Affichage des articles dont le libellé est Muhammed hassan Chadli. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Muhammed hassan Chadli. Afficher tous les articles

jeudi 12 septembre 2013

Cheikh Salâma Râdi - Aperçus biographiques- Règles « canoniques » de son ordre. Son lien avec René Guénon - V - Le Cheikh ‘Abd al-Wâhid Yahyâ et le Cheikh Salâma Hasan ar-Râdî


 
 
 
 
 
V- Le Cheikh ‘Abd al-Wâhid Yahyâ et le Cheikh Salâma Hasan ar-Râdî

 

Muhammad Hassan Chadli



Il faudra une autre occasion pour aborder plus en détail la vie du Cheikh Salâma et, surtout, étudier sa fonction et exposer de manière approfondie la doctrine qu’il a enseignée . Nous terminerons aujourd’hui ces aperçus biographiques et ceux concernant l’organisation de sa tarîqa en relatant deux épisodes concernant ensemble le Cheikh Salâma et le Cheikh ‘Abd al-Wâhid Yahyâ .

Dans la partie de son livre concernant « les miracles du saint » 114, M. Gilsenan parle d’une catégorie de miracles (karâmât), se reproduisant périodiquement : il s’agit de celle concernant le secours donné en cas de détresse (najda), ou la protection et l’assistance du Cheikh envers un frère de sa communauté . Les membres de la tarîqa se bornent à parler à ce propos de faits « dépassant l’intelligence », « situés au-delà de la compréhension par la raison » (fawq al-‘aql), ou « dépassant la nature humaine » (fawq al-bashariyya) . Nous retiendrons deux exemples donnés dans l’ouvrage se rapportant à des disciples du Cheikh, puis en rapporterons un autre que nous avons entendu nous-même .

Dans un petit village de campagne d’Egypte, un homme fut enlevé, d’un geste vif et énergique, du passage du train qu’il n’avait pas vu fondre sur lui . Un autre tomba de l’un des ponts enjambant le Nil, au Caire . Il fut ensuite vigoureusement tiré de l’eau, et la voix du Cheikh lui dit alors : « tu devras faire davantage attention la prochaine fois ! »

Maintenant, c’est de René Guénon qu’il s’agit . Celui-ci se promène seul dans une forêt proche de Blois, au plus tard à la fin de ses études secondaires . La pluie commence à tomber, et c’est à ce moment qu’il glisse dans un trou suffisamment profond d’où il ne peut sortir . La pluie redouble, rendant glissantes les parois, et la sortie impossible . De plus l’obscurité s’accentue avec l’arrivée du crépuscule . Les probables appels à l’aide sont restés peine perdue . C’est alors qu’une main surgit, qui le saisit fermement, et le voilà soudainement soulevé, et tiré hors du trou . Le temps de retrouver ses esprits, l’inconnu a déjà disparu . Des années plus tard, âgé de plus de quarante ans, le Cheikh ‘Abd al-Wâhid Yahyâ est au Caire . Bientôt, rencontrant pour la première fois le Cheikh Salâma Râdî, il sera pris de tremblements et, dans un « état », s’exclamera : « Hâdhihi ! Hâdhihi ! C’est elle ! C’est elle ! » reconnaissant probablement la main 115 qui l’avait secouru dans sa jeunesse 116 .

A chaque fois, dans les trois cas mentionnés, c’est la même « main secourable et salvatrice » du Cheikh Salâma qui intervint . Des fuqarâ’ appartenant à la tarîqa Hâmidiyya,  interprètent ce genre d’intercession comme s’inscrivant dans le cadre de certains aspects de la fonction du Cheikh, en tant que membre de la hiérarchie ésotérique qui gouverne le monde (tasarruf) . Le Pôle de l’époque (Qutb az-zaman), qui est à sa tête, est aussi l’un des titres fonctionnels reconnus au Cheikh Salâma . D’autre part, Michel Vâlsan a fourni une explication permettant de comprendre ce type d’intervention des autorités du Soufisme vis-à-vis de quelqu’un qui, comme le jeune René Guénon, n’appartenait pas alors « formellement » à l’Islam . Il enseignait « que dans l’ésotérisme islamique, et selon sa « perspective » propre, il est dit que le Qutb accorde son secours providentiel non seulement aux Musulmans, mais encore aux Chrétiens et aux Juifs, et ceci est à mettre, peut-être, de toutes façons, en rapport avec le rôle général de la tradition islamique comme intermédiaire entre l’Orient et l’Occident, dans la dernière partie du cycle traditionnel, bien qu’elle soit, mais on pourrait dire dans un certain sens du fait même qu’elle est, la plus récente des formes traditionnelles actuelles, car cela lui assure une vitalité plus grande par rapport aux traditions plus anciennes » 117 .

Cet événement exceptionnel est le plus ancien « appui » direct attesté d’un représentant des « forces salutaires de l’Orient » 118 envers celui sur lequel « les fonctions doctrinales et spirituelles de l’Orient traditionnel se concentrèrent en quelque sorte pour une expression suprême » 119 . Qu’il se soit opéré par l’intermédiaire des forces spirituelles de l’Islam mérite d’être relevé . Il s’intègre dans la genèse de la fonction de René Guénon, et doit être mis aussi en relation avec le « caractère sacré et non individuel » qu’a revêtu, d’une façon plus universelle, cette fonction . Il apporte un éclairage nouveau sur celui qui devait l’accomplir, et qui « fut certainement préparé de loin et non pas improvisé . Les matrices de la Sagesse avaient prédisposé et formé son entité selon une économie précise, et sa carrière s’accomplit dans le temps par une corrélation constante entre ses possibilités et les conditions cycliques extérieures » 120 .

Pour finir, et en liaison avec cet événement miraculeux, nous allons rapporter un autre fait d’importance, peu, voire pas connu, semble-t-il, malgré sa mention dans l’introduction d’un ouvrage en langue arabe, publié il y a quarante ans, et consacré au Cheikh Abû-l-Hasan ash-Shâdhilî 121 : il s’agit du pacte initiatique (‘ahd) que le Cheikh ‘Abd al-Wâhid Yahyâ a pris de la main (‘alâ yad) du Cheikh Salâma Hasan ar-Râdî .

Nous savions jusqu’ici que « René Guénon reçut son initiation islamique de la part d’un maître qui lui-même était nourri à l’intellectualité et à l’esprit universel du Cheikh al-Akbar : il s’agit du Cheikh égyptien Elîsh el-Kebir » 122 . La mention expresse d’un second pacte, toujours au sein de la Shâdhiliyya, mais fait cette fois sans intermédiaire - puisque c’est ‘Abdu-l-Hâdî (Aguéli) qui lui avait transmis le rattachement de la part du Cheikh Elîsh - , aurait dû susciter tout de même quelque intérêt de la part des « guénoniens » arabisants, semble-t-il . On s’étonnera, d’autre part, qu’un orientaliste tel que Thierry Zarcone, qui se réfère dans plusieurs notes de son article précité au livre d’ ‘Abd al-Halîm Mahmûd, n’ait pas retenu ce que celui-ci précise au début de son ouvrage concernant ce pacte initiatique . Il écrit au contraire que « rien n’indique qu’il [Guénon] devint le disciple de ce dernier [le Cheikh Salâma] » 123 . L’expression « il devint le disciple de ce dernier » n’est d’ailleurs pas la plus appropriée en l’occurrence : seul le pacte fait li-l-irâda confère la qualité de disciple (murîd), et engage celui-ci dans une obéissance totale envers le Cheikh, ce qui le distingue du pacte fait li-t-tabarruk  qui permet de « participer aux grâces et à la protection dont la sainteté du fondateur et de ses successeurs est le garant » 124 . Th. Zarcone note enfin, cette fois au sujet de la tarîqa Hâmidiyya, que selon le R. P. Ernst Bannerth, « il n’est pas étonnant que René Guénon […] soit devenu membre de cette confrérie » 125 .

Reportons-nous à ce qu’affirmait ‘Abd al-Halîm Mahmûd, futur recteur d’El-Azhar 126, au début de son étude, à propos du Cheikh ‘Abd al-Wâhid Yahyâ, « Il est de ceux qui ont pris le pacte initiatique shâdhilite (al-‘ahd ash-shâdhilî) .

Il l’a pris de la main (‘alâ yad) du connaissant par Allâh (al-‘ârif bi-Llâh) 127, le regretté Cheikh Salâma ar-Râdî . Les anciens, parmi les disciples du Cheikh Salâma ar-Râdî – sur lui la Satisfaction d’Allâh ! – se souviennent encore de ce « Cheikh » européen, au vêtement (jubba) 128 vert et au turban blanc, de taille élancée, plutôt mince 129 . Ils se rappellent encore de son visage resplendissant de lumière (wajh al-mushriq bi-n-nûr) et d’expression angélique (samt al-malâ’ikî), de sa démarche digne et posée, de sa manière de s’asseoir devant le Cheikh avec humilité et tenue, cherchant courtoisement à faire taire quiconque avait posé des questions, de façon à ce que le Cheikh puisse poursuivre sans interruption son entretien (doctrinal), sans confiner celui-ci dans des précisions inhérentes aux questions posées et ramenées au niveau des (simples) conceptions humaines . C’était un Shâdhilî d’Occident » 130 .

Le pacte initiatique est décrit dans le Qânûn (art. 328) en référence à deux épisodes de la vie du Prophète : l’un est d’ordre général et fraternitaire, l’autre est plus directement d’ordre initiatique . Sa description débute ainsi : « C’est un engagement concernant les liens traditionnels, semblable à celui qui a été contracté avec les Ansâr – qu’Allâh soit satisfait d’eux ! - » . Une fois installé à Médine en 622, le Prophète avait donné aux habitants de cette ville le titre d’Ansâr, Auxiliaires, et à ceux qui l’avaient accompagnés durant l’Hégire, celui de Muhâjirûn, Emigrants . Afin de resserrer les liens entre les membres des deux groupes, il institua un pacte de fraternité, chaque Auxiliaire devenant désormais le frère d’un Emigrant, et réciproquement .  A part, chaque membre de la famille de l’Envoyé prit comme frère un autre membre de cette même famille, conformément au Prophète qui avait pris ‘Alî par la main en déclarant : « voici mon frère ! » . Le fait de joindre la prise de main à une formule scellant un pacte, ce geste à une parole, se retrouvera six ans plus tard, à Hudaybiya, lors du pacte d’allégeance contracté entre le Prophète et ses compagnons : « Allâh a très certainement agréé les croyants (al-mu’minîn) quand ils ont fait le pacte avec toi (yubâyi’ûnaka) sous l’arbre » (Coran, 48, 18) . En outre, le Prophète leva sa main gauche, représentant celle d’’Uthmân qui était absent, la mit dans sa main droite, et prononça le serment . En mentionnant ainsi les Ansâr, dans le préambule de l’article, le Cheikh Salâma « privilégie » donc, d’une certaine façon, le pacte fraternitaire au pacte d’allégeance, même si ce dernier n’est pas exclu, puisqu’il sera mentionné lors de l’engagement « d’ absolue soumission au Cheikh » . 

Après cette référence, la description du pacte commence . Une telle relation détaillée étant plutôt rare 131 , et présentant aussi un intérêt documentaire par rapport à René Guénon qui fréquenta la tarîqa Hâmidiyya, nous la reproduisons intégralement .

« Le pacte initiatique (al-‘ahd) .

Sa forme est la suivante : le Cheikh ordonne à l’aspirant  (murîd) qui demande à faire le pacte d’accomplir les ablutions rituelles . Puis le Cheikh s’assoit comme il le fait dans la prière [mais en tournant le dos à la qibla, l’orientation rituelle] . Il donne l’ordre à l’aspirant de faire de même, de façon à ce que ses genoux touchent ceux du Cheikh . Ensuite, il établit un lien avec lui, le Cheikh plaçant sa main sur la main droite de l’aspirant . Celui-ci regarde alors dans ses yeux, répétant ce que le Cheikh dit, ainsi que cela est consigné dans le texte [suivant] .

Le pacte est en deux parties : l’une concerne la transmission de l’influence spirituelle (baraka), qu’il est possible de recevoir plus d’une fois ; et l’autre est propre à la vie initiatique, qu’on ne peut prendre à nouveau d’un autre Cheikh . Le Cheikh qui donne cette dernière doit posséder de nombreuses qualités . Il se doit d’être d’entre ceux qui possèdent une connaissance initiatique d’Allâh . Quiconque s’associe à lui, puis le quitte pour un autre, est semblable à celui qui s’amuse à faire des farces . On s’accorde sur le fait que les Maîtres écartent leurs cœurs d’un tel individu . Celui qui est ainsi s’est, en vérité, éloigné du Regard d’Allâh . Nous prenons refuge en Allâh contre le bannissement et toute carence . Et celui qui respecte les droits de son Cheikh, dans une relation légitimement fondée, Allâh lui ouvre l’œil de son intelligence, et le bénit .

Le commencement du Soufisme consiste dans la guérison des cœurs, et le Cheikh est le médecin des âmes et des cœurs . La relation entre un aspirant et un pseudo-Cheikh, hors de tout lien authentiquement légitime, est comparable au malade qui se rend chez quelqu’un qui n’est pas médecin ; et celui qui n’est pas médecin nuit au patient 132 .

Pour chacun, toute chose est comprise dans sa façon de vivre et dans ses états . Aussi, pourquoi faire ainsi [être avec un faux instructeur spirituel], alors que paraît l’aube de la vérité et que la révélation se dévoile ? Chez un tel Cheikh est le plus grand des dommages et le pire des dangers 133 . Allâh nous a accordé Son Aide pour nous diriger dans la voie de Son bien-aimé, en gardant le Livre d’Allâh et la Sunna de Son Prophète . Louanges à Allâh, dont la Grâce te permet d’accomplir des actions vertueuses !

[A partir de maintenant l’aspirant répète ce que le Cheikh dit .]

Je demande pardon à Allâh, le Très-Haut . Il n’y a pas d’autre Dieu, le Vivant, le Soutien universel, et je me tourne repentant vers Lui .

Je me suis repenti auprès d’Allâh, et suis retourné vers Allâh . Je regrette ce que j’ai fait, et j’ai pris la résolution de ne plus jamais commettre de nouveaux péchés . Je le dis avec ma langue, ajoutant foi en mon cœur, et je témoigne  qu’il n’y a d’autre divinité sauf Allâh, et que Muhammad est l’Envoyé d’Allâh .

J’ai foi en Allâh, en Ses anges, en Ses livres, en Ses prophètes et en le dernier jour . Et en toute chose positive ou négative je m’en remets à la voie des gens de la Tradition prophétique (Sunna) et du consensus (ijmâ’), en fonction du dessein d’Allâh et de l’usage de Son Prophète .

Ô Allâh ! En vérité je témoigne devant Toi et Tes anges, devant les porteurs de Ton trône, Tes prophètes et Tes messagers, devant ce qui suffit à Ta création, et Tu es le meilleur des témoins, que j’ai pris, admis et accepté ce frère-ci comme frère devant Allâh et comme guide vers Lui, sur le chemin et la voie [initiatique] de nôtre seigneur (sayyidunâ) ‘Alî ibn ‘ Abdullâh Abû-l-Hasan ash-Shâdhilî et de notre seigneur Salâma ibn Hasan ar-Râdî, qu’Allâh soit satisfait d’eux !

En vérité, j’ai fait alliance avec Allâh, je m’engage devant Allâh, je m’en remets à Allâh et Le prends comme témoin en ce que j’ai accepté de mon propre gré une absolue soumission à ce Cheikh, et je ne m’opposerai pas à lui ni dans mon cœur, ni dans mes membres, ni par la langue . J’ai fait ce pacte sollenel entre Allâh et moi comme étant un pacte conforme à la loi, véridique, sincère, résolu, total et absolu, tant extérieurement qu’intérieurement , tant que je vivrai, et en fonction de l’intention de mon Cheikh . J’en rendrai compte en ce monde et dans l’autre, et en suis responsable devant Allâh . Si je m’oppose à mon Cheikh, le renie, me dresse contre lui, en change et en prends un autre, je serai ainsi un traître, déloyal et parjure eu égard aux engagements formels envers Allâh et envers Ses promesses, et je me réfugie en Allâh contre cela . Nous espérons rester fidèle à ce dont nous avons prêté serment et à ce dont nous nous sommes engagé envers Allâh . Allâh est le Garant de ce que nous disons .

Puis le Cheikh prononce à voix basse, mais restant toujours audible :

Ô Allâh ! En vérité je me suis soumis à Allâh . J’ai admis ce frère-ci et l’ai pris comme un frère en Allâh ; j’ai accepté quiconque a reçu cette instruction qui est nôtre, étant venu à nous, rattaché ou non à nous .

Il est désormais, comme chacun d’entre nous, membre de la voie shâdhilite ; nous sommes devenus d’entre ses enfants [il s’agit du Cheikh Abû-l-Hasan ash-Shâdhilî], et sommes entrés dans son cercle, sous sa protection . Ô Allâh ! Ne nous détourne pas de Ta Présence, et ne nous isole pas de Toi ! Louange à Allâh pour toute chose !

Mes frères, sachez que le Prophète – qu’Allâh le bénisse et le préserve ! - , enseigna le dhikr à l’Imâm ‘Alî, et c’est par cette chaîne initiatique bénie qu’il nous est parvenu, [chaîne] commençant par Allâh – qu’Il soit exalté ! - , [et continuant] par Ses anges rapprochés, par le seigneur de l’ensemble des hommes, qu’Allâh le bénisse, ainsi que sa famille, tous ses compagnons et ceux qui le suivent, et quiconque suit ces successeurs dans l’excellence jusqu’au jour du Jugement . Ensuite il a été transmis à nos Maîtres, pour arriver jusqu’à nous et, finalement, te parvenir . Aussi répète trois fois : Lâ ilâha illâ Allâh, « Nul dieu sauf Allâh » . La chaîne de l’enseignement initiatique t’est transmise .

Le Très-Haut a dit : Respectez (awfû) le pacte d’Allâh (‘ahdi-Llâhi) 134, quand vous avez fait le pacte, et ne rompez pas les serments après les avoir renforcés et avoir pris Allâh comme garant (kafîlan) contre vous (Coran, 16, 91) . Allâh le Très-Grand a parlé en vérité . Le Très-Haut a dit aussi : Véritablement, ceux qui font le pacte avec toi (yubâyi’ûnaka) 135 ;  ne font le pacte qu’avec Allâh (yubâyi’ûna-Llâha) ; la Main d’Allâh (Yadu-Llâhi) est au-dessus de leurs mains . Quiconque le rompt (le pacte) ne le rompt qu’à son propre détriment . Et quiconque respecte (awfâ) ce qu’il a pactisé avec Allâh (‘âhda ‘alayhu-Llâha), alors Il lui octroiera une récompense immense (âjran ‘azhîman) (Coran, 48, 10) 136 . Allâh le Très-Grand a parlé en vérité .

[Puis le Cheikh prononce à voix basse, seul, mais restant toujours audible :]

Louange à Allâh, et que la bénédiction et la paix soient sur le Prophète d’Allâh, sur sa famille, ses compagnons et sur celui qui suit leur guidance . Je m’engage et vous engage à avoir foi en Allâh le Très-Grand, et à me soumettre et à vous soumettre à Lui ; je me mets en garde et vous mets en garde contre toute insoumission envers Lui et toute opposition à Lui . Sachez que vous avez fait le pacte avec Allâh et Son Prophète, un pacte véridique et conforme à la Loi avec votre Cheikh . Vous l’avez fait en tant qu’engagement que vous ne devez jamais rompre . Sa réalisation est à votre charge, en fonction de ce que vous avez contracté et de ce que vous avez juré à Allâh le Très-Haut . Vous obtiendrez réussite et serez favorisé, et Allâh sera satisfait de vous . Sachez que c’est le pacte d’Allâh (‘ahdu-Llâhi) et Sa promesse : c’est une charge d’Allâh sur vos épaules . Allâh vous interrogera à son sujet quand vous vous tiendrez devant Lui . Celui qui glorifie Allâh glorifie la Voie d’Allâh, et celui qui se répand en mépris envers Allâh se répand en mépris envers elle .

 
Section sur les oraisons (awrâd) du matin et du soir 137 .


Quant à l’oraison (wird) du matin et du soir, elle est ainsi :

Je demande pardon à Allâh (astaghfiru-Llâh) (100 fois) ;
Allahumma, prie sur notre Seigneur Muhammad, Ton serviteur et Ton prophète et Ton Messager, le Prophète illettré, sur sa famille et ses compagnons et, salue-les (Allahumma salli ‘alâ Sayyidinâ Muhammad ‘abdi-Ka wa Nabî-Ka wa Rasûli-Ka an-Nabî al-ummî wa’alâ alihi wa sahbihi wa sallim) » (100 fois) ; et son sceau : Nulle divinité sauf Allâh (Lâ ilâha illâ Allâh) (100 fois) 138 ;
Notre Seigneur Muhammad est le Messager d’Allâh, qu’Allâh prie sur lui et le salue ! (Sayyidinâ Muhammad Rasûlu-Llâh sallâ-Llâh ‘alayhi wa sallama) (1 fois) .
[ Le Cheikh s’adresse au disciple, et les frères répondent . ]

As-tu accepté le pacte que nous avons passé avec toi et établi pour toi comme condition ? – Nous l’avons accepté ! – Et es-tu satisfait du pauvre en Allâh (faqîr ilâ-Llâh) comme frère et guide ?

- Nous l’avons accepté !

Ô Allâh, en vérité je témoigne devant vous que j’ai accepté et accueilli tous ces frères comme frères en Allâh le Très-Haut, et que j’ai accueilli tous ceux qui ont dit : « nous avons reçu » . Et quiconque a dit : « nous avons reçu » est devenu d’entre nous ; il possède ce que nous possèdons, et nos fonctions s’imposent aussi à lui . Avez-vous accepté ? – Nous avons accepté ! – Et nous [le Cheikh] avons accepté !

Récitons la Fâtiha 139 .

Gloire à ton Seigneur, le Seigneur de l’Elévation hors de ce qu’ils attribuent ! Que la Paix soit sur les envoyés ! Et louange à Allâh, le Seigneur des mondes ! 140 . Dites avec moi une seule fois : « Nulle divinité sauf Allâh, Muhammad est l’Envoyé d’Allâh » .

 
Muhammad Hassan Chadli

 

 

 

114. Op. cit., pp. 20-41 .
115. En arabe, yad (main) est du genre féminin .
116. Nous avons entendu cette « anecdote » lors d’une conférence publique donnée à Paris par le fils du Cheikh ‘Abd al-Wâhid Yahyâ, puis par une autre source, d’ordre privé .
117. « Les derniers hauts grades de l’Ecossisme et la réalisation descendante », Etudes Traditionnelles, 1953, p. 225 .
118. Michel Vâlsan, « La fonction de René Guénon et le sort de l’Occident », Etudes Traditionnelles, 1951, p. 255 .
119. Ibid., p. 218 .
120. . Ibid., p. 217 . Cf. aussi : « ce qui est certain, c’est que la ressource intellectuelle que l’Orient a utilisée par lui a cessé, car elle était liée à des qualités personnelles providentiellement disposées » (Ibid., p. 254) .
121. ‘Abd al-Halîm Mahmûd, Al-Madrasa ash-shâdhiliyya al-hadîtha wa-l-Imâmuha Abû-l-Hasan ash-Shâdhilî, La nouvelle école shâdhilite et son imâm Abû-l-Hasan ash-Shâdhilî, pp. 11-12, Le Caire, 1968 . Peut-être était-il déjà cité dans la première version de ce livre, en 1954 ?
122. Michel Vâlsan, op. cit., p. 30 .
123. Art. cit. dans L’Ermite de Duqqi, p. 270 .
124. Michel Chodkiewicz, « Le Soufisme au XXIe siècle », dans Les voies d’Allâh, op. cit., p. 541 .
125. Cf. « Aspects humains de la Shâdhiliyya en Egypte », Mélanges de l’Institut Dominicain d’Etudes Orientales, XI, 1972 . Th. Zarcone reproche à cet orientaliste de ne pas « fournir d’explications » . M. Sedgwick parle du Cheikh Salâma comme étant le « propre Shaykh (his own Shaykh) » de Guénon au Caire (art. cit., p. 7), et écrit, à propos de la tarîqa Hâmidiyya que c’est « là que la carrière de Guénon s’acheva » (p. 3) .
126. Il est significatif que ce n’est pas en sa qualité de professeur d’université, mais bien comme rattaché au Soufisme, puisqu’il était shâdhilite, qu’il parviendra, non sans difficultés, à rencontrer au Caire le Cheikh ‘Abd al-Wâhid Yahyâ (cf. Chacornac, op. cit., pp. 106-108 ; ‘Abd al-Halîm Mahmûd, op. cit., pp. 233-237) .
127. « L’expression ‘ârif bi-Llâh, qui désigne traditionnellement l’homme spirituel accompli, signifie à la fois le gnostique, celui qui connaît Dieu, et le théodidacte, celui qui est instruit par Dieu » (Michel Chodkiewicz, « Les Maîtres spirituels en Islam », Connaissance des Religions, n° 53-54, p. 48) .
128. Long vêtement d’homme, droit et à manches longues .
129. Litt : plus proche de la maigreur que de l’embonpoint .
130. ‘Abd al-Halîm Mahmûd, op. cit., pp. 11-12 . En rédigeant notre article, nous avons appris que ce passage avait été cite par Jean Abd-al-Wadoud Gouraud dans l’introduction à Un soufi d’Occident, René Guénon (Shaykh ‘Abd-al-Wâhid Yahyâ), p. 26, GEBO-Albouraq, Beyrouth, 2007 ; cette « divulgation » simultanée était manifestement « dans l’air » . Ce livre récemment publié contient notamment la traduction de la 3e partie du livre d’’Abd al-Halîm Mahmûd, consacrée à Guénon, et intitulée : « Al-‘ârif bi-Llâh ash-Shaykh ‘Abd-al-Wâhid Yahyâ » (pp . 229-341) .

D’autre part, l’année 1349 H., dont nous avons déjà parlé, qui s’étend du 29 mai 1930 au 18 mai 1931 (cf. Haig, op. cit., p. 28), pourrait aussi être celle du pacte fait par le Cheikh ‘Abd al-Wâhid et le Cheikh Salâma Hasan ar-Râdî . Ce second pacte n’est probablement pas étranger à la publication des articles de René Guénon sur l’initiation, à partir de 1932, dans Le Voile d’Isis . De plus, dans son abondante correspondance, Guénon a apporté nombre d’éclaircissements concernant des questions relevant du domaine de la technique initiatique, notamment de celle propre au Tasawwuf : quelle « part » de ses connaissances aussi précises pourrait revenir, à un degré ou à un autre, au Cheikh Salâma ?
131. Il ne semble pas, par exemple, qu’on en trouve dans les écrits d’Ibn ‘Arabî, pourtant détaillés sur à peu près tous les points de l’enseignement propre à la tradition islamique . L’article de Michel Chodkiewicz, « Les rites d’initiation dans le Soufisme » (‘Ayn al-Hayât, n° 5, pp. 45-64, et Connaissance des Religions, n° 69-70, pp. 81-95) apporte toutefois d’utiles précisions  sur cette question « technique » . Cf. aussi Gerhard Böwering, « Règles et rituels soufis », dans Les Voies d’Allâh, op. cit., p. 151-156 .
La description que nous donnons est celle de l’article 328 du Qânûn, édité dans la 10e et dernière section se rapportant aux « Règles générales » de la tarîqa Hâmidiyya . Une telle description relevait auparavant du domaine « réservé » des turuq . Or, depuis bien des années, les membres de celles-ci distribuent désormais gratuitement les textes des  rituels, oraisons, etc., dans un souci évident de prosélytisme . De plus, dans le cas présent, il existe une traduction anglaise (cf. Gilsenan, op. cit., pp. 239-241 et 96-97) . Pour ces raisons, nous nous sommes autorisé à publier en français ce document  .
132. Ibn ‘Arabî enseigne que « les Maîtres sont les médecins de la Religion d’Allâh » . Ceux à qui il manque « quelque chose dont ils ont besoin pour exercer la fonction éducative (tarbiyya), il ne leur serait pas permis de s’asseoir sur le siège de la maîtrise, car ils pourraient alors nuire plus qu’ils ne seraient utiles, et produiraient des troubles, comme il arrive de la part de médicastres qui endommagent le valide et tuent le malade » (Futûhât, chap. 181, trad. Cit., p. 170) .
133. Le pacte initiatique, s’il est effectué selon les règles prescrites, a une efficacité en lui-même, indépendamment de la valeur propre du transmetteur . La mise en garde du Cheikh Salâma concerne donc bien le risque, pour celui qui aspire au rattachement initiatique, de ne pas être guidé correctement par celui entre les mains duquel il s’en remet . Nous avons vu à plusieurs reprises, au cours de cet article, que le Cheikh, en tant que Maître spirituel authentique – et comme Ibn ‘Arabî dans le passage cité dans la note précédente - , a dénoncé les Maîtres « incomplets », les charlatans et imposteurs . C’est d’ailleurs un thème « récurrent » dans le Soufisme, comme l’a montré Michel Chodkiewicz dans la partie liminaire des « Maîtres spirituels en Islam » (art. cit., pp. 33 et suiv. ) . René Guénon s’y est appliqué en 1948, dans son article : « Vrais et faux instructeurs spirituels » (chap. 21 d’Initiation et réalisation spirituelle) ; il demandait d’ailleurs expressément que « non seulement les Maîtres spirituels authentiques, mais encore tous ceux qui ont à quelque degré conscience de ce qu’est réellement l’initiation » « doivent dénoncer et combattre, chaque fois que les circonstances l’exigent », ceux qui ne sont en réalité que de faux instructeurs spirituels . L’époque actuelle n’étant pas vraiment dépourvue de ce type de personnages, et puisque c’est un devoir de les dénoncer et de les combattre, selon Guénon, il faudrait donc rédiger une étude sur ce sujet .
134. Cette expression est mentionnée huit fois dans le Coran .
135. Nous retrouvons ce terme cité plus haut dans le verset 18 de cette même sourate 48 .
136. Au début de cet article concernant le pacte, le Cheikh Salâma se réfère à l’engagement contracté avec les Ansâr . Dans le présent verset, il s’agit d’un autre épisode, celui d’Hudaybiyya dont nous avons parlé plus haut . – Certains termes de ce verset 48, 10, sont tirés de racines contenant l’idée de « lier », « attacher » : BA’, d’où bay’a et mubâya’a, « pacte », et ‘HD, d’où ‘ahd que nous avons déjà rencontré (sur cette question, cf. Michel Chodkiewicz, « Les rites d’initiation dans le Soufisme », art. cit., pp. 81-83) .
137. C’est la reprise de l’article 223, à quelques variantes près .
138. Ces trois parties de l’oraison sont donc la demande de pardon (istighfâr), la prière sur le Prophète (salâtu-n-Nabî) et la première partie de la Shahâda . Celle-ci est récitée de façon « développée » dans certaines turuq, par exemple sous la forme transmise par René Guénon en 1934 à la fin de son article intitulé « Le Soufisme » : « Lâ ilâha illâ Allâh wahda-Hu, lâ sharîka la-Hu, la-Hu al-mulku wa la-Hu al-hamdu, wa Huwa ‘alâ kulli shayin qadîr, Nulle divinité sauf Allâh Lui seul, Il n’a pas d’associé, à Lui le royaume et à Lui la louange, et Lui est sur chaque chose Tout-Puissant » (Articles et comptes rendus, Tome I, p. 54) . Cette formule provient d’ailleurs d’une tradition dans laquelle le Prophète affirme : »La parole la plus excellente que j’ai dite, dans l’après-midi du jour d’’Arafa, moi et les prophètes qui m’ont précédé, c’est Lâ ilâha illâ Allâh wahda-Hu… »
139. « L’Ouvrante », la première sourate du Coran, qui scelle ici le rite du pacte initiatique .
140. Coran, 37, 180-182 (trois derniers versets de cette sourate) .

mercredi 11 septembre 2013

Cheikh Salâma Râdi - Aperçus biographiques- Règles « canoniques » de son ordre. Son lien avec René Guénon - IV - Les règles de la tarîqa Hâmidiyya : le Qânûn



 
 
 
IV - Les règles de la tarîqa Hâmidiyya : le Qânûn
 

 Muhammed hassan Chadli
 

Dans l’ouvrage qu’il publie en 1926 : Qânûn, le Cheikh Salâma montre la parfaite régularité et orthodoxie de la tarîqa Hâmidiyya qui est alors à nouveau reconnue officiellement . Dans cet Ordre soufi, organisation hiérarchisée et fraternitaire, les caractères juridiques et administratifs sont aussi particulièrement notables, nombre d’articles du Qânûn se conformant nécessairement aux « Règlements » de 1905, quand ils ne les reprennent pas . Et « il n’est peut-être pas sans intérêt de remarquer que, en arabe, le mot qânûn, dérivé du grec, est employé pour désigner toute loi adoptée pour des raisons purement contingentes et ne faisant pas partie intégrante de la Sharî ‘a ou de la législation traditionnelle » 90 .

Il est significatif que le premier article mentionne expressément que « le but des membres de la tarîqa est d’accéder à la Connaissance d’Allâh (Ma’rifatu-Llâhi), d’obtenir Son agrément, d’accomplir les devoirs d’humble adoration et de rendre à Dieu Ses droits » 91 . C’est bien la Connaissance initiatique et métaphysique suprême qui est ici privilégiée, celle-ci s’inscrivant d’ailleurs dans le pur respect de la Loi islamique « fondée sur le Coran et la Tradition prophétique (Sunna), exempte de toute hérésie coupable » (1ère section, art. 2) . L’article suivant est le premier de plusieurs principes spécifiques  de la tarîqa : il affirme la nécessité de «  la guerre sainte des âmes » . Nous retrouvons la « grande guerre sainte », dont nous avons précédemment parlé, l’homme devant « tendre avant tout et constamment à réaliser l’unité en lui-même, dans tout ce qui le constitue, selon toutes les modalités de sa manifestation humaine : unité de la pensée, unité de l’action, et aussi, ce qui est peut-être le plus difficile, unité entre la pensée et l’action » 92 . Les articles suivants concernent l’humilité, la rémission à la Volonté divine, la pratique du souvenir (dhikr) d’Allâh, en toute occasion, « qui est la nourriture des cœurs », la récitation du Coran, et la connaissance de la Loi sacrée (art. 4-9) . Puis viennent les dispositions relatives aux aspects fraternitaires des membres de la tarîqa : relations d’amitié sincère, impliquant l’amour du prochain, le fait de se rendre réciproquement visite, d’aider les pauvres, dans la mesure du possible, aussi bien matériellement que spirituellement (art. 11-16) . D’autres prescriptions concernent le respect des convenances (adab), celles-ci devant prévaloir dans toute organisation initiatique authentique, et s’étendre à l’extérieur dans les relations sociales avec tous les hommes : « chacun doit être miséricordieux envers son frère . Aussi ne doit-il pas se disputer avec lui, ni se quereller avec lui, ni l’insulter, ni médire dans son dos, ni l’envier, ni le traiter de menteur, ni lui causer du tort (ou : Salir sa réputation) » (art. 19) . Dans une autre section, il sera précisé qu’on doit aussi éviter « d’appeler son frère menteur, même indirectement (art .204),

Et s’abstenir de parler de quelqu’un qui est absent (art. 213) .

Ces préceptes de morale traditionnelle s’inscrivent également dans la conception de la « grande guerre sainte », puisque, selon le Cheikh Salâma, leur respect « est une aide pour l’homme contre son ego (nafs) et contre son satan (shaytan) 93, et non une aide pour ces derniers contre lui » (art. 19, fin) ; leur réalisation initiatique est, selon un hadîth, « la caractérisation par les Caractères d’Allâh » (takhallaqû bi—Akhlâq Allâh) .

Les prérogatives de la Loi sont rappelées dans plusieurs articles qui contiennent aussi des critiques des doctrines non-orthodoxes et des pratiques blâmables . Ainsi est-il demandé « aux membres de notre tarîqa de ne parler de la vérité qu’en s’appuyant, dans les pensées, sur le Livre et la Sunna » (art. 24) .

Le panthéisme, le fait de délaisser les commandements divins parce qu’on a atteint tel degré de réalisation, s’adonner à la magie, sont condamnés (art. 25-27) . Après avoir mentionné l’interdiction d’adhérer au panthéisme (ittihâdiyya) 94, il est précisé immédiatement qu'il  s’agit de « l’idendité du monde avec Allâh », quel que soit l’aspect (jiha) sous lequel on l’exprime . Il est défendu, de même, d’affirmer « qu’al-Haqq, le Dieu-Vrai, est identique à la création, ou de dire ce que Hallâj a dit » . Le panthéisme est faux, puisqu’en affirmant cette identité, il nie l’irréprocité de relation entre Allâh et Sa manifestation 95 .

Quant à Hallâj (vers 857-922), qui est ici nommé, il a été condamné pour avoir dit publiquement : « Anâ al-Haqq, Je suis le Dieu-Vrai », ou : « Je « [est] » le Dieu-Vrai » .

De même, certains usages du Soufisme sont-ils défendus lors des réunions rituelles ou des processions, comme l’utilisation d’instruments de musique, le fait de manger des insectes, des braises ou du verre . Il est aussi illicite d’utiliser des instruments (dabbûs ou sîkh) avec lesquels on se flagelle au sang, ou de pratiquer le dûsa (ou doseh) 96 : pour dispenser sa baraka, le Cheikh avance à cheval sur les corps de ses disciples étendus par terre (art. 37-41) 97 .

La fréquentation et l’imitation des « ravis » (majâdhîb ; sing. : majdhûb) sont défendues (art. 31) . René guénon a parlé de ces cas initiatiques sur lesquels s’est exercée « du côté spirituel, une attraction (jadhb,  d’où le nom de majdhûb, qui, faute d’une préparation adéquate et d’une attitude suffisamment active, a provoqué un déséquilibre et comme une scission, pourrait-on dire, entre les différents éléments de son être »98 . Plus loin, il distinguait les véritables majâdhîb de leurs simulateurs vulgaires qui mènent « une existence en quelque sorte parasitaires [et] n’ont pas le moindre intérêt » ; il ajoutait encore que même un saint authentique (walî), pour des raisons diverses, « peut aussi revêtir parfois l’apparence d’un majdhûb » . Un vrai majdhûb est un pneumatique, un pur spirituel « qui est arrivé à l’identification de soi-même avec l’Esprit universel » 99, directement, sans avoir parcouru les étapes de la Voie initiatique, son attraction (jadhb) étant  alors comparable à une véritable intégration 100 .

Il s’agit donc d’une question complexe, et les brèves précisions fournies par Guénon permettent de comprendre la mise en garde du Cheikh Salâma envers ses disciples .

Selon l’article 28, « il ne faut pas que le Cheikh ait la maîtrise des capitaux de son disciple, au point de lui ordonner de vendre ce qu’il possède, puis de récupérer le montant de la vente, comme certains, dénués de tout moralité l’ont fait » . Ce type de pratiques scandaleuses se rencontre habituellement dans les sectes, dont les chefs cupides spolient sans scrupules leurs « disciples », s’appropriant indûment leurs biens et argent . Sous ce rapport, il s’agit de véritables dérives sectaires au sein d’organisations initiatiques . Ce qui est ici dénoncé par le Cheikh Salâma relève aussi de la malversation pure et simple et de l’abus de pouvoir : n’est-il pas facile à certains responsables indignes de turuq de rappeler au disciple que celui-ci est entre les mains de son Cheikh « comme le cadavre entre les mains de (son) laveur » ? 101

Thierry Zarcone a suggéré qu’ ‘Abd al-Halîm Mahmûd fut sans doute influent sur la rédaction de la loi de 1976 régissant les confréries égyptiennes 102, ce qui est effectivement plus que probable . Il ne serait pas difficile de montrer que nombre d’articles du Qânûn, écrits par le Cheikh Salâma Râdî cinquante ans plus tôt, ont inspiré, ou ont été repris, dans l’esprit, si ce n’est dans la lettre, dans cette même loi . Cet article 28 est caractéristique à cet égard : la loi de 1976 précise désormais qu’un Cheikh n’est pas habilité à solliciter de ses disciples, ou des responsables de la tarîqa, « un partage des bénéfices, des prêts, ou un appointement régulier sous quelque nom qu’ils soient présentés »  . Il lui est seulement « permis d’accepter les dons offerts à la tarîqa de façon volontaire et sincère », le Maître des Maîtres des confréries devant être informé de ces dons (art. 35 et 54) . Il ne saurait donc y avoir désormais d’économie « parallèle » ou « souterraine », ni d’enrichissement « personnel », d’autant plus que chaque membre de tarîqa doit s’acquitter de cotisations mensuelles ou annuelles (art. 50 et 51) .

Venons-en maintenant aux relations entre le Maître authentique et le disciple : « le disciple ne doit pas disputer avec le Cheikh, ni lui réclamer de justification concernant ce qu’il lui ordonne ou lui fait faire, car les Maîtres sont les gens de confiance d’Allâh » . « Quiconque s’oppose à son Cheikh a rompu le pacte initiatique (‘ahd) et ses liens avec le Cheikh, même s’il reste aux côtés de celui-ci ; la porte de l’influx de grâce (madad) lui est close » . « Chaque disciple considère le Cheikh à la mesure de sa propre estimation (ou : selon ses propres capacités) » (art. 44-46) . La question des rapports du disciple avec un autre Cheikh que le sien est évoquée : pour le Cheikh Salâma, si « la visite des tombeaux des saints est permise, celle des Maîtres vivants ne l’est pas ; cependant, celui qui n’a aucun doute envers le Cheikh [Salâma] et sa tarîqa est autorisé à les visiter » (art. 42) . Dans la dernière partie, cette autorisation est confirmée d’une façon générale (art. 323) : elle reste toutefois subordonnée, semble-t-il, à la clause qui vient d’être mentionnée .

La seconde section concerne ceux qui ont été chargés par le Cheikh d’une fonction à l’intérieur de la tarîqa : remplaçant (wakîl), lieutenant (khalîfa), principal (naqîb), député (nâ’ib), chanteur (munshid), ces fonctions étant hiérarchisées entre elles, et chacune d’elle comprenant des degrés . Nous ne parlerons que des chanteurs, puisque le cadre général dans lequel s’exercent les autres fonctions est celui des « Règlements » de 1905 . Les chanteurs doivent connaître parfaitement les poèmes (qasâ’id ; sing, : qasîda) des Maîtres de la tarîqa, veillant à respecter leur métrique, tonalité, etc . (art. 98-100) . Ils doivent aussi connaître par cœur au moins un dixième du Coran, afin d’être à même de pouvoir le psalmodier en fin de réunion, si le Cheikh le demande (art. 112) . Les poèmes chantés pendant le dhikr doivent s’accorder avec les phases techniques de celui-ci et ne pas perturber ceux qui s’y adonnent (art. 117) .

Cette section contient aussi des prescriptions destinées aux membres de la tarîqa, les pauvres (fuqarâ’) en Allâh, notamment à propos des convenances à respecter lors des repas pris en commun (art. 154-167) .

La troisième section a pour objet la réunion rituelle (hadra) .

Celle-ci se déroule en cercles concentriques, ou bien en constituant un seul cercle à l’intérieur duquel les fuqarâ’ forment des rangées disposées de manière spéciale . En cas de besoin, ces derniers peuvent aussi se disposer en rangées, sans réaliser de cercle (art. 179) . La réunion débute, lorsque chacun est assis comme on le fait dans la prière, par des oraisons de la Shâdhiliyya ou de la tarîqa Hâmidiyya (art. 180), ou par la récitation d’une partie du Coran selon ‘Amirî 103 . Puis l’incantation initiatique (dhikr) en commun débute par la formule : Lâ ilâha illâ Allâh, « Nul dieu sauf Allâh » 104 . Après une période dont la durée est décidée par le Cheikh, ou par l’un des khulafâ’, chacun se lève en répétant vigoureusement : Allâh . Le Nom de Majesté sera repris, de moins en moins fort, jusqu’à être murmuré en commun . L’invocation est faite simultanément par tous les cercles ou rangs, et non pas alternativement ; les présents se tiennent par la main, constituant ainsi une « chaîne » . Le dhikr se poursuit par Huwa (Lui), puis par Al-Hayy (Le Vivant), Al-Qayyûm (Celui qui subsiste par Soi), et le Nom Allâh est à nouveau repris en chœur . Pendant les incantations, le Cheikh et certains de ses délégués veillent à ce que les frères conservent la « maîtrise d’eux-mêmes », pressant doucement sur le bras en cas de besoin, ce qui ramène le faqîr à la concentration, et doit l’aider à dominer son état spirituel (hâl) 105 .

Le dhikr terminé, chacun s’assoit, et on lit une partie du Coran, scellée par trois Lâ ilâha illâ Allâh, et par la formule Muhammad Rasûl Allâh (une fois) .

Dans l’enseignement du Cheikh Salâma, la pratique du dhikr se fonde sur les Ordres divins suivants : « Invoquez Allâh par une invocation fréquente, Dhkurû-Llâha dhikran kathîran » (Coran, 33,41), et : « Invoquez Allâh fréquemment afin que vous réussissiez, Dhkurû-Llâha  kathîran la’allakum tuflihûna » (Coran, 8, 45) . Ainsi, se livrer à l’incantation, c’est obéir à Allâh . D’autre part, il faut remarquer que la formule récitée tout d’abord, Lâ ilâha illâ Allâh, est coranique (37, 35 ; 47, 19), comme le sont les Noms divins repris lors du dhikr, debout . Ils sont mentionnés ensemble dans le célèbre « verset de l’Escabeau » (âyatu-l-Kursî, 2, 255), « le Seigneur du Coran, Sayyidu-l-Qur’ân » selon le hadîth 106, verset qui commence ainsi : « Allâhu lâ ilâha illâ Huwa-l-Hayyu-l-Qayyûmu, Allâh, nul dieu sauf Lui, le Vivant, le Subsistant » 107 . Enfin, les Noms retenus par le Cheikh Salâma pour le dhikr doivent favoriser la concentration, puisqu’ils se rapportent au caractère absolu d’Allâh, à Sa Transcendance et à Son Eternité, et sont sans « relation » à l’invocateur 108 . Le fait que, durant une partie du dhikr Allâh et du dhikr Al-Hayy, des qasâ’id sont chantées en l’honneur de Sayyidnâ Hussein, le petit-fils du Prophète enterré au Caire, et du Cheikh Salâma : « Yâ’ Sidnâ Hussein, yâ’Sidî Salâma, Ô notre Seigneur Hussein, ô Seigneur Salâma ! », sollicitant leur assistance et grâce, n’infirme pas ce qui vient d’être dit . En effet, cette demande d’aide est un « chant scandé » psalmodié par le chef des chanteurs et par quelques frères s’accordant « en contrepoint » au dhikr auquel l’ensemble des membres de la tarîqa continue à s’adonner « harmoniquement » 109, dans une combinaison unitive d’un seul et même rite . Tout en dominant apparemment, l’appel à la grâce du saint fondateur de la tarîqa et de Sayyidnâ Hussein, son glorieux ancêtre, ne saurait cependant « ombrager », d’une façon ou d’une autre, la Transcendance d’Allâh « visée » par ceux qui s’adonnent au dhikr .

La réunion se poursuit par des poèmes chantés , par un enseignement propre à la tarîqa, par diverses eulogies, dont plusieurs sont répétées un certain nombre de fois, et elle s’achève par trois : Lâ ilâha illâ Allâh, et Muhammad Rasûl Allâh (une fois) . Chacun se lève, salue son frère en Allâh et l’embrasse (art. 180), ou les frères s’embrassent mutuellement la main droite 110 . Divers conseils ou interdictions relatifs au dhikr en commun sont donnés dans les articles suivants (181-200) .

La quatrième section est celle des consultations doctrinales (mudhâkarât) . Celui qui a en charge cette forme d’enseignement soumet à la discussion un verset coranique, une tradition prophétique (hadîth) ou une « sagesse » (hikma) d’un Maître du Soufisme ; il apporte lui-même ses propres connaissances en ces domaines du savoir traditionnel, ce qui lui permet de prodiguer aux frères ses conseils et sa guidance . Chacun est autorisé à prendre la parole, dans le respect des convenances fraternitaires : il ne doit y avoir aucune discorde entre les frères, les interventions ayant lieu dans un climat de courtoisie, sans élévation de la voix . Lorsqu’une discussion porte sur des versets ou traditions, ceux-ci doivent être connus sans la moindre erreur . En cas de faute avérée, celle-ci sera relevée de façon allusive, et corrigée . Lors de ce type de réunion, le seul interlocuteur des frères reste toujours l’ « animateur » de la séance . Certaines questions ne peuvent être abordées qu’en présence du Cheikh (art. 201-214) .

La section suivante concerne les jugements et sanctions qui s’imposent après une faute : le principe de l’équité prévaut, puisqu’il favorise la réforme du comportement et le rapprochement auprès d’Allâh . On privilégie aussi la miséricorde et la bienveillance, ainsi que les rectifications faites verbalement plutôt que les jugements consignés dans un registre (art. 215-219) .

Nous parvenons à la sixième partie relative aux oraisons (awrâd) . Il s’agit d’ailleurs non seulement des oraisons, mais aussi des diverses pratiques rituelles, imposées ou conseillées, propres à la tarîqa Hâmidiyya . Les oraisons, qui doivent être récitées matin et soir, seront traduites un peu plus loin . Comme le dhikr « personnel », ces oraisons ont été données par le  Cheikh, ou par l’un de ses représentants, lors du rattachement initiatique . René Guénon enseigne à ce sujet que « l’initiation proprement dite est essentiellement constituée par la ransmission régulière de certaines formules, […comme] celle du wird dans les turuq islamiques ; il y existe aussi toute une « technique » de l’invocation comme moyen propre du travail intérieur » 111, et il se référait alors en note au dhikr . C’est effectivement pendant l’initiation que le dhikr « personnel » est prononcé, dans cette tarîqa, trois fois par le transmetteur, et répété trois fois par le récipiendaire : Lâ ilâha illâ Allâh, « Nul dieu sauf Allâh » . D’une façon générale, il est permis de la répéter, matin et soir, entre cent et mille fois (art. 224), le Cheikh fixant pour chaque disciple le nombre de répétitions de cette formule quand elle dépasse le millier . De plus, si le Cheikh distingue certaines dispositions chez l’un de ses disciples, « il lui transmettra un dhikr spécial, approprié pour lui » : il récitera ainsi tel Nom divin, tant de fois (art. 246) .

Il est demandé aussi de réciter quotidiennement certaines oraisons ou litanies (ahzâb) dont Al-Jawhara, Le Joyau, La Gemme, de la Hâmidiyya, les autres, remontant au Cheikh Abû-l-Hasan ash-Shâdhilî ou à ses successeurs, étant laissées à l’appréciation de chacun . Il est recommandé de lire le Coran, plus spécialement certaines sourates 112, et réciter la prière shâdhilite sur le Prophète An-Nûr adh-dhâtî, La lumière essentielle (art. 226-244) . Enfin, une autre pratique de la Voie est mentionnée : il s’agit de la retraite cellulaire (khalwa ; art. 249) . Compte tenu de ses « épreuves » et « dangers » - contacts avec certains aspects « ténébreux » ou « lumineux » -, il ne faut surtout pas s’en remettre entre les mains de quiconque n’a pas les qualifications requises . La retraite cellulaire ne peut s’effectuer que sous la guidance d’un Cheikh possédant « à la fois la science médicale des docteurs, les compétences religieuses des prophètes et celles des rois en politique » . Ces trois domaines correspondent respectivement au sacerdoce, à la prophétie et au pouvoir temporel .

Leur mention ici est une véritable indication subtile (ishâra) suggérant l’excellence des connaissances du Cheikh Salâma, et la condition éminente de sa fonction .

Les deux sections suivantes  se rapportent aux processions et aux emblèmes de la tarîqa . C’est le khalîfa nommé le plus récemment qui défile en tête, suivi de ceux soumis à son autorité, puis des autres khulafâ’ et de ceux dont les fonctions sont moins importantes (art. 252) . « Défiler à cheval lors d’une procession de notre tarîqa est absolument interdit » (art. 255) . Chaque membre de la tarîqa porte un vêtement blanc, une bande verte en travers de la poitrine sur laquelle est écrit en blanc ou jaune, la Shahâda en caractères verts ; en dessous, en lettres plus petites : Madad yâ’ Abû-l-Hasan, Assistance gracieuse, ô Abû-l-Hasan [ash-Shâdhilî], inscription suivie du nom de la tarîqa (art. 261-262) .

La section suivante concerne les jugements internes de la tarîqa : c’est une explicitation détaillée de certains articles des « Règlements internes des Ordres soufis » de 1905 dont nous avons parlé . La dernière section a pour titre : les règles générales de la tarîqa . Là encore, tout s’accorde avec les « Règlements » .

Nous avons vu, par exemple qu’au décès d’un Cheikh, c’est son fils aîné qui lui succède 113 . On ne trouve toutefois aucune indication pour les autres fonctions . Dans le Qânûn, il est stipulé qu’elles ne sont pas héréditaires (art. 300-303) . L’avant-dernier article se rapporte au pacte initiatique (‘ahd) ; nous y reviendrons tout à l’heure . Le dernier précise qu’en cas de doute au sujet de la compréhension d’un article du Qânûn, ou si l’on a besoin d’explications sur sa signification, il faut s’adresser au siège du Cheikh (sajjâda), ce qui pourra donner lieu à un supplément au Qânûn .

Ainsi, alors que l’article initial mentionne expressément que « le but des membres de la tarîqa est d’accéder à la Connaissance d’Allâh (Ma’rifatu-Llâhi) » ce recueil de lois s’achève par la description précise des moyens initiatiques retenus pour y parvenir, à commencer par le premier d’entre eux, le rattachement initiatique .
 
 
 
 
90. René Guénon, Aperçus sur l’ésotérisme chrétien, chap. 2 . En grec, le terme kanôn désigne une baguette ou canne droite, une corde ocrée utilisée par les maçons ou charpentiers, une règle ou norme, un critère ou étalon (d’où l’idée de « modèle proportionné ») .
91. Rappelons qu’un article des « Règlements » de 1905 stipule qu’ « il ne  saurait y avoir d’autre but dans le Tasawwuf que celui de la connaissance de la Loi et sa réalisation » (5e section, 1er art.) .
92. René Guénon, Le symbolisme de la Croix, chap. 8 .
93 . Coomaraswamy  rappelait « qu’une mise en étroit parallèle de l’âme avec Satan a été souvent faite », Rûmi enseignant leur « idendité » : « l’âme et Satan sont tous deux un seul être » (« Qui est  Satan  et où est l’ Enfer ? », dans La signification de la mort, pp. 83 et 87, Archè, Milan, 2001) . Les pensées psychiques (khawâtir nafsiyya) sont causes d’illusion, l’âme (nafs) étant le domaine propre de l’action de Shaytân .
94. A cette époque, deux branches de la Shâdhiliyya avaient été condamnées pour ce motif .
95. Ce n’est d’ailleurs qu’en déformant la doctrine purement métaphysique de l’Idendité suprême, de la Wahdatu-L-Wujûd, que certains théologiens musulmans ont pu porter contre cette doctrine leurs accusations de « panthéisme » . L’enseignement d’Ibn ‘Arabî, malgré ce type d’attaque, « continue à dominer le courant central de la mystique musulmane en Egypte et ailleurs », selon F. De Jong (art. cit., p. 210) .
96. Rendu célèbre par une gravure placée au début du livre de E. W. Lane : An account of the manners and customs of the modern egyptians, London, 1890 . L’auteur avait assisté à cette cérémonie lors de son séjour en Egypte (1833-1835), et il la décrit au chap. 24 .
97. Dès 1881, le khédive avait prohibé de telles pratiques, mais il faut croire que leur interdiction n’avait pas été respectée, puisque le Cheikh Salâma les mentionne encore en 1926 .
98 Initiation et réalisation spirituelle, chap. 27 .
99. Palingénius, « Le Démiurge », La Gnose, janvier 1910, repris dans Mélanges, p. 20 . Comme exemple connu d’authentique majdhûb, on pourrait citer l’Emir ‘Abd el-Kader (cf. dans les Ecrits spirituels, trad. Michel Chodkiewicz, pp. 24-25, Le Seuil, Paris, 1982) .
100. Sur le caractère synthétique de l’intégration comme symbole de la réalisation métaphysique, cf. Les principes du calcul infinitésimal, chap. 22 .
101. Sentence attribuée à Tustarî (décédé en 896) . Ce n’est qu’au Shaykh Murshid, Guide spirituel, au Shaykh Tarbiyya, Educateur spirituel, au vrai Murabbî, Instructeur spirituel, que le disciple doit s’en remettre totalement .
102. Art. cit. dans L’Ermite de Duqqi, p. 284 .
103. Sîra al-Hâmidiyya, p. 84 .
104. Ce dhikr est appelé Tahlîl, terme qui signifie « prononcer la formule Lâ ilâha illâ Allah » ; on l’effectue en « élevant la voix » (ihlâl ; cf. Charles-André Gilis, Le Coran et la fonction d’Hermès, p. 25, Editions de l’ OEuvre, Paris, 1984) . Lorsque le nombre des présents est inférieur à sept pour faire le dhikr en commun, on se limite à cette première partie, en restant assis .
105. René Guénon a rappelé qu’il est « prescrit de maintenir toujours une attitude active à l’égard des états spirituels transitoires qui peuvent être atteints dans les premiers stades de la « réalisation », afin d’éviter par là tout danger d’ « autosuggestion », et il notait alors : « C’est ce qu’un Sheikh exprimait un jour par ces mots : « Il faut que l’homme domine le hâl (état spirituel non encore stabilisé), et non pas que le hâl domine l’homme » (Lâzim al-insân yarkab al-hâl, wa laysa al-hâl yarkab al-insân) » (Aperçus sur l’initiation, chap. 35)  .
106. Il est aussi appelé : le Seigneur des versets du Coran, Sayyid âyi-l-Qur’ân » .
107. Cette phrase est aussi le second verset de la troisième sourate . Dans l’hindouisme, Swayambhû a la même signification que le Nom Al-Qayyûm, « Celui qui subsiste par Soi-même » (cf. René Guénon, Le Roi du Monde, chap. 4, et L’Homme et son devenir, chap. 16) .
108. Cf. ‘Amirî, op. cit., p. 102 .
109. Le contrepoint n’est qu’un motif secondaire . En musique, c’est la combinaison des notes qui se succèdent suivant un dessin horizontal, alors que l’harmonie combine des notes disposées verticalement .
110. Le Cheikh Salâma participait lui-même à cette dernière forme de salutation, transmettant ainsi sa baraka ; en revanche, son successeur, son fils Ibrâhîm, s’en abstenait . Michael Gilsenan explique cette différence par le fait que le fils possédait à un moindre degré la baraka transmise par son père, et qu’il lui fallait asseoir son autorité en marquant quelque distance vis-à-vis de ses disciples (op. cit., pp. 77-78) .
111. Aperçus sur l’ésotérisme chrétien, chap. 2.
112. Yâ Sîn (36e), Le Règne (67e), L’Evénement (56e) .
113. « Règlements » de 1905, 2e section, art. 6 .