamentaux ; il
consiste à se livrer à l’accomplissement d’un devoir extérieur. Dieu lui-même,
du reste, distingue imân et islâm, comme le fait le hadîth, quand Il dit : «
Les bédouins disent : « Nous avons la foi. » Dites-leur : Vous ne croyez pas !
mais dites [plutôt] ; Nous nous sommes convertis à l’Islâm » (Coran,
al-Hujurât, v. 14. ) . C’est qu’en effet les hypocrites (munâfiqîn)
s’acquittaient de la prière et du jeûne et faisaient l’aumône, sans y croire
dans leurs cœurs. Quand ils prétendirent qu’ils avaient la foi, Dieu les
convainquit de mensonge dans leur prétention à la foi, à cause de l’incrédulité
de leurs cœurs. En revanche, Il reconnut leur sincérité quand ils prétendaient
à l’Islâm, vu qu’ils s’adonnaient à ses pratiques ; Dieu dit, en effet : «
Quand les hypocrites viennent à toi … jusqu’à : Allâh atteste en effet que les hypocrites
sont des menteurs » (Coran, al-Munafiqûn, V. 1.) . Ils le sont, en effet, quand
ils prétendent témoigner de la mission prophétique de Muhammad, alors qu’ils
pensent le contraire ; ce qu’ils disent, en effet, n’est pas en accord avec ce
qu’ils pensent ; or, cet accord des paroles et de la pensée est une condition
nécessaire pour témoigner de la mission prophétique de Muhammad. Et, comme ils
mentaient quand ils prétendaient une telle chose, Dieu a mis en évidence leur
mensonge.
Et comme, par ailleurs, la foi est une condition
nécessaire de l’authenticité (sihha) de l’Islâm, Dieu excepte les « musulmans »
des « croyants » quand Il dit : « Nous avons fait sortie les croyants qui se
trouvaient dans cette ville, nous n’y avons trouvé qu’une demeure de « soumis à
Dieu » (muslimîn). »*. On a affaire ici à une stricte exception, car strict est
le lien qui lie condition et conditionné. C’est aussi pour cela que Dieu
appelle la prière imân, quand Il dit : « Dieu ne pouvait se faire perdre votre
foi » (Coran, al-Dâriyât, v. 35/36.) et
ailleurs : « Tu ne connaissais pas ce qu’était l’Ecriture et la foi » (Coran,
al-Baqara, v. 138/143.) , c’est-à-dire
la prière.
Sur la parole de l’Envoyé : « croire au Décret divin,
tant pour le bien que pour le mal … » [Le mot qadar] peut avoir un fatha ou un
sukûn sur le dâl ; on peut avoir les deux. La doctrine des gens de la vérité
(ahl al-haqq) est de croire fermement à l’existence du Décret divin a. On entend par là que Dieu, dans Sa Toute-Puissance,
fixe le destin des choses de toute éternité et qu’Il sait qu’elles arriveront
dans des temps et lieux connus de Lui seul ; de fait, elles arrivent
conformément au destin qu’Il leur a fixé. » (Extrait des Commentaires des 40
ahâdîth de L’Imâm Nawawî par lui-même.)
[a . Sur ce terme de qadar (qui peut s’écrire aussi
qadr), il est bon de rappeler que ce mot peut avoir aussi deux sens opposés
dans l’histoire de la pensée musulmane :
1° Celui de la
toute-puissance de Dieu (c’est le sens ici) que tiennent fortement les
sunnites.
2° Celui de la
liberté humaine, du libre arbitre (qadar étant compris alors comme la «
puissance » de l’homme à agir sur le monde et dans lui) ; les Qadarîyâ seront
donc les partisans du livre arbritre, si violemment attaqués dans la suite de
ce commentaire.
On comprend
comment une telle différence de sens sur un même mot peut rendre l’exposé de ce
problème difficile à saisir. Al-Nawawî n’échappe pas, dans notre commentaire, à
cette difficulté.]
Sache
qu’il y a quatre sortes de décrets:
1. Le décret dans la Prescience Divine. Il est dit à
son sujet: L’affection (`inaya) devant l’amitié (milaya), le plaisir avant la
naissance, et la moisson se poursuit dès les premiers fruits. Allah l’Exalté
dit: «Est détourné de lui quiconque a été fait pour être détourné» (51:9). En
d’autres mots, l’un est détourné d’entendre le Coran et de croire dans ce monde
celui qui a été détourné d’eux dans la pré-éternité.»[25]
2. Le décret sur la Tablette Protégée. Un tel décret
peut être changé. Allah: «Allah efface ce qu’Il veut, et Il confirme ce qu’Il
veut, et l’Ecriture Mère est auprès de Lui» (13:39). Nous savons qu’Ibn
`Oumar avait l’habitude de dire dans ses
invocations: «O Allah, si Tu as prédestiné des difficultés pour moi, efface-les
et écrit de la félicité pour moi.»
3. Le décret dans la matrice concernant ce que l’ange
est ordonné d’écrire au sujet de la subsistance et le terme de la vie de l’un,
et s’il sera malheureux ou prospère.
4. Le décret qui consiste à rejoindre des choses
spécifiques pré-établies au moment où elles doivent se dérouler, car Allah
l’Exalté a créé à la fois le bien et le mal et a ordonné qu’ils atteignent Ses
serviteurs au temps désigné par Lui.
[Les
signes de l’Heure et les évènements qui lui sont liés]
[«
– Parle-moi de la Dernière Heure (Sâ’ah). »
«
– Celui qu’on interroge n’en sait pas plus à son sujet que celui qui pose la
question. »
«
– Parle-moi alors de ses signes avant-coureurs. »
«
– Les voici, répondit-il : c’est la servante qui mettra au monde sa maîtresse;
on verra des bergers, va-nu-pieds et sans ressources, rivaliser en hauteur dans
les édifices qu’ils bâtiront.
Ce Hadith est l’un de ceux qui parle du Jour du
Jugement : lorsque l’Archange Gabriel a interrogé le Prophète sws au sujet de
l’Heure, l’intention n’était pas de l’interroger sur l’Heure elle-même. La
réponse que lui fit le Prophète sws « l’interrogé n’en sait pas plus que celui
qui interroge » nous enseigne qu’il ne faut pas poser la question une autre
fois et surtout qu’il ne faut pas poser la question sur le « moment de l’Heure»
ni demander QUAND viendra la résurrection.
Ensuite sayyidinah Jibril (l’Archange Gabriel alayhi
salam) a demandé au prophète sws « quels sont les signes précurseurs? » et là
le prophète sws lui a répondu. Cela
signifie que, parmi les bases de la religion,
nous devons nous renseigner sur les signes de l’Heure sans demander «
quand » elle aura lieu.
« c’est
la servante qui mettra au monde sa maîtresse; »
Les savants varient sur l’explication de ce signe et je
ne vais pas rentrer dans les détails, cependant, j’ai choisi une explication
qui convient à notre époque.
Et parmi ces explications, celle qui correspond à «c’est la servante qui mettra au monde sa
maîtresse;» apparaitra à la fin des temps, lorsque les fils et les filles
donneront des ordres à leurs parents. Alors le fils dira à sa mère « oui ou non
» et la fille dira à son père ou sa mère « oui ou non », dans un sens ou dans
l’autre. Alors le fils ou la fille ne feront plus appel à leurs parents. Ou
bien ils élèveront la voix et ainsi, le fils deviendra le maitre de son père ou
sa mère. On remarque ça de nos jours !
« on
verra des bergers, va-nu-pieds et sans ressources, rivaliser en hauteur dans
les édifices qu’ils bâtiront. »
Ce phénomène n’existe pas uniquement dans notre société
(Péninsule Arabique) mais dans le monde musulman en général. Attention, ce
signe met l’accent sur le fait de «
rivaliser » pour l’édification de bâtiments élevés et non pas sur celui d’
“édifier des constructions” en lui-même. L’Islam n’interdit pas la construction
de bâtiments élevés lorsqu’il y a nécessité mais interdit de « rivaliser » pour
la construction de bâtiments, de chercher la compétition plutôt que la
nécessité de la construction.
On dit que si une personne achète une chose ou
construit une chose dont il n’a pas besoin, son entreprise ne sera pas
facilitée et il va rencontrer des difficultés. Par exemple, s’il veut acheter
ou construire une maison dont il a besoin, cela lui sera facilité. Mais si tu
rencontres une personne qui fait construire et qu’elle rencontre des
difficultés, elle ne peut fournir l’argent, a des problèmes avec
l’entrepreneur, ou des problèmes et finalement n’arrive pas à les résoudre,
cela signifie qu’elle a cherché une chose dont elle n’avait pas vraiment
besoin. Une chose dont on n’a pas vraiment besoin est considérée comme un «
surplus » ou comme « la fleur de la vie ici-bas, son ornement et son plaisir »
C’est pourquoi l’être humain sera interrogé sur ce
qu’il a demandé en excès, et non pas sur ce qu’il a demandé par nécessité. Il
sera questionné sur les choses qui sont au-delà du nécessaire.
Et si Allah, Exalté soit-Il, donne à un de Ses
serviteurs sans qu’il ne le Lui ait demandé, Il ne en lui demandera pas de
comptes, car dans ce cas, Il aura fait une faveur à Son serviteur. Et Allah
Tout-Puissant et Majestueux n’interroge pas le serviteur pour une faveur qu’Il
lui a accordé… « …et lui accordera Ses
dons par des moyens sur lesquels il ne comptait pas. (65/3)
Pour conclure,
le Prophète sws a cité deux signes parce que la communauté (Péninsule
Arabique) dans laquelle vivaient les compagnons et ceux qui viendront après
eux, devaient voir ces signes. Ils sont considérés parmi les miracles du
Prophète sws.
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