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jeudi 30 novembre 2017

Avis de parution - Mawlid : La Profusion Ahmadienne à travers la Naissance Muhammadienne - Cheikh Ibrâhîm Niâss








 La Naissance du Prophète de l’Islam (Mawlid an-Nabî) représente l’une des fêtes majeures qui jalonnent le cycle annuel de tout musulman. D’institution tardive, elle est, sur le plan légal, une innovation positive (bid’ah hasanah) qui tire sa source du Coran et de la Sunnah. Elle fait l’objet de réjouissances et de festivités dans tout le monde musulman, qui sont l’occasion de rappeler à la communauté le statut incomparable de l’Envoyé d’Allâh pparmi la Création, d’évoquer ses qualités parfaites et de profiter ainsi de ses effluves qui s’épiphanisent sous forme de Miséricorde (Rahmah), d’Amour, de Lumière et de Paix. Elle est aussi, avant tout, une célébration de la Vie, entendue dans son sens le plus purement métaphysique.




Cliquer ici














vendredi 9 décembre 2016

Cheikh Mohammed Sa’îd Ramadhân al-Bûtî - La célébration du Mawlid (vidéo)







Traduction

Un discours de bienvenue à notre Prophète bien aimé Muhammad, que la Paix et la Bénédiction soient sur lui . L' anniversaire

Son éminence le Professeur Mohammad Said Ramadan Al-Bouti .Directeur du département des Croyances et Religions de la Faculté de la Sharî`ah, à l' Université de Damas


Le 12 e de Rabi' Al-awwwal 1433H


Au Nom d'Allah, le Tout-Miséricordieux, le Très-Miséricordieux .


Toutes les louanges reviennent à Allah le Seigneur des Mondes


Que la Paix la plus parfaite et les bénédictions soient sur notre Seigneur Muhammad ainsi que sur toute sa Famille et ses Compagnons .


Le mois de  Rabi' Al-awwwal nous rappelle la célébration du noble anniversaire du Messager (PBsl) .


Il est rapporté, dans les  deux Sahîh qu'il jeûnait chaque Lundi .


Quand on lui demanda la raison derrière cela, il dit : "c'est mon anniversaire" .


C'est une preuve manifeste qu'il était en train de célébrer le jour de sa naissance, plutôt que le mois .


Le Prophète (PBsl) exprime concrètement à travers la célébration de son anniversaire, sa gratitude et le remerciement envers Allâh qui l'a anobli en lui conférant  la mission d'être le dernier Messager et Prophète pour le monde entier .


Ce que je veux qu'on saisisse (appréhende), c'est que la nation du Prophète Muhammad, que la Paix soit sur lui, devrait se presser à commémorer son anniversaire,  plus qu'il ne le fit lui-même .


Je pense que c'est un point incontestable . 


Cependant, je veux faire valoir que ce qui encourage le musulman à cette occasion sur l'avènement du mois de Rabi' ou des jours du lundi : c'est en fait   l'amour qui agite celui qui le commémore, que la Paix soit sur lui .


Plus il y a de l'amour qui fleurit dans le coeur du croyant, plus cela éveille l'aspiration pour lui, que la Paix soit sur lui, à chaque fois que l'anniversaire de sa naissance se reproduit (se répète) .


Il n'y a pas de différence entre le moment et l'endroit qui nous le rappellent .


Quand nous sommes honorés à visiter son Sanctuaire, que la Paix soit sur lui, que ressentons-nous ?


Cet endroit allume dans nos coeurs les émotions pour l'anniversaire de sa naissance .


Par conséquent, la valeur du moment est similaire à celle de l'endroit . Le moment qui revient à nouveau coincide avec le jour ou le mois de sa naissance .


Le parfum agréable du souvenir de sa naissance, que la Paix soit sur lui, doit susciter en nous une sensation d'aspiration (désir ardent) vers lui .


Cela nous invite à lire sa biographie et à connaître ses nobles manières .


Je rassure que celui dont le coeur est vidé d'amour pour le Messager d'Allâh, que la Paix soit sur lui, n'est pas affecté par mes paroles .


Il peut sainement admettre, cependant, qu'il ne puisse interagir  émotionnellement (affectivement) .


Lorsque nous constatons (percevons) les gens dont les coeurs sont inondés d'amour pour le Prophète, que la Paix soit sur lui, nous trouvons qu'aucune chose même minime ne stimule (provoque) en eux le souvenir (la commémoration) du Messager d'Allâh, que la Paix soit sur lui .


Quand un chanteur fait l'éloge du Prophète, que la Paix soit sur lui, nous aspirons à lui .


Quand nous avons lu les différentes situations au cours de son existence, les sentiments d'amour attisent vivement  nos coeurs .


Nous pouvons rencontrer  des musulmans novices, ayant embrassés l'Islam, parler de leur amour qu'ils éprouvent pour le Prophète, que la Paix soit sur lui, bien qu'ils ne le connaissaient pas auparavant, mais Allâh les a honoré en leur faisant connaître (le Prophète PBsl), après leur foi en Allâh .


Les sentiments d'amour fleurissent aussi dans leurs coeurs . C'est quelque chose de normal .


Je reprends que les gens dont les coeurs sont remplis d'amour pour les mondanités et les désirs, ne comprennent pas mon discours parce qu'il n'y a pas de place pour aimer le Prophète, que la Paix soit sur lui .   


Je demande à Allâh de leur allouer la douceur de l'amour du Messager d'Allâh, que la Paix soit sur lui .


Cet amour est lié à l'amour qu'on éprouve pour Allâh, Le Tout-Puissant .


Quiconque aime Allâh, doit aimer aussi Son Messager, que la Paix et la Bénédiction soient sur lui .


Celui qui aime Allâh ; doit aimer l'homme à qui Allâh fait l'éloge .

Allâh dit : "En vérité, tu (Ô Muhammad SAW) es un niveau exalté de moralité " .

Comment se fait-il que l'on ne puisse aimer l'homme loué par Allâh pour son noble comportement ?!


Je demande à Allâh de nous ennoblir à le suivre .


Je demande à Allâh de manifester notre commémoration à travers ceci .


Et pour être loin de commettre des choses qui déplaisent à Allâh et Son Messager .


Et toutes les louanges reviennent à Allah le Seigneur des Mondes .

vendredi 3 janvier 2014

Avis juridique sur la célébration du Mawlid - Doctrine malikite

    DOCTRINE MALIKITE


                           Copie du Dala’il al-Khayrat (15e siècle)


Sources :


Et L'essentiel sur le dernier Messager (paix et salut sur lui)», par Tarik B, Ed. Iqra, 2éme édition augmentée, Paris, 2013



Avant propos :

La règle en jurisprudence islamique selon les quatre écoles sunnites reconnues :

« L’origine en toute chose est la licéité (le statut par défaut est le statut licite), sauf s’il y a un texte (du Coran ou de la Sunna authentique ) qui dit le contraire ou s’il y a un préjudice du à cette chose. »

Le Prophète (paix et salut sur lui) dit : « ce que Allah a rendu licite (Halal) dans Son Livre (et la sunna car elle est partie intégrante de la révélation comme le confirme d’autres Hadîths authentiques) est le Halal et ce qu’Il a rendu illicite est Haram et sur quoi Il s’est tu c’est une dispense, acceptez alors la dispense d’Allah, car Allah n’oublie rien » rapporté par Al-bayhaqî et également par At-thirmithî avec une formulation proche.

Abou Al-faraj Al-mâlikî (RA) a dit à ce  sujet : « le statut des choses à propos des quelles la Shari’a s’est tue est la licéité (Halal) car Allah dit dans le Coran : « C'est Lui qui a créé pour vous tout ce qui est sur la terre » (sourate 2, verset 29). Allah nous rappelle ici Ses bienfaits sur nous, et n’y a de bienfaits méritant reconnaissance que ceux qui sont permis (Halal). Allah nous dit également : «... Alors qu'Il vous a détaillé ce qu'Il vous a interdit, à moins que vous ne soyez contraints d'y recourir. Beaucoup de gens égarent, sans savoir, par leurs passions. C'est ton Seigneur qui connaît le mieux les transgresseurs.» (sourate 6, verset 119)  » (Ref. Al-waraqât de l'imâm Al-haramayn, chapitre: statut des choses sur lesquelles la Shari'a s'est tue).
Ainsi, notre communauté (Oumma) est reconnue et distinguée de celles qui l'ont précédé, pour être la communauté à qui Allah a ôté le fardeau et les jougs qui étaient sur les communautés précédentes avant nous (cf. Sourate 7, verset 157). La législation islamique se distingue des législations des religions précédentes en effet par le fait qu'elle comporte le moins d'interdits et le moins de contraintes en comparaison avec toutes les anciennes religions révélées précédentes. C'est ce qui fait son universalité et son adaptabilité à travers les époques et les lieux car c'est une religion facile, simple, qui vise l’intérêt suprême (al-maqâsid al-kubrâ) et le juste milieu (lâ tafrîta wa lâ ifrât) pour celle et celui qui la pratiquent correctement en suivant réellement les traces du dernier Messager (paix et salut sur lui).

Pour le statut des fêtes (en général) aux yeux de l'Islam: voir notre article:


Pour le statut de l’innovation (Bid’a) en islam, voir notre article :

http://www.doctrine-malikite.fr/l-Innovation-Bid-a_a102.html


Avis sur la célébration du Mawlid :

En parlant du Prophète (paix et salut sur lui), Allah dit dans le Coran :

«Nous ne t'avons envoyé que par miséricorde pour les univers.»[1]

Dieu dit aussi dans le Coran: « De la grâce d’Allah et de Sa miséricorde qu'ils se réjouissent donc !»[2]. Il incombe donc à tous les musulmans et au-delà à toutes les créatures de se réjouir de la Naissance du Prophète (paix et salut sur lui) qui est la miséricorde pour les univers.

Un verset du Coran dit : « Dieu et Ses Anges bénissent le Prophète. Ô vous qui avez cru ! Invoquez pour lui (priez sur lui) sans cesse la bénédiction et le salut de Dieu » [3]

Allah nous recommande de prier sur le Prophète (paix et salut sur lui), et ce verset mentionne le pluriel.

La prière sur lui peut se faire en groupe ou individuellement. Prier sur lui abondamment est un signe de son amour.

L’emploi du terme «Ô les croyants » sous-entend que celui qui ne prie pas sur le Prophète (paix et salut sur lui) n’est pas complètement croyant (sa foi est imparfaite car son amour est imparfait).

La prière du serviteur à Son seigneur est invocation et vénération.

Celle de Dieu pour le serviteur est miséricorde et honneur.

Celle du Prophète (paix et salut sur lui) pour nous est bénédiction et biens.

Celle des anges est demande de pardon pour nous et invocation en notre faveur (Duâ’).

Celle qu’on fait au Prophète (paix et salut sur lui) est une invocation d’Allah en sa faveur et une éloge pour lui en reconnaissance de ce qu’il nous a apporté comme lumière et guidance.

De nombreux hadîths marquent la prééminence du jour de la naissance du Prophète (paix et salut sur lui) sur les autres jours :

-Dans le sahîh de Muslim, il est rapporté qu’un Compagnon avait interrogé l’Envoyé de Dieu sur le jeûne du lundi et celui-ci avait répondu : «C'est en ce jour que je suis né et c'est en ce jour que j'ai reçu la prophétie.»

-Parlant de la grandeur du Vendredi, le Messager d’Allah a dit : «En ce jour, Allah créa Adam». Ce jour est jugé comme spécial par le fait qu’Adam (sur lui la paix) est né ce jour-là. Qu’en est-il alors du jour de la Naissance du dernier messager (paix et salut sur lui) ? L’Envoyé de Dieu a dit: «En vérité, Allah me fit le sceau des Prophètes pendant qu'Adam était entre eau et argile» [4].

De la même manière, le jeûne surérogatoire du jour de ‘Âshûrâ fût institué en mémoire de Moïse (paix et salut sur lui), puisque les juifs jeûnaient ce jour-là en commémoration du miracle qui sauva Moïse et noya ses ennemis.

La célébration du Mawlid est une manière d’accroître notre amour pour le Prophète (paix et salut sur lui). Le Prophète - que la Bénédiction et la Paix soient sur lui - a dit: « Nul n'est véritable croyant s'il ne m'aime pas plus que son père, son fils et tous les gens.»[5]

Un verset du Coran ordonne au Prophète de proclamer sa grande station auprès d’Allah (sa grandeur et le devoir de le suivre) :

«Dis-leur: Si vous aimez Allah, suivez-moi et Allah vous aimera et vous pardonnera vos péchés. »[6].

La commémoration du Mawlid est aussi une occasion de se rappeler les vertus du Prophète (paix et salut sur lui) et d’essayer de les mettre en pratique de manière accrue. Allah affirme «En vérité tu es (Ô Muhammad) d'un caractère sublime. »[7]

Montrer de la joie pour la naissance du Prophète (paix et salut sur lui) est bénéfique, même pour les non-croyants. Ainsi il est rapporté dans le Sahîh d’Al-bukhârî : «Chaque Lundi Abû Lahab est libéré de son châtiment, dans sa tombe, parce que de son vivant il libéra sa servante Thuwayba lorsqu'elle lui rapporta la nouvelle de la naissance du Prophète (paix et salut sur lui) son neveu.».

Les biographes du Prophète (paix et salut sur lui) rapportent que de son vivant l’Envoyé de Dieu (paix et salut sur lui) appréciait les poètes qui faisaient son éloge. La plupart de ses panégyristes ont écrit des poèmes sur la naissance du Prophète (paix et salut sur lui). Par exemple : ‘Ali, Fâtima, Abû Bakr, Hassân Ibn Thâbith (surnommé le poète du Prophète), Al-‘abbâs etc…Ce dernier a laissé un poème où il dit :

« Lorsque tu es né, la terre brillait et le firmament contenait à peine ta lumière ! Grâce à cette splendeur, à cette lumière, et à cette voie bien guidée, nous pouvons espérer traverser le chemin ».

De nombreux savants ont donné leur avis concernant les bienfaits du Mawlid : Dans une fatwa restée célèbre, l’Imâm As-suyutî écrit :

« Célébrer l’anniversaire de la Naissance du Prophète pour se réunir, réciter des passages du Coran, raconter les histoires concernant la naissance du Prophète et les signes qui l’ont accompagné, servir de la nourriture, est une bonne innovation ; et celui qui y participe recevra une récompense parce que cela implique de vénérer le degré du Prophète et d’exprimer de la joie pour son honorable naissance. » [Husnu Al-maqsid fî ‘amali al-mawlid ,p 4]

Pour sa part, Ibn Taymiyya considère que : « même s’il n’y avait aucune raison pour célébrer le Mawlid, il n’y aurait aucune raison contre sa célébration.» [(Majma' Fatawi Ibn Taymiyya) Vol. 23, p. 163 ], il ajoute même que: si l'intention est bonne cette célébration peut même être méritoire pour la personne :« fa-t'adheem al-Mawlid wat-tikhaadhuhu mawsiman qad yaf'alahu ba'ad an-naasi wa yakunu lahu feehi ajra`adheem lihusni qasdihi t'adheemihi li-Rasulillahi, salla-Allahu `alayhi wa sallam»

Pour nous malikites, il est même détestable (makrûh) de jeûner le jour de la naissance du Prophète (paix et salut sur lui) (car il ressemble à une fête dans notre école). (voir le chapitre du jeûne)

Le Sheikh Abû Shâma, qui était le maître de An-nawawî, a dit que le Mawlid était la meilleure des innovations (bid‘a hasana). Cliquez ici pour la définition de l'innovation (Bid’a) en islam.

De grands savants comme Ibn Hajar, Ibn Al-jawzî, An-nawawî et d’autres encore, ont approuvé et même rédigé de petits traités sur les bienfaits du Mawlid.[8]

Voir également:

*Les éléments extraordinaires liés à la naissance de la meilleur créature et du dernier Messager (paix et salut sur lui):


*Le devoir de l'aimer(paix et salut sur lui) et d'aimer sa noble famille (âlih):


*La prière sur le Prophète(paix et salut sur lui) et ses bienfaits innombrables:


*A propos de son beau comportement :


*A propos de la sagesse et la miséricorde dans l’école prophétique :


*Concernant son éloge (paix et salut sur lui):


*Enfin, un excellent livre qu’on conseille qui résume ce qu'il faut savoir sur notre bien aimé paix et salut sur lui:

 L'essentiel sur le dernier Messager (paix et salut sur lui)», par Tarik Bengarai, Ed. Iqra, 2éme édition augmentée, Paris, 2013

Notes de bas de page:

[1] Les Prophètes : sourate 21, verset : 107.
[2] Sourate 10, verset 58.

[3] Sourate al Ahzâb, 33, verset 56.
[4] Rapporté par Al-hâkim dans le « Mustadrak » (2/417,600) et At-tbarânî dans son « Kabîr » (18/253).

[5] Tradition rapportée par Al-Bukhârî, Hadîth 14 et 15 (p 19) : le livre de la foi (2): « le sommaire du sahih al-bukhârî » par L’Imam Zein Ed-Dine Ahmed ibn Abdul-Latif A-Zoubaidi (Tome I), rapporté aussi par Muslim et Nasa’î.

[6] Sourate 3, verset 31.
[7] Sourate 68, verset 4.
[8] Voir absolument « Ihtîfâl bi al-mawlid An-nabawî bayna fatâwî at-tashrî‘ wa fatâwî at-tabdî‘» du professeur Al-Bashîr Al-mahmoudî : éd. : Al-matba‘atu wa al-warrâqatu Al-wataniyya : Marrakech, 2006.
Bonne lecture.

Fraternellement.

www.doctrine-malikite.fr

Email : malikite@doctrine-malikite.fr

vendredi 8 novembre 2013

mercredi 10 avril 2013

Eric Geoffroy - Une fatwa déterminante d’al-Suyûtî en faveur de la célébration du Mawlid nabawî.


Les débats portant sur l’opportunité ou la licéité de célébrer l’anniversaire de la naissance du prophète (al-Mawlid al-nabawî) ne datent pas de notre époque. En témoigne la fatwa rédigée à la fin du IX/XVe siècle par le grand savant Jalâl al-Dîn al-Suyûtî (m. 911/ 1505). Avant lui, d’autres ‘ulamâ’ de renom avaient déjà rédigé des livrets intitulés Mawlid en l’honneur du Prophète (Ibn al-Jawzî, Ibn Kathîr…), ou avaient pris position en faveur de cette célébration. Ainsi, Ibn Taymiyya lui-même (m. 1328) déclare t-il dans son livre Iqtidâ’ al-sirât al-mustaqîm : « Nous célébrons le Mawlid par amour et vénération pour le Prophète ». La fatwa de Suyûtî a l’avantage d’une part de retracer l’historique de la célébration du Mawlid, d’autre part d’apporter la caution d’un savant éminent de l’islam à la reconnaissance de cette célébration.

Présentons d’abord – si besoin est – Suyûtî. C’est un ‘âlim encyclopédiste, polyvalent, qui maîtrisait maintes disciplines islamiques et a écrit par ailleurs sur les sujets les plus variés. À noter qu’il est l’auteur le plus prolifique de littérature islamique, puisqu’on lui attribue environ un millier d’ouvrages[1] ! Dans le foisonnement de son œuvre, ce qui ressort globalement c’est son attachement au modèle prophétique muhammadien. Il s’agit pour lui, comme pour Junayd auparavant, de la seule voie menant à Dieu. Lui-même déclara que la discipline où il se sentait la plus à l’aise était celle de la « science du hadîth ».

Pour notre auteur assurément, ce modèle ne saurait être transmis uniquement par la science livresque ; il a besoin d’être vécu de l’intérieur. Suyûtî a donc pratiqué la Voie soufie, et avait pour maître un cheikh de la tarîqa Shâdhiliyya, Muhammad al-Maghribî (m. 911/ 1505). Nul étonnement, donc, qu’il ait développé ici ou là la dimension ésotérique du message muhammadien[2]. Notre savant égyptien a ainsi établi un rapport personnel, mystique, avec la personne spirituelle du Prophète. Il affirme en ce sens avoir vu celui-ci plus de soixante-dix fois à l’état de veille (yaqazatan), ce qui constitue, dans le soufisme même, une faveur rarement accordée. Des contemporains ont d’ailleurs rapporté des visions au cours desquelles le Prophète rencontrait Suyûtî et l’appelait « shaykh al-Sunna [3]». Et ce dernier stipule, à l’instar d’autres soufis ou ‘ulamâ’ spiritualistes, que le Prophète peut entretenir, lors de visions, tel initié de la validité ou non d’un hadîth donné.

Aperçu historique sur la célébration du Mawlid nabawî

Suyûtî attribue l’initiative de cette célébration à un prince sunnite, de la dynastie ayyoubide, qui régnait sur la ville kurde d’Irbil, à 80 km de Mossoul : Muzaffar al-Dîn Kökbürî. Ce prince aurait commencé à célébrer le Mawlid au tout début du VII/XIIIe siècle, soit à partir de 605/1208. D’après les chroniques de l’époque, il s’agissait d’une sorte de festival qui attirait beaucoup de monde et qui doit beaucoup, en fait, aux soufis de la région : ils animaient la cérémonie par le dhikr et le samâ‘. On peut dire que, depuis que cette cérémonie existe en pays musulman, les dirigeants politiques avaient davantage besoin de l’appui des milieux soufis que l’inverse. Le voyageur Ibn Jubayr (m. 614) évoque, dans ses Rihal, la célébration du Mawlid pour la même période, à la Mecque. D’autres sources affirment que les Fatimides (Égypte et Syrie) auraient été les premiers à fêter le Mawlid. Lorsqu’on sait que les Fatimides, dynastie chiite ismaélienne, étaient les rivaux des Ayyoubides sunnites, il n’est guère étonnant qu’il y ait une telle surenchère idéologique. On sait par ailleurs que le prince kurde sunnite Nûr al-Dîn Zengui (m. 1174) – l’oncle de Saladin - avait écrit un texte d’éloges, depuis Damas, en l’honneur du Prophète.

Outre le fait que la célébration organisée par Muzaffar al-Dîn Kökbürî était bien repérée dans les sources historiques (Ibn Khallikân lui a consacré une description détaillée), il est évident que Suyûtî, sunnite prononcé et légitimiste concernant la question du califat abbasside, n’allait pas promouvoir dans sa fatwa une hypothétique origine chiite à la célébration du Mawlid…

En réalité l’apparition de la cérémonie du Mawlid correspond historiquement aux besoins, pour la communauté musulmane, de se rassembler autour de la personne du Prophète en temps de crise : rappelons que depuis 1099, les Croisés ont investi une partie du Proche-Orient (Syrie, Palestine), et que, à l’Est, se profile de plus en plus le danger du déferlement mongol.

Contexte de la fatwa de Suyûtî

Selon plusieurs auteurs, le Mawlid nabawî connaît son véritable développement à l’époque de Suyûtî, soit à la fin de la période mamelouke[4]. Au Caire, la cérémonie revêt un caractère officiel, à la Citadelle, en présence du sultan mamelouk, des émirs, des ‘ulamâ’ et des soufis bien sûr. Mais son aspect populaire festif n’en est pas pour autant éclipsé. Les cheikhs la célèbrent dans leur zâwiya, entourés de leurs disciples et de nombreux invités [5]. Nous sommes à une époque où émerge de plus en plus la notion de « Voie muhammadienne » qui doit fédérer et rassembler toutes les voies initiatiques particulières. Cependant, la question de la licéité de la célébration du Mawlid se pose encore ici ou là. De ce débat témoigne la fatwa de Suyûtî, qui vise à apporter une réponse étayée et définitive.

Cette fatwa revêt une importance particulière du fait de la renommée de son auteur de son vivant : Suyûtî délivrait des avis juridiques à la demande d’un public large qui allait de l’Inde jusqu’à l’Afrique sahélienne (al-Takrûr). Nul étonnement donc, que l’on trouve des traces de l’influence de cette fatwa  jusqu’au Maghreb [6]. La méthode de Suyûtî consiste à citer beaucoup d’autorités antérieures qui, pour la plupart, vont dans son sens. Ce référencement, on le sait, constitue le seul moyen dans la culture islamique d’asseoir son avis. Suyûtî s’appuie ainsi sur des savants reconnus tels que al-‘Izz Ibn ‘Abd al-Salâm,  al-Nawawî, Ibn al-Hâjj, Ibn Hajar, etc. Mais il sait aussi donner la parole à ses adversaires doctrinaux… avant de les réfuter.

L’argumentation développée dans la fatwa

Le texte s’intitule Husn al-maqsid fî ‘amal al-Mawlid, « La bonne intention concernant la célébration du Mawlid », et il est incorporé dans le recueil de fatwas que Suyûtî a collecté à la fin de sa vie et qui s’intitule al-Hâwî lil-fatâwî [7]. Suyûtî y développe principalement le thème que cette célébration relève certes de l’innovation (bid‘a), mais que toute innovation n’est pas blâmable (madhmûma). Il s’agit là au contraire d’une innovation « louable » (hasana), voire recommandée (mandûba). Suyûtî précise même que, dans certains cas, une innovation peut s’avérer obligatoire, indispensable (wâjiba). En outre, il précise que, une fois devenu prophète, Muhammad a célébré pour lui-même la ‘aqîqa, alors que son grand-père ‘Abd al-Muttalib l’avait déjà pratiquée pour lui lors de sa naissance : cet élément d’information va dans le sens de la commémoration de sa naissance par la communauté musulmane.

Le sens que revêt la commémoration de la naissance du prophète Muhammad est de rendre grâce à Dieu (izhâr al-shukr) de l’avoir envoyé comme prophète ayant apporté l’islam, et comme miséricorde à tous les êtres. Cette gratitude s’accompagne de manière toute naturelle de la joie que peuvent partager les musulmans, et plus précisément ceux qui assistent à la célébration. Et Suyûtî de mentionner que l’oncle mécréant du Prophète, Abû Lahab a son sort amélioré en enfer du simple fait qu’il se serait réjoui lors de la naissance de Muhammad. C’est donc l’intention de l’action de grâce et de la réjouissance qui doit être prise lorsqu’on organise le Mawlid. À l’instar de savants antérieurs, Suyûtî établit la comparaison entre cette célébration et l’établissement par le calife ‘Umar Ibn al-Khattâb de la prière des Tarâwîh, lors du mois de Ramadan. On ne trouve dans tout cela, écrit-il, aucune contradiction ni avec le Coran ni avec la Sunna, car cela relève du « bel agir », de la « recherche de l’excellence » (al-ihsân). Simplement, il faut distinguer la célébration telle que la recommandent les ‘ulamâ’ et les soufis, des pratiques blâmables qui ont pu s’y introduire.

A cet égard, Suyûtî donne des indications assez précises sur le contenu et le déroulement de la commémoration du Mawlid : durant tout le mois de Rabî‘ al-awwal, au cours duquel est né Muhammad, on doit pratiquer le bien, multiplier les aumônes, etc. Lors de la cérémonie elle-même, il est recommandé de se réunir pour lire le Coran, nourrir les pauvres, lire des passages de la tradition concernant la naissance du Prophète et les signes miraculeux qui l’ont accompagnée, chanter des poèmes en son éloge, et bien sûr éviter tout débordement relevant de la religiosité populaire (danse, musique…).

Lorsque l’on considère l’autorité scientifique et spirituelle de Suyûtî, et celle des savants antérieurs qu’il cite (al-‘Izz Ibn ‘Abd al-Salâm,  al-Nawawî, Ibn al-Hâjj, Ibn Hajar…), on reste consterné devant l’ignorance aussi péremptoire de ces musulmans contemporains pour lesquels le Mawlid est une innovation blâmable, et qui vitupèrent contre la célébration de la naissance de celui qui fut envoyé « comme une miséricorde pour les mondes »[8].


Pr. Eric GEOFFROY


[1] Voir l’article al-Suyûtî dans l’Encyclopédie de l’Islam, 2e édition, par Éric Geoffroy –tome IX, p. 951-954.

[2] Voir par exemple son petit ouvrage intitulé al-Bâhir fî hukm al-nabî bi l-bâtin wa l-zâhir.

[3] Cf. Sha‘rânî, al-Tabaqât al-sughrâ, Le Caire, 1970, p. 28-29.

[4] J. S. Trimingham, The Sufi Orders, Oxford, 1971, 27 ; N.J.G. Kaptein, Muhammad’s Birthday Festival, Leiden – New York, 1993, p. 5, 48.

[5] E. Geoffroy, Le soufisme en Egypte et en Syrie sous les derniers Mamelouks et les premiers Ottomans : orientations spirituelles et enjeux culturels, IFEAD, Damas-Paris, 1995, p. 106.

[6]  Kaptein, Muhammad’s Birthday Festival, op. cit., p. 45.

[7] al-Hâwî lil-fatâwî, Beyrouth, s.d., tome 1, p. 251 – 262.

[8] Coran 21 : 107.

jeudi 14 juillet 2011

Le Mawlid - Dr Denis Gril




Origine et actualité du mawlid


C'est au début du 13 ème siècle, en Orient comme en Occident, que l'on a commencé à fêter régulièrement le mawîid al-nabî, la commémoration de l'anniversaire du Prophète Muhammad. Dès cette époque, récits de la naissance du Prophète, chants et réjouissances accompagnent cette commémoration indisso¬ciable de l'art vocal. Pourquoi choisit-on de fêter sa naissance plutôt qu'un autre événement significatif de la fondation de l'islam ? Pourquoi l'amour et la vénération des musulmans pour leur Prophète s'expriment-ils ainsi à une date relativement tardive ? La réponse à ces questions exige un retour aux origines de l'islam.



Les fondements du mawlid

Si cette commémoration connaît un développement rapide et durable après le 13 ème siècle, c'est que ses racines sont profondes et qu'elle répond à une attente ancienne. Les premières Sîra ou vies du Prophète, composées au second siècle de l'Hégire d'après des traditions remontant au Prophète et à ses Compagnons, comme celle d'Ibn Ishâq-lbn Hishâm ou celle d'ibn Sa'd dans ses Tabaqât al-kubrâ, mentionnent de nombreux signes et prédictions annonçant la venue d'un prophète. Muhammad, selon ces traditions, est né l'année de l'Eléphant qui vit la Ka'ba miraculeusement protégée contre l'armée d'Abraha, général éthiopien venu du Yémen pour la détruire. 'Abd al-Muttalib, le grand-père du Prophète joue un rôle central dans cet épisode. Par la suite, après trois visions, il retrouve l'emplacement du puits de Zemzem, enfoui par les descendants d'Ismaël à leur départ de La Mecque. 'Abdallah, le père du Prophète, peu avant son mariage, passe devant une femme qui cherche à l'attirer, mais il ne s'arrête pas. Après son mariage avec Amina bint Wahb, il repasse devant cette femme qui cette fois ne s'intéresse plus à lui. Comme il lui en demande la raison, elle lui répond qu'elle a vu sur son front, une lumière qu'elle a désiré recevoir, mais qu'elle ne voit plus maintenant sur lui. Cette lumière est la même que celle qu'Amina enceinte verra sortir d'elle jusqu'à atteindre les châteaux de Bosrâ en Syrie. Durant sa grossesse, elle s'entend dire en rêve : « Tu portes en toi le seigneur de cette communauté. Lorsqu'il tombera à terre, prononce ces paroles : "je le protège par l'Unique contre le mal de l'Envieux" et appelle-le Muhammad ». Amina qui n'éprouva durant sa grossesse aucune peine, raconte : « Quand il naquit, sortit avec lui une lumière qui éclaira l'espace entre l'orient et l'occident. Il tomba sur les mains, prit une poignée de terre et leva la tête vers le ciel » (Ibn Sa'd). À sa naissance, il avait les yeux ouverts, le corps propre, le cordon ombilical coupé et était circoncis. Son père 'Abdallah étant mort de maladie à Yathrib, la future Médîne, durant la grossesse d'Amina, Muhammad naît orphelin de père. Au moment de sa naissance, son grand-père 'Abd al-Muttalib se trouve dans l'enceinte d'Ismaël (Hijr Ismâ'îl), auprès de la Ka'ba. Prévenu, il va chercher son petit-fils et l'introduit dans la Maison de Dieu. Que représente cette lumière qui passe de son père à sa mère et se manifeste en direction de la Syrie pour s'étendre à l'ensemble du monde ? Bosrâ était sous les Romains puis les Byzantins la capitale de la province qui, au sud de la Syrie, protégeait l'Empire contre les incursions des Arabes. La lumière qui l'atteint préfigure la première conquête de l'islam hors de l'Arabie. C'est aussi là que Muhammad, tout jeune homme, rencontre le moine Bahîrâ qui le reconnaît comme Prophète. La Syrie est aussi, selon la tradition, cette terre sacrée, dont Jérusalem fait partie, où les hommes seront rassemblés lors de la Résurrection. Comment faut-il comprendre "le seigneur de ce peuple ou de cette communauté" ? S'agit-il de la tribu de Quraysh, des Arabes, de la communauté musulmane ou de toute l'humanité? Le Prophète annonce ; « Je serai le seigneur des fils d'Adam le Jour de la Résurrection », faisant allusion à son intercession universelle. La formule de protection enseignée à Amina rappelle celle que prononce dans le Coran la mère de Marie, lors de sa naissance : « Je la protège par toi, ainsi que sa progéniture contre Satan le Lapidé » (3 / 36) et celle que l'on prononce avant de réciter le Coran : « Je me réfugie en Dieu contre Satan le Lapidé ». Il s'agit en effet de protéger la venue sur la terre de la lumière de la prophétie et de la Parole de Dieu, ainsi que la descente du Livre. Comme on Ta vu, l'enfant est dit à plusieurs reprises "tomber" à terre. Il faut rapprocher ceci de ce que rapporte un Compagnon d'après le témoignage de sa mère qui avait assisté Amina : « La nuit où elle le mit au monde, tout dans la pièce était lumière, Je voyais les étoiles se rapprocher à tel point que je me disais : elles vont tomber sur moi » (Bayhaqî, Dalâ'il I 111). On a également interprété le serment divin « Par l'étoile lorsqu'elle tombe » (Coran 53 : 1), comme l'un des signes apparus lors de la naissance du Prophète.

La posture que prend le nouveau-né, prenant la terre dans sa main et levant les yeux vers le ciel annonce ce qu'est l'islam et ce que doit être l'homme, agissant sur la terre et regardant vers le ciel. Les particularités de son corps, signes de son élection, révèlent deux traits intérieurs. Il naît circoncis, selon la tradition de son père Abraham, le cordon ombilical coupé, comme s'il n'avait pas eu besoin d'être nourri par sa mère. Il dira plus tard à ses Compagnons qui voulaient imiter son ascèse : « Je ne suis pas de la même constitution que vous ; moi, mon Seigneur me nourrit et m'abreuve » (Bukhârî, Sahîh, sawm 48).



La lumière du Prophète

Cette dernière tradition indique que si la réalité du Prophète est d'abord celle d'un homme de chair, de sang et d'âme, elle est aussi lumière, comme la révélation qu'il est appelé à recevoir. Une tradition fait le lien entre cette dernière et sa naissance : « Un bédouin demanda : ô Envoyé de Dieu, que dis-tu du jour du lundi ? Il répondit : c'est le jour où je suis né et le jour où Sa Révélation est descendue sur moi » (Bayhaqî, Dalâ'il 171).



Quand l'un de ses Compagnons lui demande à quel moment il est devenu prophète, il répond : « Alors qu'Adam était encore entre l'esprit et le corps » (Tirmidhî, Jâmi', manâqib ; Ibn Hanbal, Musnad IV 66 ; V 59, 379).Le Prophète porte donc en lui une réalité qui transcende le temps, d'essence lumineuse, comme le montre encore cette tradition : « J'étais le serviteur de Dieu et certes le Sceau des prophètes, alors qu'Adam était encore couché dans sa glaise. Je vous informerai de l'annonce de cela:

l'invocation de mon père Abraham, la bonne nouvelle annoncée par Jésus à son peuple et la vision de ma mère qui vit une lumière sortir d'elle et illuminer les châteaux de Syrie, car les mères des prophètes ont de telles visions » (Ibn Hanbal, Musnad, IV 127-8). Le Prophète fait ici allusion à un passage du Coran où Abraham, édifiant la Ka'ba avec son fils Ismaël, demande à Dieu d'envoyer un prophète à ses descendants (cf. Coran 2 :129) et à l'annonce par Jésus aux Fils d'Israël de la venue d'Ahmad, un des noms de Muhammad (cf. Coran 61 ; 6). Selon des commentateurs anciens, la réalité primordiale du Prophète est inscrite dans le texte même du Coran. À propos de ce verset où Dieu s'adresse à lui avant la mention des autres envoyés: « Et lorsque Nous fîmes alliance avec les prophètes, avec toi, Noé, Abraham, Moïse et Jésus, fils de Marie et Nous fîmes avec eux une alliance grave » (Coran 33 : 7), le Prophète disait : « Je suis le premier prophète créé et le dernier envoyé ». La Réalité primordiale et lumineuse du Prophète passant de prophète en prophète jusqu'à sortir des entrailles d'Amina, affleure dans plus d'un verset. Dans le Verset de la Lumière, le symbole de la lumière des cieux et de la terre est celui de la lumière de Muhammad, d'après Muqâîil b. Sulaymân, l'un des plus anciens exégètes. Dans la sourate le Calame : « Nûn, par le Calame et ce qu'ils écrivent. Tu n'est pas par la grâce de ton Seigneur possédé. Tu auras une récompense qui ne te sera pas rappelée. Tu es selon un caractère magnifique » (Coran 68 : 1-4). Le Nûn, une des lettres isolées par lesquelles débutent certaines sourates, symbolise, selon Ibn 'Abbâs, l'encrier où puise, selon Muqàtil, le Calame, premier être créé, roseau de lumière qui écrit, avec l'aide des anges, la Table gardée, c'est-à-dire le principe de l'univers et de la Révélation. Aussi l'Imam Ja'far al-Sâdiq voyait-il dans le Nûn la réalité éternelle dont sont issues toutes les lumières et qui a été donné à Muhammad dans sa réalité primordiale. C'est pourquoi il est dit de lui : « tu es selon un caractère - c'est-à-dire une réalité intérieure - magnifique ('azîm). Ce qualificatif est aussi celui du Coran (al-qur'ân al-'azîm) auquel le Prophète s'était si profondément identifié que son épouse 'Â'isha disait : « son caractère était le Coran ».



Le choix de la naissance

De ces diverses traditions et de cette compréhension du Coran ressort l'idée non pas d'une nature supra-humaine de Muhammad et mais d'une réalité lumineuse originelle passée de prophète en prophète et apparue lors de sa naissance. Pourquoi fêter l'apparition de cette lumière plutôt que l'événement de la première révélation où l'Hégire point de départ de l'ère islamique ? À partir du moment où le Coran descend sur le Prophète par l'intermédiaire de Gabriel, il devient, comme ce dernier, le messager, le transmetteur de la Parole et du Livre ; la lumière qui est en lui reste cachée pour laisser resplendir celle de la Révélation. Quand il quitte La Mecque pour fonder une communauté de croyants à Médine, il institue par son exemple une Loi qui régit les relations de l'homme à Dieu et les relations entre les hommes et laisse en quittant ce monde pour rejoindre son Seigneur, le Coran et la Sunna, une croyance et des pratiques qui rythment le jour, le mois, l'année et la vie toute entière du croyant. En somme, il fonde une Loi et il y a une tendance en islam comme ailleurs à ne voir que l'extérieur au détriment de l'intérieur, à rester au niveau de ce que le Coran dit plutôt que ce qu'il signifie, à tenir compte de ce que le Prophète faisait - ce qui est fondamental - en oubliant ce qu'il est. Aussi les spirituels de l'islam ont-ils valorisé les traditions qui viennent d'être évoquées, pour rappeler à !a communauté la réalité du Prophète dont le Coran dit qu'il est « plus proche des croyants qu'ils ne sont de leurs propres âmes » (33 : 6). À partir du 12ème siècle juste avant que ne soit instituée la commémoration du mawlid, les maîtres spirituels de l'islam composent des formules de prières sur le Prophète (tasliya) qui célèbrent sa réalité lumineuse et primordiale et rappellent que tout progrès spirituel passe par son intermédiaire. Les maîtres soufis, dont Ibn 'Arabî et d'autres moins connus, donnent alors toute son ampleur à la notion préexistante de Lumière ou Esprit de Muhammad, appelée également Réalité muhammadienne.



L'actualité du mawlid

Cette commémoration vise à raviver dans le cœur des croyants le souvenir du Prophète et les incite à le suivre dans l'ordre extérieur et intérieur, car l'imitation du Prophète est la clé de l'amour de Dieu pour son serviteur : « Dis : si vraiment vous aimez Dieu, suivez-moi, Dieu vous aimera et pardonnera vos péchés et Dieu est îrès-pardonnant, très-miséricordieux » (3 : 31}. Toutefois, si l'imitation du Prophète (al-ittibâ') est gage d'amour, on peut se demander comment imiter un nouveau-né au moment de sa naissance ? Sa lumière apparaît, mais il n'est pas encore un guide pour les hommes. Pour répondre à cette question, il faut se souvenir de cette parole du Prophète : « Tout nouveau-né naît selon la nature originelle ou primordiale (fiîra) ; ce sont ses parents qui le font juif, chrétien ou zoroastrien ». Lafitra, selon le Coran, réside dans ce commandement donné au Prophète : « Oriente ta face vers Dieu pour pratiquer la religion en hanîf, pur adorateur de Dieu ; telle est la nature originelle selon laquelle Dieu a créé les hommes. Il n'y a pas de changement à la création de Dieu, teîle est la religion immuable {al-dîn al-qayyim). Mais la plupart des hommes ne savent pas » (30 : 30). Dans le Coran, le hanîf par excellence est Abraham tout entier tourné vers l'adoration du Dieu unique. M est aussi le père des musulmans, car muslim dans le Coran signifie moins l'appartenance à une religion particulière que l'attitude d'Abraham qui remet entièrement son être à Dieu. Pour les Compagnons, la fiîra était incarnée par le Prophète lui-même. Hudhayfa b. al-Yamân, voyant un homme prier en s'inclinant et en se prosternant trop rapidement, lui dit : « Tu n'as pas prié. Si tu meurs ainsi, tu ne mourras pas dans la fitra selon laquelle Dieu a créé Muhammad » (Bukhârî, Sahîh, adhân 119). En effet, d'après le hadith, « la prière est lumière » et la fitra de Muhammad est lumière. Le mawlid, rappel de cette lumière prophétique, est donc d'une actualité immédiate, dans le cœur et la pratique de chaque musulman. Fêter la naissance de cette lumière, c'est aussi se rappeler que tout cheminement spirituel débute par une renaissance et un retour à l'innocence de l'enfance. Comme toutes les fêtes, le mawlid est regénérescence. Son actualité est aussi communautaire, hier comme aujourd'hui, par sa dimension festive. En effet, ce qui peut paraître léger lors des fêtes, touche parfois l'essentiel. Un jour de fête, le Prophète laisse sa jeune épouse 'A'isha placer son menton sur son épaule pour regarder à son aise les Abyssins danser dans la cour de la mosquée. Prévenant toute velléité de désapprobation, il déclare : « II y a dans notre religion de la latitude (fusha), car j'ai été envoyé pour restaurer la religion originelle et indulgente (a!-hanîfiyya al-samha) » (Ibn Hanbal, Musnad V1116). La hanîfsyya est la religion des hanîfs, donc d'Abraham et de la fitra. Elle unit pure adoration de Dieu et attitude conciliante, ouverte, visant l'essentiel et non les seules formes extérieures. L'islam des hanifs n'interdit pas plus la danse que le chant et la musique ; il n'interdît que ce qui distrait le cœur. Les oulémas et les maîtres spirituels ont institué et encouragé la célébration du mawlid pour que la joie et les chants régénèrent les cœurs et rassemblent les croyants. Le mawlid est naissance et renaissance spirituelle pour ceux qui savent que la réalité du Prophète est en eux. Il est ressourcement pour une communauté qui ressent le besoin de se réunir et de se retrouver dans son Prophète. Mais pour le Prophète à qui il est dit : « Et Nous ne t'avons envoyé que comme miséricorde pour les mondes » (Coran 21 : 107), la communauté n'est-elle pas celle de tous les hommes ? La signification du mawlid ne concerne-t-elle pas tous ceux pour qui la lumière divine est la vie des êtres et du monde ?

D. Gril