Affichage des articles dont le libellé est ésotérisme. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est ésotérisme. Afficher tous les articles

mardi 7 juillet 2020

Le Petit Prince (interprétation ésotérique) - Jean Foucaud




       
         Dans un précédent écrit, nous avons qualifié ce livre de « conte initiatique inspiré ».

En effet, il ne s'agit pas d'une expérience «mystique » de style pascalien ou d'un conte pour enfants (malgré les apparences); d'ailleurs, les adolescents ne le goûtent guère et les enfants y voient surtout les belles images et le voyage interplanétaire. C'est généralement plus tard, quand la vie nous a mûris que l'on commence à entrevoir autre chose, quelque chose d'indéfinissable. En fait, c'est un conte pour adultes. Aussi, nous pensons que seul un commentaire « ésotérique »  pourra rendre compte de la profondeur et de la finesse spirituelle de cet opuscule qui n'a rien  d'un roman ni d'une nouvelle.

 Dans une interview ancienne, Saint-Exupéry déclare qu'il a écrit ce livre, non pas pendant la guerre, mais juste avant, en 1939-40. Cette indication a son importance, car cela suggère que l'aventure qui lui est arrivée ne se situe pas dans le feu de l'action  (il était pilote), mais que, à notre  avis, il s'agit d'une « épiphanie » ( au sens grec d'apparition) ayant eu lieu à un moment privilégié, qui peut très bien ne pas se situer dans le désert et pourtant liée au désert ( il est vrai qu'à la fin du livre, il parle d'une panne en plein  désert où il rencontre le petit Prince**), dont Saint-Ex dira dans une de ces formules dont il avait le secret : « Le Désert, c'est Dieu moins les hommes ! » .Tous ceux qui ont fait l'expérience du désert auront été saisis par l'impression ineffaçable de  Solitude, de Silence et de  Pureté qui émanent de cette circonstance.

              Cette  apparition est évidemment celle d'un enfant (blond comme le sable), avec ses questions d'enfant qui sont non seulement embarrassantes pour les adultes oublieux de l' « esprit d'enfance », mais surtout parce que nous avons presque tous plus ou moins trahi notre origine céleste ou paradisiaque.

 Ce thème de l'enfant qui apparaît lors d'états spirituels élevés chez des êtres exceptionnels est connu des Anciens, notamment Jamblique. Alors qu'il se trouvait assis sur le bord d'une fontaine (appelée « Eros ») comme le racontent ses disciples  : »(Il ) effleura l'onde de sa main et, murmurant quelques paroles, fit sortir du fond de la source un petit enfant. Il était blanc, d'une taille bien proportionnée  ; et sa chevelure, aux reflets dorés couvrait de son rayonnement son dos et sa poitrine. » Arrivés à une deuxième fontaine (du nom d' « Antiéros »), Jamblique tira de l'eau un autre Amour, semblable au précédent, sauf que ses cheveux étaient noirs.. »(p. XIX de l'introduction de F.Viéri aux « Mystère de  l'Egypte «  de Jamblique (Les Belles Lettres – 1993). Ces enfants disparaissent peu après.
    Ce thème de l'enfant (ou de l'homonculus) est connu  des Alchimistes qui ont trouvé l'Illumination (et non l'or matériel !) .

         Chez Ibn 'Arabi  - mais à un tout autre niveau -  il y a l'apparition surprenante d'un « fatan » (= jeune homme) lors d'une de ses visites à la Kaaba quand il faisait les circumambulations usuelles. Ce « jouvenceau » (comme le traduit Claude Addas , dans sa thèse remarquable sur Ibn 'Arabi et se référant à un article inédit de Michel Vâlsan) lui révèle qui il est et Ibn 'arabi dit : « La réalité de  sa Beauté se dévoila à moi et je devins éperdu d'Amour » (p.243).

     Enfin, le dernier cas connu est celui du grand Sage  Ramakrishna (décédé en 1886, au moment même où naissait Guénon – et ce n'est pas fortuit) qui raconte l'apparition d'un petit enfant lors de certains états spirituels, comme une sorte de projection de son esprit. Ce petit trublion  gambadait partout dans la pièce , interrompant ses dévotions, lui faisant des farces  et des « singeries », au point que Ramakrishna allait le frapper; mais se retenant à temps, il fut pris de honte , comprenant qu'il avait à faire à une apparition céleste (que nous appelons « épiphanie »)...

     On l'appelle Amour, enfant (homonculus), Jouvenceau ou Petit Prince (notons en passant que ce dernier terme est employé par Guénon pour désigner les « Afrad »). Comme chez Jamblique, l'enfant apparu à Saint-Ex est blond : il apparaît puis disparaît à la fin dans des circonstances qui exigent un interprétation initiatique.

    Pour en revenir au cas énigmatique de  Saint-Ex, nous ne croyons pas un instant qu'il ait eu connaissance de ces faits et pensons  que son expérience est pure ; d'ailleurs il y a dans son texte  certains termes et symboles typiques que l'on ne peut inventer et qui proviennent directement de l'inspiration la plus pure. Et ne sont donc explicables que par des données ésotériques et initiatiques, inconnues avant René Guénon.
   Ainsi, à un moment, il dit : « On ne voit bien qu'avec le Coeur, l'Essentiel est invisible pour les yeux » . Malheureusement, tous les commentateurs profanes et occidentaux  ont toujours réduit le coeur au sentiment, alors qu'ici, il s'agit de la Connaissance intérieure (celle du Soi, pour parler « hindou ») distincte de la connaissance mentale (celle des yeux) qui est inférieure et  lui est subordonnée. Ce genre de formule inspirée ne peut être copiée ou inventée : elle jaillit d'une authentique spontanéité de l'être détaché des contingences, détachement qui a sans doute rapport avec l' « expérience »  du Désert dont nous parlions ci-dessus.

 Une phrase  curieuse de l'enfant avant de mourir a attiré notre attention :

« J'aurai l'air mort, et ce ne sera pas vrai »

« je ne peux pas emporter ce corps-là . C'est trop  lourd....
 Mais ce sera comme une  vieille écorce abandonnée. »

On retrouve la même idée (et presque dans les mêmes termes ) dans l'Esotérisme cabbalistique (le « dépouillement des écorces »/ les Qlippoth) et, dans un certaine mesure dans le « dépouillement des métaux » lors de l'Initiation en Loge.

    On sait (cf. notre étude sur les différents termes arabes pour désigner le CORPS) qu'il y a plusieurs corps  et que ce corps matériel (jism) est un obstacle dans la mesure  où il manque de légèreté et de lumière (et s'oppose à la « himma »),  comme l'exprime fort bien Saint-Ex par le truchement du Petit Prince. De plus, l'enfant dit : « ce corps-là » et non pas : « mon corps », nuance initiatique relevant de toute une science de la Réalisation spirituelle.

   La mort  par la piqûre du serpent ne s'explique bien que par référence  aux termes arabes que nous avons utilisés dans notre article : « Les Hommes de la Fitra »: il y a un double sens des mots : « hayât » ( la Vie) et « hayya » (le serpent »). (cf. la mésaventure d'Adam et Eve); nous citions   le poisson venimeux qui s'appelle « vive » en français, et la vipère se dit « vouivre »; tous ces termes renvoient à l'idée de vie et de  mort et c'est plus qu'une coïncidence lexicale : les langues à l'origine fonctionnent de façon analogue. Il n'y a rien d'arbitraire là-dedans. Quand on le sait, on peut pratiquer sans crainte l'étymologie, science un peu oubliée de nos jours...

 Cette mort, donc, symbolise la renaissance dont est conscient l'enfant qui représente l'initié ayant franchi une étape de réalisation : « J'aurai l'air mort, mais ce ne sera pas vrai ». C'est le passage à un autre état qui n'a rien à  voir avec les lubies des réincarnationnistes. (confusion entre les terme anglais « rebirth «  et « reincarnation »)
  Cet enfant  étant, selon notre interprétation, une « projection » de Saint-Ex, nous révèle discrètement les qualités spirituelles exceptionnelles de l'auteur 

        Il resterait à s'interroger sur le voyage intergalactique qu'effectue l'enfant et son « statut » cosmique. Sous les apparences d'un conte enfantin, il y a peut-être là une intuition  - à l'insu de  l'auteur – des voyages dans l'espace qu'effectuent certains saints missionnés, et qui n'ont rien à voir avec les illusions des « voyages en astral » dont se vantent ingénument les adeptes du rosicrucianisme moderne  qui, à supposer qu'ils ne soient pas entièrement imaginaires, ne représentent qu'une promenade psychique sans portée  ni mission spirituelle, (même s'ils rencontrent à l'occasion des êtres « ectoplasmiques » dans leur genre,  bien entendu ! ***

   
** Il y a là une contradiction entre l'interview de 1939-40 et le texte du petit Prince.

 

*** Il y a des cas authentiques d'ubiquité et rencontre dans l'espace (bien connus dans le monde oriental), comme chez le Père Padre Pio. Mais là il s'agit d'un saint ayant une fonction précise (et que l'Eglise moderne avait bien du mal à admettre, ignorant tout de ce qui dépasse la perspective « exotérique » !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



dimanche 28 août 2016

Turba Philosophorum - Choix de hadiths

                               
                 Avec l'autorisation de Turba Philosophorum 




                                        Le tombeau d'Al Boukhari à Samarcande, Ouzbékistan .


 

Suite à un malencontreux concours de circonstances, le texte paru dans Le Miroir d'Isis n°12 (2007) n'est pas la version définitive de l'article, mais une version de travail intermédiaire. La version correcte est celle que vous pouvez lire dans le fichier électronique ci-joint. En particulier, cette version comprend exactement 40 hadiths.




A. A.


Les hadiths sont, après le Coran, la deuxième source de la tradition musulmane. Ce sont des paroles du Prophète qui ont été transmises tout d’abord oralement au moyen d’une chaîne d’intermédiaires jusqu’à l’époque où un certain nombre de compilateurs les ont rassemblées dans des recueils. Les plus connus - les plus volumineux aussi - sont ceux de Bukhârî et de Muslim, mais on s’accorde à considérer six de ces recueils comme particulièrement dignes de foi : outre les deux déjà cités, ce sont ceux de Tirmidhî, Ibn Mâja, Abû Dâwûd et Nasâ’î. Le plus ancien est celui de Bukhârî (mort en 194 de l’Hégire), les autres datant du troisième siècle. La « solidité » d’un hadith dépend de celle de sa chaîne de transmission : celle-ci doit en principe faire figurer tous les inte rmédiaires qui font remonter la parole citée jusqu’au Prophète2, et ces intermédiaires doivent être reconnus comme étant dignes de foi. Il existe néanmoins des hadiths considérés comme « faibles » par les « docteurs de la Loi », mais qui sont spirituellement très riches et souvent cités  surtout dans les ouvrages qui relèvent du taçawwuf (soufisme). Bien que les chaînes de transmission fassent partie intégrante des hadiths et que leur importance ne soit évidemment pas en question, nous ne les reproduirons pas ici, parce qu’elles sont souvent plus longues que le texte lui-même qu’elles servent à introduire, qu’elles sont peu parlantes pour le lecteur occidental, et que le but recherché ici est de communiquer un certain « parfum » - ou un « goût » - propre à la tradition musulmane.







vendredi 29 janvier 2016

Grillot de Givry - Lourdes

                                








                                       Source  : La Tour Saint Jacques num. 13-14    jan-apr_1958




























vendredi 7 mars 2014

René Guénon - L’Ésotérisme du Graal





Les Cahiers du Sud, novembre 1951, article signé René Guénon

Publication posthume dans Recueil

Quand nous parlons de l’ésotérisme du Graal, nous n’entendons pas seulement par là que, comme tout symbole véritablement traditionnel, il présente un côté ésotérique, c’est-à-dire qu’à son sens extérieur et généralement connu se superpose un autre sens d’un ordre plus profond, qui n’est accessible qu’à ceux qui sont parvenus à un certain degré de compréhension. En réalité, le symbole du Graal, avec tout ce qui s’y rapporte, est de ceux dont la nature même est essentiellement ésotérique et initiatique ; c’est là ce qui explique bien des particularités qui autrement apparaîtraient comme des énigmes insolubles, et la diffusion extérieure qu’a eue la légende du Graal, à une certaine époque et dans certaines circonstances, ne saurait rien changer à ce caractère. Ceci demande quelques explications ; mais, tout d’abord, nous devons faire remarquer que cette diffusion se situe tout entière dans une période très brève, qui ne dépasse sans doute guère un demi-siècle ; il semble donc qu’il se soit agi là d’une manifestation soudaine de quelque chose que nous ne chercherons pas à définir d’une façon précise, et qui serait ensuite rentré non moins subitement dans l’ombre ; quelles qu’aient pu en être les raisons, il y a là un problème historique dont nous nous étonnons qu’on paraisse n’avoir jamais songé à l’examiner avec l’attention qu’il mériterait.

Les conditions dans lesquelles cette manifestation s’est produite appellent quelques observations importantes ; en effet, les romans du Graal semblent, à première vue, contenir des éléments assez mêlés, et certains, sans aller pourtant jusqu’à nier l’existence d’une signification d’ordre spirituel, ont cru pouvoir parler à cet égard d’« inventions de poètes ». À vrai dire, ces inventions, quand elles se rencontrent dans des choses de cet ordre, loin de porter sur l’essentiel, ne font que le dissimuler, volontairement ou non, sous les apparences trompeuses d’une « fiction » quelconque ; et parfois elles ne le dissimulent même que trop bien, car, lorsqu’elles se font trop envahissantes, il finit par devenir presque impossible de découvrir le sens profond et originel.


[1] Les Cahiers du Sud, numéro spécial Lumière du Graal, 1951. [N.d.É.]


Ce danger est surtout à craindre lorsque le poète lui-même n’a pas conscience de la valeur réelle des symboles, car il est évident que ce cas peut se présenter ; l’apologue de « l’âne portant des reliques » s’applique ici comme en bien d’autres choses ; et le poète, alors, pourra transmettre à son insu des données initiatiques dont la véritable nature lui échappe. La question se pose ici tout particulièrement : les auteurs des romans du Graal furent-ils dans ce cas, ou, au contraire, furent-ils conscients, à un degré ou à un autre, du sens profond de ce qu’ils exprimaient ? Il n’est certes pas facile d’y répondre avec certitude, car les apparences peuvent faire illusion : en présence d’un mélange d’éléments insignifiants ou incohérents, on est tenté de penser que l’auteur ne savait pas de quoi il parlait ; pourtant, il n’en est pas forcément ainsi, car il est arrivé souvent que les obscurités et même les contradictions soient parfaitement voulues, et que les détails inutiles aient expressément pour but d’égarer l’attention des profanes, de la même façon qu’un symbole peut être dissimulé intentionnellement dans un motif d’ornementation plus ou moins compliqué ; au moyen âge surtout, les exemples de ce genre abondent, ne serait-ce que chez Dante et les « Fidèles d’Amour ». Le fait que le sens supérieur transparaît moins chez Chrétien de Troyes, par exemple, que chez Robert de Boron ne prouve donc pas nécessairement que le premier en ait été moins conscient que le second ; encore moins faudrait-il en conclure que ce sens soit absent de ses écrits, ce qui serait une erreur comparable à celle qui consiste à attribuer aux anciens alchimistes des préoccupations d’ordre uniquement matériel, pour la seule raison qu’ils n’ont pas jugé à propos d’écrire en toutes lettres que leur science était en réalité de nature spirituelle. Au surplus, la question de l’« initiation » des auteurs des romans a peut-être moins d’importance qu’on pourrait le croire au premier abord, puisque, de toute façon, elle ne change rien aux apparences sous lesquelles le sujet est présenté ; dès lors qu’il s’agit d’une « extériorisation » de données ésotériques, mais qui d’ailleurs ne saurait aucunement être une « vulgarisation », il est facile de comprendre qu’il doive en être ainsi. Nous irons plus loin : un profane peut même fort bien, pour une telle « extériorisation », avoir servi de porte-parole à une organisation initiatique, qui l’aura choisi à cet effet simplement pour ses qualités de poète ou d’écrivain, ou pour toute autre raison contingente. Dante écrivait en parfaite connaissance de cause ; Chrétien de Troyes, Robert de Boron même et bien d’autres furent probablement beaucoup moins conscients de ce qu’ils exprimaient et peut-être même certains d’entre eux ne le furent-ils pas du tout ; mais peu importe au fond, car, s’il y avait derrière eux une organisation initiatique, quelle qu’elle fût d’ailleurs, le danger d’une déformation due à leur incompréhension se trouvait par là même écarté, cette organisation pouvant les guider constamment sans même qu’ils s’en doutent, soit par certains de ses membres leur fournissant les éléments à mettre en œuvre, soit par des suggestions ou des influences d’un autre genre, plus subtiles et moins « tangibles », mais non moins réelles pour cela ni moins efficaces.
Ce n’est d’ailleurs là encore qu’un aspect de la question : du fait que la légende du Graal se présente sous une forme proprement chrétienne, et que cependant il s’y trouve des éléments d’une autre provenance et dont l’origine est manifestement antérieure au Christianisme, on a quelquefois voulu considérer ces éléments, comme « accidentels » en quelque sorte, comme étant venus s’ajouter à la légende « du dehors » et n’ayant qu’un caractère simplement « folklorique ». À cet égard, nous devons dire que la conception même du « folklore », telle qu’on l’entend le plus habituellement à notre époque, repose sur une idée radicalement fausse, l’idée qu’il y a des « créations populaires », produits spontanés de la masse du peuple ; il est évident que cette conception est étroitement liée à certains préjugés modernes, et nous ne reviendrons pas ici sur tout ce que nous en avons dit en d’autres occasions. En réalité, lorsqu’il s’agit, comme c’est presque toujours le cas, d’éléments traditionnels au vrai sens de ce mot, si déformés, amoindris ou fragmentaires qu’ils puissent être parfois, et de choses ayant une valeur symbolique réelle, bien que souvent déguisée sous une apparence plus ou moins « magique » ou « féerique », tout cela, bien loin d’être d’origine populaire, n’est même pas en définitive d’origine humaine, puisque la tradition se définit précisément, dans son essence même, par son caractère supra-humain. Ce qui peut être populaire, c’est uniquement le fait de la « survivance », quand ces éléments appartiennent à des formes traditionnelles disparues ; et, à cet égard, le terme de « folklore » prend un sens assez proche de celui de « paganisme », en ne tenant compte que de l’étymologie de ce dernier, et avec l’intention polémique et injurieuse en moins. Le peuple conserve ainsi, sans les comprendre, les débris de traditions anciennes, remontant même parfois à un passé si lointain qu’il serait impossible de le déterminer exactement, et qu’on se contente de rapporter, pour cette raison, au domaine obscur de la « préhistoire » ; il remplit en cela la fonction d’une sorte de mémoire collective plus ou moins « subconsciente », dont le contenu est manifestement venu d’ailleurs. Ce qui peut sembler le plus étonnant, c’est que, lorsqu’on va au fond des choses, on constate que ce qui est ainsi conservé contient surtout, sous une forme plus ou moins voilée, une somme considérable de données d’ordre proprement ésotérique, c’est-à-dire précisément ce qu’il y a de moins populaire par nature. Il n’y a à ce fait qu’une explication plausible : lorsqu’une forme traditionnelle est sur le point de s’éteindre, ses derniers représentants peuvent fort bien confier volontairement, à cette mémoire collective dont nous venons de parler, ce qui autrement se perdrait sans retour ; c’est, en somme, le seul moyen de sauver ce qui peut l’être dans une certaine mesure ; et, en même temps, l’incompréhension naturelle de la masse est une suffisante garantie que ce qui possédait un caractère ésotérique n’en sera pas dépouillé pour cela, mais demeurera seulement, comme une sorte de témoignage du passé, pour ceux qui, en d’autres temps, seront capables de le comprendre.

Cela dit, nous ne voyons pas pourquoi on attribuerait indistinctement au « folklore », sans plus ample examen, tous les éléments « préchrétiens », et plus particulièrement celtiques, qui se rencontrent dans la légende du Graal, car la distinction qu’il convient de faire à cet égard est celle des formes traditionnelles disparues et de celles qui sont actuellement vivantes, et, par conséquent, la question qui devrait se poser est celle de savoir si la tradition celtique avait réellement cessé de vivre lorsque se constitua la légende dont il s’agit. Cela est au moins contestable : d’une part, cette tradition peut s’être maintenue plus longtemps qu’on ne le croit d’ordinaire, avec une organisation plus ou moins cachée, et, d’autre part, cette légende elle-même, dans ses éléments essentiels, peut être beaucoup plus anciennes que ne le pensent les « critiques », non pas qu’il y ait eu forcément des textes aujourd’hui perdus, mais bien plutôt par une transmission orale qui peut avoir duré plusieurs siècles, ce qui est loin d’être un fait exceptionnel. Nous voyons là, pour notre part, la marque d’une « jonction » entre deux formes traditionnelles, l’une ancienne et l’autre nouvelle alors, la tradition celtique et la tradition chrétienne, jonction par laquelle ce qui devait être conservé de la première fut en quelque sorte incorporé à la seconde, en se modifiant sans doute jusqu’à un certain point, par adaptation et assimilation, mais non point en se transposant sur un autre plan comme le voudraient certains, car il y a des équivalences entre toutes les traditions régulières ; il y a donc là bien autre chose qu’une simple question de « sources », au sens où l’entendent les érudits. Il serait peut-être difficile de préciser exactement le lieu et la date où cette jonction s’est opérée, mais cela n’a qu’un intérêt secondaire et presque uniquement historique ; il est d’ailleurs facile de concevoir que ces choses sont de celles qui ne laissent pas de traces dans des « documents » écrits. Le point important pour nous, et qui ne nous paraît aucunement douteux, c’est que les origines de la légende du Graal doivent être rapportées à la transmission de certains éléments traditionnels, d’ordre plus proprement initiatique, du Druidisme au Christianisme ; cette transmission ayant été opérée régulièrement, et quelles qu’en aient été d’ailleurs les modalités, ces éléments firent dès lors partie intégrante de l’ésotérisme chrétien. L’existence de celui-ci au moyen âge est absolument certaine ; les preuves de tout genre en abondent pour qui sait les voir, et les dénégations dues à l’incompréhension moderne, qu’elles proviennent de partisans ou d’adversaires du Christianisme, ne prouvent rien contre ce fait. Il faut d’ailleurs bien remarquer que nous disons « ésotérisme chrétien », et non pas « Christianisme ésotérique » ; il ne s’agit point, en effet, d’une forme spéciale de Christianisme, il s’agit du côté « intérieur » de la tradition chrétienne, et il est facile de comprendre qu’il y a là plus qu’une simple nuance. En outre, lorsqu’il y a lieu de distinguer ainsi dans une forme traditionnelle deux faces, l’une exotérique et l’autre ésotérique, il doit être bien entendu qu’elles ne se rapportent pas au même domaine, si bien qu’il ne peut y avoir entre elles de conflit ou d’opposition d’aucune sorte ; en particulier, lorsque l’exotérisme revêt le caractère spécifiquement religieux, comme c’est ici le cas, l’ésotérisme correspondant, tout en y prenant nécessairement sa base et son support, n’a en lui-même rien à voir avec le domaine religieux et se situe dans un ordre totalement différent. Il résulte immédiatement de là que cet ésotérisme ne peut en aucun cas être représenté par des « Églises » ou des « sectes » quelconques, qui, par définition même, sont toujours religieuses, donc exotériques ; il est vrai que certaines « sectes » ont pu naître d’une confusion entre les deux domaines, et d’une « extériorisation » erronée de données ésotériques mal comprises et mal appliquées ; mais les organisations initiatiques véritables, se maintenant strictement sur leur terrain propre, demeurent forcément étrangères à de telles déviations, et leur « régularité » même les oblige à ne reconnaître que ce qui présente un caractère d’orthodoxie rigoureuse, fût-ce dans l’ordre exotérique. On est donc assuré par-là que ceux qui veulent rapporter à des « sectes » ce qui concerne l’ésotérisme ou l’initiation font fausse route et ne peuvent que s’égarer ; point n’est besoin d’examiner les choses de plus près pour écarter toute hypothèse de ce genre ; et, si l’on trouve dans quelques « sectes » des éléments qui paraissent être de nature ésotérique, il faut en conclure, non point qu’ils ont là leur origine, mais, tout au contraire, qu’ils y ont été détournés de leur véritable signification.
Dès lors qu’il en est ainsi, certaines difficultés apparentes auxquelles nous faisions allusion au début se trouvent aussitôt résolues, ou, pour mieux dire, on s’aperçoit qu’elles sont inexistantes : il n’y a point lieu, par exemple, de se demander quelle peut être la situation, par rapport à l’orthodoxie chrétienne entendue au sens ordinaire, d’une ligne de transmission en dehors de la « succession apostolique », comme celle dont il est question dans certaines versions de la légende du Graal ; s’il s’agit là d’une hiérarchie initiatique, la hiérarchie religieuse ou ecclésiastique ne saurait en aucune façon être affectée par son existence, qui ne la concerne pas, et que d’ailleurs elle n’a point à connaître « officiellement », si l’on peut dire, puisqu’elle-même n’a de compétence et n’exerce de juridiction légitime que dans le domaine exotérique. De même, lorsqu’il est question d’une formule secrète en relation avec certains rites, il y a une singulière naïveté à se demander si la perte ou l’omission de cette formule ne risque pas d’empêcher que la célébration de la messe puisse être regardée comme valable ; la messe, telle qu’elle est, est un rite religieux, et il s’agit là d’un rite initiatique, ce qu’indique suffisamment ce caractère secret ; chacun vaut dans son ordre, et, même si l’un et l’autre ont en commun un caractère « eucharistique », comme il en est aussi pour la cène rosicrucienne, cela ne change rien à cette distinction essentielle, pas plus que le fait qu’un même symbole peut être interprété à la fois aux deux points de vue exotérique et ésotérique n’empêche ceux-ci d’être profondément distincts et de se rapporter, comme nous l’avons déjà dit, à des domaines entièrement différents ; quelles que puissent être parfois les ressemblances extérieures, qui s’expliquent d’ailleurs par certaines correspondances réelles, la portée et le but des rites initiatiques sont tout autres que ceux des rites religieux.

Maintenant, que les écrits concernant la légende du Graal soient émanés, directement ou indirectement, d’une organisation initiatique, cela ne veut point dire qu’ils constituent un rituel d’initiation, comme quelques-uns l’ont supposé assez bizarrement ; et il est curieux de noter qu’on n’a jamais émis une semblable hypothèse, à notre connaissance du moins, pour des œuvres qui pourtant décrivent beaucoup plus manifestement un processus initiatique, comme la Divine Comédie ou le Roman de la Rose ; il est bien évident que tous les écrits qui présentent un caractère ésotérique ne sont pas pour cela des rituels. Dans le cas présent, cette supposition se heurte à un certain nombre d’invraisemblances : tel est, notamment, le fait que le prétendu récipiendaire aurait une question à poser, au lieu d’avoir au contraire à répondre aux questions de l’initiateur, ainsi qu’il en est généralement ; les divergences qui existent entre les différentes versions sont également incompatibles avec le caractère d’un rituel, qui a nécessairement une forme fixe et bien définie ; mais nous croyons peu utile d’insister davantage sur ce point. D’un autre côté, quand nous parlons d’organisations initiatiques, il doit être bien entendu qu’il ne faut aucunement, suivant une erreur très répandue et que nous avons eu souvent à relever, se les représenter comme étant plus ou moins ce qu’on appelle aujourd’hui des « sociétés », avec tout l’appareil de formalités extérieures que ce mot implique ; si quelques-unes d’entre elles, en Occident, en sont arrivées à prendre une telle forme, ce n’est là que l’effet d’une sorte de dégénérescence toute moderne. Là où nos contemporains ne trouvent rien qui ressemble à une « société », ils semblent trop souvent ne pas voir d’autre possibilité que celle d’une chose vague et indéterminée, n’ayant qu’une existence simplement « idéale », c’est-à-dire, en somme pour qui ne se paie pas de mots, purement imaginaire ; mais les réalités initiatiques n’ont rien de commun avec ces conceptions nébuleuses, et elles sont au contraire quelque chose de très « positif ». Ce qu’il importe de savoir avant tout, c’est qu’aucune initiation ne peut exister en dehors de toute organisation et de toute transmission régulière ; et précisément, si l’on veut savoir où se trouve véritablement ce qu’on a appelé parfois le « secret du Graal », il faut se reporter à la constitution des centres spirituels d’où émane toute initiation, car, sous le couvert des récits légendaires, c’est essentiellement de cela qu’il s’agit en réalité.
Nous avons exposé dans notre étude sur le Roi du Monde les considérations se rapportant à ce sujet, et nous ne pouvons guère faire ici plus que de les résumer ; mais il nous faut tout au moins indiquer ce qu’est le symbolisme du Graal en lui-même, en laissant de côté les détails secondaires de la légende, si significatifs qu’ils puissent être cependant. À cet égard, nous devons dire tout d’abord que, bien que nous n’ayons parlé jusqu’ici que de la tradition celtique et de la tradition chrétienne, parce que ce sont celles qui nous concernent directement quand il s’agit du Graal, le symbole de la coupe ou du vase est en réalité de ceux qui, sous une forme ou sous une autre, se retrouvent dans toutes les traditions, et dont on peut dire qu’ils appartiennent véritablement au symbolisme universel. Il nous faut aussi préciser que, quoi que puissent en penser ceux qui s’en tiennent à un point de vue tout extérieur et exclusivement historique, cette communauté de symboles, entre les formes traditionnelles les plus diverses et les plus éloignées les unes des autres dans l’espace et le temps, n’est nullement due à des « emprunts » qui, dans bien des cas, seraient tout à fait impossibles ; la vérité est que ces symboles sont universels parce qu’ils appartiennent avant tout à la tradition primordiale dont toutes ces formes diverses sont dérivées directement ou indirectement. Les assimilations que certains « historiens des religions » ont envisagées au sujet du « vase sacré » sont donc tout à fait justifiées en elles-mêmes ; mais ce qui est à rejeter, ce sont, d’une part, leurs explications de la « migration des symboles » qui prétendent ne faire appel qu’à de simples contingences historiques, et aussi, d’autre part, les interprétations « naturalistes » qui ne sont dues qu’à l’incompréhension moderne du symbolisme et qui ne sauraient être valables pour aucune tradition sans exception. Il est particulièrement important ici d’appeler l’attention sur ce dernier point, parce que certains, acceptant sans discussion une telle interprétation pour le « vase d’abondance » des traditions antiques, celtique et autres, ont cru qu’il n’y avait là aucun rapport réel avec la signification « eucharistique » de la coupe dans le Christianisme, de sorte que le rapprochement établi entre l’un et l’autre dans la légende du Graal ne serait qu’un de ces éléments soi-disant « folkloriques » qu’ils considèrent comme surajoutés et dont ils méconnaissent entièrement le caractère et la portée ; au contraire, pour qui comprend bien le symbolisme, non seulement il n’y a là aucune différence radicale, mais même on peut dire que c’est exactement la même chose au fond. Dans tous les cas, ce dont il s’agit est toujours le récipient contenant la nourriture ou le breuvage d’immortalité, avec toutes les significations qui y sont impliquées, y compris celle qui l’assimile à la connaissance traditionnelle elle-même, en tant que celle-ci est le « pain descendu du Ciel », conformément à l’affirmation évangélique suivant laquelle « l’homme ne vit pas seulement de pain (terrestre), mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu », c’est-à-dire, d’une façon générale, qui émane d’une origine supra-humaine, et qui, de quelque forme extérieure qu’elle se revête, est toujours en définitive une expression ou une manifestation du Verbe divin. C’est d’ailleurs pourquoi le Graal n’est pas seulement une coupe, mais apparaît aussi quelquefois comme un livre, qui est proprement le « Livre de Vie », ou le prototype céleste de toutes les Écritures sacrées ; les deux aspects peuvent même se trouver réunis, car, dans certaines versions, le livre est remplacé par une inscription tracée sur la coupe par un ange ou par le Christ lui-même. Nous rappellerons aussi à ce propos le lapsit exillis de Wolfram d’Eschenbach, la pierre tombée du Ciel et sur laquelle apparaissaient en certaines circonstances des inscriptions d’origine pareillement « non humaine » ; mais nous ne pouvons insister outre mesure sur ces aspects moins généralement connus que celui où le Graal est représenté sous la forme d’une coupe. Nous ferons seulement remarquer, pour montrer que, malgré les apparences, ces différents aspects ne sont point contradictoires entre eux, que même lorsqu’il est une coupe, le Graal est aussi en même temps une pierre, et même une pierre tombée du Ciel, puisque, suivant la légende, il aurait été taillé par les anges dans une émeraude tombée du front de Lucifer lors de sa chute. Cette origine est particulièrement remarquable, car cette émeraude frontale s’identifie avec le « troisième œil » de la tradition hindoue, qui représente le « sens de l’éternité », ce qui nous ramène du reste à l’idée de la nourriture d’immortalité, car il est évident que l’immortalité véritable est essentiellement liée à la possession de ce « sens de l’éternité » ; et, comme celui-ci est donné par la connaissance effective de la vérité traditionnelle, on voit que tout ceci est parfaitement cohérent en réalité.

Il est dit aussi que le Graal fut confié à Adam dans le Paradis terrestre, mais que, lors de sa chute, Adam le perdit à son tour, car il ne put l’emporter avec lui lorsqu’il fut chassé de l’Éden ; avec la signification que nous venons d’indiquer, cela se comprend immédiatement. En effet, l’homme, écarté de son centre originel, se trouvait dès lors enfermé dans la sphère temporelle ; il ne pouvait plus, par conséquent, rejoindre le point unique d’où toutes choses sont contemplées sous l’aspect de l’éternité. En d’autres termes, cette possession du « sens de l’éternité » dont nous venons de parler appartient proprement à ce que toutes les traditions nomment l’« état primordial », dont la restauration constitue le premier stade de la véritable initiation, étant la condition préalable de la conquête effective des états supra-humains, car la communication avec ceux-ci n’est possible qu’à partir du point central de l’état humain ; et il est bien entendu que ce que représente le Paradis terrestre n’est pas autre chose que le « Centre du Monde ». Ainsi, le Graal correspond en même temps à deux choses, une doctrine traditionnelle et un état spirituel, qui sont étroitement solidaires l’une de l’autre : celui qui possède intégralement la tradition primordiale, et qui est parvenu au degré de connaissance effective qu’implique essentiellement cette possession, est en effet, par là-même, réintégré dans la plénitude de l’« état primordial », ce qui revient à dire qu’il est désormais rétabli dans le « Centre du Monde ».
La coupe est d’ailleurs par elle-même un des symboles dont la signification est essentiellement « centrale », de même que la lance, qui accompagne le Graal et qui en est en quelque sorte complémentaire, est une des figurations traditionnelles de l’« Axe du Monde », qui, passant par le point central de chaque état, relie entre eux tous les états de l’être. Cette signification de la coupe résulte immédiatement de son assimilation symbolique avec le cœur ; il n’est pas sans intérêt de noter, à cet égard, que, dans les anciens hiéroglyphes égyptiens, le cœur lui-même était représenté par un vase ; d’autre part, le cœur et la coupe ont l’un et l’autre pour schéma géométrique le triangle dont la pointe est dirigée vers le bas, tel qu’il se rencontre notamment dans certains yantras de l’Inde. Pour ce qui est plus particulièrement du Graal, sous la forme spécifiquement chrétienne de la légende, sa connexion avec le cœur du Christ, dont il contient le sang, est trop évidente pour qu’il soit nécessaire d’y insister davantage. Dans toutes les traditions, « Cœur du Monde » et « Centre du Monde » sont des expressions équivalentes ; il n’y a d’ailleurs là rien de contradictoire avec ce que nous avons dit plus haut au sujet du « troisième œil », car, en tant que le cœur est considéré comme le centre de l’être, c’est aussi en lui que réside réellement le « sens de l’éternité » ; mais nous ne pouvons naturellement songer à nous étendre ici sur la concordance de ces divers symboles, ni sur leur rapport avec certaines « localisations » correspondant à différents degrés ou états spirituels de l’être humain.
Il nous reste encore à parler quelque peu de la « queste du Graal », qui se rattache, elle aussi, à un symbolisme très général, car, dans presque toutes les traditions, il est fait allusion à quelque chose qui, à partir d’une certaine époque, aurait été perdu ou tout au moins caché, et que l’initiation doit faire retrouver ; ce « quelque chose » peut être représenté de façons très différentes suivant les cas, mais le sens en est toujours le même au fond. Lorsqu’il est dit que Seth obtint de rentrer dans le Paradis terrestre et put ainsi recouvrer le précieux vase, puis que d’autres le possédèrent après lui, on doit comprendre qu’il s’agit de l’établissement d’un centre spirituel destiné à remplacer le Paradis perdu, et qui était comme une image de celui-ci ; et alors cette possession du Graal représente la conservation intégrale de la tradition primordiale dans un tel centre spirituel. La perte du Graal, ou de quelqu’un de ses équivalents symboliques, c’est en somme la perte de la tradition avec tout ce que celle-ci comporte ; à vrai dire, d’ailleurs, cette tradition est plutôt cachée que perdue, ou du moins elle ne peut jamais être perdue que pour certains centres secondaires, lorsque ceux-ci cessent d’être en relation directe avec le centre suprême. Quant à ce dernier, il garde toujours intact le dépôt de la tradition, et il n’est pas affecté par les changements qui surviennent dans le monde extérieur au cours du développement du cycle historique ; mais, de même que le Paradis terrestre est devenu inaccessible, le centre suprême, qui en somme en est l’équivalent, peut, au cours d’une certaine période, n’être pas manifesté extérieurement, et alors on peut dire que la tradition est perdue pour l’ensemble de l’humanité, car elle n’est conservée que dans certains centres rigoureusement fermés, et la masse des hommes, bien qu’en recevant encore certains reflets par l’intermédiaire des formes traditionnelles particulières qui en sont dérivées, n’y participe plus d’une façon consciente et effective, contrairement à ce qui avait lieu dans l’état originel. La perte de la tradition peut, soit être entendue dans ce sens général, soit être rapportée à l’obscuration du centre spirituel secondaire qui régissait plus ou moins invisiblement les destinées de tel peuple particulier ou de telle civilisation déterminée ; il faut donc, chaque fois qu’on rencontre un symbolisme qui s’y rapporte, examiner s’il doit être interprété dans l’un ou l’autre de ces deux sens. D’ailleurs, il faut remarquer que la constitution même des centres secondaires, correspondant aux formes traditionnelles particulières quelles qu’elles soient, marque déjà un premier degré d’obscuration vis-à-vis de la tradition primordiale, puisque le centre suprême, dès lors, n’est plus en contact direct avec l’extérieur, et que le lien n’est maintenu qu’à travers les centres secondaires qui restent seuls connus ; c’est pourquoi il est souvent question de certaines choses « substituées », qui peuvent être des paroles ou des objets symboliques. D’autre part, si un centre secondaire vient à disparaître, on peut dire qu’il est en quelque sorte résorbé dans le centre suprême, dont il n’était qu’une émanation ; ici comme dans le cas de l’obscuration générale qui se produit conformément aux lois cycliques, il y a du reste des degrés à observer : il peut se faire qu’un tel centre deviendra seulement plus caché et plus fermé, et ce fait peut être représenté par le même symbolisme que sa disparition complète, tout éloignement de l’extérieur étant en même temps, et dans une mesure équivalente, un retour vers le Principe. Nous voulons ici faire allusion plus particulièrement au symbolisme de la disparition finale du Graal : que celui-ci ait été enlevé au Ciel, suivant certaines versions, ou qu’il ait été transporté dans le « Royaume du Prêtre Jean », suivant certaines autres, cela signifie exactement la même chose, bien que les « critiques » qui voient partout des contradictions ne puissent assurément guère s’en douter. Il s’agit toujours là de ce même retrait de l’extérieur vers l’intérieur, en raison de l’état du monde à une certaine époque, ou, pour parler plus exactement, de cette portion du monde qui est en rapport avec la forme traditionnelle considérée ; ce retrait ne s’applique d’ailleurs ici qu’au côté ésotérique de la tradition, le côté exotérique étant, dans un cas comme celui du Christianisme, demeuré sans aucun changement apparent ; mais c’est précisément par le côté ésotérique que sont établis et maintenus les liens effectifs avec le centre suprême, par là même que ces liens impliquent nécessairement la conscience de l’unité essentielle de toutes les traditions, ce qui ne saurait être du ressort de l’exotérisme, dont l’horizon est toujours limité exclusivement à une forme particulière. Qu’un certain rapport avec le centre suprême subsiste cependant, mais en quelque sorte invisiblement et inconsciemment, tant que la forme traditionnelle considérée demeure vivante, cela doit être forcément malgré tout ; s’il en était autrement, en effet, cela reviendrait à dire que l’« esprit » s’en est entièrement retiré et qu’il ne reste véritablement plus qu’un corps mort. Il est dit que le Graal ne fut plus vu comme auparavant, mais il n’est pas dit que personne ne le vit plus ; certes, en principe tout au moins, il est toujours présent pour ceux qui sont « qualifiés » ; mais, en fait, ceux-là sont devenus toujours de plus en plus rares, au point de ne plus constituer qu’une infime exception ; et, depuis le temps où l’on dit que les véritables Rose-Croix se retirèrent en Asie, c’est-à-dire sans doute aussi, symboliquement, au « Royaume du Prêtre Jean », quelles possibilités de parvenir à l’initiation effective peuvent-ils encore trouver ouvertes devant eux dans le monde occidental ?


Lire aussi :

mercredi 4 décembre 2013

« Grillot de Givry » - Témoin de l’Esotérisme Chrétien





Aucun livre, si ce n’est celui de Grillot de Givry réédité aujourd’hui, ne rappelle autant l’adage latin : « habent sua fata libelli » (les livres ont leur destin). Remarquons qu’il ne s’agit là que d’un simple constat. Comment expliquer, en ce qui nous concerne, qu’un ouvrage aussi important que « Lourdes » (paru en 1902) ait attendu plus d’un demi siècle pour n’être réédité par son éditeur initial seulement en 1959 ? Il se trouve que les deux dates encadrent remarquablement la période de la publication des œuvres de René Guénon, que « Lourdes » annonçait d’une certaine façon. L’explication de cette insigne mauvaise fortune de Grillot de Givry tient vraisemblablement au caractère prématuré ou, mieux encore, intemporel de ces considérations.

Le rapprochement des deux noms de Grillot de Givry et de René Guénon n’est ni insignifiant ni fortuit. Dès 1930, suite à la réorganisation du « Voile d’Isis », René Guénon, devenu entre autre l’inspirateur de cette revue, y fait reparaître[1] une étude ancienne de Grillot de Givry : « Les foyers de mysticisme populaire », initialement publiée dix années plus tôt dans la même revue (février 1920). Le texte y est, cette fois, précédé d’un avant-propos de Marcel Clavelle (connu sous le pseudonyme de « Jean Reyor »), avant-propos probablement conseillé par René Guénon lui-même. Dans le numéro de juin 1930[2], en publiant une étude : « A propos des pèlerinages » René Guénon rend d’entrée un hommage « au remarquable article de Grillot de Givry » qu’il venait de republier.

Les Editions Chacornac rééditent « Lourdes » en 1959. La revue des « Etudes traditionnelles » (qui avait pris la suite du « Voile d’Isis) publie, dans son numéro 352[3], un compte rendu substantiel dû à Jean Reyor. Celui-ci pose plusieurs questions importantes : la signification de l’ouvrage (sans doute oublié depuis 1902), la « biographie spirituelle » de l’auteur et la disproportion entre les deux périodes de ses travaux. En effet, durant quelques années d’une étonnante fertilité (à la sortie de l’adolescence), il accomplit une œuvre considérable, à la fois personnelle et en tant que traducteur du latin des anciens hermétistes… suivies de deux décennies d’apparente stérilité. Curieusement, Jean.Reyor évoque l’hypothèse d’une possible rupture avec le Centre initiatique, qui avait initialement alimenté et soutenu son inspiration d’hermétiste.

Autre remarque significative : le peu d’intérêt manifesté pour les traditions orientales, ce qui n’avait pas dissuadé René Guénon de souhaiter la collaboration active de Grillot de Givry au « Voile d’Isis »[4]. Collaboration rendue, hélas, impossible du fait de son décès prématuré en 1929, à l’âge de 55 ans. René Guénon suggère que ce décès aurait vraisemblablement infléchi l’orientation future de la revue[5], bien plus marquée dorénavant par les traditions orientales que par celles de l’Occident. La Providence en avait décidé ainsi !

Voici donc la réédition d’une œuvre, qui ne se manifeste qu’une fois chaque demi-siècle environ, mais qui, tout de même, suscite l’enthousiasme du nombre modeste de lecteurs à l’attention desquels elle avait été écrite. Après ma réaction de scepticisme, je me demande aujourd’hui ce qu’il faut admirer le plus : le courage de l’éditeur ou la qualité intrinsèque et irremplaçable de cette œuvre importante ?

Nous sommes assez bien renseignés sur le personnage de Grillot de Givry, grâce à deux notices de Jean Reyor : la première, publiée quelques semaines après son décès sous la forme d’un hommage[6] et, la seconde, en 1959[7]. Elles nous présentent un homme en tous points exceptionnel. Musicien accompli, tant dans la composition que dans l’exécution, il s’était aussi révélé précocement érudit dans le domaine de l’ésotérisme : remarquable latiniste et étonnant détenteur d’une profonde tradition hermétiste, deux qualifications dont la réunion est assez rare chez un même individu. Ces qualités lui avaient permis de réaliser les traductions de difficiles traités des hermétistes du Moyen-Âge et de la Renaissance, de Saint-Thomas d’Aquin à Postel, John Dee et surtout les œuvres de Paracelse... Jean Reyor met l’accent sur le caractère ardu de ce genre de travaux, qui exigent une égale connaissance de ce latin fort particulier et, pour comble, des arcanes de l’Hermétisme.

Durant la décennie du XIXème siècle, Grillot de Givry s’est trouvé en relation intime avec les plus érudits et les plus sérieux des occultistes de l’époque. Certains appartenaient au rite de Memphis-Misraïm, qu’ils entendaient ressourcer par l’étude des textes anciens de l’ésotérisme occidental. L’un d’entre eux, René Philipon (Tabris)[8], disposait d’une fortune personnelle lui permettant de financer la publication de la célèbre « Bibliothèque Rosicrucienne », publication passablement confidentielle. De plus, les textes publiés ainsi n’avaient jamais été traduits dans les langues modernes : c’est au tout jeune traducteur de Grillot de Givry qu’on les devait.

Parmi les titres, on remarque un traité de cabbale chrétienne, provenant de l’immense « Kabbala denudata »[9] de Knorr de Rosenroth. Rappelons qu’une future équipe des « Etudes Traditionnelles », vraisemblablement sous l’impulsion de Jean Reyor, publiera une longue série d’autres extraits traduits de Knorr de Rosenroth de 1950 à 1960[10].

Il faut maintenant rappeler le rôle de quelques libraires-éditeurs spécialisés, entre les dernières années du XIXème siècle et la guerre de 1914, dans le genre assez nouveau de la littérature occultiste. Citons les éditeurs Chamuel et Chacornac, nous devrions plutôt dire : la dynastie des Chacornac. Rappelons aussi la présence de la célèbre Librairie du Merveilleux de Pierre Dujols.

C’est en 1890, que la librairie Chacornac inaugure la publication de la revue « Voile d’Isis », devenue au début des années 1930 « Etudes Traditionnelles ». Durant presque un siècle, elle jouera un rôle providentiel dans la connaissance de la pensée traditionnelle. Elle subira, toutefois, de longues mutations, puisqu’elle se présentait initialement comme la « Revue mensuelle de Haute Science », ayant pour but « l’étude de la Tradition et des divers mouvements du spiritualisme ancien et moderne » (à l’adresse des frères Chacornac, animant une « librairie générale des sciences occultes » !). Le « Voile d’Isis » ne verra sa publication interrompue que pendant la « grande guerre », après laquelle elle reparaîtra. Il n’y aura pas de changement notable, jusqu’à la visite timide d’un certain Monsieur René Guénon à la boutique du quai Saint-Michel, un jour de janvier 1922 : souvenir évoqué par Paul Chacornac dans un numéro spécial d’hommages des « Etudes Traditionnelles »[11].

C’était manifestement avec réserve, que René Guénon avait commencé à apporter sa collaboration au « Voile d’Isis » et donné quelques études, jusqu’aux années 1928- 1929. C’est donc au lendemain du décès de Grillot de Givry, que René Guénon prend la direction effective et renouvelle l’esprit du « Voile d’Isis », bientôt transformé en « Etudes Traditionnelles ». De l’ancienne équipe des occultistes du « Voile d’Isis », seuls deux collaborateurs avaient assez de qualités et de rectitude pour en émerger : nous pensons à Tamos (Georges-Auguste Thomas) et Grillot de Givry, détenteurs d’un dépôt initiatique réel.

Il est remarquable que René Guénon, dans ses premiers comptes-rendus d’ouvrages antérieurs à 1930, n’avait distingué que ceux de Grillot de Givry et O.V. de L. Milosz. De ce dernier, il avait surtout remarqué la publication, en 1928, de son poème « Les Arcanes », suivi de longs et riches commentaires. Dans le « Voile d’Isis », entre octobre 1928 et octobre 1930, le Dr Delobel, René Guénon lui-même et finalement Jean Reyor s’y réfèrent. En juin 1930, dans son étude « A propos des Pèlerinages », René Guénon cite un long fragment de O.V. de L. Milosz sur la notion des « Nobles Voyageurs » : c’est la plus longue citation empruntée par René Guénon à un auteur contemporain. Ajoutons, que nous avons le témoignage de la relation personnelle entre les deux auteurs, à cette époque de leur vie[12]. Quant à Grillot de Givry, si son décès met fin à sa collaboration, son souvenir et sa présence se perpétueront au sein de la Maison Chacornac et des « Etudes Traditionnelles ».

Après ce bref contexte de « fin de siècle » de l’occultisme, nous pouvons mieux comprendre l’importance de la première publication de « Lourdes » en 1902, au creux de cette période assez terne.

Plusieurs remarques s’imposent à la lecture de ce texte. Premièrement, à l’encontre de l’ensemble des publications catholiques relatives à l’histoire de Lourdes et des apparitions mariales, l’étude de Grillot de Givry ne se situe pas sur le plan religieux : d’emblée, elle le transcende et se place sur celui du « Sacré » et de l’ésotérisme. Le domaine simplement chrétien est toujours replacé dans une perspective de « l’unité transcendante des Traditions ». Mais, notons-le bien, sans que le contenu théologique chrétien ne soit jamais ni contredit ni nié. Deuxièmement, l’éclairage de ce texte de 1902 résulte manifestement de la reconnaissance implicite d’un « ésotérisme chrétien », dont Louis Charbonneau-Lassay sera le premier à en faire état dans ses études de la revue « Regnabit », environ vingt-cinq ans plus tard.

Ainsi, cette publication de « Lourdes » en 1902 ouvrait la série des manifestations d’un « ésotérisme chrétien » depuis longtemps mis en hibernation, semble-t-il, et comme oublié sous une gangue d’apologétique catholique. On comprend mieux l’occasion et la signification de la deuxième publication de « Lourdes » en 1959, dont nous rappelons les faits. Après la disparition de René Guénon, en 1951, la revue des « Etudes Traditionnelles » avait été manifestement dirigée par une équipe de collaborateurs appartenant majoritairement à des courants de l’ « ésotérisme chrétien »… jusqu’en fin 1959, début 1960, où une nouvelle équipe dirigée par Michel Valsan prendra le relais et maintiendra la revue dans le domaine de l’ésotérisme islamique. Orientation, certes légitime, mais exercée de manière plutôt exclusive.

Remarquons que, dès le début de l’année 1951, les « Etudes Traditionnelles » publient, sur trois fascicules consécutifs, le texte du « Traité des sept causes secondes » de l’Abbé Trithème : un des très rares textes chrétiens du début du XVIème siècle traitant d’eschatologie et de cyclologie. A l’évidence, cette publication avait été décidée avec l’aval de René Guénon dès 1950. Elle reprend celle qui en avait été donnée dans la célèbre « Bibliothèque Rosicrucienne » de René Philipon[13], enrichie d’une vie de l’Abbé Trithème, d’une préface et de notes, le tout non signé mais dû manifestement à Grillot de Givry. On sait que Paul Chacornac a publié lui aussi un ouvrage sur l’Abbé Trithème.

Les rééditions de « Lourdes » en 1959, précédée du « Traité des Sept Causes Secondes » en 1951 et suivie de celle du « Grand Œuvre » en 1960, peuvent raisonnablement être considérées comme une manifestation délibérée du courant ésotérique chrétien, qui avait pris la direction des « Etudes Traditionnelles » après le décès de René Guénon. Durant presque dix années, la revue avait publié un ensemble important de textes appartenant au domaine de la cabbale chrétienne. Citons : la réédition des textes de Mgr Devoucoux, les traductions de nombreux fragments des « Loci communes qabbalistici » de la « Kabbala denudata » de Knorr de Rosenroth, annonçant les travaux de l’Abbé Nicolas Boon, dont l’édition posthume du volume « Au cœur de l’Ecriture – Méditations d’un prêtre catholique »[14] constitue la dernière manifestation publique d’un véritable cabaliste chrétien.

Il est temps de présenter le texte réédité de « Lourdes ».

Commençons par rappeler que l’ouvrage, dans l’esprit de son auteur, devait constituer le premier volet d’une longue série centrée sur l’étude d’une « géographie sacrée ». Les volumes suivants devaient traiter de sept autres « villes initiatiques » : Paray-le-Monial[15], Saint-Jacques de Compostelle, Sienne, Jérusalem, La Mecque, Bénarès et Lhassa. Ce projet ambitieux avait été confié à Jean Reyor, qui nous l’a rapporté dans son important compte-rendu sur « Lourdes » de 1959[16]. De plus, Grillot de Givry lui-même en avait exposé les linéaments dans son article[17] publié sous le titre « Les foyers de mysticisme populaire ». La nouvelle équipe de la revue, sous la direction de René Guénon, prend l’initiative de le rééditer dans le numéro de mars 1930[18], enrichi cette fois d’une longue introduction de Jean Reyor[19], qui expose les points de convergence d’une « géographie sacrée » avec certains évènements d’une histoire cryptique. Il est évident qu’une réédition de « Lourdes » devait être complétée par ce texte d’introduction au projet initial. C’est à ce titre, qu’il est repris ici. Curieusement, Grillot de Givry n’utilise jamais l’expression de « géographie sacrée », que nous attendrions aujourd’hui dans ce genre d’études. On constate, à ce propos, à quel point nous sommes redevables du vocabulaire rigoureux, que nous avons reçu de la lecture de René Guénon.

On doit remarquer enfin, que la principale qualité de son étude sur « Lourdes » tient au fait qu’il replace et considère le contexte religieux des « apparitions mariales » dans une dimension métaphysique. On ne peut pas ne pas évoquer ici la « Shakti » de la tradition hindoue, l’aspect féminin issu du Principe divin transcendant, la « part féminine de Dieu »… non plus que la notion qabbalistique de la « Shekhinah », « Demeure » et « Présence » du transcendant dans l’immanent.

Une dernière remarque, parmi bien d’autres qui se présentent à l’esprit d’un lecteur moderne de « Lourdes » : la constatation d’une « crise du monde moderne », sensible en Occident depuis la fin de notre moyen âge, exactement vingt-cinq années avant la publication de l’ouvrage de René Guénon sur ce thème (1902-1927). Un seul « bémol » in fine : reconnaissons que le style, dans lequel l’œuvre a été composée, « date » curieusement avec son parfum d’ « écriture artiste » inaugurée par Huysmans. Il est probable que Grillot de Givry aurait donné une facture tout autre à une réédition de son texte initial, durant les dernières années de son existence.

Un témoignage tardif de son propre fils[20] nous éclaire sur l’évolution du style (de vie et d’écriture) de son père. De manière amusante, il donne une idée de la transformation profonde de la personnalité de son père après 1920. On lit : « Il changea alors son propre aspect et abandonna les modes anciennes de façon radicale ; il supprima non seulement le port de la barbe, à l’instar de la foule d’alors, mais aussi les vêtements de style artiste ou esthète… ».

Francis Laget
Pour en savoir plus sur les travaux de Grillot de Givry :
John Dee - La Monade Hiéroglyphique (Traduit et annoté par Grillot de Givry)


Le Christ et la patrie



P.S : Si vous ne connaissez la procédure pour télécharger les documents, veuillez m'en informer . Pour Scribd et Gallica une inscription est nécessaire, mais rien de trop compliqué . Pour scribd, il vont vous inviter à leur fournir un de vos documents (au choix) de votre disque dur (PDF...) pour pouvoir télécharger les œuvres ci-dessus . (Pour avoir des PDF à leur fournir, tapez sur Google un mot (ex: cuisine) et PDF, vous aurez une réserve de documents à leur envoyer .

Voir  aussi À propos des pèlerinages de René Guénon
[1] Mars 1930 : pp. 182-199.

[2] Pp. 413-421.

[3] Mars-avril : pp. 93-99.

[4] Voir le compte rendu de Jean Reyor en annexe.

[5]  « Voile d’Isis » et « Etudes Traditionnelles ».

[6]   « Voile d’Isis » de mars 1929 : N° 111, pp. 166-168.

[7]  Op. cit.

[8] J.P. Laurant « René Philipon… », in « Les Marges du Christianisme » sous la direction de J.P. Chantin, pp. 196, 197, éditions Beauchesne 2001.

[9] Dans l’édition de Sulzbach, 1677, le mot « Kabbala » est écrit avec un K initial. On écrit aussi maintenant le plus souvent « Cabbale » avec un C. En réalité, la transcription la plus fidèle d’après la langue hébraïque commanderait « Qabbala » avec un Q (lettre hébraïque « Qoph »).

[10] « Le symbolisme des lettres hébraïques » et « Le symbolisme des Noms divins hébraïques ».

[11]  Numéro spécial consacré à René Guénon, juillet / novembre 1951 : N° 293, 294 et 295, pp. 193-354.

[12] « Milosz entre ésotérisme et poésie » : cahier N° 31 / 32 de l’Association des amis de Milosz, 1993.

[13] Première série, N° 1.

[14] Editions Dervy, 1987.

[15] On relève dans le « Voile d’Isis » de septembre 1911, p. 213, un compte-rendu signé des seules initiales « E.B. » ( probablement Ernest Bosc) du volume de Grillot de Givry : « Le Christ et la Patrie », la note suivante : « … Il se propose de donner dans « Paray-le-Monial » la synthèse complète de ce que fut la personnalité de Jésus et, dans l’« Introduction à l’étude de la Kabbale », la révélation intégrale du mystère du Verbe apocalyptique… » (sic) S’agit-il d’une confidence de Grillot de Givry à Ernest Bosc ? Nous l’ignorons.

[16] E.T. : mars / avril 1959, N° 352, p. 95.

[17] « Voile d’Isis » d’avril 1920, pp. 273-286.

[18] Pp. 182-199.

[19] Pp. 182-186.

[20] Texte donné à la revue « La Tour Saint-Jacques », de janvier/avril 1958.