بـــسْم ﭐلله ﭐلرّحْمٰن ﭐلرّحــيــم ﭐللَّهُمَّ صَلِّ عَلَى سَيِّدِنَا مُحَمَّدٍ وَ عَلَى آلِهِ و صحبه وَ سَلِّمْ السلام عليكم و رحمة الله و بركاته
mardi 31 juillet 2012
L'imâm Al-Hasan Al-Basrî (642-728)
Sermons de l'imâm Al-Hasan Al-Basrî
L’Imâm Al-Hasan Al-Basrî (biographie)
Sentences de Haçan Basri par Farid Ad-Din Attar
Le voyage dans Kitâb al-isfâr ‘an natâ’ij al-asfâr d’Ibn ‘Arabî : entre finitude et absolu
Balkis Aboueleze
Université Paris X – Nanterre
Résumé
C’est probablement vers la fin du XIIe siècle, alors qu’il était encore en al-Andalus, qu’Ibn ‘Arabî, l’un des plus grands mystiques musulmans, a écrit Kitâb al-isfâr ‘an natâ’ij al-asfâr (le Livre du dévoilement des effets des voyages). Dans ce traité, loin de se limiter au déplacement physique des hommes, le voyage tourne fondamentalement autour de la relation de l’homme à Dieu, et ce surtout à travers le Livre sacré, c’est-à-dire ici, le Coran. La brève étude que nous proposons voudrait rendre compte, essentiellement à partir du pouvoir fondateur de la Parole, de la problématique qui sous-tend la question du voyage (safar) chez Ibn ‘Arabî.
Ibn ‘Arabî, l’auteur du traité qui nous intéresse ici, est considéré commenl’un des plus grands mystiques musulmans. Il est né en à Murcie en 1165 de l’ère chrétienne, et est mort à Damas en 1240. Son oeuvre est très importante puisqu’il pourrait avoir travaillé à près de quatre cents ouvrages1, et que la pensée qui émane de ses écrits occupe une grande place dans la mystique musulmane. La production d’Ibn ‘Arabî a bien évidemment porté sur le domaine du soufisme (taˉsawwuf), mais pas exclusivement. Il semble cependant que ce soient les ouvrages relatifs au soufisme qui aient essentiellement été conservés2.
C’est précisément dans cette ligne de pensée que s’inscrit l’ouvrage qui nous intéresse : Kitâb al-isfâr ‘an natâ’ ij al-asfâr, c’est-à-dire littéralement Le livre du dévoilement des effets des voyages 3. Ce traité fut, semble-t-il, composé dans la première période de la vie du grand maître (shaykh al-akbar), c’est-à-dire avant son départ pour l’Orient au début du xiiie siècle4. Bien qu’il ne rende compte que d’un aspect de la pensée d’Ibn ‘Arabî, c’est précisément parce qu’il est centré sur la question du voyage que ce traité nous intéresse ici. En effet, dès le titre, l’auteur indique son objectif : présenter les effets que procurent les voyages. Pour ce faire, il va s’appuyer sur une série de voyages tirés du texte sacré dont les bénéfices seront précisés à la fin de chaque paragraphe. Par ailleurs, dès le titre toujours, le mot safar pour « voyage » évoque les voyages quels qu’ils soient, avec déplacement physique ou non. Donc, ce terme d’une part, et les exemples qui fondent et illustrent le propos de l’auteur d’autre part, nous orientent d’emblée sur le type de voyages dont il va être question, à savoir ceux qui sont en relation avec la divinité.
Pourtant, même si Ibn ‘Arabî se propose de mettre l’accent sur les effets de ces voyages, la notion de voyage elle-même dans ce cadre-là ne va pas de soi. De fait, qu’en est-il du lien qu’impliquent ces voyages, sachant que la rencontre entre l’homme, donc le fini, et Dieu, l’infini, pourrait sembler impossible ? En effet, comment penser que la finitude puisse dépasser sa limite fondamentale pour accéder à l’infini sans renier sa condition finie ?
C’est précisément ce que nous essaierons de montrer en nous intéressant à cette mise en relation, à travers le voyage, de l’homme, être fini, acteur et destinataire du traité, et de la divinité, autrement dit l’absolu. C’est en nous penchant sur ces voyages qui sont au coeur de l’ouvrage, mais aussi sur la dynamique sur laquelle ils reposent que nous espérons pouvoir rendre compte de ce que signifie safar sous la plume de l’auteur.
Du mouvement au voyage : la question du dévoilement
Attachons-nous dès lors en premier lieu à ce qui pourrait sembler être à la base du voyage, à savoir le mouvement (ẖsarakat). Il est à noter dans un premier temps que le mouvement est omniprésent dans la conception du monde telle que l’exprime Ibn ‘Arabî dans ce traité. Nous pouvons lire en effet que : « L’existence a pour origine le mouvement. Il ne peut donc y avoir d’immobilité en elle, car si elle restait immobile, elle reviendrait à son origine qui est le néant. »5 Autrement dit, le mouvement ne semble pas être une conséquence de l’existence, mais bel et bien l’élément nécessaire à l’apparition et au maintien de l’existence. Le néant (‘adam) apparaît donc comme le lieu d’origine de toute existence. Cette dernière, par ailleurs, n’étant alors qu’une dimension du néant, ne peut advenir à son état d’être qu’au moyen et en tant que mouvement. Il en découle que : « Il n’y a donc aucune immobilité. Le mouvement dans ce monde est continuel. »6 Alors l’homme, en tant qu’être, est nécessairement mouvement, de même qu’en partie la divinité elle-même, nous y reviendrons : « Le voyage ne cesse donc jamais dans le monde supérieur et inférieur. De même, les réalités divines sont sans cesse en voyage […]. »7
Outre l’importance évidente accordée au mouvement, nous constatons à partir de ces quelques citations qu’au sein d’un même paragraphe, les termes « mouvement » et « voyage » sont associés, et que l’auteur passe de l’un à l’autre sans en préciser les différentes portées. Pourtant, les deux vocables ne sont pas équivalents, et si dans l’idée de voyage, la notion de mouvement est nécessairement présente, la réciproque n’est pas vraie : ce n’est pas parce qu’il y a mouvement qu’il y a voyage. Par ailleurs, c’est bien le terme de « voyage » (safar) qui constitue le coeur du traité. Arrêtons-nous donc plus précisément sur la définition du voyage telle qu’elle apparaît essentiellement dans ce qui semble constituer l’introduction à l’ouvrage.
Ibn ‘Arabî écrit que : « Les voyages sont de trois sortes et il n’y en a pas quatre. Tels sont ceux que Dieu reconnaît : le voyage venant de Lui [safar min ‘indahu], le voyage vers Lui [safar ilayhi] et le voyage en Lui [safar fîhi]»8. Il est à noter en premier lieu que la conception du voyage repose sur un élément fondamental sous la plume de l’auteur : celui de la reconnaissance de Dieu. C’est en fonction de cette reconnaissance que sont définis trois types de voyages. Pourtant, il existe toutes sortes de voyages.
Ibn ‘Arabî, pour sa part, va pouvoir les réunir en deux grandes catégories : les voyages auxquels la Loi divine nous impose de nous préparer, et les autres. C’est ainsi que :
Le serviteur doit […] faire un retour sur lui-même en réfléchissant et en méditant sur la distinction entre, d’une part, le voyage auquel la Loi divine lui impose de se préparer et dans la préparation duquel réside son bonheur : le voyage vers voyage auquel la Loi ne lui impose pas de se préparer comme de parcourir la terre dans un but licite, pour le commerce de ce monde et la fructification des biens ou autres voyages identiques ; ou encore le voyage de son propre souffle, inspiration et expiration, car d’un certain point de vue, il ne lui est pas imposé ni institué par la Loi, seule l’exige sa constitution physique9.
Ce qui est mis en évidence dans ce passage, c’est que le voyage tel que l’entend Ibn ‘Arabî doit fondamentalement s’inscrire dans une démarche, un mouvement, qui tourne l’homme vers Dieu, et ce dans la mesure où l’être humain se doit de répondre aux exigences de la Loi divine, ne serait-ce qu’en tant que créature divine. Par ailleurs, l’être humain, en tant qu’être fini, ne peut prendre conscience de son essence que dans la relation à l’infini.En ce sens le voyage est de l’ordre de la nécessité, lui seul en effet doit permettre à l’homme d’advenir à lui-même de façon consciente.
Dans ce cadre, et aussi paradoxal que cela puisse paraître, le voyage que représente la respiration et qui permet simplement au corps de se maintenir en vie, donc d’évoluer dans la sphère finie, n’est pas nécessaire, il ne conduit à aucune connaissance. Seul va compter le voyage par essence, c’est-à-dire le mouvement qui va rechercher l’établissement d’un lien entre l’homme, être fini, et la divinité en tant qu’absolu.
Considérons donc le voyage comme cette quête du lien nécessaire entre l’être humain et Dieu. Quand le voyage va-t-il prendre fin ? L’auteur répond implicitement à cette question quand il nous dit, à l’heure de présenter les différents types de voyages que :
Ce dernier [le voyage en Lui] est le voyage de l’errance et de la perplexité.
Celui qui voyage venant de Lui, son gain est ce qui s’est trouvé être [mâ wujida, ou ce qu’il a trouvé mâ wajada] ; tel est son gain, alors que celui qui voyage en Lui ne gagne que lui-même. Ces deux premiers voyages [de Lui et vers Lui] ont une fin à laquelle on parvient et on s’arrête, tandis que le troisième, celui de l’errance, est sans fin10.
Ces différentes dimensions du voyage nous indiquent que le but de ce dernier ne s’inscrit pas forcément dans un temps fini, dans un temps humain : il existe en effet des voyages sans fin. La finalité, en somme, ne s’inscrit pas dans le temps fini, mais plutôt hors du temps, dans la mesure où le voyage semble apparaître comme une quête d’essence, un gain de soi. Il serait alors plutôt de l’ordre de la quête de la permanence, de l’immuable.
Or, la prise de conscience de sa propre essence, de cet espace immuable en l’être fini, doit nécessairement passer par la recherche de la divinité, en tant que Créateur et absolu. C’est ainsi que « si l’homme ignore son état, il ignore son instant ; celui qui ignore son instant, s’ignore soi-même et celui qui s’ignore, ignore son Seigneur [...] »11.
Nous constatons alors que l’idée de quête de soi et de la divinité prend une part bien plus importante dans l’essence du voyage selon notre auteur que le déplacement ou le mouvement pourtant indispensables. Reste cependant à saisir quels sont les moyens, les étapes, qui permettraient à l’individu de tendre vers la finalité proposée. Là-dessus, Ibn ‘Arabî interpelle le lecteur dès le titre. En effet, le jeu avec les sonorités des termes isfâr (dévoilement) et asfâr (voyages) nous renvoie immédiatement à leur racine commune en arabe s.f.r. qui désigne à la fois l’idée de voyage avec déplacement, et celle de dévoilement. Cette terminologie, bien sûr pas anodine, nous indique dès l’ouverture du traité la voie à suivre. En effet, l’auteur, en choisissant ces vocables, rattache le voyage à l’idée de dévoilement.
C’est ainsi que, nous dit-il : « Le voyage a été appelé safar parce qu’il dévoile (yusfiru) les caractères de l’homme […] ».12 Cette notion de dévoilement est fondamentale chez Ibn ‘Arabî. Nous en avons un aperçu lorsque l’auteur évoque la descente du Coran vers l’homme : « Il ne cesse de descendre sur son coeur [de l’homme], à partir de son Seigneur, sous forme fragmentée jusqu’à ce qu’il se réunisse là-bas, laisse le voile derrière lui, dépasse le “où” et l’être créaturel [...]. »13 En somme, l’homme, être fini, perçoit des fragments, émanation de l’absolu, au travers desquels il est possible d’appréhender l’infini. Le dévoilement est alors précisément cet instant où se dessine aux yeux de l’homme, à travers des fragments, la perception de l’absolu. Le voyage apparaît par conséquent sous la plume d’Ibn ‘Arabî comme la quête de cet instant où l’individu s’efface pour devenir lui-même absolu en l’absolu. C’est à partir de ce cadre précis que l’auteur expose le projet suivant :
Nous mentionnerons – si Dieu veut – dans ce bref traité les voyages dont nous avons eu connaissance par science et vision directe, voyages accomplis par les prophètes, voyages divins, voyages des entités spirituelles, afin de montrer ce que l’on doit désirer comme voyage14.
Pour comprendre plus précisément sur quelles bases repose cette question du voyage-dévoilement, arrêtons-nous sur l’origine du voyage : revenons en par conséquent au premier voyage, celui que constitue la Création.
La naissance du voyage : l’apparition du Verbe
Le voyage qui ouvre le traité d’Ibn ‘Arabî est celui de la divinité elle-même et il porte le nom de : « Voyage seigneurial depuis la Nuée jusqu’au Trône de l’établissement dont prend possession le nom divin le Tout- Miséricordieux. »15 Centrons-nous sur ce voyage inaugural fondamental à deux titres : il ouvre le traité et concerne directement la divinité. Il évoque en effet le passage de la divinité depuis la nuée (« Enceinte de la Personne divine, immense obstacle qui empêche les êtres de rejoindre la Divinité absolue et Celle-ci de rejoindre les êtres »)16 jusqu’au Trône ou Siège royal très saint, c’est-à-dire jusqu’à « la sphère qui embrasse tous les êtres »17.
Pour la divinité, ce voyage était nécessaire. En effet, « Dieu voulait l’existenciation, fruit nécessaire de la générosité de l’existence divine [...]. »18
Ce voyage aboutit donc à la création des êtres. Or, c’est « Le nom [ism] le Tout-Miséricordieux [qui] s’établit sur le Trône dans l’Enceinte de la Nuée […] », « le nom le Tout-Miséricordieux dont la miséricorde contient toute chose par nécessité existentielle et don gracieux », puis « Lors du voyage du nom le Tout-Miséricordieux, voyagèrent avec lui tous les noms attachés à la création […]. »19
Il semblerait par conséquent que le mouvement de création des êtres par la divinité, qui constitue un voyage essentiel, repose sur la mise en place des noms. Il en découle que ce sont ces noms qui vont caractériser par essence la relation entre les êtres et leur Créateur. Dans cette mesure, c’est avant tout à travers le Verbe que les êtres créés vont pouvoir appréhender la divinité. En ce sens, Dieu est pour l’homme, être de discours, essentiellement langage. Pourtant, par essence, la divinité absolue ne peut pas être seulement langage. Elle est langage, bien sûr, mais aussi non-langage.Et c’est d’ailleurs précisément à partir du non-langage, ou plutôt du a-langage, que le langage peut apparaître. Autrement dit, c’est le hors langage qui va rendre pensable et possible le langage, et ce de la même manière que le soi du Soi ou l’absence de l’absence (hwa hwa wa ghaîb al-ghaîb)20 va être la condition nécessaire à toutes les manifestations de la divinité. C’est donc à partir de ce a-langage, de l’atemporalité, de l’Être ou de l’absolu en somme, que le langage, le temps et l’existence vont pouvoir advenir à eux-mêmes.
L’absolu apparaît donc comme le lieu de tous les possibles. Et il convient d’avoir à l’esprit que pour Ibn ‘Arabî, chaque manifestation, y compris la manifestation divine, suppose la préexistence du non-manifesté, de l’indifférencié, de l’indicible, de l’absolu.
Pourtant, avant cela, c’est sur les limites du langage qu’Ibn ‘Arabî insiste.
Et c’est ainsi que ce lien qui permettrait la relation à l’absolu pour l’être fini serait en même temps porteur des limites de cette relation, il s’inscrirait donc pleinement dans la problématique de l’appréhension de l’infini. En effet, le langage ne peut pas embrasser l’absolu, comme Ibn ‘Arabî l’explicite dans son traité :
Lorsqu’on désire voyager vers la connaissance de ce qui est au-delà des noms d’actes en réfléchissant à ces noms, ces réflexions sortent de la Sphère du Trône sans pour autant la quitter et s’en séparer et cherchent à s’attacher à la Dignité divine très-sainte. Elles tombent alors dans le territoire inviolable, l’Enceinte de la Nuée, et y sont terrassées21.
Cette citation souligne clairement le fait que ce lien originel entre l’homme et la divinité, donc entre le fini et l’absolu, ne permet pas une appréhension de la Totalité. Et c’est ainsi que finalement : « Nous n’avons de science à Son sujet par voie affirmative que ce qu’Il nous a fait parvenir dans Ses livres ou par la voix des envoyés, Ses interprètes, rien de plus. Le mode de relation de Ses noms à Lui-même ne nous est pas connu [...]. »22
Nous trouvons une autre illustration de cette question fondamentale dans l’introduction au second voyage : « Le voyage de la création et de l’ordre ou le voyage de la création novatrice. »23 Nous pouvons en effet y lire que « Le premier verset [sourate XLI] commence, après la création de la terre, par “ensuite” [thumma], ce qui indique généralement un certain délai. »24 Ce qui est ici mis en évidence par l’auteur est le fait que l’acte de création, en tant qu’émanation de l’absolu, se situe dans un temps qui ne peut être que sous-entendu à travers le silence, le non-dit implicite dans le terme « ensuite ». Cet acte ne peut se dire et s’entendre dans sa totalité.
A posteriori, les termes permettent de décrire de façon finie les différents temps de la Création. Pourtant, c’est bien à travers le caractère indicible de l’action que l’absolu transparaît. C’est-à-dire que c’est précisément parce que la parole ne peut pas tout dire que l’infini, fondateur de cette même parole, se profile. Et c’est ainsi que : Il [l’homme] Le connaît soit négativement selon la connaissance commune, soit par la Forme divine selon la connaissance spéciale de l’élite des initiés. Quant à nous, quoique nous défendions cette dernière, nous n’en préférons pas moins la connaissance du commun car elle unit le début à la fin et c’est vers elle qu’il faut nécessairement revenir, pour le commun comme pour l’élite25.
L’homme n’a donc à sa disposition, de par son essence, que des « fragments », émanation de l’absolu. Il aspire cependant à la réunion de ces fragments en l’absolu26. Et c’est certainement dans ce double mouvement qu’il convient de situer l’homme par rapport à Dieu. Par ailleurs, nous pouvons constater que cette démarche s’inscrit pleinement dans la problématique du dévoilement, et donc du voyage, telle que nous l’avions décrite précédemment. Mais en nous attardant sur cette union fondamentale entre voyage et dévoilement, nous voyons aussi se dessiner un autre lien essentiel : celui qui rattache la notion de voyage à la question de la parole. Poursuivons alors plus avant cette piste en repartant de la référence à la parole suprême utilisée par Ibn ‘Arabî : celle du Coran.
Du Livre à l’herméneutique : un voyage au-delà de la parole
C’est au coeur du système précédemment décrit qu’il convient de situer le Coran, c’est-à-dire le livre de la parole divine par excellence pour Ibn ‘Arabî. Il représente en effet l’émanation fondamentale de ce lien que nous venons d’évoquer. L’auteur en parle d’ailleurs en ces termes : « L’Homme total selon la réalité essentielle, est le Coran incomparable descendu de la présence de soi-même vers la Présence de son Existenciateur. »27 Autrement dit, le Livre sacré apparaît bien sûr comme le lieu de la réalisation de l’homme dans sa plénitude. Mais, au-delà, le Coran, en tant qu’émanation de la divinité elle-même via le Prophète, semble être le point de rencontre entre l’absolu et l’homme. En ce sens, il est la voie qui va permettre à l’homme de retrouver par la parole l’absolu qui est en lui et dont il émane. En somme, il permet une forme d’accomplissement qui passe pour l’homme par l’abandon en la parole divine, afin, finalement, de fusionner et de faire corps avec elle. Alors, homme, Coran et divinité apparaissent sous la facette de l’atemporalité, c’est-à-dire d’un temps hors du temps. Nous retrouvons là l’idée que c’est au-delà du caractère fini du
langage que va pouvoir se dévoiler l’infini.
Cette évocation de la relation entre l’homme et les écrits est en outre reprise et illustrée par l’anecdote de « l’homme-livre »28, au cours de laquelle Ibn ‘Arabî relate la rencontre entre Abû l-‘Abbâs al-Khashshâb, qui était un compagnon du grand maître Abû Madyan (né près de Séville vers 520/1126), et un homme venu le voir au sujet d’un livre d’enseignement spirituel. Ce dernier demandait au shaykh un certain nombre de conseils, et pour ce faire, il lui lut une bonne partie de l’ouvrage en question, ce à quoi Abû l-‘Abbâs répondit : « C’est moi que tu dois lire […]. »29 Nous retrouvons avec ce récit des aspects que nous venons d’évoquer. Ici, cependant, le livre auquel il est fait allusion n’est pas le Coran. C’est d’ailleurs certainement la raison pour laquelle la description de la fusion entre l’homme et le Livre peut sembler plus aisée. Mais nous voyons bien, cependant, comment le fait d’aspirer, de tendre vers un certain nombre de comportements, de principes ou d’idéaux conduit en fait l’homme à se fondre dans le discours jusqu’à devenir lui-même la Parole, le Livre. Notons que dans cette démarche, la relation de l’homme à l’écrit est double. En effet, d’une part l’écrit en tant que dépôt de la parole divine apparaît comme une référence pour l’homme qui aspire au dévoilement grâce à lui. D’autre part, c’est l’homme lui-même qui, comme référent externe, donne sens à l’écrit et lui permet donc d’exister. La dynamique semble se mettre en place à partir de ces deux pôles à la fois sources et récepteurs de l’échange.
À partir de ce mouvement que nous venons de décrire entre l’homme et le Livre, revenons-en aux termes du traité d’Ibn ‘Arabî, puisqu’il se présente comme une série de voyages précisément tirés du Livre. Ces voyages sacrés vont non seulement être décrits, mais aussi interprétés, car il s’agit, comme l’indique le titre de l’ouvrage, de dévoiler leurs effets. En ce sens, le texte apparaît comme un traité d’herméneutique. Les voyages qui se succèdent sont effectivement ceux de la divinité, de la Création, du Coran, du Prophète, d’Adam, d’Enoch (Idrîs), de Noé, d’Abraham, de Loth, et de Moïse. La mention de ces voyages sacrés a bien sûr vocation à aider le lecteur en tant qu’individu dans ses propres voyages, et ce en mettant des mots sur la relation à Dieu. D’ailleurs, au milieu du traité, Ibn ‘Arabî indique lui-même très explicitement la position que le lecteur devrait tenir vis-à-vis des voyages exposés :
Voici un exemple de la part que nous devons prendre au voyage de Loth et de même pour tout voyage dont je traite ici. Je n’en parle qu’en visant ma propre essence et non l’exégèse de l’histoire survenue à ces prophètes. Ces voyages sont des ponts et des passerelles édifiés pour que nous passions dessus vers nos essences et nos propres états. Nous y trouvons notre profit, car Dieu en a fait pour nous un lieu de passage […]30.
En somme, les voyages présentés dans le Coran, en tant que paraboles, doivent être utiles à l’individu en quête de soi et de la divinité. En ce sens, les voyages coraniques, au-delà de la représentation des itinéraires particuliers suivis par des individus aux relations privilégiées avec la divinité, vont faire partie intégrante de la démarche personnelle du lecteur. Dans cette mesure, la lecture du traité représente en elle-même un voyage. Elle constitue par ailleurs une partie du voyage suprême auquel tout individu se doit d’aspirer : celui qui conduit au dévoilement. Ainsi, le voyage sur l’écrit qu’effectue le lecteur apparaît aussi comme un voyage en l’écrit.
Mais, si le voyage semble ici intimement lié à la parole, et que le Livre peut apparaître comme le vecteur majeur à différents niveaux pour mener à bien le voyage par essence, la structure du traité nous amène à considérer le voyage au-delà de la relation à l’écrit. En effet, il convient de rappeler que le traité est ouvert, simplement dans la mesure où là où il était annoncé en introduction une série de voyages qui pourraient aller jusqu’à Jésus au moins, les voyages coraniques décrits au cours du développement s’arrêtent à Moïse31. Cette structure renvoie bien sûr au caractère infini du voyage : car non seulement il n’est pas possible de clore la présentation des voyages de référence au sein du Livre même, mais en plus, la présentation rend poreuse la relation entre les figures coraniques et les lecteurs. Tous, à différentes époques, en différents lieux, mais qu’importe, tous sont des êtres humains. Certains, ceux du Livre, ont eu une relation privilégiée à Dieu : ils sont parvenus au dévoilement après avoir mené à bien une forme de voyage suprême.
La liste de ceux ayant fait un de ces voyages est ouverte, il revient donc à chaque individu de venir y prendre place, et, en quelque sorte, de poursuivre l’écriture du Livre. Par ailleurs, le fait d’arrêter relativement précocement les mentions aux voyages coraniques et leurs commentaires invite le lecteur à aller au-delà du Livre, à ne pas le percevoir comme une finalité.
Car, le Livre est une manifestation divine. En tant que manifestation, il apparaît comme une amorce et une étape nécessaire dans le voyage vers Dieu. Pour autant, c’est dans le dépassement de l’écrit comme manifestation que le dévoilement sera possible. Alors, le fait d’arrêter le voyage sur l’écrit que représente l’herméneutique ne signifie pas en soi la fin de ce même voyage. Au contraire, cesser ce voyage et faire place au silence ne serait-il pas un moyen de laisser la manifestation se manifester, donc d’entendre les voyages de la divinité d’une part, et de laisser l’individu voyager vers la divinité sans intermédiaire cette fois-ci ? Autrement dit, nous pourrions peut-être considérer le voyage que représente le traité d’Ibn ‘Arabî comme une parenthèse qui viendrait mettre l’accent sur un certain nombre de phénomènes nécessaires : ceux liés à la relation entre l’homme en tant qu’être fini et la divinité en tant qu’absolu. Ces relations vont bien sûr au-delà du traité ne serait-ce que parce qu’elles vont au-delà du dicible. Et c’est précisément cela qu’Ibn ‘Arabî met en évidence tant à travers le contenu qu’à travers la structure de son ouvrage : c’est sur les manifestations divines qu’il convient de se baser afin de voyager vers Dieu, mais en tant que ce qu’elles révèlent du non-manifesté. Dans cette mesure, l’existence du Livre lui-même implique qu’il soit précédé, non pas dans le temps, mais dans l’absolu, par une instance qui serait à la fois Livre et non-Livre. À travers le Livre, c’est donc, nous l’aurons compris, son dépassement, c’est-à-dire le a-Livre que le voyageur recherche au cours d’un voyage hors de l’espace et du temps.
Conclusion
Finalement, le voyage dans le traité qu’est Kitâb al-isfâr ‘an natâ’ ij al-asfâr apparaît essentiellement comme le mouvement nécessaire entre l’homme et Dieu. Ce mouvement a pour finalité le dévoilement, c’est-à-dire cet instant hors du temps où l’homme appréhende l’absolu qui est en lui et dont il émane. Ce voyage s’effectue fondamentalement à travers le langage dans la mesure où le Verbe est le lien qui relie par essence l’homme, être fini, être de discours, à la divinité, c’est-à-dire à l’absolu. Le langage est bien sûr limité, puisqu’il ne permet pas à l’homme d’appréhender la Totalité.
Pourtant, voyager consiste à se plonger dans la parole, avant tout via sa manifestation première, le Livre, non pas en considérant cette démarche comme un aboutissement, mais au contraire comme un passage nécessaire pour dépasser la finitude. En effet, la parole, en tant que manifestation de la divinité, comporte intrinsèquement la possibilité de son propre dépassement, de son propre dévoilement. Or, au-delà du langage, c’est bien sûr le a-langage, c’est-à-dire cette instance absolue qui est à la fois langage et non-langage, qui est recherchée à travers le voyage. C’est elle, en effet, qui fonde le langage. Alors, le safar chez Ibn ‘Arabî apparaît comme ce cheminement qui, par le dévoilement, doit conduire l’homme à se dissoudre en l’absolu qui détermine sa propre existence, et peut-être même celle de la divinité, dans ce que nous pouvons en dire.
Balkis Aboueleze
1. Ahmed Ates, « Ibn ‘Arabî », Encyclopédie de l’islam, III, Leyde-Paris : Brill - Maisonneuve et Larose, 1971, p. 731. cehm, n° 30, 2007, p. 185-195
2. Ibid., p. 731.
3. Pour les citations ultérieures, nous nous référerons à la traduction de Denis Gril.
4. Denis Gril (éd. et trad.), Ibn ‘Arabî, Le dévoilement des effets du voyage, Combas : éditions de l’Éclat (Philosophie imaginaire), 1994, « Introduction », p. xi-xii.
5. Ibid., 1994, § 3, p. 4.
6. Ibid., § 5, p. 7.
7. Ibid., § 3, p. 4.
8. Ibid., § 2, p. 3.
9. Ibid., § 6, p. 6-7.
10. Ibid., § 3, p. 3-4.
11. Ibid., § 56, p. 61.
12. Ibid., § 17, p. 19.
13. Ibid., § 21, p. 23.
14. Ibid., § 9, p. 11.
15. Ibid., § 10-12, p. 12 sq.
16. Ibid., § 10, p. 12.
17. Ibid., § 11, p. 13.
18. Ibid., § 11, p. 13.
19. Ibid., § 11, p. 13-14.
20. Ibid., § 23, p. 27, par exemple.
21. Ibid., § 12, p. 14.
22. Ibid., § 69, p. 75.
23. Ibid., § 13-17, p. 15 sq.
24. Ibid., § 13, p. 15.
25. Ibid., § 56, p. 61-62.
26. Ibid., § 18-20 ou 21 par exemple, p. 20-23.
27. Ibid., § 21, p. 22.
28. Ibid., § 63, p. 68-69.
29. Ibid., § 63, p. 69.
30. Ibid., § 45, p. 50.
31. D. Gril, op. cit., p. xvi.
L’Imâm Al-Hasan Al-Basrî
Tombeau de Al-Hassan al-Basrî à Bassora, Irak
Sa lignée et sa naissance
Al-Hasan Ibn Abî Al-Hasan Yasâr Abû Sa`îd Al-Basrî, l’Imâm de Bassora, l’emblème de la piété, le modèle des soufis, naquit en 21 A.H. à Médine, sous le califat de `Umar Ibn Al-Khattâb. Son père était un esclave affranchi de Zayd Ibn Thâbit, et sa mère une esclave affranchie de la Mère des Croyants, Umm Salamah. Lorsque sa mère s’absentait pour accomplir une tâche qu’Umm Salamah lui avait demandée, Al-Hasan pleurait ; Umm Salamah le portait et l’allaitait. On dit que cet allaitement fut une bénédiction pour Al-Hasan. Dans son enfance, il allait s’asseoir avec les Compagnons du Prophète - paix et bénédiction de Dieu sur lui. Notre maître `Umar Al-Fârûq invoqua Dieu d’accorder à Al-Hasan une profonde compréhension de la religion et l’amour des gens. Il apprit le Coran sous le califat de `Uthmân Ibn `Affân.
Ses qualités
Il fut connu pour son strict respect et son application de la Sunnah du Prophète - paix et bénédiction sur lui -, pour son savoir immense, son austérité, son ascétisme et son caractère charismatique qui force l’admiration et le respect.
Il fut le scribe du gouverneur de Khorasân, Ar-Rabî` Ibn Ziyâd, à l’époque de Mu`âwiyah. Il s’illustra par son courage dans les conquêtes. Il participa avec des Compagnons du Prophète à une bataille à Khorasân.
Il se distingua par sa piété, son éloquence et sa sagesse. Il ne craignait que Dieu et n’hésitait pas à rappeler les gouverneurs et les princes au droit chemin en critiquant leurs travers. Plusieurs fois, il s’opposa fermement à la déviance d’Al-Hajjâj.
Il fut considéré par le Salaf comme l’un des quarante « Saints-Substituts » (Al-Abdâl). At-Tabarâni narre dans Al-Awsat que Anas rapporta que le Prophète dit : « La terre portera toujours quarante hommes similaires à l’Ami de Dieu [Abraham], grâce auxquels les hommes reçoivent la pluie et sont secourus. Chaque fois que l’un d’eux meurt, Allah le remplace par un autre. » Qatâdah, un disciple d’Ibn `Abbâs, dit : « Il est certain qu’Al-Hasan est l’un d’eux. »
Il est l’un des grands maîtres du Hadîth. Il rapporta des hadiths de `Imrân Ibn Al-Husayn, d’Al-Mughîrah Ibn Shu`bah et d’An-Nu`mân Ibn Bashîr. Mâlik Ibn Dînâr, Humayd At-Tawîl et Abû Al-Ashhab ont narré ses hadiths. Ses hadîths sont rapportés dans les Six Recueils : Al-Bukhârî, Muslim, An-Nasâ’î, At-Tirmidhî, Abû Dawûd et Ibn Mâjah.
Abû Nu`aym Al-Asfahâni mentionne dans son ouvrage encyclopédique Hilyat Al-Awliyâ’ que `Abd Al-Wâhid Ibn Zayd, l’un des disciples d’Al-Hasan, fut le premier à bâtir une maison des hôtes et une école soufie à Abadân (actuellement à la frontière entre l’Iran et l’Irak). La réputation et la piété d’Al-Hasan Al-Basrî et de ses disciples amenèrent Sheikh Ibn Taymiyah à écrire : « Le soufisme a pour origine Bassora. » (At-Tasawwuf dans Al-Fatâwâ Al-Kubrâ). Plus précisément, Bassora est l’un des premiers centres où apparurent des écoles d’auto-discipline, de purification des cœurs et d’ascétisme, fondées sur le Coran et la Sunnah, connues plus tard sous le nom de soufisme sunnite (at-tasawwuf as-sunnî).
Ibn Al-Jawzî écrivit un livre d’une centaine de pages intitulé Adab Ash-Shaykh Al-Hasan Ibn Abî Al-Hasan Al-Basrî, dans lequel il décrit les vertus d’Al-Hasan Al-Basrî. Aussi, dans son livre Sifat As-Safwah, il cite certaines narrations selon lesquelles Al-Hasan aurait laissé à sa mort une cape en laine qu’il a portée pendant vingt ans, en hiver comme en été, et qui était restée propre, belle impeccable.
L’Imâm donne le bon exemple
Dans son livre Discours du cœur, Sheikh `Abd Al-Hamîd Kishk, qu’Allâh lui fasse miséricorde, consacre le chapitre sur "la foi et le bon exemple" à un extrait de la vie de l’Imâm Al-Hasan Al-Basrî.
"Il me vient à l’esprit un spectacle grandiose, à savoir cette noble attitude du pieux Al-Hasan Al-Basrî, l’Imâm des prédicateurs, qu’Allâh l’agrée, vis-à-vis des esclaves de Bassora.
Un jour, ils se dirigèrent vers lui et dirent : Ô pieux de la religion ! Nos maîtres nous maltraitent, leurs cœurs ont durci envers nous et nous sommes venus à toi pour que tu incites à l’affranchissement des esclaves dans ton prochain sermon du vendredi. Il accepta leur demande et promit de donner suite à leur souhait. Des vendredis se succédèrent sans qu’Al-Hasan évoque le souhait des esclaves. Un vendredi, il monta sur la chaire et donna un sermon sur l’affranchissement des esclaves. Chaque fidèle ayant entendu le sermon dans la mosquée libéra son esclave après la prière.
Une fois affranchis, ils se réunirent chez Al-Hasan et lui parlèrent en ses termes : "Ô pieux de la religion, nous avons un reproche à te faire". "A quel sujet ?", répondit-il. Ils dirent : "Pourquoi as-tu attendu toutes ces semaines pour parler de notre affranchissement alors que tu savais à quel point nous en avions besoin ?" Il leur répondit en des termes qui méritent d’être écrits sur des feuilles de lumière avec des lettres d’or. Il répondit avec la certitude de la foi et de la vérité manifeste : "Ce qui m’a retardé, c’est que je n’avais pas d’esclaves ni de quoi en acheter un. Lorsque Allah m’a accordé un peu d’argent, j’ai acheté un esclave et je l’ai affranchi. Ainsi, lorsque j’ai appelé les gens à affranchir leurs esclaves dans mon sermon, leur cœur étaient ouverts à ma parole, car j’avais appliqué en premier lieu ce que je demandais à autrui."
Quelques-unes de ses paroles
Il disait : « Quiconque vénère le dirham, Dieu le rabaisse. » ; « Le paradis n’a jamais été aussi embelli pour une communauté comme il l’a été pour cette communauté, et pourtant tu ne lui trouves pas d’amoureux. ».
Il éprouvait une très grande crainte révérencielle envers Dieu et craignait de mériter le châtiment divin après la mort. C’est pourquoi il disait : « La mort a fait éclater au grand jour la vérité de la vie ici-bas si bien qu’elle n’a laissé de place à la joie que pour ceux qui sont doués d’intelligence. » Un jour, on le vit pleurer, on lui en demanda la raison. Il répondit : " Je crains que demain, Dieu me jette en enfer sans s’y attarder."
L’Imâm Al-Ghazâlî dit dans son épître Mon Fils :
"On rapporte qu’on donna de l’eau fraîche à Al-Hasan Al-Basrî, qu’Allâh lui fasse miséricorde. Quand il prit le verre ou le récipient, il s’évanouit et le verre tomba de sa main. Quand il se réveilla, on lui dit : "Qu’as-tu ô Abû Sa`îd ?", il répondit : "Je me suis souvenu des vœux des gens du Feu quand ils diront aux gens du Paradis : "‹Déversez sur nous de l’eau, ou de ce qu’Allah vous a attribué.›" [1]"
On relate que lorsque `Umar Ibn `Abd Al-Azîz devint calife, il écrivit à l’Imâm Al-Hasan : « Je suis éprouvé par cette responsabilité, conseille-moi des gens qui m’aideront à l’honorer ». Al-Hasan lui répondit : « Quant aux gens attachés à la vie présente, tu n’en veux pas, et quant ceux attachés à l’au-delà, ils ne veulent pas de toi. Cherche donc secours auprès de Dieu. »
Il dit également : « Nous badinons, mais qui sait ? Peut-être que Dieu a regardé une partie de nos œuvres et a dit : « Je n’en agrée aucune ». Malheur à toi fils d’Adam ! Combats-tu Dieu ? Quiconque désobéit à Dieu, il Le combat ! Par Dieu ! J’ai vu des vétérans de Badr. Leurs vêtements étaient pour la plupart de laine. Si vous les aviez vu, vous auriez dit qu’ils avaient perdu la raison, et s’ils voyaient les meilleurs parmi vous ils diraient : « Ces gens ne cherchent pas de part dans l’au-delà. » et s’ils voyaient les pires ils diraient : « Ces gens ne croient pas au Jour du Jugement. » J’ai vu des hommes pour qui le monde avait moins de valeur que la poussière sous leurs pieds. J’ai connu des hommes qui, revenant le soir chez eux et ne possédant que leur propre repas, auraient dit : « Je ne dois pas manger tout cela. Je dois en donner une partie pour l’amour Dieu. » (conférer Hilyat Al-Awliyâ’ de Abû Nu`aym).
Al-Hasan Al-Basrî dit aussi : « Quel mauvais Serviteur de Dieu ! Je parle d’un Serviteur qui correspond à la description suivante : - Il demande le pardon alors qu’il se complait dans le péché et les actes de désobéissance.
- Il se comporte d’une façon humble et soumise afin de paraître loyal aux yeux des autres, alors qu’en réalité il feint pour dissimuler sa perfidie. - Il interdit le blâmable, mais il ne s’abstient pas de le faire lui-même. - Il recommande ce qui est bien, mais ne se conforme pas à ses propres recommandations. - S’il donne, il le fait avec avarice, et s’il refuse de donner, il le fait sans s’excuser. - S’il est en excellente santé, il se sent tranquille, mais s’il tombe malade, il est plein de remords. - S’il est pauvre, il se sent triste, et s’il devient riche, il est sujet à la tentation. - Il espère le salut, mais n’agit pas en conséquence. - Il craint le châtiment, mais ne cherche pas à s’en prémunir. - Il souhaite recevoir plus de bienfaits, mais il ne remercie pas pour ce qu’il a déjà reçu. - Il aime l’idée de la récompense spirituelle, mais il ne s’astreint pas à la patience. - Il s’empresse de dormir et remet son jeûne à plus tard. » (Conférer Ghunyat At-Tâlibîn de Sheikh `Abd Al-Qâdir Al-Jilânî, qu’Allâh lui fasse miséricorde)
Témoignages à son sujet
L’Imâm An-Nawawî dit : « Al-Hasan fut une sommité, un érudit raffiné, un jurisconsulte, un homme de confiance, un dévot, un ascète au savoir abondant, au discours éloquent et au visage gracieux. »
L’Imâm Al-Ghazâli dit : « Al-Hasan est celui dont les paroles étaient les plus proches de celles des Prophètes et celui dont l’exemple se rapprochait le plus des Compagnons du Prophète - paix et bénédictions sur lui. »
Yazîd Ibn Hawshab décrit la piété d’Al-Hasan, disant : "Je n’ai vu plus craintif envers Dieu qu’Al-Hasan Al-Basri et `Umar Ibn `Abd Al-`Azîz, à croire que l’enfer n’a été créé que pour eux."
Maslamah Ibn `Abd Al-Malik disait : « Comment peuvent s’égarer des gens qui comptent parmi eux un homme comme Al-Hasan... »
Quand on évoque "Al-Hasan" sans autre précision, dans les livres traitant de jurisprudence, de hadiths, de personnages éminents, d’ascétisme, de soufisme et de bonnes manières, c’est de lui qu’il s’agit.
Il composa une exégèse du Coran intitulée Tafsîr Al-Qur’ân et un ouvrage traitant des vertus de La Mecque, Fadâ’il Makkah.
Ce géant de l’islam retourna à Dieu en 110 A.H. à l’âge de 89 ans.
Notes
[1] Sourate 7 intitulée les Limbes, Al-A`râf, verset 50.
http://www.islamophile.org/spip/
Sa lignée et sa naissance
Al-Hasan Ibn Abî Al-Hasan Yasâr Abû Sa`îd Al-Basrî, l’Imâm de Bassora, l’emblème de la piété, le modèle des soufis, naquit en 21 A.H. à Médine, sous le califat de `Umar Ibn Al-Khattâb. Son père était un esclave affranchi de Zayd Ibn Thâbit, et sa mère une esclave affranchie de la Mère des Croyants, Umm Salamah. Lorsque sa mère s’absentait pour accomplir une tâche qu’Umm Salamah lui avait demandée, Al-Hasan pleurait ; Umm Salamah le portait et l’allaitait. On dit que cet allaitement fut une bénédiction pour Al-Hasan. Dans son enfance, il allait s’asseoir avec les Compagnons du Prophète - paix et bénédiction de Dieu sur lui. Notre maître `Umar Al-Fârûq invoqua Dieu d’accorder à Al-Hasan une profonde compréhension de la religion et l’amour des gens. Il apprit le Coran sous le califat de `Uthmân Ibn `Affân.
Ses qualités
Il fut connu pour son strict respect et son application de la Sunnah du Prophète - paix et bénédiction sur lui -, pour son savoir immense, son austérité, son ascétisme et son caractère charismatique qui force l’admiration et le respect.
Il fut le scribe du gouverneur de Khorasân, Ar-Rabî` Ibn Ziyâd, à l’époque de Mu`âwiyah. Il s’illustra par son courage dans les conquêtes. Il participa avec des Compagnons du Prophète à une bataille à Khorasân.
Il se distingua par sa piété, son éloquence et sa sagesse. Il ne craignait que Dieu et n’hésitait pas à rappeler les gouverneurs et les princes au droit chemin en critiquant leurs travers. Plusieurs fois, il s’opposa fermement à la déviance d’Al-Hajjâj.
Il fut considéré par le Salaf comme l’un des quarante « Saints-Substituts » (Al-Abdâl). At-Tabarâni narre dans Al-Awsat que Anas rapporta que le Prophète dit : « La terre portera toujours quarante hommes similaires à l’Ami de Dieu [Abraham], grâce auxquels les hommes reçoivent la pluie et sont secourus. Chaque fois que l’un d’eux meurt, Allah le remplace par un autre. » Qatâdah, un disciple d’Ibn `Abbâs, dit : « Il est certain qu’Al-Hasan est l’un d’eux. »
Il est l’un des grands maîtres du Hadîth. Il rapporta des hadiths de `Imrân Ibn Al-Husayn, d’Al-Mughîrah Ibn Shu`bah et d’An-Nu`mân Ibn Bashîr. Mâlik Ibn Dînâr, Humayd At-Tawîl et Abû Al-Ashhab ont narré ses hadiths. Ses hadîths sont rapportés dans les Six Recueils : Al-Bukhârî, Muslim, An-Nasâ’î, At-Tirmidhî, Abû Dawûd et Ibn Mâjah.
Abû Nu`aym Al-Asfahâni mentionne dans son ouvrage encyclopédique Hilyat Al-Awliyâ’ que `Abd Al-Wâhid Ibn Zayd, l’un des disciples d’Al-Hasan, fut le premier à bâtir une maison des hôtes et une école soufie à Abadân (actuellement à la frontière entre l’Iran et l’Irak). La réputation et la piété d’Al-Hasan Al-Basrî et de ses disciples amenèrent Sheikh Ibn Taymiyah à écrire : « Le soufisme a pour origine Bassora. » (At-Tasawwuf dans Al-Fatâwâ Al-Kubrâ). Plus précisément, Bassora est l’un des premiers centres où apparurent des écoles d’auto-discipline, de purification des cœurs et d’ascétisme, fondées sur le Coran et la Sunnah, connues plus tard sous le nom de soufisme sunnite (at-tasawwuf as-sunnî).
Ibn Al-Jawzî écrivit un livre d’une centaine de pages intitulé Adab Ash-Shaykh Al-Hasan Ibn Abî Al-Hasan Al-Basrî, dans lequel il décrit les vertus d’Al-Hasan Al-Basrî. Aussi, dans son livre Sifat As-Safwah, il cite certaines narrations selon lesquelles Al-Hasan aurait laissé à sa mort une cape en laine qu’il a portée pendant vingt ans, en hiver comme en été, et qui était restée propre, belle impeccable.
L’Imâm donne le bon exemple
Dans son livre Discours du cœur, Sheikh `Abd Al-Hamîd Kishk, qu’Allâh lui fasse miséricorde, consacre le chapitre sur "la foi et le bon exemple" à un extrait de la vie de l’Imâm Al-Hasan Al-Basrî.
"Il me vient à l’esprit un spectacle grandiose, à savoir cette noble attitude du pieux Al-Hasan Al-Basrî, l’Imâm des prédicateurs, qu’Allâh l’agrée, vis-à-vis des esclaves de Bassora.
Un jour, ils se dirigèrent vers lui et dirent : Ô pieux de la religion ! Nos maîtres nous maltraitent, leurs cœurs ont durci envers nous et nous sommes venus à toi pour que tu incites à l’affranchissement des esclaves dans ton prochain sermon du vendredi. Il accepta leur demande et promit de donner suite à leur souhait. Des vendredis se succédèrent sans qu’Al-Hasan évoque le souhait des esclaves. Un vendredi, il monta sur la chaire et donna un sermon sur l’affranchissement des esclaves. Chaque fidèle ayant entendu le sermon dans la mosquée libéra son esclave après la prière.
Une fois affranchis, ils se réunirent chez Al-Hasan et lui parlèrent en ses termes : "Ô pieux de la religion, nous avons un reproche à te faire". "A quel sujet ?", répondit-il. Ils dirent : "Pourquoi as-tu attendu toutes ces semaines pour parler de notre affranchissement alors que tu savais à quel point nous en avions besoin ?" Il leur répondit en des termes qui méritent d’être écrits sur des feuilles de lumière avec des lettres d’or. Il répondit avec la certitude de la foi et de la vérité manifeste : "Ce qui m’a retardé, c’est que je n’avais pas d’esclaves ni de quoi en acheter un. Lorsque Allah m’a accordé un peu d’argent, j’ai acheté un esclave et je l’ai affranchi. Ainsi, lorsque j’ai appelé les gens à affranchir leurs esclaves dans mon sermon, leur cœur étaient ouverts à ma parole, car j’avais appliqué en premier lieu ce que je demandais à autrui."
Quelques-unes de ses paroles
Il disait : « Quiconque vénère le dirham, Dieu le rabaisse. » ; « Le paradis n’a jamais été aussi embelli pour une communauté comme il l’a été pour cette communauté, et pourtant tu ne lui trouves pas d’amoureux. ».
Il éprouvait une très grande crainte révérencielle envers Dieu et craignait de mériter le châtiment divin après la mort. C’est pourquoi il disait : « La mort a fait éclater au grand jour la vérité de la vie ici-bas si bien qu’elle n’a laissé de place à la joie que pour ceux qui sont doués d’intelligence. » Un jour, on le vit pleurer, on lui en demanda la raison. Il répondit : " Je crains que demain, Dieu me jette en enfer sans s’y attarder."
L’Imâm Al-Ghazâlî dit dans son épître Mon Fils :
"On rapporte qu’on donna de l’eau fraîche à Al-Hasan Al-Basrî, qu’Allâh lui fasse miséricorde. Quand il prit le verre ou le récipient, il s’évanouit et le verre tomba de sa main. Quand il se réveilla, on lui dit : "Qu’as-tu ô Abû Sa`îd ?", il répondit : "Je me suis souvenu des vœux des gens du Feu quand ils diront aux gens du Paradis : "‹Déversez sur nous de l’eau, ou de ce qu’Allah vous a attribué.›" [1]"
On relate que lorsque `Umar Ibn `Abd Al-Azîz devint calife, il écrivit à l’Imâm Al-Hasan : « Je suis éprouvé par cette responsabilité, conseille-moi des gens qui m’aideront à l’honorer ». Al-Hasan lui répondit : « Quant aux gens attachés à la vie présente, tu n’en veux pas, et quant ceux attachés à l’au-delà, ils ne veulent pas de toi. Cherche donc secours auprès de Dieu. »
Il dit également : « Nous badinons, mais qui sait ? Peut-être que Dieu a regardé une partie de nos œuvres et a dit : « Je n’en agrée aucune ». Malheur à toi fils d’Adam ! Combats-tu Dieu ? Quiconque désobéit à Dieu, il Le combat ! Par Dieu ! J’ai vu des vétérans de Badr. Leurs vêtements étaient pour la plupart de laine. Si vous les aviez vu, vous auriez dit qu’ils avaient perdu la raison, et s’ils voyaient les meilleurs parmi vous ils diraient : « Ces gens ne cherchent pas de part dans l’au-delà. » et s’ils voyaient les pires ils diraient : « Ces gens ne croient pas au Jour du Jugement. » J’ai vu des hommes pour qui le monde avait moins de valeur que la poussière sous leurs pieds. J’ai connu des hommes qui, revenant le soir chez eux et ne possédant que leur propre repas, auraient dit : « Je ne dois pas manger tout cela. Je dois en donner une partie pour l’amour Dieu. » (conférer Hilyat Al-Awliyâ’ de Abû Nu`aym).
Al-Hasan Al-Basrî dit aussi : « Quel mauvais Serviteur de Dieu ! Je parle d’un Serviteur qui correspond à la description suivante : - Il demande le pardon alors qu’il se complait dans le péché et les actes de désobéissance.
- Il se comporte d’une façon humble et soumise afin de paraître loyal aux yeux des autres, alors qu’en réalité il feint pour dissimuler sa perfidie. - Il interdit le blâmable, mais il ne s’abstient pas de le faire lui-même. - Il recommande ce qui est bien, mais ne se conforme pas à ses propres recommandations. - S’il donne, il le fait avec avarice, et s’il refuse de donner, il le fait sans s’excuser. - S’il est en excellente santé, il se sent tranquille, mais s’il tombe malade, il est plein de remords. - S’il est pauvre, il se sent triste, et s’il devient riche, il est sujet à la tentation. - Il espère le salut, mais n’agit pas en conséquence. - Il craint le châtiment, mais ne cherche pas à s’en prémunir. - Il souhaite recevoir plus de bienfaits, mais il ne remercie pas pour ce qu’il a déjà reçu. - Il aime l’idée de la récompense spirituelle, mais il ne s’astreint pas à la patience. - Il s’empresse de dormir et remet son jeûne à plus tard. » (Conférer Ghunyat At-Tâlibîn de Sheikh `Abd Al-Qâdir Al-Jilânî, qu’Allâh lui fasse miséricorde)
Témoignages à son sujet
L’Imâm An-Nawawî dit : « Al-Hasan fut une sommité, un érudit raffiné, un jurisconsulte, un homme de confiance, un dévot, un ascète au savoir abondant, au discours éloquent et au visage gracieux. »
L’Imâm Al-Ghazâli dit : « Al-Hasan est celui dont les paroles étaient les plus proches de celles des Prophètes et celui dont l’exemple se rapprochait le plus des Compagnons du Prophète - paix et bénédictions sur lui. »
Yazîd Ibn Hawshab décrit la piété d’Al-Hasan, disant : "Je n’ai vu plus craintif envers Dieu qu’Al-Hasan Al-Basri et `Umar Ibn `Abd Al-`Azîz, à croire que l’enfer n’a été créé que pour eux."
Maslamah Ibn `Abd Al-Malik disait : « Comment peuvent s’égarer des gens qui comptent parmi eux un homme comme Al-Hasan... »
Quand on évoque "Al-Hasan" sans autre précision, dans les livres traitant de jurisprudence, de hadiths, de personnages éminents, d’ascétisme, de soufisme et de bonnes manières, c’est de lui qu’il s’agit.
Il composa une exégèse du Coran intitulée Tafsîr Al-Qur’ân et un ouvrage traitant des vertus de La Mecque, Fadâ’il Makkah.
Ce géant de l’islam retourna à Dieu en 110 A.H. à l’âge de 89 ans.
Notes
[1] Sourate 7 intitulée les Limbes, Al-A`râf, verset 50.
http://www.islamophile.org/spip/
lundi 30 juillet 2012
Le SOUFISME AFRO-MAGHREBIN AUX XIXè et XXè SIÈCLES
Cap-Tours S.A.
(Rabat, 1995)
Par le Professeur Abdelaziz BENABDALLAH
TABLE DE MATIERE
Introduction
I- Sources du Soufisme
II- Naissance de l'ésotérisme :
modes et secrets du jaillissement des goûts initiatiques
III- Transcendance et compendium des vertus
IV- L'initié et son comportement
V- Fidélité et esprit chevaleresque du musulman
VI- Vertu auditive : heureuse disposition à prêter une oreille attentive
VII- Différence de goûts comme signes distinctifs des rites soufis
VIII- Soufisme salafi ou clés du soufisme
la Tijanya : voie abrahamo-mohammadienne
INTRODUCTION
Le grand savant maghrébin, Sidi Larbi Ben sayah a pris, au début de ce siècle hégirien, l'heureuse initiative d'élaborer une oeuvre magistrale intitulée "Boghiat el Moustafid, en guise de commentaire au poème mystique composé par le célèbre alem de Chinguit (Mauritanie). Il s'agit d'un compendium, esquisse ou fresque vivante, claire et exhaustive, assise structurale de la pensée mystique. Nous allons essayer d'analyser les sept chapitres essentiels qui reflètent le souci constant du croyant en quête d'un comportement idéal, susceptible d'assurer à l'homme imbu de spiritualité, l'équilibre rationnellement humain entre la psyché et la matière. Sidi Larbi s'est ingénié, grâce à un esprit prospectif révélateur, d'introspecter les subconscients, d'élucider les secrets les plus intimes du for intérieur, de sonder la nature intrinsèque de l'Etre, dans sa double quintessence humaine et somato-psychique. Le dogme lui -même est disséqué, dans le but d'humaniser l'idéal et d'harmoniser le couronnement plénier, chez le croyant. Toute la documentation de notre célèbre auteur, procède d'une expérimentation sûre, à partir du terre-à-terre et de la faiblesse de l'homme, où réside le secret d'une surhumanité psycho-rationnelle, à toute épreuve. Un des buts recherchés par l'éthique soufie dont Sidi Larbi esquisse un grand schéma évocateur, est de mettre en corrélation les éléments voués à un tiraillement déchirant, dans toute âme, appelée à émerger, en redressant toute distorsion intruse. Le monde afro-asiatique et surtout africain est intéressé, en premier lieu, car son conformisme aberrant cède nécessairement la place, dans un dialogue constructif, aux options discursives dont la valeur doit se vérifier par son adaptabilité à la vie moderne bien entendue. L'élite afro-asiatique a atteint un stade de rayonnement intellectuel tel qu'il serait opportun de fructifier ses larges dispositions, pour un épanouissement spirituel. C'est dans le contexte d'une réédition du patrimoine de l'Islam, que nous pourrons mettre en exergue le rôle de la religion, dans la cristallisation de l'idéalisme transcendant, qui puise sa force et sa vitalité dans cette heureuse équation humaine : le rationnel et le spirituel. L'idée de l'antagonisme classique de l'esprit et de la matière, est, sinon battue en brèche, du moins fortement ébranlée, par suite des travaux scientifiques qui ont mis en évidence l'unité énergétique du cosmos et la corrélation profonde entre la physique et la biologie, d'une part et la psychologie d'autre part.
C'est cette superstructure psychologique - que notre auteur cherche à consolider - qui est l'aboutissement de ce psychisme métamathématique et énergétique subtil, vers lequel s'oriente la science de demain, bien loin des facteurs - fiction. La raison d'être d'un tel élan est le légitime souci d'un libre discernement entre le faux et le vrai où doit être éliminé tout traditionisme irraisonné, en tant que mode éventuel de travestissement de la pensée, qui s'éloigne de l'équilibre, véritable potentiel intellectuel où la réalité transcendante s'identifie à la sagesse.
Nous allons donc parcourir, avec notre éminent auteur, ces phases d'objectivisation de la personnalité du croyant, doublé, par définition, d'un initié mystique, dégagé de tout fatras extatique ou érémitique, en tant qu'éléments intrus d'un subjectivisme abérrant , allant à l'encontre de l'Islam salafi et sunnite. Sidi Larbi a eu le grand mérite de dépeindre, avec bonheur, profondeur, aisance et élégance, des péripéties d'un long itinéraire qui était le propre exclusif des initiés et que notre éminent Cheikh cherche à vulgariser . Le style purement philosophique est banni et une heureuse exemplification se substitue, pour projeter des lumières vivantes très évocatrices, à la portée du simple initié, sinon du simple croyant. La prière intérieure, est, pour Avicenne, une épuration, une élévation de l'âme qui conduit le coeur jusqu'à la contemplation de l'Etre Absolu; et, par cette connaissance et cette intellection et cette science, une béatitude s'épand sur l'âme et l'effusion sainte descend du Ciel Supérieur, jusqu'en l'intime de l'âme raisonnable.
Cette prière conduit donc l'âme jusqu'au sein de l'intimité du monde, de la domination et des mondes plus élevés de la Toute Puissance Divine; l'âme humaine raisonnable est apte à recevoir, par degrés, une communication, toujours plus haute, de cette lumière du flux émanateur, dont elle-même est formée et qui découle en nécessaire surabondance de l'Essence Divine; c'est là la nature même de la connaissance mystique chez Ibn Sina. Cette conception avicennienne de la transcendance de l'être vers Dieu, trouve une certaine complémentarité dans la dialectique apparemment contradictoire d'Ibn'Arabi. "Le Dieu révélé - dirait le grand gnostique andalous - est un Dieu qui pense et qui oeuvre, qui supporte les attributs divins et est capable de relations."
La causalisation ou la simple orientation imprimée à l'être par l'actuation des Noms de Dieu, constitue un catalyseur essentiel où les canalisations confluentes n'infirment guère le principe d'unicité du système, dans sa supra-structure, malgré la discordance de certaines terminologies, des sources d'inspiration secondaires. Dieu nous a ordonné l'usage de tous moyens de nature à nous aider à réaliser nos voeux. Ce sont des causes ou mobiles à propriétés déterminantes, étant eux-mêmes le effets du Nom qui les actue. Chacun de nos actes est "mobilisé", grâce à un Attribut dont il est la manifestation théophanique.
La révélation coranique demeure la structure de base chez les deux philosophes qui représentent respectivement la pensée philosophique et la conception soufie non altérée par l'intellect. Le système Avicennien et Hatimien est caractérisé, certes, par une double dialectique de lumière et d'amour. Mais, tandis que la pensée d'Ibn 'Arabi est de quintessence soufie, celle d'Avicenne ''n'aurait pu se saisir, sans le mouvement initial de mystique naturel qui le traverse". La philosophie d'Avicenne est une philosophie d'influence musulmane où le donné coranique devient une base philosophique qui s'unit à certaines influences hellénistiques, de sorte que la pensée avicennienne ne saurait se comprendre sans l'Islam.
Le Prophète Mohammed ainsi que les autres Apôtres et Messagers de Dieu, ont atteint l'étape sublime, dans leur ascension vers Dieu. Par le même processus, quoique limité et miniaturé, l'initié voit s'ouvrir, devant lui, tous les accès, vers la grande ouverture. L'homme, dont la vision est voilée, n'est - d'après Ibn 'Arabi - qu'un simili-homme; Avicenne s'ingénie à manier un langage strictement soufi, quand il nous parle de la procession initiatique ou apostolique. Il rejoint les soufis les plus ,,orthodoxes", en précisant que seul le Prophète est apte à pénétrer et vivre l'harmonie secrète qui relie l'homme au Cosmos; cette harmonie que l'observance des actes religieux tend, sans cesse, à actualiser; les actes cultuels consistent ou en mouvements comme les prières rituelles ou en privation de mouvements, comme le jeûne. L'initié, habitué à orienter son intellect, pour recevoir l'illumination des substances séparées, en viendra, dans le miroir purifié de son âme, à s'élever jusqu'à la compréhension intime des fondements de la loi religieuse. Il restera, cependant, toujours tributaire du Prophète quant au contenu et au détail de chaque acte cultuel; mais, le sage et le saint ne sont guère dispensés des prescriptions imposées à tous-, quand bien même son intellect en arrive à refléter, comme un miroir transparent, les lumières du divin, il doit continuer à se soumettre aux obligations religieuses. L'observance des prescriptions positives de la loi religieuse, la pratique des actes cultuels, faciliteront au croyant sincère la mise en relation avec le corps du ciel, la captation de l'influx des sphères célestes et l'intensification de la sympathie qui relie le microcosme. C'est là, dans sa double acception philosophique et mystique, le contexte cosmique des Noms divins, dans leur actuation des mondes.
Dans quelle mesure ces données coïncident-elles, sinon avec la Grande Réalité, du moins avec les réalités transcendantes relatives, c'est-à-dire le processus de relation Dieu-créature?. Comment réaliser cette relation?. Quel est le rôle des Noms de Dieu ?. Comment peuvent-ils influer dans "l'idéalisation" des comportements cosmiques de l'homme, l'harmonisation de ses rapports avec ses semblables, l'humanisation de l'échelle des valeurs, dans les sphères du sensible et du visible ?.
Comment concevoir l'homogénéité psychologique du Monde et de l'homme?. Comment, dans ce contexte, concilier la métaphysique des Noms de Dieu avec ses implications cosmiques ?. La réalité étant une, en quoi les données de la ''Haqiqa (réalité) sont-elles complémentaires de celles de la -Charia" (loi coranique)? ; autant de questions, autant de problèmes ardus dont les solutions rie seraient que partielles, étant donné le caractère strictement relatif des investigations humaines ?. Nous voudrions, autant que possible, limiter, sinon éliminer, certaines subjectivités d'ordre mystique et philosophique susceptibles de fausser les jugements, de par leur psychisme incontrôlé ou leur métaphysisme sans mesure ?. Pour ne pas sombrer dans l'abstrait, nous allons essayer, de passer en revue, certaines expériences mystiques récentes, étayées par quelques tests personnels, que nous soumettrons au double contrôle. du positivisme rigoureux de la "Charia" et du rationalisme de la science moderne . La science ésotérique est le fruit et le couronnement d'une stricte application des données exotériques de la Charia. L'observance minutieuse de la loi révélée et l'alignement sur ses concepts provoqueront indubitablement, chez le croyant, l'illumination d'un coeur sur lequel viennent se projeter les clartés de la foi. . Cet exotérisme, dûment appliqué, a pour effet certain, la purification d'une part, de l'âme, par élimination des vices et concrétisation des vertus, et, d'autre part, une sublimation et une luminescence intimes, dont la fruition spontanée et immédiate, est le jaillissement d'idées concises qui se reflètent sur le miroir poli de l'âme dégagée de toute flétrissure. Suivant un rythme alterné de lumière et d'obscurcissement , l'initié réalise nécessairement un certain degré de connaissance, grâce auquel le voile finit par s'estomper, laissant poindre les éclats ou lueurs des Noms de Dieu! Dans cette transcendance de lumière, les projections se précisent, "les reflets prennent forme et l'éclair devient étoile filante". Le chemin de l'initié est jalonné d'une gamme d'éclats psychiques de ravissement, d'extase et de dégrisement. Quelques éléments artificiels peuvent fausser ce processus transcendant; l'alignement sur la révélation coranique et la tradition prophétique demeurent, d'après Ibn 'Arabi - le seul critère différenciant l'état qui doit en découler, des procédés hypnotiques ou des pouvoirs extra-normaux du Yoga indien ou autre. En effet, Avicenne n'écarte point, dans l'évolution de l'initié, le perfectionnement de l'âme cristallisé par ces pouvoirs : mouvements giratoires rapides, fixation par l’oeil de "Chiva" d'un objet brillant ou noir ou tout autre procédé pouvant aider à dégager, artificiellement, l'âme de son corps et recevoir des illuminations. Certains Mages ou sorciers parviennent, grâce à une pratique de concentration très poussée, à se détacher de leur ambiance, en éliminant l'effet des organes sensoriels. Le subconscient réagit, alors, avec toute la force de ses potentialités distraites par le sensible. Mais, seul l'initié est apte à faire intervenir son ‘’goût intuitif", développé dans l'ambiance luminescente de son âme purifiée. Voyons donc, comment Sidi Larbi tend à expliciter ces données exotériques.
En parlant de la science infuse ou révélée (qui n'est que le reflet de l'attribut de l'Omniscience), de la lumière divine, des étapes de la révélation, il dit :
"la révélation pour l'Apôtre, se traduit, soit par la transmission du "livre Sacré", effectuée par l'intermédiaire de l'Ange, soit par l'audition du secret, soit par le contact où l'ordre divin est "suggéré", sans intermédiaire, soit par une insufflation directe qui peut émaner de l'Ange lui-même. L'inspiration s'identifie, alors, à une connaissance infuse, sorte de flux dont l'amplitude est conditionnée par le degré hiérarchique du Messager de Dieu; il existe d'autres sortes de révélations qui sont :
I) Le fruit de contemplation des degrés et des propriétés des Noms et Attributs, provoquant un divin "flot de lumières", sous forme d'inspiration qui décèle des "états de mystères".
II) L'avènement d'une idée émanant d'une source supérieure vague et projetant une vive lumière sur les contours de certains secrets et prévisions.
III) L'inspiration peut, enfin, s'identifier à une sorte de spéculation sur les nombres cosmiques et les inférences de l'Attribut ou les propriétés inhérentes aux Noms. L'état prophétique appelle donc une théophanie qui contraste avec l'extase du mystique. L'aptitude apostologique est d'une amplitude sans pair.
Selon le célèbre El-Jilani Abdelkader, le gnostique, habitué à la grâce et aux Attributs de Beauté, ne saurait résister à l'apparition de la Grandeur de l'Essence. Le grand Maître Mystique Sidi Ahmed Et-Tijani spécifie, en commentant cette thèse, que seul le "pôle parfait" peut être le réceptacle de la théophanie de la Réalité de la Magnificence, quand il aura atteint le degré sublime de cette étape, à savoir le "cachet" ou l'ultime des stades.
La "Boghia" et, notamment, les "Sept Requêtes" récapitulent donc les données du "Soufisme islamique appliqué", sur le plan d'un exotérisme pragmatique et éclectique. Les autres sources de base de cette Nouvelle Ecole du XlXè siècle sont :
1) "Jawâhir el Maâni" (Perles des Idées) du Fassi Sidi Ali Berrada Harazim
2) "el Jâmi" (Le Compendium du Saharien Sidi Mohammed Bel Mechri)
3) (er-Rimâh) (les Lances) du prince soudanais, Omar el Fouti ou Founti (de Fouta-Djalon (mort en 1845 ap.J./1261 h).
Ce sont là quelques célèbres disciples du grand Cheikh Sidi Ahmed Tijani (Décédé en 1814 ap. J.C./1230h), chef de la grande Confrérie, édifiée il y a moins de deux siècles. Se référant à G.Bonnet Maury, dans son ouvrage "L'Islamisme et le Christianisme en Afrique", le grand leader arabe Chakib Arsalâne affirme, dans son livre "Le Monde Musulman Contemporain" (T2 p.398) que l'Afrique aurait été entièrement islamisée, sans ce coup porté par la France à l'influence de la Confrérie Tijanie ... ;" le fait - ajoute-t-il - est comparable à l'élan d'islamisation de l'Europe, arrêté, à Poitiers, par Charles Martel".
CHAPITRE 1
SOURCES du SOUFISME
Le soufisme mohammadien est le compendium des traditions du messager d'Allah, irradié dans l'ambiance prophétique luminescente, dont l'effet initiateur se prolongea, selon le hadith, durant les trois premiers siècles de l'Hégire. Les compagnons du prophète, les suivants du 2ème siècle (Et-Tabiynes) et leurs successeurs, avaient, pour seuls stimulants et animateurs, les récits encore vivants dans les coeurs des adeptes; mais, passés ces premiers siècles, l'initié est propulsé dans la masse confuse des traditions où l'apocryphe, à l'authenticité douteuse, primait le véridique. Le cheikh Abdelkarim Ibn Hawazine, dit el-Kocheiry, ne manqua pas de révéler, dans sa Rissala, les secrets de cette mutation : les croyants, imbus d'un sens ésotérique, lors de ses sources prophétiques, se réfugiaient dans des liturgies plus ou moins authentiques, issues de la Sunna ou des comportements effectifs et affectifs du messager d'Allah ; d'où : pluralisme de "Wirds" et "Wadhifas". Cette phase où les rites soufis se multipliaient, dans un certain désarroi et confusion d'esprit, parfois excentriques, sinon hérétiques, se prolongea jusqu'au VIIIe. siècle de l'Hégire, émaillés de véritables soufis, dont Ibn Machich et son disciple Châdhili (tous deux du Nord du Maroc), promoteurs de l'Ecole soufie islamique, tant en Orient qu'en Occident.
Les pionniers du soufisme surgirent, alors, à la suite d'une période de décantation, perturbée par des secousses cahotantes, essayant de promouvoir, dans un esprit critique, les tests réels d'un soufi agissant et adéquat. L'un de ces éminents précurseurs est AHMED BEN AHMED BEN MOHAMMED EL-BORNOSI ELFASI, connu, alors, sous le nom de Zarroûq, originaire de la tribu des Brânès, né en 1442 ap.J.C../846H, et mort à Mesrâta (Tripoli), en 1493 ap.J.C./899H. Grand jurisconsulte, soufi très vénéré dans toute l'Afrique - notamment au Grand Maghreb - il fut unanimement considéré comme le "prévôt" (mohtassib) et critique du Soufisme (mysticisme islamique).
Ses oeuvres, dans toutes les branches des sciences canoniques, avaient enrichi le patrimoine de l'Islam, par leur diversité et leur profondeur. Plus d'une cinquantaine d'ouvrages dénotent, chez le Cheikh Zarroûq, grand précurseur et critique implacable des déviations soufies, une audace sans pair, dans la concrétisation du vrai visage du "Tassawwôf'', devant s'identifier au legs authentique et bien entendu de l'Islam. Cette symbiose entre les deux tendances a toujours créé une équation harmonieuse alliant deux antagonismes factices : le spirituel et le temporel.
Le Soufisme salafi, c'est à dire issu des sources de l'Islam, n'est autre chose que l'Islam lui-même, dégagé du fatras confus e incohérent.
Les bibliothèques marocaines, tant publiques que privées, conservent en manuscrits la plupart de ces oeuvres.
Dans une auto-biographie, Zarroûq a essayé d'esquisser comme son contemporain le grand historien Ibn Khaldoun - une fresque vivante sur les péripéties et vicissitudes de sa vie, donnant l'exemple le plus éclatant de certains aspects de la vie idéale du vrai Musulman, empreinte d'un humanisme universel agissant. Les oeuvres de Zarroûq tendent à clarifier la position de l'Islam, sur deux thèmes qui ont toujours été l'objet de tiraillements et de controverses : à savoir, d'une part, la nature des hérésies qui ne doivent pas s'identifier à une simple opinion non admise, et, d'autre part, la définition de la vie exemplaire que le bon Musulman doit mener et qui est, nécessairement, une image de contingences de l'heure, dans le large contexte des potentialités et des virtualités de l'Islam. Nous citons quelques spécimens de ces ouvrages :
- Interprétations et commentaires des "Vérités et Affinités" de Mohammed Ben Ahmed Meqquari, cadi de Fès (mort en 1357 av. J.C./751 H,).
- Avis et conseils adéquats sur l'hérésie (voir son ouvrage "Réplique aux hérétiques", Zeitouna 111, 49).
- Les innovations hérétiques et la Sounna.
- Potentiel de l'Initié (100 chapitres sur les hérésies des Fouqara soufis).
- Le droit musulman et le soufisme
- Sciences des noms
- Epîtres sur les jugements, sermons éthiques et subtilités du Tassawwôf (se référer au compendium des "Manafi'' de Zarroûq, à Dublin 4130).
- Syncrétisation de la Charia (législation islamique) et haqiqa (réalité ésotérique).
- Epîtres sur les jugements, poème sur les défections de l'âme, commenté par El Kharroubi.
- Particularités des Noms de Dieu B.G. de Rabat (D 952), Tétouan N° (826), Zeitouna (111, 158).
- Aide de l'Initié dans le chemin de l'illumination et de la stabilisation morale.
- Commentaires au nombre de trente six sur les "Hikam" d'Ibn 'Atâ allah.
- Commentaire sur (la Dogmatique Sacrée) d'Al Ghazali.
- l'Epiphanie.
- Appel aux Fouqara (Bibl. de Berlin, N° 3345).
Mais, grâce à l'esprit encyclopédique de Zarroûq, d'autres thèmes furent l'objet d'épîtres ou de traités dont nous donnons les exemples suivants :
- l'art (bibl. hassanienne de Rabat, N° 10 12).
- Explication de l'Authentique d'Al-Boukhari, Publiée au Caire, lm. Hassân.4 vol. 1975.
- Epître sur l'Astronomie (Tétouan 485).
- Traité sur le Droit musulman (B.G. Rabat d 2129/B.N. Tunis (M. 1885) ( à propos de l'Epître d'Ibn Abi Zeid le Kairouanais), Publié au Caire (1332 H./1913 ap. J.C..
- Commentaire du Compendium Juridique de Khalil. - Fihrist.
- Sur la thérapeutique expérimentée ( Zarroûq n'est pas sûrement l'auteur. Bibl. d'Alger 1322)/ Caire VII, 14.
- Conseil à l'initié idéal (B.G. de Rabat D. 2259/D. 1299/D. 1602/D. 182/D.607, Bibl. de Tanger III, 15/ Zeitouna III, 156.
REFERENCES:
Ibn'Askar, Dawhat en-Nachir p.38/El 'Ayyachi, Rihla T. 1, P.96/T.Il,p.378/Ahmed Baba, Naïl el-ibtihâj, p.71/lbn elQâdi.Jadhwat el-iqtibâs.p.64/ Mohammed el'Arbi el-Fâsi, Mir'ât el-Mahâsin, p. 192.
Dorrât el-Hijâl, T.I,p.42/el-Kettani, Fihris el Fahâris T.I., p.341/Chajarât en-noûr, p.267/
Ez-Zarkli, el-I'lâm, T.I.p.87/ Chadharât ed-Dhahab, T.7,p. 363/E
Ibn Mariem, AI-Bostân, p.45/ es-Sakhawi Ed-daw' el-Lami' T.I., p.222/ el-Kettani, Salwat
el-Anfâs T.III, p. 183.
Ben Abi Cheneb, Idjâza, p.51/
Brockelmann, ar. litt.TII., p.253.
Trenga, les Branès in Archives Berbères, T.I,p.293 (1915-1916).
CHAPITRE II:
NAISSANCE DE L'ESOTERISME:
MODES ET SECRETS DU
JAILLISSEMENT DES GOUTS INITIATIQUES
Ce chapitre est fondamental dans le processus d'ascension de l'initié. Les contours de tout comportement subséquent doivent être délimités avec un soin rigoureux. L'analyse des étapes à parcourir est le conditionnement psychosomatique de tout progrès adéquat dans la "voie"; c'est le seul mode permettant de dépasser, avec bonheur, le stade d'ankylose superficielle, c'est-à-dire la situation dans laquelle le croyant se sent figé, sous le poids de l'inertie des choses de ce monde. Les accès se libèrent, alors, vers le summum de l'esprit même des idées et de la quintessence des sciences auxquelles aspire l'homme parfait . L'initié, en quête de cette connaissance profondément subtile, se doit, dès le premier pas, de s'abstenir de tout dénigrement systématique; il n'est, certes, pas encore, en mesure d'en sonder le pour et le contre; c'est, pourquoi, il doit écarter toute dénégation gratuite, car tout jugement, pour être judicieux, doit procéder d'une connaissance approfondie. L'initié est confronté, au début, avec des propos allusifs très ambigus et des subtilités qui tranchent démesurément du normal, pour atteindre, parfois, le surnaturel; y accéder d'emblée s'identifierait à un acquiescement qui n'est guère le propre d'un esprit qui se respecte et qui recherche le vrai. Au contraire, le nihilisme ne doit pas être l'aboutissement d'une attitude par trop négative. L'initié doit donc se contrôler, peser ses options, dominer ses élans prématurés et demeurer en expectative, le temps qu'il faudrait, entre les deux alternatives. Il se rendra, bientôt, compte que tout préjugé hâtif serait - comme dirait Ibn 'Arabi - une privation, et que les degrés extrêmes, dans l'échelle soufie, se situent entre la résignation et l'acquiescement. C'est ce cheminement échelonné qui fait, donc, l'objet de cette étude préliminaire. La science, dans ses dimensions islamiques, comporte une double série de propriétés caractéristiques : l'exotérisme et l'ésotérisme. La science exotérique ou sciences des phénomènes et actes exclusivement externes, englobe, comme base essentielle, la science de la Charia, axée sur une première source, purement coranique et une deuxième traditionnelle, cristallisée par des faits et des propos authentiquement attribués au Messager, Apôtre de l'Islam. Les concepts aussi bien cultuels que comportementiels tendent à définir l'origine du Fiqh (droit musulman), comme fin extrême que le croyant se doit d'atteindre. Les branches instrumentales de la science exotérique sont au nombre de douze dont la syntaxe, la grammaire, la rhétorique, la linguistique etc...
L'ésotérisme est une connaissance psycho-spirituelle qui se dédouble en science éthique basée sur les principes originels du béhaviorisme social d'une part, et, d'autre part, en science épiphanique. La première partie s'identifie, de par sa nature, à l'effort soutenu en vue d'assurer une purification du coeur et une éducation de l'âme : C'est, en fait, s'ingénier à rebuter tous les caractères ignobles, blâmés ou décommandés par le Chrâa tels la vaine gloire, l'estime de soi, le complexe de supériorité, l'amour des éloges et la fierté prétentieuse; mettre en pratique les données éthiques de la science, c'est réaliser la sublimation des vertus tels le dévouement, la pureté de l'intention, la gratitude, l'endurance, l'ascèse, la crainte pieuse et l'autosuffisance. Dieu n'assure-t-il pas au pratiquant, d'après une tradition du Prophète -"le legs sûr d'une connaissance des inconnues, comme prime de l'observance des préceptes révélés?". L'intégrité et la rectitude sont le substrat des caractères péremptoires dont l'infraction requiert la pire des damnations.
Cette infrastructure cultuelle, c'est-à-dire cette pratique adéquate sans religiosité excentrique ni bigotisme aberrant -de la loi canonique- débouche indubitablement sur une seconde étape : l'ouverture épiphanique, sorte de certitude positive ou luminescence dont les reflets éclairent le subconscient , grâce à une épuration du for intérieur. Cette lueur étincelante illumine les recoins de l'âme, par des projections fulgurantes qui font ressortir, sur l'écran d'une psyché décrassée, l'image d'idées condensées, esquisses d'une foi agissante. L'initié réalise, alors, la gnose, connaissance ou sagesse de la divination mystique ou science innée
des Noms et Attributs de Dieu; là, les rideaux se lèvent, pour dégager les secrets les plus intimes; le processus d'évolution psycho-spirituelle constitue, ainsi, le minimum d'un ésotérisme qui se définit par une connaissance représentative des vraies réalités, exotériquement parallèles à la théologie scolastique ou science dogmatique. L'ésotérisme, dans sa double structure est, donc, la raison finale et la fruition d'une pratique adéquate des commandements exotériques. Le croyant, en s'astreignant à la loi islamique, dans ses limites dûment reconnues, en s'alignant strictement sur l'éthique sociale telle qu'elle est esquissée dans les sources authentiques, s'illumine le coeur, par insufflation divine des clartés de la foi. La conscience, grâce à cette luminescence, est à même, alors, d'intercepter les secrets des sciences et les merveilles de la connaissance. Les contours dogmatiques se précisent, dans le cadre de la théologie scolastique; une connaissance secrète, spéculative, émane d'une autre connaissance présentielle, c'est-à-dire qui s'impose sans réalisation de l'image par l'intellect. Le discursif, ainsi dépassé, est sidéré, car, pleinement immergé dans la présence englobante d'une appréhension d'évidence immédiate, à priori et innée. Le soufi n'est dans sa pure nature, qu'un fqih pratiquant inspiré par la bonté divine et qui hérite d'un legs spontané, un pouvoir de perception directe. Il est, alors, assimilé, sur le plan ésotérique, aux imâms, grands jurisconsultes des rites canoniques; il devient, par conséquent, à même de s'arroger le droit de légiférer dans les secrets de la "voie", sans conformisme aveugle, au même titre que les grandes autorités de la chariâ, au niveau exotérique.
Le cachet de la sainteté est, certes, conditionné par l'accès à ce stade ultime, où seul est pris en considération le consensus de la communauté musulmane, faute de texte législatif coranique ou apostolique. Plus le saint réalise sa pleine sublimation, moins il se sent en dépendance, car, il puise directement ses connaissances dans les sources mêmes utilisées par les "mojtahidines" ; un véritable initié doit donc, au préalable, exceller, dans les sciences islamiques, avant de pouvoir légiférer ésotériquement. Tout effort de déduction ou d'induction juridiques est fonction de cette double connaissance de cause. Les deux voies se complètent, pour converger vers le réel. Aucune ne peut subsister sans l'autre; la chariâ est le seul lien commun avec Dieu. Le grand Imam soufi, AI-Joneïd, n'a-t-il pas affirmé que la science mystique a pour unique fondement le Coran et la Sounna, infirmant et stigmatisant les prétentions des dénégateurs. C'est la différentiation essentielle avec les promoteurs des pseudo-règles de Sagesse. Seul le goût intuitif, se cristallisant en expérience initiatrice, réalise la vérité transcendante (AI-Haqiqa). Le Soufisme est la quintessence de la Chariâ, sa supra-structure. L'ésotérisme n'est, guère, un sens caché insaisissable comme le prétendent certains hérétiques. C'est le fruit d'une accommodation du croyant et de son adaptabilité agissante à l'éthique universelle, code sublime des Messagers de Dieu. Ibn Abd-es-Salâm, Sultan des Uléma et Ghazali, qualifié de "Preuve de l'Islam" sentirent, avec amertume, la vanité d'appliquer à la réalité un sens unique où l'initiation n'englobe guère la double connaissance exotérique et ésotérique. Une dialectique sophistique est creuse, car, purement verbale; une "mystification" superficielle est aussi aberrante. Une mystique canonisée est seule concluante. Le Fqih est le fondement de la "voie". Les textes des grands maîtres de la "Tariqa" (voie) sont, en l'occurrence, explicites et unanimes. Il s'avère, donc, que l'avènement du soufisme est fonction d'un conformisme inconditionnel aux sources de l'Islam et d'un attachement indélébile aux liens sacrés de la foi, deux conditions impératives et péremptoires, pour une luminescence du subconscient. Mais, dans tout ce processus d'évolution, la piété demeure l'échelle d'actuation des valeurs et de la transcendance. Ibn Ataâ allah a dit, dans ses Sages Adages : "Comment une conscience peut-elle s'illuminer, si les images des Cosmos se reflètent sur son miroir" "Comment l'initié peut-il transcender vers Dieu, alors qu'il est enchaîné dans ses caprices et désirs ?. Comment ose-t-il prétendre intégrer la Présence de Dieu - qu'il soit exalté!-, alors qu'il n'est pas dégagé des impuretés de ses indifférences ? Comment aspire-t-il percevoir et sonder les secrètes finesses, s'il ne se repent guère de ses bénins péchés et négligences ?".
La perception de la gnose ou science des vraies réalités, est le propre de l'initié qui accède à l'étape du repentir ferme, sorte de rétractation ou retour à Dieu, doublés d'attrition sincère. C'est la fruition d'une crainte pieuse qui est le substratum de la foi. La constance dans la conviction dogmatique et la certitude dans la foi sont l'apanage exclusif d'une connaissance foncière. Cette constance et cette fermeté, dans la connaissance sont le propre des "évolués" dont les esprits sont bien assis - d'après Abou Bekr el-Wâssiti - dans le secret le plus intime des mystères divins. Pour bien s'assurer les aspirations ascensionnelles, ces évolués s'engagèrent résolument, dans le plénum des sciences conceptionnelles, pour dégager les idées thésaurisées et extraire les perles de la sagesse. L'Imam Ahmed du rite hanbalite n'a-t-il pas accueilli, avec déférence les propos d'Abi Souleimân, rapportés par son éminent disciple Ibn Abi Hawâri : "Si les âmes s'ingénient à rebuter, constamment, les péchés, elles se voient accorder, par la grâce divine, une large latitude d'évoluer dans les sphères de l'invisible, pour capter, directement, les prodiges de la sagesse théosophale infuse". Ce sont là des connaissances d'évidence immédiate que Dieu inculque à Ses élus, atteignant, alors - selon le hadith sacré. Un stade sublime gracieusement inspiré par l'Omniscience dont la clarté rayonnante éclipse les ténèbres. C'est le caractère exclusif de toute connaissance innée qui ne passe aucunement par la voie des média-discursifs, grâce -dit Ibn 'Arabi une effusion sacro-sainte d'où est exclus tout processus imaginatif aberrant. Il ne s'agit guère là - précise encore Ibn 'Arabi - de simples soufis, mais de l'élite pure, chez laquelle le caractère supra-rationnel des actuations s'identifie aux qualifications apostoliques. Néanmoins, cette gnose demeure celle appelée "le fiqh Fi ed-dine" dont le degré le plus parfait réside dans la capacité initiatrice de revivification et d'orientation, dans le chemin de Dieu. "La caractéristique de l'ésotérisme - précise Chaarâni dans ses Yawâkit (Hyacinthes) - est d'exceller dans la connaissance des moyens astucieux pour s'accommoder aux directives du Coran et de la Sounna; tandis que les hommes de science exotérique, se contentent de vous annoncer les commandements du Chrâa, sans prendre la peine de vous montrer la meilleure voie à suivre; tel un médecin qui connaît son code thérapeutique par coeur, en ignorant la méthode appropriée pour guérir le malade.
Un ésotériste est un pédagogue doublé d'un psychiatre capable de diagnostiquer un mal ou malaise psychique et d'ordonner une médication adéquate; il est, en effet, pleinement conscient de la nature de certains recoins intimes de la psyché, ainsi que des convenances dues aux "Présences Divines", c'est-àdire aux divers plans d'adaptation de l'être aux charges et devoirs canoniques. A chaque plan ses exigences que seul l'ésotérisme décèle. D'un exotériste, vous apprenez le code, mais d'un ésotériste, les moyens de bien pratiquer ce code. Cette excellence de l'ésotérisme dans les options et les actuations cultuelles et comportementielles, se double, donc, d'une connaissance profonde et exclusive de la gnose des vraies réalités, c'est-à-dire des sciences divines sur le plan des manifestations épiphaniques, autrement dit, la vision directe, la vision du Réel dans le contingent, de l'Absolu dans le relatif, du Créateur dans la créature; d'où un comportement révérenciel et compatissant de l'être (c'est-à-dire humain), vis-à-vis de son semblable, objet d'amour de l'Etre. C'est là le degré sublime de l'Unicité ou de l'Univocité où l'unité transcendantale de l'Etre n'exclut nullement l'existence contingente des êtres.
Il est à noter, cependant, que l'approfondissement des sciences islamiques n'est pas une condition sine qua non, pour accéder à l'ésotérisme. Il y a un minimum de connaissance nécessaire et suffisant, devant être concrétisé, chez l'initié, par un atout indispensable dans toute élaboration touchant le comportement et le culte. Le saint parfait, c'est-à-dire le croyant fermement attaché à l'esprit de la loi et qui est, en perfectionnement continu dans cette voie - réalise, par captation épiphanique et inspiration divine gracieuse, une vision englobante du chraâ, dans ses sources, ses applications, ses motivations et ses modes déductifs. C'est, d'après notre Maître Sidi Ahmed Tijani, le Grand pôle, réceptacle du secret coranique, interprète inspiré de l'herméneutique spirituelle du Livre Sacré. Connaître le Coran par coeur n'est pas absolument nécessaire, pour une exégèse ésotérique de la Révélation. Les Elus de Dieu évoluent dans une stricte observance du Chrâa, aussi bien dans leurs attitudes permissives que restrictives, extérieures ou intérieures. Nous sommes dans la rigoureuse obligation de les tenir comme tels et de ne se permettre un quelconque dénigrement qu'en connaissance de cause, c'est-àdire , après avoir connu leur langage caché et pesé le pour et le contre de leurs propos. Les propos excentriques émis par un débutant, en état d'extase, est un signe d'intrusion inopinée dans la voie; "l'initié", qui en est l'auteur, perd toute représentativité. Plus l'initié transcende dans la voie, mieux il s'attache à la loi dont le Pôle est protecteur. Point n'est besoin de signaler que la finesse de certaines conceptions et l'ambiguïté de certains propos incitent à plus de pondération, pour éviter les préjugés ou les jugements hâtifs; sauf au cas où il y aurait infraction flagrante du Coran, de la Sounna ou du Consensus général de la Oumma (communauté musulmane). Il faut, en
tout cas, se garder de stigmatiser, sans une connaissance intégrale et exhaustive de toutes les données et de tous les dires des "Moujtahidines". Il est, certes, raisonnable de souscrire et d'acquiescer à tout ce qu'on a dûment admis, sans nier systématiquement ce qu'on n'a pu saisir. Une certaine envie ou jalousie peut provoquer, parfois, des préjugés-, un attachement irréfléchi à une dialectique scolastique est de nature à rendre certains jugements plus rigides et moins coulants. Certaines situations échappent quelquefois aux normes discursives d'une rationalité abusive, car aucune ligne de démarcation ne détache nettement le physique du métaphysique et un certain méta-psychisme tend à mieux orienter la pensée humaine. C'est, pourquoi, les Soufis recourent, souvent, à des expressions allusives et allégoriques. Tout verset ou hadith présente - d'après l'école ésotérique - un double aspect : introspectif et externe. "Nous leur montrerons nos signes - affirme le Coran - dans les horizons extérieurs et dans leur for intérieur". Dieu aurait pu, s'il l'avait voulu, expliciter les versets et les débuts des sourates qui prêtent à diverses interprétations. Il ne l'a pas fait, car il a intégré dans chaque terme ou caractère divin, des notions scientifiques que seul l'Elu est à même de saisir. "Si vous craignez Dieu- affirme encore le Coran - Il vous dotera d'une lumière (qui vous permettra de capter le sens intrinsèque des choses). Certains "dénigreurs" ou "négateurs" ne voient souvent pas de bon oeil ces soufis qu'ils considèrent, à priori, comme excentriques et ignorants, parce qu'ils ne se réfèrent point à un Maître ou Alem, autorité de la loi exotérique islamique.
Ils oublient ou omettent les versets coraniques où Dieu déclare avoir inculqué à Adam ou à Khadir, ce qu'ils ignoraient. Cette science (appelée hikma dans le Coran), Dieu l'accorde à qui Lui plait, sans être nécessairement un prophète ou un Messager. Leur habitude de recueillir la science des voies de leurs maîtres ou des ouvrages, les a obnubilés, au point d'oublier que Dieu est le Maître de toute l'humanité et que son Omniscience n'est l'objet d'aucune suspicion, de la part aussi bien des croyants que des mécréants. La spéculation discursive n'a aucune emprise sur cette connaissance infuse, car elle est d'évidence immédiate, en dehors de toute marche syllogistique habituelle. Quand Dieu inspire un instinct même, il devient infaillible ; ces visions captées par une imagination dégagée de toute flétrissure, à travers une conscience pure, ne sont pas à la portée du commun des gens. L'intellect ou raison pure rebute ces visions que ni l'expression ni l'allégorie ne sauraient dépeindre. C'est un goût intime, fruit d'une expérience mystique exprimée allusivement par des phénomènes épiphaniques initiaux, c'est-à-dire des inspirations divines; le Cheikh Ali Roudhbâri a bien dit:
"Cette science qui est la nôtre est une pure allusion, elle s'obscurcit derrière tout voile d'expression". C'est pourquoi les Soufis ont senti le besoin d'élaborer des signes conventionnels qu'ils emploient, en présence d'un tiers ou dans leurs oeuvres. C'est, par compassion pour l'intrus qui serait tenté d'en fausser le sens, de nier ce qu'il n'est pas à même de concevoir et de se priver, ainsi, des avantages d'une science qu'il s'ingénie à ignorer. Ibn 'Arabi - cité par Chaarâni - a fait remarquer, en l'occurrence, que dans toute science, une terminologie conventionnelle doit être inculquée, pour être comprise par un nouvel intrus; ce qui n'est pas le cas dans le concert des Soufis où le nouvel initié n'a pas besoin d'être édifié, pour concevoir; il se sent spontanément disposé et apte à saisir le sens des propos échangés. Nullement dépaysé ni étonné de se retrouver dans une ambiance qu'il sent être proprement la sienne - AI Kocheiri a décommandé, dans sa célèbre épître, la lecture des oeuvres soufies, sans l'aide d'un maître ou d'un frère chevronné; certains gnostiques proclament même la prohibition d'une telle lecture pour les non-initiés et la transmission des propos soufis à ceux qui n'en ajoutent guère foi; car celui qui décèle le secret mérite la peine capitale. On pourrait se demander s'il n'était pas plus opportun de se restreindre et de se refuser, au préalable à toute élaboration dans ce domaine, surtout sur le plan des fines allusions et des intimités de la trans-conscience; et ce, par compassion pour ceux qui ne sont pas habilités à saisir ces nuances. Le grand Arif Ali Wafa réplique, en précisant que Dieu fait rayonner la clarté solaire de par le monde, quoiqu'elle nuise à la vue des chauves-souris. Le profit est sûr, quelque minime soit le nombre de ceux dont le miroir reflète l'épuration des consciences et la sublimation des essences; car une codification thérapeutique, sur le plan psychique, constitue un impératif catégorique.
Nous avons donné libre cours à notre plume, dans ce chapitre initial, pour relancer la créativité du coeur, la concentration de l'esprit et la ferme intention d'actualisation, en esquissant de l'ésotérisme une fresque aussi rafraîchissante qu'agissante. Il s'agit, certes, d'une science qui est le reflet éclatant de cette luminescence que Dieu fait rayonner dans le coeur du croyant, embrasé par une foi ardente. L'utilité et le réconfort d'une telle connaissance se mesurent - d'après le fameux traditionaliste mystique Mohamed Ibn al Tirmidhi - au degré de stabilisation d'un subconscient illuminé par les reflets du Vrai; le faux demeure ankylosé dans la pénombre des recoins du coeur. Ces reflets sont les signes de sublimation de l'idéal inspiré. Pour l'Imam Mâlik, la science profitable n'est pas fonction des nombres de recensions; elle est conditionnée par la force de projection luminescente dans la conscience. La potentialité de cette connaissance est définie, chez Ibn 'Abbad, par le degré de proximité du croyant , par rapport à son Créateur et de son détachement de l'égoïsme : Cette dualité "tiraillante" constitue le summum du bonheur. D'autres définitions non moins intéressantes dépeignent les contours et les dimensions de l'ésotérisme. Pour Al-Joneïd, maître éminent du soufisme sunnite des premiers siècles de l'Islam, c'est la gnose qui consiste à connaître Dieu dans sa grandeur et son propre être dans sa faiblesse, à laquelle une vie tout entière mérite d'être consacrée. Damné - pense Abou el-Hassan Chadhili - est celui qui ne s'y met pas entièrement; alors que pour Ibn 'Abbad, "une persistance dans l'étude d'autres sciences est inutile sinon nuisible". Le Prophète Mohammed - que Dieu le bénisse - a invoqué Dieu contre toute science non profitable. Ibn 'Arabi classifie donc la science en deux catégories : une science dont on n'a besoin que dans la mesure de nos exigences temporelles; nous devons nous en astreindre au strict nécessaire, il s'agit des commandements de la Charia qui doivent se limiter aux impératifs immédiats et aux contingences de l'heure. Une deuxième science, sans limite, est celle afférant à Dieu et à l'adaptation aux nécessités de l'au-delà. Celà ne minimise en rien la portée de l'éxotérisme et ne dévalorise guère le mérite des Ulema, porteurs du flambeau de la Charia. Mais, les véritables représentants de la loi organique de l'Islam, sont ceux qui réalisent, en une heureuse symbiose entre la connaissance et l'adaptation au conditionnement de cette connaissance, c'est-à-dire assurer une synthèse éso-éxotérique. Mais, dans ce processus, tout est relatif, car une gnose et un ésotérisme digne de ce nom ne sont plus de mise dans les temps que nous vivons, absorbés que nous sommes par les vicissitudes de l'heure. Déjà, AI-Joneïd et Sahrawardi proclamaient, depuis des siècles, cette douloureuse réalité ! que dirions-nous aujourd'hui ?.
CHAPITRE III:
COMPENDIUM DES VERTUS ET
TRANSCENDANCE
Ce chapitre a pour objet l'analyse de la nature de l'Ethique chez le soufi et l'esquisse d'un compendium des vertus qui caractérisent le comportement idéal d'un initié et la transcendance, devant aboutir à la sublimation de l'acte cultuel et de l'actuation psycho-spirituelle de la trans-conscience.
Les grands maîtres de la gnose considèrent l'Ethique comme une assise foncière de la morale, d'autant plus qu'elle constitue une sorte de "politesse comportementielle" préalable qui prime toute qualification moralisante et toute fluctuation agissante, marquant les options les plus subtiles du mourîd. C'est l'aspect sublime dans la voie qui synthétise le processus transcendental de l'initié, à travers les éclats et les étapes dont il est le support et le substrat. L'observance stricte de cette "politesse" éthique est un couronnement plénier de la transcendance. Toute déviation dans le cheminement initiatique est un biais impardonnable quel que imperceptible soit-il ! La moindre incartade et l'infime anicroche aboutissent à une rupture d'équilibre, c'est-à-dire à un transbordement, sinon une véritable déchirure. En effet, à chaque état ou stade son éthique. Cet ensemble d'actes ou de gestes raffinés, de règles et usages "policés" sont le propre d'un homme parfait : en être dépourvu constitue une des privations les plus irrémissibles. Ce raffinement consiste - d'après l'auteur des "'Awârif", en une double éducation, à la fois exotérique et ésotérique. Seul un gnostique policé dans ses agissements extérieurs et introspectifs, est digne d'une perfectibilité éthique.
Ce code de convenances morales s'élabore en quatre séquences:
I) Celle axée sur la charia, c'est-à-dire un raffinement d'ordre supérieur marqué par la Providence et divinement inspiré. C'est cette Morale transcendante que Dieu a bien inculquée au Prophète et que celui-ci nous a transmise.
II) Acte de serviabilité ou service religieux consistant en une célébration adéquate de l'office divin ou servilité révérentielle vis-à-vis du Souverain Suprême. La législation divine, en l'occurrence, élabore une approche vers le Créateur, sorte de mouvement transcendant vers Dieu.
Cette séquence est exclusivement divine, tandis que la séquence antérieure, celle de la charia, comporte à la fois le Droit dû à Dieu et les droits réservés à Sa créature.
III) Ethique du vrai, qui consiste à s'adapter aux exigences de la Vérité, par une soumission irréversible et inconditionnelle aux sentences et directives divines, quel que soit le degré de l'émetteur. Ainsi, une vérité, imprimée d'une telle vertu, demeure constamment et valablement agissante. L'acquiescement au vrai est une qualité essentielle chez le 'Arif, abstraction faite de l'âge ou des contingences sociales de l'agent de transmission.
IV) Ethique de la Réalité qui consiste, au contraire, à se dégager de toute prétention ou vanité et s'en remettre à Dieu, en lui faisant entièrement confiance, et en se reposant péremptoirement sur Lui. Cela se réalise par un autocontrôle permanent, un effort soutenu de domination et de méditation et une contemplation révérentieuse des signes de Dieu. L'éminent 'Arif Abdellah Ibn El-Moubârak définit cette éthique révérentielle comme la conscience des dimensions de la psyché. Commentant cette sentence, l'auteur des 'Awarif' précise bien que l'âme est la source de toutes les méconnaissances et les ignorances. Se connaître soi-même, c'est se réaliser, grâce à un flot d'inspirations luminescentes. La tradition ne rapporte-t-elle pas que celui qui est conscient de soi est apte à connaître Dieu ? Etre conscient - affirme En-Nawawi dans ses Fatawi - de sa faiblesse, de son dénuement et de sa servilité, c'est apprécier, avec justesse, l'Omnipotence, la Suzeraineté et la Perception absolue, dans le cadre des Attributs Divins. Deux autres acceptions de ce hadith sont rapportées par Abou AI Abbas El Murci : d'une part, une auto-conscience, c'est-à-dire une profonde conscience de soi qui fait transcender l'initié vers la connaissance de Dieu; et, d'autre part, une gnose, ou une sublime conscience de l'Etre, source d'une connaissance d'ordre secondaire, ou de son propre être. La première version concerne les initiés normaux, ceux qui ont parcouru les étapes mystiques normales et la seconde, les attirés, autrement dit les aliénés élus par Dieu et qui transcendent spontanément, sans effort personnel ni souffrance, ni peine. Abou Tâlib el Mekki donne, dans son célèbre ouvrage "Qoût El Qoloûb" (Nutrition des coeurs) - qui est le code des Soufis - une troisième version, plus explicite, à savoir : si tu te connais toi-même, et tes propres qualifications devant marquer tes relations avec tes semblables, rebutant, ainsi, toute opposition et toute critique à ton encontre, tu seras amené à mieux connaître Dieu et ses Attributs et à observer le rigoureux devoir de bien agréer Son destin et de te comporter envers Lui de la même manière que tu désires voir les gens se comporter envers toi.
Ces trois versions se complètent et convergent vers le but recherché; dans la synthèse de toutes ces recensions, Es-Souyouti corroboré par Nawawi dans ses Fatawi - fait remarquer que ce Hadith n'est pas authentique. C'est un adage attribué par EzZarkachi et Samâni à Yahia Ibn Mo'âdh-Er-Razi. L'Ethique ..policée" fait ainsi l'objet, d'une multitude de définitions. Les uns comme Ibn Atâa Illah y voient l'obligation de s'astreindre à ce qui est bon, optant constamment, pour le mieux , dans son cheminement vers Dieu. Dans ses états, à la fois statiques et énergétiques, l'initié réalise, alors, l'optimum. Pour d'autres, il s'agit de s'ingénier à policer ses agissements, en s'adaptant exotériquement à la Charia et ésotériquement à la Haqiqa (Réalité), recevant révérentiellement et de bon coeur, tout ce qui vient de Dieu, comme le meilleur des biens à réaliser; les maux eux-mêmes sont considérés comme des bienfaits, étant infimes par rapport à d'autres éventuels plus graves et constituant des primes anticipées, pour le croyant. C'est dans cette vision du bien-être, dans les malchances, du bonheur dans le malheur où réside le summum des accommodations éthiques. Le grand gnostique Abderrahmane Ben Mohammed AI-Fassi rapporte le point de vue avancé, à propos du verset coranique : "Il (Dieu) vous a dotés de Ses biens apparents et internes", par le fameux exégète Ibn 'Abbas qui précise que toute délectation matérielle constitue un bienfait exotérique; tandis que les calamités s'abattant sur l'initié sont, sur le plan ésotérique, des touches divines, initiatrices de bonheur. La nature de toute "politesse" mystique réside, donc, selon ces diverses approches - dans une condition, tendant à assurer au Mourid une perfectibilité des rapports, le liant, d'une part à son Seigneur et, d'autre part, au monde angélique et apostolique, ainsi qu'à tout le genre humain, quelles qu'en soient les catégories et les espèces. Si on s'ingéniait, alors, à analyser ces données, l'éthique "policée" sublime se réduirait - d'après Ibn 'Arabi - à deux versions que l'éminent auteur des (Jawahir el-Maâni) (Perles des Idées) ramène à une seule : une symbiose juridico- spirituelle concrétisée par des actes surérogatoires et des actuations destinées à sublimer tout état comportementiel, et ce, dans un contexte de servilité révérencielle à la Souveraine Magnificence. Cette finalité ne saurait se réaliser pleinement chez l'initié qui demeure assujetti à certaines moeurs vulgaires, l'éloignant de la Présence Englobante. Le profane croit bien faire, mais l'initié, en éludant toute tentation de ce genre, doit trier rigoureusement ses options, pour s'aligner strictement - comme l'exige le Cheikh Tijâni - sur les normes de la Charia et les préceptes de la Tradition prophétique. Toutes les vertus et convenances émanent, au fond, d'une 'caractérisation" innée, actuée par la grâce divine, en dehors de toute potentialité humaine. L'initié est hautement inspiré par une insufflation luminescente de l'Omnipotent, adéquatement qualifié par la Sagesse Théosophale, pour s'adapter à l'Ethique transcendantale, à travers un effort soutenu d'éducation, de mortification et de purification. Cette qualification gît virtuellement, en puissance, tel un nucleus générateur de vitalité formelle. C'est par un traitement et une initiation appropriés que le feu jaillit du briquet et le palmier-dattier du noyau. L'âme, réceptacle du bien et du mal, est façonnée par une acculturation, grâce à laquelle une épuration psychique se double d'une "moralisation" discursive, d'où jaillit, spontanément une éthique "policée". La prédisposition au changement caractériel chez l'homme est une preuve de perfectibilité de sa nature. Ce concept n'est guère infirmé par l'exégèse herméneutique aberrante du verset coranique qui dit : "Pas de changement dans la création de Dieu" ou par l'interprétation superficielle du Hadith affirmant que Dieu a imprimé une forme définitive à quatre des éléments primordiaux, chez l'homme, dont la structure matérielle et le caractère moral. Dieu n'a-t-il pas dit, en parlant de l'âme : "Comme il l'a bien modelée, en lui inspirant son libertinage et sa piété; heureux celui qui la purifie ! Mais, celui qui la corrompt est perdu" (Sourate du Chams (Soleil), verset 8). D'où la nécessité d'un éducateur et d'un guide de conscience, tel le cheikh, par rapport au Mourid, c'est-à-dire le Maître qui aide son disciple à formaliser les virtualités qui existent en puissance. C'est pourquoi, I'éducation est axée, dans notre "voie", sur une certaine liturgie de la Tariqa, substrat de toute initiation, conditionnée par une gamme de litanies dont le dhikr fonctionnel quotidien (= Wadhifa), la récitation hebdomadaire du Nom d'Allah. L'observance des cinq Prières demeure la condition sine qua non, surérogatoirement soutenue par Es-salât ala en-Nabi", invocation de Dieu, pour le salut et la bénédiction du Prophète. Ces actes cultuels doivent être, accomplis, en pleine confiance dans la pure grâce divine, sans mortification, ni effort soutenu dans l'ascèse. Notre voie est effectivement esquissée et ordonnancée par son promoteur apostolique, seigneur et suzerain existentiel, source substantielle des êtres, sublime caution, médiateur agréé de Dieu et unique initiateur.
Le fait que notre Tariqa est dégagée de tout engagement érémitique et isolement du monde, est une marque d'originalité, tel l'Islam dans sa phase initiale où le catalyseur essentiel résidait dans la conformation ésotérique de l'âme et la structuration d'un sentiment plénier de gratitude envers le Pourvoyeur Suprême.
Trois siècles après l'avènement de la Prophétie mohammadienne, tout cheminement transcendantal devait impliquer, sans l'impulsion d'exigences conjoncturelles, un surcroît de mortification de la chair et des passions, de souffrance, d'endurance et de privation.
Deux options opposées qui impriment, respectivement, une procession préalable du coeur ou une démarche strictement corporelle. Point n'est besoin de signaler, dans ce cas, l'excellence d'une adhésion psycho-spirituelle, véritable élan du coeur, sur tout mécanisme purement somatique. Il s'agit, spécifiquement, d'assurer un équilibre adéquat des pulsations spirituelles, en adhérant, sans bigotisme ou resserrement outrancier, traduit par une indélicatesse alimentaire ou vestimentaire. C'est là un échelonnement transcendant des états d'âme, rigoureusement aligné sur un béhaviorisme authentique, qui ne refuse guère une impulsion introspective contrôlée, dégagée de tous caprices fantastiques ou sautes d'humeur excentriques. C'est l'atout approprié pour éliminer de la psyché tous fatras capricieux et lui imprimer une luminescence épuratoire. Tout dépassement excessif des limites légales est décommandé par le Chrâa. Cette ligne de démarcation s'esquisse par une disposition spontanée à obéir et à se soumettre, sans trop - dirait Ibn 'Abbad - de réserves restrictives, mouvements d'austérité abusive ou rigueur puritaine. Les fluctuations de la conscience constituent le ressort foncier de toute ouverture concrétisée par une ferme intention, une forte créativité et concentration du coeur. Maints initiés ont opté, dans leurs errements, pour l'ascèse excessive, négligeant le facteur préjudiciel en l'occurrence, à savoir une dépuration préalable à toute intimité introspective, Tout excès se traduit, en fin de compte, par un dérèglement de l'intellect, un déséquilibre psychique et des troubles somatiques. Cette excentricité dénote une méconnaissance flagrante de la Sounna et de la pratique universelle de la Oumma (communauté). Chaque système a ses inférences ; les flashs épiphaniques de l'un sont impromptus se déclenchant au moment où on s'y attend le moins ; les accès sont alors, libérés, les ouvertures dégagées, grâce à une luminance projetée par l'élan naturel, spontané et sincère du croyant. Le coeur s'épanouit, sous l'heureuse impulsion d'un flux théophanique et d'une effusion sacro-sainte. La résultante se cristallise en une certitude positive suréminente. Les optimums de ce processus ne s'opposent nullement à certaines accommodations cultuelles appropriées tels l'isolement érémitique, la cure de silence et la retraite spirituelle. La tradition authentique corrobore toute pratique non susceptible d'enfreindre les impératifs catégoriques de la loi sociale islamique. Selon le Cheikh Tijani, dans son analyse des mobiles d'une certaine difficulté d'insoumission de l'initié à l'ordre divin et des quelques incartades impertinentes qui marquent ses agissements; ces déviations sont I'aboutissement fatal d'une auto-négligence, c'est-à-dire d'un laisser-aller capricieux incontrôlé.
Le redressement d'un tort quelconque et l'équilibration d'une psychose nécessitent une actuation mortifiante immédiate, suivie de retraite spirituelle, de cure diététique, de concentration liturgique, loin de toutes motivations temporelles ou d'irrésolution. C'est en s'adaptant à la tradition apostolique et en s'ingéniant à dématérialiser les actes volitifs, que l'initié épure les élans de sa trans-conscience. Le Cheikh n'est qu'un directeur de conscience qui initie et oriente. Toute transmutation demeure l’oeuvre exclusive de l'Omnipotent. Dans un autre mémoire, le Cheikh, définissant les obstacles qui empêchent ou compromettent les réalisations de l'au-delà, cite, entre autres mobiles, le penchant du mourid vers les loisirs, les agréments et les plaisirs, croyant atteindre, sans peine, le stade gnostique. Si l'initié a la ferme conviction que toute connaissance mystique n'est que la fruition d'un déploiement régulier d'activités, il redoublera d'ardeur, en brûlant les étapes et en se détachant de ce qui est vain et futile. Toute défection ou défaillance constitue une épreuve d'empêchement; car l'ordre divin ne souffre guère d'infirmation dans les relations de cause à effet, concept péremptoire dans les enchaînements rationnels de notre Monde. Une pleine clarté solaire est fonction d'une dispersion totale des nuages; les éclats d'une vive luminescence ne sauraient jaillir qu'au sein d'un coeur dégagé des velléités mondaines et des virtualités cosmiques, une image virtuelle ne peut, en effet, se projeter sur l'écran d'une conscience impure. Les caprices, qui assaillent le for intérieur, provoquent des troubles psychiques qui obnubilent et éloignent de la Présence Sacro-Sainte. Seul l'avènement de la grande ouverture élimine les perturbations de l'âme, par le flux lumineux de la gnose, sublime connaissance de Dieu. Une incidence ténébreuse, suscitée par une déviation ou une incartade quelconque, affecte la clarté scintillante de la souveraine lumière.
Les plans de l'être ou présences, telle la présence du coeur, sont incompatibles avec toute scorie ou crasse éventuelle. D'autre part, "sois conscient que le Décret infrangible de Dieu à ton égard est bien la situation dans laquelle tu évolues; y acquiescer servilement est la meilleure des options; résigne-toi, donc, à Son acte Volitif et n'aspire guère à un état auquel rien ne te destine". Toute requête a un délai d'exécution; rien ne saurait abréger une échéance. S'armer de patience, c'est savoir garder sa quiétude et son sang-froid, dans l'expectative, c'est-à-dire dans une persévérance qui se double d'espérance. L'espoir est, en l'occurrence, une attente de pied ferme, car fondée sur une Promesse Sublime où Dieu ne s'engage guère à la légère. Un trouble provoqué par des probabilités chancelantes s'éclipse fatalement par une cure de désengagement, au sein d'un concert liturgique harmonieux et irréversible. On ne récolte que ce qu'on a semé. Mais, gare aux perles de culture; un scaphandrier recherche les véritables perles dans les profondeurs.
Cette dialectique est le processus de vulgarisation le plus adéquat par lequel Notre cheikh synthétise la transcendance. C'est là une orientation heureuse, un mode agissant de direction où l'initiateur est un pédagogue qui façonne, en optant pour la meilleure impression des états de conscience. Une lecture romancée, incrustée de contes dépeignant les merveilles des Soufis, est, certes, nécessaire, mais nullement suffisante, pour le déclenchement d'une fruition introspective. La théorie s'extériorise, alors, par une pratique judicieuse et un comportement cultuel bien adapté aux préceptes authentiques. Le mourid doit s'adjoindre un Maître gnostique, doté de créativité, de puissance d'actualisation et de ferme volonté, pour accéder à une félicité totale. L'eau vive de la grâce divine inonde la trans-conscience; un débordement du coeur actue la transcendance des degrés sublimes; une étroite accommodation à l'Ethique est impliquée par les présences, c'est-à-dire les divers plans de l'essence ou de la nature de l'être, source subsistantielle immanente. La morale policée qui s'impose, donc, est le substrat des états et stades dans lequel évolue l'initié. ''L'Islam -dit le Prophète - est cerné par les nobles vertus et les moeurs raffinées". Un acte qui respecte les règles de la politesse - affirme Anas Ibn Mâlik - est susceptible d'être agréé de Dieu. Une indélicatesse dans le comportement est, par contre, une marque de privation. Nulle exemption des exigences de la charia n'est concevable, pour un mourid, quel que soit le degré qu'il atteint, dans la hiérarchie initiatique. Dans ce stade, l'initié est en vision interne de Dieu, dans son invocation; une haute maîtrise pèse lourdement sur ses actes; une pudeur infinie l'astreint à un auto-contrôle, sans faille, seul moyen d'une transcendance. Ainsi donc, chaque étape dans la ''voie'' est commandée par un code particulier de la science des moeurs et de la morale. La première, parmi les trois étapes, est celle de l'Islam ; c'est le stade du repentir ou du retour à Dieu. La rétractation qui en découle est une véritable infrastructure, sorte de quatuor où l'initié tente de rebuter tout contact avec des indésirables, rechercher le soutien moral des compagnons adéquats, fuir les lieux de plaisir illicite et ressentir une vive amertume à la réminiscence de toute luxure antérieure.
La seconde étape est celle afférant à une réadaptation du croyant, lui assurant une probité irréprochable, sur le double plan temporel et spirituel. Il s'agit d'un intégrisme s'accommodant aux rigueurs apostoliques, dans la pensée et l'acte, d'une manière assidue et régulière. En se contrôlant minutieusement, l'initié s'assure : un minimum de pondération dans les élans du coeur, un rebut efficient de tous penchants imaginatifs fondés sur des chimères et enfin, une ferme résolution, dans le credo et le culte. La piété est, dans une troisième étape, un leitmotiv ou motif conducteur, dans le cheminement de tout mourid, qui doit s'ingénier à se libérer, par acquit de conscience, d'un superflu, même licite, dont il peut aisément se passer et de tout excès aboutissant, fatalement, à une rupture d'équilibre. Quant à la dernière étape, celle de la foi, elle se cristallise dans un dévouement total et un fidèle attachement à ses engagements vers Dieu. C'est une servilité faite d'abnégation de soi, d'auto-imputation de défauts et vices, d'appréhension anxieuse, suscitant des invocations réitérées et un surcroît de fidélité. Dans ce contexte, une sincérité objective s'allie à une véracité dégagée de toute défection : l'initié véridique tend, alors, à se purifier, à se libérer de tout psychisme aberrant, s'acquitter, ponctuellement, de tous ses devoirs envers ses semblables dont il doit ménager les susceptibilités, en agissant, avec réserve et circonspection, grâce à une crainte pieuse d'empiètement sur les droits sacrés des êtres, de tous les êtres. Là, une quiétude entière envahit la trans-conscience, mue par cette foi agissante ou cette certitude infuse qui est la marque indélébile de la sainteté. Le coeur devient, alors, le creuset ou réceptacle où se fondent et se confondent toutes les clartés de la Providence et de la proximité de Dieu. Mais, là aussi, toute une gamme d'états psychiques doivent être strictement observés, dont le moindre est le soin méticuleux des intimités secrètes du subconscient. Le flux gnostique, accompagnant, ainsi, les inspirations divines, est de nature à infléchir, alors, les lueurs transcendantes. Une vigilance accrue - dont la grande Sagesse émane de ce processus qui demeure le fil conducteur, dans cette sophia théophanique.
CHAPITRE IV
L’INITIE ET SON COMPORTEMENT
ENVERS DIEU
Ce chapitre essaie d'analyser les attitudes et comportement du Mourid, tendant à lui assurer une parfaite adaptabilité à l'ordre divin , grâce à une modulation appropriée de l'acte cultuel. Les prophètes, sublimes élus de Dieu, sont les êtres les plus hauts placés dans l'échelle des valeurs éthiques. La psychologie du comportement apostolique, vis-à-vis de la Présence divine, est des plus idéales; Introspective et fonctionnelle, cette immanence prophétique est actuée par le souci constant d'une observance, éminemment adéquate aux exigences supérieures du Droit Divin. Dieu n'a-t-il pas couvert d'éloges, dans son Livre Sacré, le caractère Magnanime de Son Messager Sidna Mohammed ? Cette magnificence dont Allah exalte les mérites Mohammadiens englobe l'ensemble des structures psychosomatiques, à savoir la haute manière d'être et d'agir. AI-Hassan AI-Besri interprète ce verset coranique, en mettant l'accent sur une confortation divine qui immunise l'Elu contre toute indélicatesse humaine. C'est le summum de l'Ethique transcendante du Prophète. Le propre de cette grandeur suprême est - d'après AI-Wâsiti - d'éluder, avec adresse, tout mobile de confusion et de malentendu. Un autre aspect de cette morale majestueuse, chez l'initié par excellence, Sidna Mohammed - que Dieu le bénisse - se cristallise - affirme al-Joneïd - dans la créativité et la concentration de son coeur, la puissance de sa volonté et son attachement à Dieu et à Dieu seul. Le verset fait, donc, allusion à ce raffinement subtil qui est une marque de prééminence des principes de la conscience, de la pureté des moeurs et de l'efficience socio-cultuelle des impératifs du bien. En l'occurrence, l'éminent Messager atteint un stade de transcendance où la vue - précise un autre verset coranique - ne saurait souffrir "ni déviation ni débordement". C'est là - fait remarquer l'auteur d'AI-Awârif - un des décrets de cette suprématie sans pair, vers laquelle le prophète transcende avec aisance, grâce à l'équilibre accompli de sa trans-conscience, dégagée de toute velléité de fluctuation. Les élans, chez le grand Initié apostolique, se contrebalancent : une propension transcendante vers Dieu, doublée d'un mouvement élusif qui tend à esquiver ou tourner le dos à tout ce qui éloigne de l'Etre Suprême. Le regard ne doit guère se porter, ailleurs, dans une déviance ou détournement. Le coeur se doit d'éviter tout repentir ou regret de ce dont on s'est sciemment et sincèrement détourné, pour l'amour de Dieu. Le Prophète s'ingénie à se remémorer, par évocation révérencieuse, les faveurs, les grâces et les touches divines de la Nuit de l'Ascension. Ce sont là des dons providentiels que l'intellect ne saurait ni imaginer ni valoriser. Dans sa sublime trans-conscience, le Messager de Dieu ne se permet nulle transgression des convenances de la Présence. D'où, chez les Soufis, cet état mystique exécré et abhorré, car imprégné d'aise et d'allure de dilettante, handicaps dirimants irrémissibles.
Cette sublimité de l'âme est un mouvement d'esquive de Dieu vers Dieu : subtile finalité d'une Ethique supérieure, mue par une initiation gnostique agissante.
Le lot qui échoit à l'initié apostolique, dans ce processus de transcendance, est hautement préférentiel. L'auteur des ''Awârif'' en fait une minutieuse analyse, en se référant à l'exégète Sahl Ibn Abdillah, dans l'interprétation du verset coranique qui dépeint la perception conceptionnelle du Prophète, s'inspirant, exclusivement, des approches sublimement inculquées. Les qualifications éminentes, qui en découlent, impriment à l'âme une ferme constance, Ibn 'Arabi en tire, pour le soufi, la nécessité de se raffiner, de s'armer de dignité, de crainte révérentielle, dans le concert de la grande gnose. Son esprit ne saurait, en l'occurrence, être envahi par des visions et des combinaisons imaginatives. Sur le double plan exotérique et ésotérique, il ne doit guère sombrer dans une intellectualisation excentrique, une obnubilation capricieuse et un emportement passionnel irréfléchi. Une lucidité objective est seule susceptible d'imprimer à l'esprit une nette distinction entre le faux et le vrai, le bien et le mal. Tout un flux d'impondérables, de qualifications indicibles, émane, ainsi, d'un Esprit purifié dont la fine Ethique "policée" est une marque indélébile d'une parfaite et inimitable connaissance de Dieu. D'autres herméneutiques spirituelles
synthétisent les dimensions infinies de ce Verset coranique qu'on essaierait, vainement, de récapituler, dans ce sommaire contexte. La sublime Ethique comportementielle du Prophète, sa stricte observance des hautes convenances, dues à la Présence divine, ne sauraient être expressivement dépeintes ni foncièrement délimitées. C'est le domaine du surnaturel ineffable !
Notre maître, le Saint des Saints a pu, dans une syncrétisation très évocatrice, résumer toutes ses variantes. "Quand - précise-t-il - le Prophète - que la bénédiction et le salut soient sur lui - avait intégré l'impénétrable Plénum proximal de stabilisation de la Suprême Présence, il était, déjà, impeccablement imbu de l'Ethique des bienséances, ayant parachevé ses volitions et s'étant acquitté, à plein, des exigences fonctionnelles de l'Ordre Divin. Il est, alors, à même de percevoir et de recevoir les subtils secrets et les actuations théophaniques du plan de l'Etre, dans le double contexte exotérique et ésotérique de la gnose, et, à travers l'émanence exclusive des intimités de la Présence divine. Dans tout ce processus, le Messager de Dieu ne cesse d'observer, avec fermeté, les convenances "occurrentes". Il ne saurait fléchir, même d'un clin d’oeil, ni enfreindre le moindre des droits épiphaniques, auxquels il s'astreint servilement, sans faille, déviance ou simple écart des perfectibilités de l'Heure. Les cycles de l'existence, avec tout ce qu'ils comportent de phénomènes opposés (bien, mal, attrait, rebut, don, privation, statisme, énergétisme ou chromatisme) sont confrontés, avec bonheur et constance, dans les élans du Prophète.
Ces manifestations existentielles de la conscience se déploient, aussi, dans un cadre théophanique, dans le contexte des Noms et Attributs de Dieu, à travers les évolutions imaginatives, volitives, suggestives, conjecturales et discursives". Ces séquences coraniques, que nous venons d'évoquer, esquissent une fresque suffisante à démontrer le raffinement plénier de l' ''ethos" spirituel prophétique. Mais là, l'Ethique externe n'est, chez tous les prophètes, que le reflet d'une fine épuration interne. Les apôtres se réfèrent à Dieu comme l'Initiateur exclusif, la source unique et péremptoire de toute émanation ou inspiration. Ils ne s'arrogent nul pouvoir dans l'actuation des choses. "La Terre a été déployée - dit le Prophète Sidna Mohammed - devant mon regard, ses continents furent alors présentés à mes yeux". Il ne s'est guère attribué une vision directe, sans l'aide de Dieu; il s'est donc avéré, par cet humble geste, digne d'une stricte accommodation aux subtiles exigences présentielles. Dieu rapporte dans le Coran que Job s'écria, en ressentant une souffrance physique intense : "Ô Mon Dieu, le mal m'a éprouvé et tu es le plus Clément parmi les Cléments !". Abou Ali ed-Deqqaq, commentant ce verset, précise que Job s'est montré conscient des convenances de la Présence, en s'abstenant d'invoquer, directement, la clémence divine. La réplique de Jésus fut, aussi, des plus "policées" en l'occurrence.Le Seigneur, en lui demandant s'il a vraiment osé dire aux gens de l'adorer, lui et Marie sa Mère, il ne chercha guère à se disculper et se contenta de répondre : "si je l'avais bien dit, Tu l'aurais su". Ceux qui se sont le mieux accordés avec les comportements des Envoyés de Dieu, sont les heureux compagnons de Sidna Mohammed. Sa fameuse épouse Aïcha n'a-t-elle pas qualifié les caractères mohammédiens de coraniques, fine et énigmatique allusion aux qualifications divines. Douée d'une délicate pudeur, elle n'a guère osé se permettre de qualifier de divines les attributions caractérielles du Prophète. Elle s'est cachée derrière le voile coranique, pour se dérober des Splendeurs embrasantes de la Haute Majesté qui inspire une pieuse crainte. Néanmoins, les grands maîtres soufis tels Ibn Arabi et Cheikh Tijani ne manquent nullement de parler d'exemplification divine, en tant que manière sublime de se caractériser divinement, en s'inspirant servilement des Attributs de Dieu; le soufi tire de chaque Attribut l'élément qui sied à sa nature humaine vassale. Autrement dit, il prend, entre autres, comme modèles, la Miséricorde, la Clémence et la grâce de Dieu, pour asseoir et stimuler sa propre compassion aux misères des autres, dans la mesure de sa faiblesse et de son impuissance. Cette caractérisation peut, ainsi, se modeler, en nous, sur l'ensemble des Attributs pouvant être pris comme sources d'inspiration. Point n'est besoin de souligner que les propos soufis ne doivent aucunement être interprétés comme une allusion à une quelconque inclusion ou incarnation de la divinité dans l'humanité. C'est là une indéniable marque d'hérésie. Il ne s'agit que d'une simple infusion de touches divines. Dieu seul est Absolu. Tout, chez l'homme, est relatif. Une conformation adéquate s'ensuit, chez les Sahaba (compagnons), par comparaison avec le
Prophète, aux initiés, par rapport à leurs maîtres. Toute une Ethique s'est élaborée sur cette assise traditionnelle.
Une luminescence se reflète réversiblement, en jaillissant dans le sens inverse, ramenant l'initié raffiné à transcender hiérarchiquement vers Dieu.
Les marques spirituelles imprimées sur la conscience des Cheikhs à leurs mourids qui s'ingénient à se modeler, reflétant ainsi, sur leur pur miroir, l'image authentique de l'Initiateur. Grâce à ce modelage adéquat, façonné à l'image de Dieu, la substance de leur véritable nature s'extériorise, sans se démettre de leur assujettissement vassal au Seigneur, Initiateur des Mondes. Jilani Abdelkader, dont les concepts font l'objet d'un soutien assidu du fameux salafi Ibn Taimya, dans ses "Fatawi'', tomba dans la grave méprise sur les éclats divins et lucifériens. Il ne manqua pas de s'en apercevoir, conforté par la ferme stabilité de son âme. De ce processus transcendantal, le gnostique dont la trans-conscience se dépure constamment, tire les enseignements qui stabilisent ses attitudes révérencieuses, au sein de la Présence. Il ne se permet jamais des familiarités, dans cette haute Audience. Al-Quochaïri rapporte qu'Abou Ali ed-Deqqaq ne s'autorisait, en aucune façon, le libre geste de s'accouder, par pudeur vis-à-vis de cette Présence. Il évitait, toujours, indiscrètement les accoudoirs qu'on lui offrait. Es-Sariy es-Saqati raconte avoir entendu une voix qui lui disait, une nuit, au cours de ses litanies, alors qu'il s'étendait les pieds dans le Mihrab : Ô ! Sariy, c'est ainsi qu'on tient audience au Roi?!". Il retira immédiatement les jambes, pour ne jamais les étendre, de toute sa vie. Il demeura, ainsi, - précise AI-Joneïd durant une soixantaine d'années. Une autre anecdote est citée dans "AI-Awârif'', à propos de la grande mystique, Aïcha la mékkoise, qui dut avertir un collègue tombant, par mégarde, dans une même incartade, de risquer son élimination du Registre des Elus. Le Cheikh Tijani en fait - d'après l'auteur des "Jawâhir" -une des assises de sa vole, rappelant constamment les commandements de la Sounna, en l'occurrence. Jamais, il n'osa élever sa voix, s'allonger ou cracher dans la mosquée. Cet ouvrage est incrusté de concepts et préceptes, définissant la nature et les dimensions de cette haute politesse spirituelle. Il ordonna à un de ses mourids, dont une demeure est contiguë au Tombeau du vénérable Moulay Idriss à Fès, de ne point orienter ses pieds vers l'édifice sacré, par révérence pour un serviteur de Dieu aussi bien aimé : La conscience du Cheikh Tijani est pénétrée du souci constant de s'aligner rigoureusement sur les normes de la Charia, à tous les niveaux cultuel et comportementiel, préférant s'abstenir, en cas de doute et agir avec circonspection, tact et doigté, dans toutes les instances. Il ne relâchait guère son attention, ni celle de ses adeptes et partisans, les tenant en haleine, dans un amour passionné du Prophète, des siens et de tous ses collègues dans la voie. Il réagissait vivement contre tout écart de conduite ou de langage, grâce à la vivante créativité et à la forte concentration de son coeur, imbu d'une pureté à toute épreuve. C'est là le cachet normal de tous les élus de Dieu, quelles que soient leurs optiques et leurs options. Ce chapitre ne se prête pas à une longue digression dans ce domaine. Nous nous contentons, donc, de ce bref aperçu assez évocateur. Cependant, il convient de mieux développer certaines approches dont l'analyse tient à coeur à tous les Soufis, soucieux de s'assurer un conformisme intégral. Un des exemples typiques se cristallise dans un manque d'égard, durant les litanies où l'Elu ne doit nullement s'autoriser un état mystique débordant d'aise et d'espoir, qu'une crainte pieuse ne refrène guère. Tout geste doit être bridé, sous les rênes de la Sounna, avec une résignation, sans fatalisme, à la Volonté de Dieu. On doit, certes, agir et agir toujours selon les normes psycho-discursives, quelles que soient les inférences de l'acte accompli. Mais, il faut ménager certaines subtilités et susceptibilités impondérables. Sur certains plans, l'action devient une inertie. Il faut en mesurer et peser toutes les latitudes. Zarrouk, prévôt des Soufis et auteur de leur code, cite le cas du grand Messager Abraham qui, jeté dans le brasier par Nemroud,se vit intercepté par l'Ange Gabriel qui lui demanda : "0. Abraham ! As-tu besoin de quelque chose ?", "Pas de toi, mais de Dieu", lui répondit-il. "Invoque-le donc?". Et Abraham de répliquer, dans un élan de confiance infinie en Dieu : "La pleine conscience divine de mon état me dispense de toute invocation !". Le Cheikh Zarrouk essaie d'expliquer la nature de ce geste abrahamique, en précisant que c'est le comportement normal des Soufis qui ne conçoivent un retour à Dieu qu'après avoir épuisé exhaustivement, toutes les motivations psycho-somato-discursives. Des anecdotes sont alors, notoirement citées, comme celle de la Mère de Moïse, le bébé, le plaçant, par inspiration supérieure, sur un radeau en aval du Nil, près du Palais Royal, pour
être recueilli et adopté par Pharaon. Là aussi, le mobile rationnel qui l'a incitée à agir, ainsi, est manifeste. Le Mohtassib (prévôt) des Soufis met en exergue, par souci de clarté et de précision, trois tendances chez les initiés, au cas où il s'avèrerait impossible de recourir à des facteurs matériels déterminants. Ils ne peuvent guère, alors, que se résigner à l'actuation divine, se confier, par sincère invocation à Sa providence et profiter, enfin, de ces embarras, pour en appeler, avec insistance, en serviteur impuissant, à Sa clémence. Chaque situation nécessite un comportement adéquat, dans le contexte général d'une éthique appropriée. Mais, dans ce triple processus, la conscience servile de l'initié demeure le promoteur sublimement agréé, grâce à son sincère catalyseur humain. La foi efficiente est celle qui demeure foncièrement humaine, sans duplicité ni déguisement. Une double motivation doit, donc, marquer tout élan et toute option, chez l'initié, à savoir : agir constamment, sans se soucier des impondérables péremptoires et se fier à Dieu, en dernier ressort, en cas d'empêchement dirimant. Le Coran dépeint, spécifiquement, ces deux approches, dans un verset proverbial :
"Quant tu auras pris la décision d'agir (c'est-à-dire un ferme planning), fie-toi à Dieu!
Les préceptes avancés par le Cheikh Tijani, pour asseoir ces données de la haute éthique spirituelle, sont corroborés rationnellement et ésotériquement par leur à-propos et leur pertinence, dans la structuration du comportement social de l'initié et de ses attitudes raffinées, grâce auxquelles il essaie de transcender vers le Plénum. La trans-conscience elle-même est façonnée, dans ses coins et recoins les plus secrets, pour se rallier au temporel et s'aligner humainement sur des concepts psychosomatiques. Trois séquences récapitulent les fines recommandations du Cheikh Tijani, tendant à modeler les invocations litaniques, dans une liturgie efficiente du Mourid. Dans ses élans implorateurs, l'initié se doit de se référer au Décret volitif, pour actuer sa propre volonté, au cas où l'objet des invocations serait d'une d'une finalité inconnue, confuse ou douteuse. Là, la pure connaissance hiérophanique ne s'oppose guère au processus humain de causalisation. L'initié, tout en se fiant à la décision infrangible de son Seigneur, à Son impératif actif, ne se défait nullement de ses initiatives agissantes. Là aussi, le leitmotiv demeure le même : agir pleinement, tout en se résignant, dans un abandon confiant et un conformisme à l'exemple du Prophète, toujours en quête des gracieusetés divines. C'est l'amour de Dieu qui, dans toute actuation de l'être, doit susciter, en dernier ressort, chez le gnostique, un sentiment de co-dépendance éternelle où le contingent relatif est façonné par l'Absolu. La concentration de l'entymésis, c'est-à-dire de la pensée et de l'intention, réside dans l'orientation vers le Soi et la béate expectative de l'infusion des touches divines. C'est le stade transcendental d'une fugue mystique, d'une escapade de toute sensation externe où le coeur égayé est régénéré au contact de l'Aimé. Tout caprice de l'âme ou lubie est alors éliminé, sous l'effet des Splendeurs Embrasantes de l'Etre Infini. L’impression de l'irréel, dans une telle conjoncture, peut susciter une vive réaction du sens temporel. Néanmoins, il ne s'agit là, que du côté spiritualité opposé au côté matière, dans l'équation humaine où le subconscient corrobore le rationnel. Ce problème, considéré, jusqu'ici, par la science comme entier, touche au fond un point essentiel de la connaissance : l'existence d'un dualisme sujet-objet, d'une unité psychologique du Monde et de l'homme, de la nature de cette "substance", dans laquelle on commence à entrevoir une éventuelle expression de l'être psychique. L'évolution sensationnelle des sciences physiques, biologiques et psychologiques, depuis le début de ce siècle, a bouleversé certaines notions traditionnelles et mis en exergue la nécessité d'une révision radicale de certains concepts anciens. L'idée d'antagonisme classique de l'Esprit et de la matière est, sinon battue en brèche, du moins fortement ébranlée. La science met ainsi en évidence l'unité énergétique de l'univers et la profonde corrélation entre la physique et la biologie, d'une part et la psychologie, d'autre part. Déjà, l'idée de complémentarité entre faits jugés contradictoires, vient d'être introduite en physique par W. Heisenberg et Niels Bohr qui en font, désormais, l'une des clés fondamentales, permettant à l'homme d'accéder à la compréhension du paradoxal, sinon de l'incompréhensible. Le physicien Alfred Herrmann n'a pas hésité à avancer, avec assurance, que l'électron qui est le constructeur et l'animateur de tout ce qui est vivant, est "la seule unité matérielle qui puisse entrer en contact direct, avec le psychisme individuel, aussi bien que cosmique". La science progresse à pas de géants. La métamathématique, vers laquelle s'orientent les savants, est la science de demain qui démontre l'existence d'une réalité intemporelle, se situant au-delà de nos catégories
d'espace-temps, c'est à dire l'existence de formes subtiles de l'énergie, et d'une superstructure psychologique. En clôturant le cycle d'équilibration entre le conscient et le subconscient, la psychologie, ainsi rationalisée finira par réagir bénéfiquement à la thérapeutique spirituelle, marquant l'authenticité et la véracité de la vision intuitive mystique.
CHAPITRE V
FIDELITE ET ESPRIT CHEVALERESQUE DU MUSULMAN
Les devoirs et obligations, incombant aux compagnons et frères, dans la vie initiatique , constituent le compendium caractéristique de l'Ethique soufie. C'est l'immunothérapie spirituelle dans le processus d'ascension vers les sphères de la Présence Divine. Cette jurisprudence mystique rigoureuse forme, notamment dans l'optique Tijanie, le substrat de toute transcendance, "car - souligne le Cheikh Tijani - quiconque manque à ses devoirs, en négligeant les droits de ses frères, risque l'épreuve de faillir au respect dû aux Droits d'Allah". Le promoteur de notre Tarika, a exprimé, à maintes occasions, son souci d'élaborer un Traité sur la manière raffinée de vivre et d'agir, chez l'initié, marquant, ainsi, le caractère péremptoire de cette politesse comportementielle, véritable catalyseur qui déclenche tous les élans de la conscience. C'est là, certes, un degré sublime dans l'échelle des valeurs et les maîtres de la voie en font le motif conducteur (leitmotiv). Les hommes de la foi ne sont-ils pas - d'après le Coran - de véritables confrères ? Dieu a unifié leurs coeurs, dans une harmonieuse cohérence, car ils s'ingénient constamment à se créer une mutuelle affection de leur Seigneur. "Seul cet amour en Dieu persistera - affirme un Hadith - Le Jour du Jugement. Tout lien de parenté ou mobile de corrélation disparaîtront, à l'exception de l'amour pour Dieu. "Les amis deviendront, alors, des ennemis, hormis les gens de piété" (verset coranique). Le Calife Omar que le Prophète considérait comme un digne modèle à suivre et un porte-parole exprimant la vérité émanant de Dieu, a dit : "Attachez-vous aux frères sincères et véridiques, pour vivre dans leur ambiance, car ils sont une parure, en période d'aisance et un soutien, en cas de détresse". L'auteur des Awârif rapporte d'autres propos d'Omar, à savoir : "Si un homme jeûne toute sa journée, prie Dieu tout le long de la nuit, accomplissant ses aumônes canoniques et se sacrifiant dans les guerres saintes, sans chérir ou détester, pour l'amour de Dieu, ses actes ne lui profitent guère". Un véritable attachement à Dieu implique une confraternité sans faille. Sahrawardî, citant AI-Qocheïri - rapporte encore les paroles d'Abou Bekr Tamsatâni : "Cherchez la compagnie de Dieu; si vous ne le pouvez pas, cherchez celle de ceux qui tiennent compagnie à Dieu : leur baraka saura vous y faire parvenir". Le même auteur cite le Cheikh Ali Ibn Sahl qui dit : "Se délecter d'une présence auprès de Dieu, c'est se déplaire en la compagnie de personnes autres que celles marquées par la sainteté". Dieu révéla à David : "Ô ! David, pourquoi je te trouve solitaire, menant une vie à l'écart des gens?". Il répondit : "Ô ! Mon Dieu, j'ai détesté le monde, par amour pour toi !". Le Seigneur lui répliqua : " Ô ! David ! sois vigilant et fais-toi des frères, en rebutant tout compagnon qui ne t'aide pas à t'assurer Mon agrément; c'est un ennemi qui endurcit ton coeur et t'éloigne de Moi". La fraternité entre initiés comporte, donc, des droits et des devoirs identiques à ceux découlant d'une parenté ou d'une alliance : elles ont des trames similaires. Bien mieux : la première qui lie deux frères spirituels, prime l'autre. "Une parenté religieuse - affirme Zarrouk a la prééminence sur tout lignage généalogique". Questionné sur l'acception du verset : "Les parents ont des droits prioritaires à la bienveillance ou à la bienfaisance", Ibn 'Arabi répliqua impromptu : "Les parents - ici sont les proches de Dieu". Cette camaraderie, qui englobe les proches et les compagnons les plus familiers, est fondée sur une double approche temporelle et religieuse. Deux frères spirituels, notamment, se conjuguent les efforts et se corroborent, profitant l'un des connaissances et contingences sociales de l'autre. "Le Moumin - affirme le Prophète - trouve un réconfort en la personne d'un frère ami"... "Deux moumins - précise-t-il encore - se soutiennent l'un l'autre tels deux appuis dans un édifice". Un des avantages de cette cordiale fraternité est - d'après el-Awârif - de dégager les pores de tout ce qui les encombre et en obstrue les orifices, débouchant sur les canaux de l'âme, libérant ainsi les accès à la connaissance, grâce à un renforcement de la vision intuitive luminescente et aux flux mutuels.
Un adage devient courant chez les soufis, à savoir : "Quand un initié réalise un état, son ambiance en profite". Les élans d'affection qui animent un compagnon sont le degré le plus bas, dans l'échelle des valeurs mystiques ; mais, un simple accompagnement des initiés vaut mieux qu'un manque total d'intégration dans leur concert; le Prophète précise, en effet, dans un Hadith : "l'homme s'intègre avec ceux qu'il aime". L'auteur de l'lhiâ incite le croyant à chercher la compagnie des pieux, armé d'un amour sincère, d'un fidèle attachement et d'un abandon confiant. Le grand 'Arif, Abderrahman Ben Mohammed El-Fassi conseilla un mourîd qui se tenait à l'écart de ses frères, en se contentant d'égrener son chapelet et de lire sa planchette : "Ce n'est point là la voie sublime des initiés qui doivent, au contraire, se contacter effectivement les uns les autres, dans un brassage ferme et constant". Deux êtres, qui se touchent, se fécondent, ainsi, spirituellement. La partie vivante, dans l'un, s'insère et se greffe dans le subconscient de l'autre. C'est un sérum thérapeutique, fertilisant, grâce auquel les deux initiés s'immunisent mutuellement, contre les effets maléfiques qui faussent l'évolution transcendante des gnostiques. Ces inférences ont une profonde efficience. Le bien, comme le mal, se communique d'individu à individu. Un heureux compagnonnage est un support matériel, dans la vie temporelle, un bon soutien, en toutes circonstances, et, surtout, un élément d'intercession auprès de Dieu. Un saint intervient en faveur d'un initié de degré moindre. Tout confrère peut refuser, dans l'au-delà, l'accès au paradis, s'il n'est pas accompagné de l'homme auquel le liait une fidèle amitié, en ce Bas-monde.
C'est là une touche subtile qui rehausse le frère spirituel, au niveau de son ami. Le mourid doit, donc, s'ingénier à faire un choix judicieux des connaissances qui seraient, le cas échéant, dignes d'intercéder pour lui. Là, réside vraiment le secret de la prééminence d'une fraternité cordiale entre Soufis, des droits et devoirs qui en découlent et du sublime raffinement de leurs rapports. Ibn 'Abbas n'a-t-il pas dit : "les hommes sont, pour les hommes, les seuls éléments de nuisance", car le mal, tout le mal, provient d'une connaissance indigne qui peut vous nuire, parfois inconsciemment, en croyant vous avantager. Dans une telle occurrence, tâchons de redoubler d'ardeur dans nos invocations, pour que nos options soient adéquates. Les mourids Tijani en font grand cas, appréciant, sciemment, l'efficience d'une alliance si précieuse ! Une amitié si ferme est la structuration originelle et le signe indélébile d'une heureuse initiation. Dans cette délicate conjoncture, tout élan optionnel constitue une assise et un tremplin d'où se déclenche tout le futurisme psychique du nouvel initié. Les conditions d'accès à la Tariqa (la voie), c'est-à-dire dans le concert des compagnons sont, pour cette raison, très rigoureuses. Autant on est libre dans son choix initial, autant on est strictement lié, par l'inflexible voeu d'engagement. Là aussi, le conditionnement s'identifie, comme en psychologie, à l'établissement d'un comportement, déclenché par un stimulus qui, au lieu d'être artificiel ou mécanique, est, ici, de nature à provoquer, par contre, une réaction comportementielle, un certain courant de pensée. Il s'agit, alors, d'un processus susceptible de perturber l'équilibre physiologique, s'il ne répond, pas exactement, à un stimulus transcendant. Un compagnonnage heureux nécessite une mutuelle identification des caractères moraux et spirituels des deux êtres cordialement associés. Il implique, inéluctablement, une réciprocité dans le soutien moral et temporel, dans les marques d'amour et d'altruisme, dans les intimes élans du coeur. Une véritable initiation ne se cantonne guère dans des actes et rapports purement cultuels; elle se cristallise en un souci constant d'éviter, non seulement des empiètements quelconques, mais de simples indélicatesses. Elle s'exprime par un désir de servir, d'aider et de protéger, un tact et une prévenance raffinée, un sentiment de compassion, à toute épreuve. "La complaisance et la bienveillance sont - précise le Prophète - le summum de la raison". "Toute pratique, toute oeuvre initialement légale, devraient être exclues ou mitigées, si elles risquaient de dégénérer en élément de discorde. Une franchise brutale qui blesse n'est plus une qualité. Le mensonge qui pallie un danger, qui réconcilie deux êtres séparés, est un acte très méritoire. Bien mieux, une bonne intention est susceptible de légitimer un acte originellement illégal". Toutes ces attitudes se résument en un comportement général que le mourid doit, constamment, contrôler, car la foi par excellence se manifeste - affirme encore le Prophète - par un bon comportement envers les hommes". (Tabarâni); cette foi comporte plus de soixante dix branches : la branche la plus infime consiste à écarter d'une voie publique tout obstacle pouvant nuire aux passants". (Hadith rapporté par tous les Sounan, à l'exception de Mouatta Mâlek). C'est cette foi, aussi, qui subjugue le croyant, en l'empêchant d'être perfide et scélérat".
D'autres traditions du Prophète définissent, par une claire exemplification, les fondements, les contours et les leitmotivs de cette foi. Un initié accompli ne saurait rechercher la pureté dans l'isolement, car, précise encore le Messager de Dieu :"Le croyant qui fréquente les hommes, en opposant la patience à leurs méfaits, a plus de mérite que celui qui les fuit, par répugnance à une éventuelle atteinte qu'ils pourraient lui porter" (Moslem et Ibn Hanbal).
"Tout croyant est, vis-à-vis de ses frères, comme un miroir, dans lequel se reflètent leurs défauts" (Idem); bref, "la foi, c'est aimer et servir. La turpitude et l'indécence sont les plus vils des caractères qu'un croyant puisse avoir" (Idem), la pudeur et la justice contre soi-même, en sont un grand signe. "Ô croyants ! observez strictement la justice... dussiez-vous témoigner contre vous-même, contre vos parents, contre vos proches". (Sourate des Femmes, verset 134). La valeur du geste d'un mourid est hautement appréciable. "Quelle est l'aumône la plus méritoire demande-t-on un jour au Prophète ? "C'est : répond-il - le sacrifice consenti, dans un but humanitaire, par un pauvre dont les moyens sont très limités". (Nassaiy et Abou Daoud). Dans un autre hadith, le Prophète précise "qu'une simple obole donnée en aumône par un pauvre, vaux mieux qu'une centaine de milliers accordés par un riche.." (Nassaiy). La qualité de l'acte du mourid, vis-à-vis de son compagnon dans la voie, réside, en effet, davantage dans le sacrifice et le sens d'abnégation, que dans la valeur matérielle du don. "La véritable richesse n'est pas dans l'aisance matérielle; c'est, plutôt la richesse de l'âme et le sentiment qu'éprouve le moumin d'être comblé par Dieu. Tout appartient à Dieu; le fidèle n'est que le dépositaire de ses propres biens. Tous ses comportements doivent s'y adapter. Mais, la réciproque est vraie : les uns sont tenus à prodiguer leurs bons conseils aux autres, à condition de s'épargner la susceptibilité, de ménager les bénignes options et d'accepter, de bon coeur, toute intervention fraternelle. Le célèbre compagnon du Prophète Abdellah Ibn Omar n'a-t-il pas dit : "Qu'Allah enveloppe de sa compassion quiconque me fait offre de mes défauts". Le Coran dénigre ceux qui se rétractent, en refusant les sincères avis de leurs fidèles amis. Néanmoins, quelles que soient les conjonctures, les deux compagnons ne doivent aucunement se garder rancune; bien mieux, en cas de désaveu formel de l'un, l'autre tâchera d'intercéder, en invoquant Dieu, en sa faveur. Une confraternité ne saurait souffrir une simple confrontation, à plus forte raison un affrontement. Les pouvoirs bénéfiques que recèle une liaison non altérée et non truquée, risquent, alors, de s'évaporer. Le Cheikh Tijani a esquissé, dans ses recommandations aux "foqara" de Fès, des fresques palpitantes, en définissant le conditionnement rigoureux et imperturbable d'un conseil adéquat, devant être donné et suivi, sans intention dissimulée, ni même un empiétement inconscient.
Mais, peut-on se permettre de rebuter un ami récalcitrant et récidiviste ? Le fameux Abou Dharr dit : "Si un ami change de comportement, en se rabaissant, je l'abhorre pour les mêmes raisons qui m'ont porté à l'entourer de mon affection". Pour d'autres, ce qu'il faut exécrer, c'est l'acte et non la personne, car le Coran incite à un simple dégagement de responsabilité à l'encontre d'un désobéissant et non à un désaveu. En haïssant l'acte indigne, on peut, aisément, se rétracter soi-même, en cas de repentir de l'ami fautif. Le rebut total ne doit avoir comme motivation qu'un apostat, altérations de credo ou désengagement, c'est-à-dire renonciation expresse à un élément essentiel de la foi. Dans toute autre occurrence, on doit rester près d'un ami en détresse morale, en s'abstenant de toute diffamation ou médisance. L'éminent messager d'Allah n'a pas ménagé sa réprobation à un diffamateur, en lui disant : "ne sois pas parmi ceux qui aident le Cheitân (Satan) contre ton frère". Cette attitude compatissante est plus exigible, si celui qui manque à son devoir n'est pas étranger au concert des initiés. Le tact et le doigté sont, alors, de rigueur.
Le Calife Omar avait - dit-on - un ami qui émigra à Damas; on lui rapporta, un jour, que cet ami tomba dans des vices dont l'alcool. Il lui reprocha cet écart de conduite, dans une cordiale lettre de semonce, en lui rappelant certains versets coraniques sur le repentir. L'ami récalcitrant pleura, alors, d'un vif remords, en se remettant de ses incartades.
Point n'est besoin de souligner, donc, qu'un compagnon accommodant, complaisant et d'humeur facile, est l’ami idéal, dégagé de tout esprit critique, manie de blâmer, de dénigrer, de juger sévèrement ; il doit, également, éluder toute compétition qui le mettra en rivalité concurrente avec son confrère. Il faut savoir glisser sur un thème brûlant qui affecte, désagréablement; l'âme d'un initié est dans l'obligation de se dépurer, en se débarrassant de tout élément qui souille, pollue, altère et éloigne du point de référence cristallisé par la
tradition authentique et la sounna bien entendue. Tout écart, qui dénature et tronque l'élan spontané du croyant, se reflète, dans ses moindres failles, sur le miroir purifié de l'âme. Une conscience initiée s'en ressent durement. Entre cette propension à esquiver, discrètement, tout facteur susceptible d'imprimer un mouvement excentrique et le véritable altruisme, il n'y a qu'un pas, vite franchi par l'initié inspiré. Les Ansârs, compagnons du Prophète, qui l'avaient soutenu à Médine, furent les amis modèles qui surent céder, de très bon coeur, une grande part de leurs biens, à leurs frères les Mohâjirines, émigrés de la Mekke. Ce fut, là, le geste idéal qui sert encore d'exemple aux vrais soufis, attachés aux notions et valeurs transmises par la tradition. D'autres anecdotes palpitantes et émouvantes dépeignent la morale sociale mohammadienne qui atteint le plus haut degré de perfection. Certes, les impératifs d'ordre communautaire créent, entre confrères, au sein de la congrégation, une co-solidarité qui prime toute pratique dévotionnelle.
L'heureuse note de concordance, qui sublimait la cité islamique d'antan, a été, malheureusement, faussée par une déviation des concepts et des principes coraniques, qui font de l'altruisme le substrat et le critère de la foi véritable. Un égoïsme, à propos même des choses de l'au-delà, doit être banni d'une âme croyante. Plus le caractère de l'initié est d'une transcendance altruiste, plus son grade initiatique est élevé. Le bonheur spirituel est, ainsi, l'apanage d'un altruisme intégral, sans faille. Un véritable soufi est, constamment, soumis à de dures épreuves qu'il doit affronter, avec courage, sans récriminer et sans se plaindre. C'est le point central du recyclage où l'initié est projeté, dans un processus complexe, où tout son potentiel moral est mis à contribution. Mais, là encore, le point de mire est la Sounna. Si la foi implique la conviction qui s'identifie à un attachement indéfectible à Dieu et à la morale transcendante, elle se manifeste, surtout, par une sublimation du comportement individuel. Le croyant n'est pas immunisé contre les graves péchés. C'est un être humain, exposé à tous les risques. Néanmoins, il ne perd que, momentanément, sa foi, tant qu'il ne s'est pas repenti. Une rétractation doit être ferme et sincère, par un retour à Dieu, accompagné d'attrition, de confusion, de pudeur. "Quand un croyant a commis l'adultère, la foi en Dieu se détache de son coeur - précise le Prophète -, tant qu'il n'a pas mis un terme à son péché" (Abou Dawoud). Mais l'acte irrémissible, c'est l'atteinte portée au droit, à l'honneur et à la dignité d'autrui. "Le bon croyant ne profère contre personne des malédictions, des calomnies ou des propos grossiers" (Moslim et Ibn Hanbal). "Ne peut être considéré comme croyant, celui qui mange à satiété, pendant que son voisin meurt de faim" (idem).
Un autre hadith - rapporté par Boukhari et Moslim - résume les grandes lignes de ce grand code soufi : "Trois qualités sont le propre de celui qui goûte la douceur de la foi: aimer Allah et Son Messager plus que quiconque, aimer autrui par amour pour Allah et abhorrer le retour à l'hérésie, comme on exècre d'être rejeté dans l'Enfer". Tabarâni en ajoute deux autres : le fait de ne pas se laisser entraîner par une dialectique qui cherche à dénier la vérité et l'élan qui vous porte à saluer tout le monde (c'est-à-dire à être pacifique avec tous) et à être juste, même contre vous-même. Une septième caractéristique de la foi a été soulignée par Bezzar dans son Mousnad : il s'agit de "la tolérance et de la clémence, à l'égard de toute stupidité ou sottise". "Le mounâfiq (c'est-à-dire l'infidèle qui se déclare musulman, en cachant sa mécréance) se distingue - rapportent encore Boukhari et Moslim - par trois signes : émettre des propos mensongers, ne pas tenir sa promesse et trahir la confiance placée en lui". Et Moslim d'ajouter... même au cas où le Mounâfiq pratiquerait la prière et le jeûne". "La piété ne consiste pas à tourner son visage vers l'Orient et l'Occident, la piété consiste à croire en Dieu, au Jugement dernier, aux Anges, au Livre et aux Prophètes : elle consiste, aussi, à donner son argent, pour l'amour de Dieu, à ses proches, aux orphelins, aux pauvres, aux voyageurs (en détresse) et aux mendiants; être pieux, c'est encore racheter les captifs (c'est -à-dire libérer et faire affranchir les esclaves), observer la prière, faire l'aumône, tenir ses engagements, supporter, avec courage, l'adversité et la misère" (Sourate de la Vache, verset 176.
"C'est que - souligne encore le Prophète, d'après Abou Dawoud - chaque musulman n'a pas que la prière à faire; il a des devoirs vis-à-vis de sa famille, de ses hôtes et de soi-même; et il doit s'acquitter pleinement de ses obligations, à l'égard de chacun".
CHAPITRE VI:
VERTU AUDITIVE
Cette cinquième requête traite d'un caractère moral de grande portée pratique et aux fins, à la fois, vertueuses et hautement profitables. Une bonne audition, c'est-à-dire une heureuse disposition à prêter une oreille attentive, est le fond de tout le bien, l'essence de tout le bonheur; c'est le palier principal, dans l'échelle d'ascension vers les valeurs conceptuelles les plus adéquates. Autrement dit, cette vertu auditive constitue la plateforme, sinon le tremplin préjudiciel à toute transcendance. Une attention prévenante s'identifie à une concentration d'esprit qui élimine toute tendance à la distraction. Le plus grave péché, auquel est exposé un croyant, est d'être inattentif au Verbe Divin. Un initié attentionné est plein d'égards, pour tout ce que ce Verbe révèle, même à travers le profond murmure du Cosmos. "Le gnostique accompli y capterait - dirait Ibn el Khatib ses divines répliques", c'est-à-dire ses infaillibles inspirations intuitives-, un esprit distrait et rêveur n'est, guère, digne d'une telle touche du Seigneur. Une saine audition est, donc, préalable à toute conception. C'est un signe indélébile d'une prédisposition, qu'on peut acquérir et développer. Une bonne ouïe cristallisée par une fine oreille, conditionne biologiquement une bonne perception. Il est vrai que, même un sourd, peut capter toute émission du subconscient. C'est là un autre plan; et nous nous contentons, pour le moment, du seul côté physiologique de nos organes sensoriels. Toute connaissance est, donc, fonction d'un organe auditif sain. Le Coran parle, en effet, des sens auditif ou visuel qui devancent toute connaissance; c'est très significatif! Le Cheikh Sahrawardi, citant Sofiân Ben 'Oyayna, rapporte que, dans le processus cognitif, la science se définit, par l'audition d'abord, pour se concrétiser, ensuite, par la compréhension, la mémorisation, l'efficience pratique et la transmission. Il s'agit, là, de la bonne audition qui permet, seule, de bien concevoir; car on peut prêter une oreille distraite, sans saisir, comme on peut regarder, sans voir. Une inattention demeure sans efficience. Allah a recommandé à son Messager, de ne pas s'empresser de répéter un verset qui vient d'être révélé par l'Ange Gabriel. "N'en remue pas, pour autant, ta langue avec ceci, comme pour le hâter : à nous son ordonnance et se récitation" (Sourate, Al-qiâmah, verset 16-17). Un autre verset explicite cette acception, en disant : "ne te presse pas à réciter le Coran, avant l'accomplissement de sa révélation".
Le Coran incite, ainsi, à bien écouter; une audition efficiente s'apprend, comme une bonne parole; quand on écoute bien, on saisit bien et on exprime adéquatement. Ce processus implique une saine disposition de l'âme, un esprit finement policé. Cette délicatesse du coeur est la source de la sagesse. Ce raffinement du for intérieur conditionne, ainsi, toute prévenance exotérique, stabilisée par une audition bien intentionnée, une dépuration du réceptacle et un recours confiant à Dieu, seul apte à bien inculquer.
Les canaux d'une âme consciente sont, alors, dégagés de tout goulot, concrétisé par des préoccupations excentriques, qui faussent l'écoulement courant de la pensée inspirée.
Quand l'Imam Joneïd rendit visite à Abou Hafs enNissâbouri, en Irak, il constata les sublimes égards que ses compagnons lui ménageaient et lui dit : "Ô ! Aba Hafs, tu as appris à tes compagnons la haute politesse due aux Rois". En-Nissâbouri répliqua : "Ô Aba el Kassim, ce n'est pas cela, mais le bon comportement externe est le signe d'une finesse du coeur. " Un hadith corrobore ces propos. "Si - affirme le Messager de Dieu - le coeur (de l'initié) s'incline pieusement vers Dieu, ses organes s'en ressentent." L'audition du Coran et des traditions authentiques du Prophète façonne l'âme croyante illuminée par les flots de la gnose; de même, les propos que les Soufis inspirés tirent de leur méditation et de leur luminescence, confortées par une insufflation épiphanique. "Si, vraiment, Allah avait décelé du bien, en eux -dit le Coran - Il les auraient dotés d'une bonne audition".
Quelques exégètes traduisent ces éléments bénéfiques, qui jalonnent le coeur, par des prédispositions innées ou inculquées, qui rendent l'initié capable de se dégager des conjonctures maléfiques. Le Coran met les deux approches en étroite corrélation, en disant : "Il y a, là, une heureuse réminiscence pour ceux qui ont un coeur et qui prêtent une fine oreille, avec un esprit présent." Dans son Commentaire du Livre, Ar-Râzi définit ce genre de coeur, comme une âme consciente susceptible de concevoir et de saisir. Yahia er-Râzi précise l'ampleur du double aspect du coeur, accaparé d'une part, par de profondes empreintes qui renforcent leurs prédispositions à sonder le fond et les intimes secrets de la connaissance. Le coeur doit, donc, être sain, c'est-à-dire dépourvu de tout malaise, trouble ou simple impression de gêne, de nature à en perturber le flux courant. Le soufisme s'étend longuement, dans l'esquisse de fresques émouvantes, sur les péripéties d'enchevêtrement de la conscience et des phases qui jalonnent l'échelonnement de la marche du coeur. Un trio doit, pour Ibn Samoun, imprimer les élans du coeur, fortement marqué par un raffinement comportementiel. A ce trio correspond un triple élément constitutif de la masse ou de la structure consciente : déguster la saveur enivrante de l'adoration respectueuse d'Allah, c'est se libérer de ses caprices; grâce à cet affranchissement des exigences chamelles, l'initié réalise le premier tiers de l'éthique policée; en deuxième stade, ce même Mourid, ainsi armé, éprouve le douloureux sentiment de ce qui lui manque; en comblant ce vide, il aura parcouru les deux tiers du chemin. Une certaine plénitude sera, alors, assurée par la saturation du coeur. Pour le fameux pôle Mohammed Tirmidhi, un coeur qui se détache de ses fantaisies et élans capricieux, réalise autant de vitalité dans la voie. En d'autres termes, quand un serviteur développe ses prédispositions à une vertueuse audition et éprouve, en conséquence, la vivacité qui le met en mesure de faire entendre ce qu'il a bien assimilé, il atteint le grade spirituel, qui lui permet de réserver au Verbe Divin et à la tradition apostolique, une audience adéquate. Il reçoit, alors, de Son Seigneur l'insigne honneur de parfaire, dans tous ses comportements, les plus sublimes des états d'obédience. Sa soumission à l'ordre supérieur est, alors, pleine et entière-, sa résignation est totale. C'est à ce genre de serviteurs qu'Allah fait allusion en disant : "ceux qui reçoivent la parole de Dieu, en se conformant à Ses meilleurs commandements, sont les mieux orientés et les mieux doués de sagacité et de clairvoyance". Cette perspicace subtilité constitue un noble privilège, et, le plus fin exploit qui donne accès à une sublime transcendance. Tous les adages et anecdotes, extraits des textes sacrés, sont une source d'orientation illuminée. Il faut savoir choisir ses sources d'inspiration. Une option judicieuse est l'apanage d'un bon "sourcier". Les lectures préférées évitent le gaspillage du temps et épargnent les efforts inutiles. L'auteur des Awârif insiste sur la nécessité de s'assurer un bon choix, grâce à une analyse pondérée ou à un recours à Dieu, dans toute actuation inopinée. La prière de l'Istikhara où le croyant invoque Dieu, en l'appelant à son aide, l'inspire et fait naître, en lui, des idées et des sentiments qui orientent son choix. Allah libère, pour lui, le meilleur accès de la compréhension, dans un temps record, et avec un moindre effort. Douée d'un tel génie initiateur, l'image de la connaissance se présente, spontanément, à son esprit, pour se décalquer sur le miroir de son âme. C'est l'esquisse ésotérique de ce symbole qui dépure l'intellect et clarifie la compréhension. On cite le cas d'Avicenne, qui a consacré plus d'un mois à tenter de déchiffrer, en vain, les secrets de certains textes de la Métaphysique d'Aristote. Après s'être recueilli, à la Mosquée, le quarantième jour, à la suite de la grande prière du Fajr, le mystère finit par se résoudre et l'énigme par s'éclaircir. Avicenne en fut sidéré; mais, il eut la preuve tangible de l'infaillibilité d'une inspiration divine.
Grâce, donc, à cette divine inspiration, l'acte devient compréhensible et l'acteur compréhensif. "Nous l'avons bien fait comprendre à Salomon" précise Allah, dans un verset coranique. "Dieu fait entendre, à qui Lui plaît", souligne un autre verset. Quand Allah est le promoteur d'un tel entendement, Sa révélation s'effectue, tantôt par l'intermédiaire de Ses Messagers ou de leurs héritiers, tantôt, à travers les oeuvres et les écrits des Soufis. En s'inspirant des uns et des autres, l'initié est d'autant plus édifié que son acte procède d'un bon entendement et d'une bonne audition. Il peut, alors, tester la valeur de son état et être le digne réceptacle des dons sublimes de Dieu. Ses connaissances s'en ressentiront, ainsi que leur adaptabilité éthique. Les soufis en esquissent des élaborations magistrales, dans l'invocation de la Miséricorde et de la grâce divine. L'Imam Ghazali, qualifié de Preuve de l'Islam, eut l'amabilité de prodiguer de bien heureux conseils à un de ces disciples : "Ô, disciple qui entreprends la recherche de la connaissance, la lecture des ouvrages divers, qui tends à sonder les propos de tous et, notamment, les oeuvres de la sagesse ! Que ton regard englobe toutes ces données, par l'aide de Dieu et pour Son amour, sinon Il t'abandonnera à toi-même ou te délaissera, à la merci de ce qui t'a obnubilé. Si ta vision ne se limite guère à lui, ton oeuvre sera, pour un autre que lui, dont tu auras, alors, confirmé l'existence et la véracité; si tu espères rencontrer Allah, fais le bien et n'associe personne à Son adoration; au cas où ton regard se porterait sur les paroles émises par ceux qui jouissent d'une certaine renommée, dans le domaine de la science, abstiens-toi de tous mépris et de toute décision, à la légère, positivement ou négativement; aie bonne opinion de tout le monde et ne déconsidère personne, jusqu'à preuve du contraire; les bonnes actions, tâche d'en faire état et de les divulguer, en cherchant des excuses, pour les mauvaises. Tout Alem a son excuse, trouvant des arguments, pour se justifier, ne serait-ce que partiellement. Que d'enseignements, dans les tiraillements survenus entre Khidr et Moïse ! Si_ à ton avis, une problématique vient de surgir, paraissant absurde et inconcevable, prends-en ce qui te semble Plausible et délaisse ce que tu n'arrives pas à comprendre, en en confiant à Dieu la réelle conscience." On rappelle, en l'occurrence, à l'attention de tout lecteur qui cherche à mémoriser, de confier à Dieu, le cas échéant, la réminiscence des fruits de ces lectures. Il en sera pleinement édifié. D'autre part, un esprit averti ne doit guère s'adonner - d'après AI-Awârif - à une lecture prolongée, même s'il s'agit de hadith ou d'anecdotes véridiques, où il trouve des loisirs, pour se distraire capricieusement, se délasser d'une persévérance, dans les litanies et les pratiques cultuelles. Il éprouve, par contre, un vif plaisir à lire et à dialoguer. Il doit éviter, dans ce cas, de se laisser entraîner, dans un aval qui prendrait, plus qu'il ne faut, de son temps précieux. J'ai eu l'occasion de voir certains personnages des plus honorables, parmi l'élite de nos confrères Tijanis, s'inspirer de ces principes, en répartissant rationnellement le cours de leurs jour et nuit, selon un critère pratique, réservant, minutieusement leur dû à l'enseignement, à la lecture, aux liturgies et au repos. Tous les actes, devant se suivre consécutivement, ont, alors, leurs parts respectives qui en ménagent, soigneusement les besoins, sans empiéter les uns sur les autres. C'est là, un signe de la Providence, qui inspire le choix le plus judicieux, dans le processus des options. Dans un même ordre d'idées, nous nous référons aux dires de certains sages, qui définissent l'échelonnement du potentiel auditif, chez les gens. Cette graduation est comparée d'abord, à un semis qui atteint le sol, mais qui est vite ramassé par un essaim d'oiseaux; ensuite, à des grains qui retombent sur la pierre lisse recouverte d'une légère couche de terre et de gouttelettes de rosée. Ils s'y fixent, superficiellement, mais finissent par se déssécher, quand les nervures touchent le dur de la pierre. Une partie de la semence peut choir sur un sol riche et fertile, mais, jalonné d'épines qui tuent les jeunes pousses, dès leur apparition. Enfin, quelques semis, qui ont pu entrer en contact avec un sol fécond, loin des grès et des épines, ont la chance de croître et fleurir. Un parallèle est donc établi entre une semence recueillie sur une terre riche et une bonne parole. A l'instar de cette série des semences, un homme peut entendre des propos, auxquels il ne prête nulle attention. Ils s'évaporent et sont vite oubliés.
Le semis recueilli par la pierre est assimilé à une personne qui entend bien et apprécie, mais, sans qu'il y ait un impact quelconque, avec son coeur indécis, qui n'en retient guère la fruition. Au sol épineux correspond le cas de l'individu dont l'audition est accompagnée d'une intention d'agir, ligotée par des caprices qui le figent, l'ankylosent et anéantissent, en lui, tout désir effectif d'agir. Le quatrième cas du sol dégagé de tout handicap, est similaire à un croyant attentif qui conçoit, cherche à bien comprendre, assure une bonne exécution, tout en s'écartant des suggestions et des fantaisies maléfiques. c'est là, la fruition spontanée d'une prédisposition qui, sans être, nécessairement, innée, est sciemment développée, grâce à un effort soutenu, tendant à éliminer tout écart capricieux. Les élans vicieux et les exigences excentriques ont une douce saveur, que l'âme dégénérée déguste et apprécie. Cet épicurianisme dégradé est la source de tous les maux. En illuminant les recoins de la conscience, en les dépurant de toute pollution malsaine, grâce à une régénération qui tend à insuffler, par le dhikr, une vie réconfortante, qui oppose à l'attirance matérielle, l'attrait sublime de l'amour divin, reliant l'âme revivifiée au Plénum de la Présence Sacrée. L'esprit hautement idéalisé savoure cette douceur transcendante, à laquelle un désir terre-à-terre ne saurait guère résister.
CHAPITRE VII:
DIFFERENCE DE GOUTS
COMME SIGNES DISTINCTIFS
DES RITES SOUFIS
Les caractères dissemblables, chez les soufis, sont de nature à donner une impression d'opposition, sinon de différend qui les sépare. De profondes méprises sont souvent suscitées par des empreintes distinctives, sans assise différentielle réelle. Des prises de position hâtives, à l'encontre des uns et des autres, sont le propre de novices ou de profanes, dont les inductions sont gratuites et graves de conséquences. On est enclin à juger, selon les apparences , ou, conformément à un code strict, imposant au saint une ligne de conduite déterminée. Cette appréciation aberrante est motivée par une conviction que la sainteté est régie par une législation spirituelle rigoureuse unique. C'est - note l'auteur de "Dahab el Ibrîz" - faire abstraction de la grâce Divine et imposer à Allah des mobiles optionnels péremptoires. L'Omnipotence absolue est libre de toute contrainte. Seule une fonction physique, d'ordre relatif, est définie par un "axiome du choix" très rigide. La gracieuse élection d'Allah, ayant elle-même force de loi, est inconditionnelle. Mais, la méconnaissance des limites infinies de Sa pure bonté incite certains rigoristes à dénier toute sainteté, aux initiés non auréolés par une image de marque spécifique. Les cadres rigides, créés par leur esprit imaginatif, risquent d'être surhumains, et d'évoluer dans l'abstrait. On a demandé, un jour, au grand Tabiy, Ibn Sirine, de dépeindre les compagnons du Prophète. "Ils étaient - répondit-il - des hommes comme les autres. Le surréalisme confine à l'irréalisme. L'infinité de Dieu, l'élan magnanime de Sa générosité, ne sauraient souffrir une restriction. Ses dons gracieux, Ses faveurs, Son effusion sacro-sainte, ne sauraient être astreints à une quelconque motivation. Cela n'empêche guère que, sur le plan humain, les actes cultuels aient une assise rationnelle. Les états mystiques, fonctions de Ses touches divines, ne sont nullement assujettis à une régulation humainement discursive, où la prime est évaluée, à la mesure de l'acte; d'où, cette différenciation foncière entre les rites des Soufis, émanant de sources diverses, toutes dûment canonisées. Ces points d'émergence sont, en même temps, des points de ralliement, d'où jaillit l'inspiration; chaque soufi, ou groupe de soufis, rejoint de par son comportement, un prophète ou un Messager de Dieu.
Ses caractères, ses options, ses goûts sont à l'image du prophète, point de mire de l'initié. Des hadiths, cités par es-Soyouti, dans son fameux ouvrage sur le Pôle (kotb), les piliers (Awtâd) et Abdâl, mettent en exergue cette affinité subtile. Une tradition, rapportée par Ibn Messaoud, précise qu'Allah a, parmi Ses créatures, trois cents élus dont les coeurs sont à l'image de celui d'Adam, quarante à l'image de Noé, sept à celle d'Abraham, cinq dont le coeur est calqué sur celui de Gabriel, trois sur Michael, un seul sur l'Ange Isrâfil. Quand le premier décède, l'un des trois lui succède, et, ainsi de suite, dans un ordre croissant.
AI-Yâfiy, auteur du (kifayat Al-'Motaqid) (Suffisance du croyant) nous décrit le processus hiérarchique des Saints, commençant par les Noujabâ, au nombre restreint, puis, par un nombre moindre de Nouqabâ, d'Abdâl (un par grand pays), et, enfin les quatre Awtâd au Yemen, Es-châm, Orient et Occident. Les quatre points cardinaux de la Terre sont axés sur un pôle (kotb), qui n'est marqué d'aucun signe spécifique. Il est choisi, parmi les piliers, représentant une normalité - certes idéale, mais toute humaine - où le principe de causalité demeure l'assise phénoménale de toutes ses actuations. C'est le degré summum où le fanâ (extinction) confine au baqâ (subsistance), l'unicité à la multiplicité, le relatif à l'absolu, tels les grands élus apostoliques humainement responsables, dont la conformation psychosomatique répond aux exigences terre-à-terre de la normale humaine. Là, les extrêmes se touchent et la lumière mohammadienne, flash divin, se voile d'une luminescence empreinte d'une évidente humanité; une lumière intense finit par toucher l'autre bout de la réalité : l'obscurité. Chez le Kotb, cette illumination voilée cache une forte perception intérieure, un goût profond et l'appréhension, toujours croissante, d'une présence. C'est ce baqâ, contre-partie du fanâ, que le Soufisme appelle lumière du fanâ, transposé dans le Bouddhisme, sous forme de Nirvana . Le fameux Khadir (khidr), esquissant une fresque sur cette concentricité des cycles soufis - d'après Ahmed Tastawti, dans sa Nozhah - dépeint les caractères et les états de ces élus, abreuvés chacun, conformément au décret Divin du Jour du Covenant (Mythâq). Seuls les soufis, intégrés dans ces cycles concentriques, lui sont connus. Le Cheikh Tijani qui corrobore - d'après Le Jâmiy - cet avis judicieux, cite, parmi les groupes mystiques, des catégories dites Danâïnes et Dhakhâïrs, dont chacune comporte quatre mille élus, conscients, tous, de l'existence cosmique, mais, engloutis dans les Océans de la divinité. Chacun de ces élus, qui sombrent dans le fanâ, est le réceptacle de faveurs exclusives, selon les lots, sublimement décrétés, qui lui donnent l'impression, dans ses intervalles lucides, d'être le seul favori; d'où, les dénégations mutuelles, entre initiés qu'on ne saurait taxer d'égoïsme. C'est ce qu'entend Ibn 'Ataâ, quand il dit dans ses sages Adages ! : "Les actes varient selon les inspirations (états mystiques dont ils émanent)". Chaque insufflation divine peut susciter un état, soit de béatitude, soit d'aise et d'espoir, soit de crainte. Jean et Jésus se sont rencontrés un jour; chacun d'eux se trouvait sous l'emprise, d'une haute communion appropriée. L'un, mû par l'Attribut de la Domination astucieuse de Dieu qui écrase et annihile, l'autre actué par la généreuse clémence. Chacun se prévalait de l'Attribut qui l'animait. Deux attitudes apparemment opposées, mais suscitées, chacune, par l'instant "étatique", propre à l'un et à l'autre. Néanmoins, un grand initié peut - comme le signale Khadir - se voir diminué, au point de se sentir passible d'un châtiment mortel, au-devant d'une impression de faveur divine exclusive, touchant un collègue. Abou Horeïra, compagnon intime du Prophète, affirme avoir puisé, dans la source des sciences apostoliques, deux sortes de connaissance-, il n'est autorisé à en révéler qu'une seule, l'autre demeurant un apanage inaccessible, dont la divulgation mérite la peine capitale. Ali Ibn Abi Tâlib, beau-fils bien-aimé, dépositaire des secrets de la grande gnose de notre Prophète vénéré, se prévalait de connaissance, dont il ne rencontra guère un digne porteur.
Que de fois, le Cheikh Tijani répétait les propos Alides, dans ses commandements et ses épîtres. Dans ce contexte subtil, AI-Joneïd précisait bien, que "nul ne pourra atteindre le grade sublime de la Réalité, avant d'être taxé d'hérésie, par un millier d'hommes -véridiques". Le grand Imam Tijani souligne que tout Saint reçoit, au sein de la Divine Présence, en audience propre, des biens et dons, dont Seul Allah apprécie l'ampleur. Bien mieux, deux gnostiques peuvent se partager un même état de présence ou plan de l'être, mais à degrés différents, selon les lots d'attribution seigneuriale. Dans ces états extatiques de grâce, de révélation intérieure ou de touches transcendantes, un gnostique peut, dûment, se vanter de ces exclusivités, car, il ne fait que répéter les sublimes qualifications qui lui ont été inculquées, et, qui en définissent l'envergure. Ce sont là - fait encore remarquer Sidi Ahmed Tijani - de simples privilèges qui n'impliquent aucune prééminence. Quelques Arifs peuvent réaliser plus d'exploits cognitifs mohammadiens qu'un Kotb, alors qu'ils seront radicalement écrasés, sous les irradiations théophaniques réservées à ce pôle. C'est le cas de Khadir avec Moïse, auquel Allah octroya, durant les mille séances qu'il eut, de son vivant, avec Lui, des flots de cognition ineffables. Seul le Messager d'Allah, élu des élus, Sidna Mohammed, détient un grade parfait, sans pair. Il ne faut, donc, guère, à partir de ces disparités apparentes, déconsidérer certains maîtres en Sainteté, pour surestimer d'autres. Toutefois, ces marques exceptionnelles de privilège ne font que confirmer les règles structurelles de classification des voies catégoriques distinctes : celle des attirés dont l'élection n'est, nullement, motivée et celle où l'initié est, dans un état sublime, dégagé de toute velléité volitive. Ce sont celles qu'Ibn Atâlllah dépeint, dans ses Adages, comme deux groupes dont les liturgies, chez l'un, devancent toute luminescence, de sorte que nulle lumière ne saurait jaillir de son coeur, sans un lot préalable de dhikr; pour le deuxième groupe, la luminité qui s'identifie à un don inconditionnel d'Allah, est le mobile implacable, qui incite à réciter des litanies, qui dépurent et illuminent la conscience. Les attirés s'installent, ainsi, dans un concert de légère aisance, sans effort, ni peine. C'est ce qu'Ibn Ata Illah définit, encore, d'après une classification de son Cheikh el-Morsi, comme deux ensembles, dont l'un accède à la foi, par la grâce divine, et l'autre atteint cette grâce, par ses exploits cultuels.
Le premier, providentiellement actué, brûle les étapes qui libèrent les accès à la présence; cela ne veut pas dire que l'attiré n'a aucune voie à suivre, mais bien au contraire, que cette
voie a été ployée pour lui, donc écourtée par la Providence et la grâce pré-éternelle. Le ploiement d'un chemin n'en est guère une absence, car l'initié absent par son soi, c'est-à-dire son ego, est présent par son Seigneur. Notre Maître, le Pôle des Pôles, a tiré cette double notion de l'élection du verset coranique : "Allah élit qui Lui plaît et oriente vers Lui qui Il veut". Il l'illustre par la vivante anecdote de Moïse, auquel Dieu ordonna de jeûner, pour accéder à Sa présence, trente jours consécutifs, sans exempter les nuits. Ayant exécuté, strictement, ce commandement, Moïse se vit réordonner un prolongement de dix jours, pour le bénin péché d'avoir osé désodoriser les recoins de sa bouche. La nuit de l'Ascension, l'Ange en annonça l'avènement à Sidna Mohammed, qui devait l'accompagner, impromptu, sans préparatifs particuliers. Les deux notions sont, ainsi, exemplifiées, quoique les prophètes - insiste Sidi Ahmed - soient, tous, objets d'une sublime élection. Le fait est signalé dans le Coran; il faut se garder d'en fausser l'interprétation. Une autre classification de la voie a été avancée, en considération de la nature éducationnelle ou comportementielle; elle comporte deux tendances qui marquent, chacune, une école distincte : celle du Choukr ou gratitude, fondée sur un sentiment initial de reconnaissance à Dieu pour Ses gracieuses faveurs, la deuxième école, étant celle du "riadât en-nafs" ou mortification de l'âme et ascèse de la chair; la première est appelée, parfois, la voie Chadhilite, l'autre la voie de Ghazali. Nous avons défini certaines caractéristiques de l'une et de l'autre. Mais, le Cheikh Ibn 'Arabi en propose, encore, trois catégories, délimitées à partir des stations mystiques et de leurs signes et empreintes. Elles correspondent à trois genres d'initiés. Chez les premiers, l'ascèse domine, avec tout ce qu'elle implique d'éxotérisme littéral, imbu d'une purification de la conscience et un dégagement total de toutes les prohibitions canoniques. Mais, ils se renferment et s'isolent dans les actuations formelles, méconnaissant le processus des états et stades mystiques, des sciences infuses, des extases, des luminités et des éclipses. Ce sont des dévots, attachés, scrupuleusement, à une observation rituelle et à un service divin stricts. Ils sont absorbés par leurs actes cultuels, éprouvant une crainte atroce des écarts de conscience, égoïsme ou vaine gloire. Les seconds, qui leur sont, quelque peu, supérieurs, voient, dans tout acte, une émanation d'Allah qui les actue. Ils sont agis et dégagés, par là, de toute psychose de vanité ou d'auto-estime; mais, ils partagent, avec leurs collègues de la catégorie précédente, la ferveur dans l'adoration, l'abstinence scrupuleuse, la pieuse continence et la pudeur intime, ignorant toute étape mystique, cognition, secret ou vision intuitive. Quant aux miracles, une intention ferme les incite à les actualiser. Ils ne se gênent, guère, d'exhiber, ostensiblement devant le public, leurs exploits miraculeux. lis ne voient, alors que, Dieu et Dieu seul. Leurs agissements sont, donc, dénués de toute velléité vaniteuse, ou désir de produire quelques effets, sur leur auditoire ou entourage. Leur caractère est empreint d'un altruisme chevaleresque; on les appelle, communément, soufis, et ils donnent l'impression d'être imbus de lubie fantaisiste et capricieuse-, leurs disciples leur ressemblent, dans leur ostentation d'allure prétentieuse, qui se cristallise, parfois, en geste de prééminence. Ils se démarquent, ainsi, carrément, des initiés de la troisième catégorie, qu'aucun acte surérogatoire ne distingue du commun des croyants. Leur comportement est nettement normal, n'attirant, guère, l'attention, car ils s'isolent, intérieurement, dans la contemplation de Dieu, sans s'en départir. Ils s'installent, ésotériquement, dans leur sentiment de déférence vassale, à l'encontre des autres, accaparés par leurs actes d'adoration, strictement cultuels. Ils ne dégustent, nullement, la saveur, si plaisante à l'esprit, de la prédominance sur les autres, l'emprise de la Suzeraineté divine, sur leur coeur, étant pleine et entière. Ils sont, en conséquence, d'un degré supérieur et les élèves, qu'ils initient, évoluent, avec aisance, dans les cycles de virilité. Ils excellent, dans la science des mesures et s'astreignent, rigoureusement, aux exigences de la confraternité. Salman el Fârissi (Persan), le fameux compagnon du Prophète, s'inscrit, comme le meilleur de ces initiés, appelés malâmitiah, dont le décent éxotérisme couvre la luminescence du for intérieur. Notre célèbre frère, le Sieur alouite Moulay M'hamed Ben Nasr, un des plus privilégiés, parmi les compagnons du Cheikh Tijani, nous disait, souvent, que la plupart de nos confrères étaient Malâmiti. Une des sommités de notre Tariqa dépeignait, en réponse à des questions "occurrentes", les caractères intrinsèques d'un adepte de notre voie, qui ne doit se prévaloir d'aucun privilège ou droit exclusif; les artisans sont, apparemment, absorbés, dans leur métier, les artistes dans leurs ateliers, les manoeuvres dans leur besogne; alors que certains d'entre eux maîtrisent le Cosmos, de par les affinités "étatiques", dont ils s'imprègnent, sans exclusivité prétentieuse. Le fameux Imam Abou Sâlim El-Iyâchi rapporte, dans sa (Rihla), la classification établie par son Maître Ali el 'Ajîmi el Hanafi, en quarante Confréries, dont la plupart sont d'origine orientale; trois seulement étant marocaines (Chadhilyah, Zarroukiyah et Jazoulyah).
La première Confrérie dite Mohammédienne (attribuée à Sidna Mohammed) a, pour assise, une structuration canonique pure, basée sur la Sounna, avec comme litanie essentielle, la çalat (invocation pour le Prophète). Son coeur est rempli d'amour pour notre Prophète vénéré, dont l'exaltation et la magnification marquent, vivement, sa trans-conscience, illuminée par son image virtuelle qui, à force de concentration, s'idéalise pour finir par se réaliser, c'est-à-dire prendre une forme réelle. C'est, donc, là, une articulation purement interne, sans aucune trace exotérique. Le Messager d'Allah, est, ainsi, le Maître direct de l'initié. Abou Sâlim, qui esquisse une épître émouvante sur ce thème, mettant en exergue les signes distinctifs de chaque itinéraire, cite les grands maîtres soufis, qui optèrent pour ce chemin apostolique qui fut celui des Sahaba ou compagnons du Prophète, dignes représentants de la malâmitiah dont le premier Khalife, Abou Baker, fut le modèle idéal. Différence des goûts comme signes distinctifs des rites soufis. D'autres auteurs, parmi les plus célèbres, tel le Kotb es-Semmane, un des directeurs mystiques du Cheikh Tijani, élaborèrent des oeuvres palpitantes sur la Tarika Mohammadia, archétype sublime, dans la voie de la transcendance.
Toutes ces données sembleraient excentriques, dans les conjonctures contemporaines. Une bonne part des hommes de science canonique, et quelques uns, parmi les amateurs du Soufisme, n'en sont, nullement, convaincus. lls en ignorent la nature et la quintescence, sinon l'existence même. La voie Ouwaïs (qui se réfère au fameux Ouwais el-Qarani) et qui vient en second rang, s'inspire de la pure essence apostolique mohammadienne et d'autres, ainsi que celle des Sahaba et éminents Chioukhs.
Viennent, alors, les autres confréries, dans la succession suivante : AI-Kalandaria visant la purification de l'âme, s'astreignant au minimum, dans leur subsistance, et, rejetant toute forme d'épargne ou de thésaurisation. Ils jouissent des délices licites, sans s'enliser, dans un surcroît de recueillement.
As-Siddîkia (attribuée à Abou Bekr es-Seddik), est celle du Cheikh Abou bekr ben Houwwari.
AI-Koubrawyah (du Cheikh AI-Koubari) et sa filiale AI Hamadânyah dont le promoteur Ali put rassembler, durant ses pérégrinations de par le monde, les liturgies de mille quatre cent maîtres soufis. Il en fit un "wird" matinal, récité à voie basse, et très recherché.
Deux autres filiales de la première : er-Rouknyah (de Roukn ed-Dîn es-Semnâni) et en-Nouryah (de Nour-ed-Dîn elAsfarâyini).
Quant à AI-Khalwatyah, elle se caractérise par une litanie de base, "Ism el Jalâla (nom de Sa Majesté divine). Le Cheikh Tijani adopta cette voie, dans ses débuts, et fut, pour lui, d'une grande efficience, dès ses premiers contacts avec son éminent maître égyptien Mahmoûd el-Kordi. Sa chaîne de transmission, citée par (el Jawâhir), est le célèbre "Sanad" remontant au Prophète, suivant une succession de maîtres, parvenant jusqu'à AIJoneïd, par l'intermédiaire de Daoud et-Tayi, Habib el 'Ajîmi, Hassan el-Basri et le beau-fils du Prophète, Ali Ibn Abi Tâlib.
Deux autres confréries : AI-Mawlaouyah (de Jâlal ed-Dîn et-Toussi) et Aljahrya (d'Ahmed es-Souyouri), se réclament de Khadir. AI-Bourhânyah (attribué au Cheikh Bourhân) se caractérise, en sus des oraisons effectuées à haute voix, par le costume vert, endossé par ses adeptes, à l'encontre de l'Ahmadyah, connu par le pourpre de ses habits d'apparât. Chez AI-machrayah, les oratorios chantés ou concerts spirituels, sont de rigueur; ses adeptes en haillons, s'adonnent à une mendicité ostentatoire.
Les Qâdirites (de Si Abdeqader el-Jîlani) et les Hâtimites (Ibn 'Arabi el Hâtimi) sont d'obédience spiritualiste notoire, ainsi que les Madiânites (Abou Médian el-Ghawth, Soufi Algérien de Tlemcen).
Les autres confréries, non moins réputées, mais appréciées, à juste titre, sont : les Rifaiyah (filiale Qadirite) Qocheïriyah, Kharraziyah (d'Abou Saïd el Kharrâz), el-Khochaniya (du Qotb ed-Dîn et Khochani). El-Madariyah (du Chah Madary), Ech-Chettariyah (Abdellah ech-Chettar) en-Neqchabendiyah (Bahâa ed-Dîn Neqchabend) El-Hallajiyah, El-Joneïdlydah, Es-Sahliyah (Salah Ibn Abdellah).
Il s'avère donc, à la suite de cet exposé substantiel, que la sainteté ne s'intègre, guère, dans le cadre d'une rationalité discursive, ni d'un intellectualisme contemplatif ou imaginatif.
La trans-conscience intime et la profonde nature cognitive, qui marquent ce sublime état électif, sont l'apanage d'un groupe de privilégiés, touchés par la faveur de la Providence, sans motivation, ni prédisposition. La conscience de cette grâce Divine n'est pas à la portée de tout le monde, d'où la confusion ressentie, aussi bien par les adeptes du Soufisme, que par certains adversaires, par trop littéralistes. "Allah seul connaît Ses élus, d'après un hadith Qodsi (sacré). Des signes distinctifs ambigus et apparemment contradictoires, déroutent les esprits les plus critiques. Si la conscience humaine est incapable de capter les caractères essentiels d'une âme élue, par contre la connaissance de Dieu demeure concevable, à travers la manifestation des signes de Sa Beauté et de Sa Magnificence. L'incapacité initiale de Le concevoir est - comme dit Abou Bekr es-Siddik, répété par Pascal - la véritable conception de Dieu.
CHAPITRE VIII:
SOUFISME SALAFI OU CLÉS
DU SOUFISME
Pourquoi la Tijania est une voie Abrahamo-Mohammadienne ?
La Tariqa Tijanya occupe, parmi les voies soufies, une place d'un rang éminemment élevé, vue sa réelle parenté avec l'Imam des Prophètes, Seigneur du Royaume des Elus, Maître des Maîtres, Sidna Mohammed (bénédiction et salut soient sur lui).
Pourquoi cette affinité, si ineffable et si sublime ?
La voie Tijanya est connue, en premier lieu, sous la qualification ahmadya. C'est une appellation très courante, dans le concert des Tijanis, pour diverses raisons : Il ya, en premier lieu, un mobile apparent qui s'impose de prime abord : c'est le nom de son promoteur: Sidi Ahmed Tijani.
Une seconde raison est suggérée par la racine etymologique du mot "Hamd" , justifié par l'appartenance de la Tariqa à la série des confréries dites de gratitude, souvent qualifiées de Chadhilites. C'est également plausible.
Un troisième motif, très subtil, revient au fait que ses litanies sont axées, implicitement ou explicitement, sur la même notion du "Hamd", dans ses formulations les plus profondes. Entre autres, la "fatiha", dite "Mère du Coran", comportant d'indicibles secrets des grâces divines; la sourate du Qadr (Destin) aux multiples arcanes; la fâtihi : invocation de bénédiction, expression vivante de reconnaissance à Allah, pour l'insigne faveur concrétisée par le Message sublime de notre Apôtre, grand initiateur des Secrets intimes, cachet de gloire et inimitable directeur de conscience. Un autre leitmotiv de notre Tariqa est çalat "Jawharat el-Kamâl" (Perle de perfection) dont les termes, pleins de verve, inspirent les plus heureuses manifestations cosmiques. D'autres liturgies, qui en sont les motifs conducteurs, sont la source de mystères inexprimables. Un quatrième justificatif: le grade élevé de son maître: Sceau Suprême de la Sainteté et héritier des splendeurs mohammadiennes, autant de dons gracieux, dignes d'hommage et de louange. Allah, dans Sa Majestueuse Pré-éternité, accorda au Sceau des Saints - d'après Ibn 'Arabi - les insignes faveurs, en corrélation concomitante avec le Sceau de la Prophétie, tous deux archétypes de la condition humaine vassale, redevable à Allah de fervents éloges.
D'autres considérations, qui justifient encore cette appellation, s'intègrent dans l'ineffabilité inhérente au "Katmia", autre qualification transcendante du Sceau des Saints.
Quant au caractère Mohammadien de cette voie, il découle, d'abord, des propriétés esquissées, dans le dernier chapitre, à propos de la (Tariqa Mohammadyah), axée, notamment, sur la çalât, intime invocation pour le Prophète. L'image luminescente de Sidna Mohammed, source d'inspiration de l'initié, est, alors, le point de concentration, qui débouche sur la grande ouverture, marquée par la cristallisation, au sein de la trans-conscience, de la figure apostolique réelle. Le mourid transcende, ainsi, par degrés, vers le Summum, qui concrétise la réalité Mohammadienne, toujours vivante. Cette concrétisation fulgurante, qui se réalise au moment où le fervent adepte s'y attend le moins, est le propre de cette prestigieuse initiation où la fâtihi demeure la clé de tous les mystères. Déjà, l'Imam Bekri, bien avant Sidi Ahmed Tijani, dépeignit les caractéristiques inouies de cette çalât, que le concert plénier des Soufis admettait et appréciait.
D'autre part, le Prophète Mohammed eut l'aimable geste de s'allier et d'apparenter les adeptes assidus de cette Tariqa, comme marque indélébile de la prééminence de leur grade, dans la hiérarchie mystique. Les disciples de ce Cheikh sont les propres disciples du Promoteur réel de cette Tariqa, dont il cautionne les privilèges et les dons miraculeux, qui leur sont promis. Ces honorables distinctions ne sauraient émaner d'une source, autre que la source Mohammadienne. Des signes d'une sublimité et d'une luminité indicibles, en illustrent les inimitables et extraordinaires ébauches. De véritables fresques, d'une luminescence palpitante, s'esquissent spontanément, se profilant sur les contours idéalisés de l'initié, touché par la Providence. Ces marques sont exclusives, et se reflètent sur le miroir policé de toute âme dépurée. La discursivité demeure inapte à saisir les impondérables de ces flashs ésotériques. Sept autres propriétés impriment à cette Tariqa une spécificité marquante :
A l'instar de la religion Mohammadienne, elle est la dernière des Confréries dont l'avènement s'inscrit, en dehors du Chadhilisme. Son adoption ne crée, vis-à-vis des autres Confréries, aucun problème de désintégration, car toutes convergeront, à la fin des jours, vers le grand Symbole d'unité Mohammadienne où les rites fusionneront, dans le même creuset islamique. Une pieuse jalousie anime le Promoteur de l'Islam, devant toute atteinte ou entorse à ce bloc unifié. De par Sa grâce enveloppante, Allah centuple, jusqu'aux milliers, les primes de cette élite, dépeinte dans un hadith où le Prophète spécifie que le "moumin" (croyant) du "dernier des Temps" (Akhir-ez-zamân), équivaut en "ajr" (prime) et non en "martaba" (degré ou grade), à une cinquantaine de Sahaba (Compagnons du Prophète).
AI-Fouti Omar, auteur des (Rimâh) (lances), fait remarquer que celui qui met en doute cette notion d'intégralisation sur-croissante, dénie, en fait, une donnée authentique de l'Islam.
Le caractère abrahamique n'est pas moins marqué, dans cette voie, car, toute spécificité mohammadienne est, par définition, abrahamique.
"La religion de Dieu - précise le Coran - est l'Islam" "(Sourate de la famille d'Imrân, verset 1er), et l'Islam s'identifie à la religion d'Abraham, qui englobe les religions révélées. "Dieu leur ordonne le Coran = "Dieu ne dit que la vérité; suivez, donc, la religion d'Abraham, qui était pieux et n'associait point d'autres divinités à Dieu" (verset 89). On demanda, un jour, au Prophète, laquelle des religions est la meilleure ? "C'est -répondit-il-, sans hésiter - la religion la plus aisée, celle d'Abraham". (Moslim, Mousnad Ibn Hanbel et Tabarâni). Le Coran tient à préciser, nettement, le credo d'un musulman abrahamique. "Dis-leur (Ô Mohammed) : "Nous croyons en Dieu, à ce qu'Il a révélé à Abraham, Ismaël, Jacob et aux douze tribus : Nous croyons aux Livres Saints que Moïse, Jésus et les Prophètes ont reçus du Ciel; nous ne mettons aucune différence entre eux, nous sommes musulmans" (Sourate AI-Imrân, verset 78).
Les aspects essentiels qui imprègnent l'Abrahamisme islamique et, partant le soufisme, se repercutent, dans d'autres caractéristiques très distinctives, telle la notion de grâce qui définit la (Khollâh), chez Ibrahim el-Khalil, c'est-à-dire l'amitié divine libératrice, comme l'appelle Massignon, ou plutôt, cette réciprocité d'amour, entre Dieu et l'âme khalilienne. D'autre part, le sens de gratitude (ech-chokr) dont se réclame le chadhilisme est transcendantallement développé chez Abraham, grand initiateur du bien, symbole de la Soumission inconditionnelle à Dieu, dont il fut l'Elu Préféré. D'où, la prééminence du soufi des Derniers Temps. La grandeur d'âme, la patience et l'endurance qui cristallisent l'Ethique Abrahamique sont les leitmotiv de la Morale comportementieIle de l'Initié qui se rend à discrétion, dégagé de toute velléité, dans un renoncement, résignation et abandon permanent à Dieu. Cet attachement indéfectible à Allah est le fil conducteur qui marque l'élan abrahamique. Ce sentimentalisme qui s'allie, curieusement, à un intellectualisme intuitif, est conditionné par l'épanouissement spontané de l'Ego, chez le soufi, dans une ambiance non viciée par des écarts excentriques de bigotisme : Certains initiés semblent avoir oublié ce rayonnement heureux, reflet imperturbable et fonction d'impondérables, dont l'Islam a fait le fond même de son dogme. Le véritable soufi est l'archétype d'un salafisme sounnite, qu'aucune anicroche ne souille ni pollue. C'est l'Islam dans sa pureté originelle, où l'initié se réclame, à chaque instant, d'une tradition prophétique, dans tous ses états, aussi bien énergétiques que statiques. Le caractère miraculeux qui sort de l'ordinaire, n'aura aucun impact, s'il n'est fondé sur une option authentique du Prophète. C'est ce que le Cheikh Tijani explique, en précisant que la rectitude - justesse d'esprit et dignité de l'acte - est plus méritoire que mille miracles".
Le soufisme Tijani est un mysticisme islamique qui s'identifie à un système éthique dont l'idéalisme l'imprègne, profondément, d'un humanisme transcendant, mais pratique, où toute religiosité creuse est bannie. C'est, pour parfaire la Morale Universelle que l'Apôtre de l'Islam a été envoyé.
C'est ce processus sounnite, qui doit commander le comportement d'un Tijani, sans dévotion outrancière, et avec une vision réelle des conjonctures. "La foi, par excellence, se manifeste - dit le hadith - par un bon comportement envers les hommes" (Tabarâni). Une des branches de cette foi agissante est "d'écarter d'une voie publique tout obstacle, pouvant nuire aux passants". (Hadith rapporté par les Sounan, à l'exception du Mouatta). Le dilettantisme défaitiste ou nihiliste, se réclamant d'un fatalisme dévié, n'est guère de mise, car "Dieu n'agrée point une foi qui n'est pas étayée par des actes" (Tabarâni). "Un croyant, physiquement fort, est - affirme encore le Prophète, dans une tradition rapportée par Moslim - plus valable et mieux aimé de Dieu, qu'un moumin de faible constitution". "Dieu -rapporte Tabarâni - aime le croyant qui exerce un métier". La mendicité, comme atout exhibitionniste, chez certains bigots, est prohibée par l'Islam. "Mieux vaut, pour un moumin, ramasser du bois, pour assurer son gagne-pain que mendier". (Sounan sauf Abou Daoud). L'espérance et la persévérance sont, donc, le propre d'un croyant ou un soufi salafi. Toute ostentation déviante est considérée comme un comportement excentrique, car, "celui qui s'écarte de la Communauté se détache des liens de l'Islam". "La foi subjugue le croyant, en l'empêchant. d'être perfide ou scélérat" (Tabarâni). Mais, si l'Islam consiste dans une pratique cultuelle adéquate, la foi - dont se réclame le soufisme - implique la conviction qui s'identifie à une adhésion totale à Dieu et à une sublimation, dans un comportement qui s'ingénie à éviter toute atteinte à l'honneur et à la dignité d'autrui. "La pudeur est une marque de foi", et, celui qui en est dépourvu, ose tout se permettre" (Tabarâni). La valeur du geste d'un soufi est hautement appréciable, en Islam. La qualité de l'acte réside, en effet, davantage dans le sens d'abnégation et dans l'altruisme, que dans la valeur matérielle d'un don. La véritable richesse, but suprême auquel aspire un soufi - n'est guère l'aisance matérielle, mais plutôt la richesse de l'âme. "(Boukhâri, Moslim et Tabarâni); c'est cet élan généreux de l'âme et du sentiment, qui fait la force d'un soufi, dont l'ultime désir est de se sentir comblé par Allah, sans dépendre, aucunement, d'un autre que LUI. Autant de caractères, éminemment élevés, qui caractérisent le croyant, c'est-à-dire le véritable soufi.
Deux qualités essentielles - affirme Si Larbi Ben Sayah comme conclusion de sa Boghya - sont le propre d'un véritable Tijani; S'attacher fermement à Dieu, en se réclamant de Lui et de Lui seul; se conformer, strictement, aux préceptes de la Sounna, dans un conceptualisme qui accorde prééminence aux concepts coraniques et à la tradition prophétique.
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Jalal Ed-Din Rumi. The Persian, The Sufi. By A. Reza Arastech, a systematic study of Rumi's re-birth as a total being by a psychiatrist whose persian origins combine to qualify him especially to reveal and explain the elements of Rumi's life which are so relevant today. Preface by Erich Fromm, M.D. 1985, xx, 200 pp.
Jalal Ed-Din Rumi Poet and Mystic selections from his writings by R.A. Nicholson with translation from the persian, introduction, and notes. 1950, 192 pp.
Jalal Ed-Din The saint and the scholar AI-Biruni. A symposium honoring the 1000th anniversary of the birth of the scholar al-Biruni, and the 700th anniversary of the death of Rumi, the sufi saint. Handsoniely illustrated volume of the Sixth Annual Near Eastern Round Table at New York University. Editor, Peter Chelkowski. 1975, 250 pp.
Jalal Ed-Din Rumi The Mathnawi Translation, 3 vols. and commentary 2 vols. reprinting. Let us know if you wish to be notified translated by R.A. Nicholson from 13th c. AD Persian. One of most profound mystical commmentaries on the Qur'an and esoteric Islam ever written compiled from most authentic manuscripts' Persian and English indexes. Translation, 3 vols, 1444 pp; commentary, 2 vols, 846 pp.
Jalal Ed-Din Rumi Teachings of Rumi. Translation by E.H. Whinfield of selections from Mathnawi. 330 PP.
Jalal Ed-Din The Rubaiyat select translations of Rumi's quatrains into English verse by A.J. Arberry. The only English translation, copies now scarce. 1949, 238 pp.
Jalai Ed-Din Selected Poems from Divani Shamsi Tabriz Forty-eight odes edited and translated by R.A. Nicholson from a mss of E.B. Browne with introduction and notes, from 1898 edition. reprint 1973, 128 pp.
Jalal Ed-Din Rumi The whirling Dervishes. By Ira Friedlander, a handsomely illustrated account of the history of the Mevlevi Dervishes,
their eclipse under Attaturk's political reform of Turkey, and their partial re-emergence in the name of contemporary -Tourism". 1975, 159 pp.
Jalal Ed-Din The Whirling Ecstacy. Excerpts from the classical 14th c. AD biography by Aflaki, detailing Rumi's meeting with Shamsi Tabriz, who transformed him from a scholar to a mystic. 32 pp.
Jami, Abd Ar-Rahman Fitzgerald's Salaman and Absalom. The title indicates an examination by AJ Arberry of a translation of Jami's poem by Edward Fitzgerald, to which Arberry has added a literal translation and his own free translation, Nur ed-Din Abd ar-Rahman Jami, a Persian mystical poet and Sufi of the 15th c. AD, composed mystical poems symbolizing in erotic images the love of the soul for God; which have become classics of Persian literature: Majnun and Leila, Yusuf and Zuleikha and Salaman and Absalom, the characters of which, according to Najm ed-Din Tusi are "symbols denoting the various degrees of the intellects." 2 plates, 1956, viii, 206 pp.
Jami: The Persian Mystic. by F. Hadland Davis, contains notes on the life of Nuruddin Abdur-Rahman Jami, great 15th cent. AD Naqshbandi Sufi. Also selections of his mystical works, Salman and Absal. Yusuf and Zuleikha, the Beharistan, and his profoundest treatise, Lawa'ih (Flashes) viii, 103 pp.
Jilani, Abdul Qadir Futuh al- Ghaib (revelation of unseen) Eighty discourses of the saint of Baghdad, founder of the Qadariya order of Sufis in the 11 th cent, AD. Remarkable illumination of Sufi thought in sympathetic translation by M.A. Ahmed. 1967 xiii, 213 PP.
Ibn' Arabi. L'Arbre Du Monde. (288 p). Deux océans:
1) Mystical Philosophy of Muhyid Din Ibn' Arabi, study by A.E. Affifi, 1965, XVI, 213 pp.
2) Sufis of Andalusia, Translation by R.W.J. Austin of Ruh al-quds and al-Durrat al-Fâkhirah
3) The Fanthestic Monism of Ibn' Arabi Doctrine of Wahdat ul'wujud (Onesess of Bains) quoted in Arabic and English by SABLE.Hussaini, in work complementing Affifi's, 1970, XVI (250 pp)
The Wisdom of the Prophets (Fusus ul-Hikam) Translation by Angela Culme Seymour, 1975, xi, (146 p.p.)
Ibn AI-Farid. Poem of the way. Translated by A.J. Arberry from the 14th c. Arable of the Sufi poet, who summarized his mystical experience the Poem of the Way (Nazm of Suluk) of 756 rhymes, 1952 (88 p.p)
Ibn 'Atâ Illah, Sufi Aphorisms. Translated by Victor Danner of Kitam al-hikam 1973, XIV, 88 p.p.
Imam Afi -Zain-ul-Abidin. fourth shi'ite Imam, son of hussein by daughter of last pre-Islamic ruler of Iran. His prayers included.
The Living Imam-nature and status of 12th Imam, belleved by shi'ites to be alive "in occultation", since his final disappearance in 940 AD.
Isutsu, T. The Concept and Reality of Existence. Four essays on islamic and esp. Iranian metaphysics and 'Irfan' (gnosis), including analysis of wahdat al-wujud (oneness of being) of 'Ibn' Arabi and Ni'matullah as elaborated by Mulla Sadra long before Western existentialism of Heidegger and Sartre, which it is compared. Greater part of book a study of structure of metaphysics of Sabzawar , outstanding 19th cent Iranian philosopher-mystic. indexes. 197 1. iv, 167 pp.
Lehrman, Jonas: Earthly Paradise: Garden and courtyard in Islam. Berkeley, 1981, 240 pp. 243b. and w. illus, 15 color plates, 49 plans.
Lewis (Dr. H. Spencer).
1) "L'art mystique de la guérison" 1971, Editions Rosicruciennes Villeneuve-Saint Georges, 3ème édition, 1975.
2) Essais d'un mystique moderne, 1977
Lings, Martin what is Sufism?. A practicing Sufi (Abu Bakr Siraj ed-Din), knows his subject intimately, his purpose is not so much to provide information on sufism that is readily available elsewhere as to afford an understanding of its inner dimensions, i.e. what Sufisrn means to Sufis, as well as what it is not and does not mean. A clear and reliable introduction to Sufism. 1975, 130 pp.
Lings, Martin Que es el sufismo? Madrid, Ed. Taurus. 1981. 138 pags.
Lings, Martin, A Moslern Saint of the Twentieth century, George Allen and Unwin LDT, London, 1961.
Lings, Martin and safadi, Yasin The Qur'an catalogue of the 1976 world of Islam exhibitl on of Qur'an arranged and annotated by distinguished Muslim and Sufi, Dr. Lings, former keeper of oriental manuscripts of the British Library, with aid of present Assistant keeper of the Arabic collection. Excellent introduction to Qur'anic manuscripts with short essays on each of styles displayed: Kufic, maghribli, early Naskhi and Ruyhani, early muhaqqaq and Thulth, Mamluk, Il-Khanid, Timurid, Ottoman, Safavid and a few l9th c. Persian copies. Brief section on bindings, glossary of Arabic words, Bibliog., index. 24 full-page color plates, 59 illust., some full-page, 152 Qu'rans annotated in detail. 1976.
Litvak, L (El Jardin de Allah), Temas del exotismo musulman en Espana, (1880-1913), 1985 (173 p)
Lopez Barrios, F -y Haguerty, M.J.: Murieron para vivir. El Resurgimiento del Islam y el Sufismo en Espana, Barcelona, Argos Vergara, 1983, 239 pags.
G. Marçais (notes sur les Ribats en Berbérie). In melanges René Basset, Paris T.2 p. 395. 430
Massignon, Louis.
Akhbar AI-Hallaj: recueil d'oraisons et d'exhortations du martyr mystique de l'Islam Husayn Ibn Mansur Hallaj/ mis en ordre vers 360/971 par Nasrabâdhi et deux fois remanié, publié, annoté et traduit par Louis Massignon et Paul Krauss, -3e ed.- Paris J. Vrin. 1975.
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Miraj nameh. The Miraculous Journey of Mahomet. Translated from the Arabic by Mir Haydar; introduction and commentaries by Marie-Rose Séguy; translated from the french by Richard Pevear.- London: Scholar press, 1977. 158 p.: col, ill. 30 cm
AI-Muhassibi, Harith: An Early Muslim of Bagdad by Margaret Smith, 1935
Nasr, Seyyed Hossein, Islamic Studies. Essays dealing with three basic aspects of Islam and its intellectual and spiritual life: social and juridical dimensions of Islam, concerned with sacred law; the sciences of nature, and the philosophical and metaphysical aspects, which, in Islam are contained in philosophy on the one hand and sufism on the other. Continuation of the themes of Ideals and Realities. 1967, 155 pp.
Nasr, Seyyed Hossein The Encounter of man and nature subtitled "The Spiritual Crisis of Modern Man," This comparative study by a muslim scholar of the place of man in relation to natural world, illuminates attitude of christianity, Hinduism, Taoism, and Islam, shows the ecological crisis is an aspect of modem western man's spiritual crisis, 1968, 152 pp
Nasr, Seyyed Hossein Ideals and Realities of Islam An introduction to the religion of Islam, intended originaly for Muslims confused by contact with the christian west. Excellent review written from within Sufism of all of Islam: origin, doctrine, sects (Shi'ah, Sunni, Isma'ili, etc.), law and mysticism. By one of the leading scholars of Iran. 1967, 183 pp.
Nasr, Seyyed Hossein Sufi Essays. Penetrating account of the spiritual and metaphysical message and significance of Sufism as a living spiritual tradition. Emphasis on the pertinence of Sufi teaching to contemporary problems. 1974, 184 pp.
Nasr, Seyyed Hossein Three Muslim Sages (Avicenna Suhrawardi-Ibn'Arabi) Really a study of Muslim philosophy, Illuminationism, and Sufism in terms of the lives and works of three towering figures in these fields: Avicenna (d. 1037 A.D.), Suhrawardi (b. 1153 A.D.) and Ibn' Arabi (b.1165 A.D.) and based on lectures delivred at Harvard University. Includes discussion of forerunners of each and development of these key aspects of Muslim intellectual and spiritual life. Text, 121 pp., bibliog. notes, index, 64 pp. 1967 (rep).
Needleman, Jacob (Ed) The Sword of Gnosis. A collection of essays on metaphysics, cosmology, tradition and symbolism mostly Islamic in viewpoint by Schuon, Guenon, Pallis, Lings, Burckhardt, Hossein Nasr, etc... from the quaterly ''studies in Comparative Religion" for which a valuable cumulative index by author in appended. 1974, 464 pp.
Nicholson, R.A. The Idea of Personality in Sufism. Attempts to show with examples literature that Sufism is not essentially pantheistic, but often bears marks of genuinely personal religion inspired by a personal God. vii, 106 pp.
Nicholson, R.A. The Mystics of Islam. An early, but still valuable study by the eminent orientalist of Sufism covering The Path, Illumination, Gnosis, Divine Love, Saints and miracles, The Unitive State, with useful notes and translations of original material not available elsewhere. 1963,viii, 178 pp.
Nizami, Khaliq Ahmad Life and Times of Sheikh Farid-ud-Din Ganj-i-Shaka Scholarly but deeply sympathetic biography of the 13th cent. Chisti saint known as Baba Farid. Life, teachings, poetry, influence on non-muslims, biog. notes on successors. Admiring foreword by H.A.R. Gibb. Extensive biblio.; index, 1973, xii, 144 pp.
Nurbakhsh, Javad: Divani Nurbakhsh-Sufi Poetry. New York, 1980, 265pp.
Palacios, Miguel, A. : "Contacts de la spiritualité musulmane et de la spiritualité chrétienne" Islam et Occident, pp. 67 a72.
Parrinder, Geoffrey Jesus in the Qur'an. Prof. Parrinder approaches Islam as a religion akin to christianity and explores sympathetically all the 93 verses in which Jesus is mentioned, setting them in context of Qur'an as whole. Concentrates on detailed examination of Qur'anic teachings about birth connected with him, giving parallels in Gospel where they occur. general Qur'ani and Biblical indexes. 1976 (rep), 187 pp.
Pelly, col. Lewis The Miracle Play of Hasan and Husain. Authentic 19th cent. compilation by Oersians under direction of secretary of British Embassy of a complete Tazzalya play, by which Shi'ites memorialize the martyrdoms of Imam Hassan (A.S.) and Imam Hussain (A.S.), esp. murder of latter on 10th Moharram 61 A.H. (680 A.D.). Extensively annotated by A.N. Wollaston from 19th cent. sources, including, unfortunately, George Sale, who was hostile to Islam and ignorant of Shi'ism. Nevertheless most valuable and best material on subject in English known to us. repr. of 1879 ed. v.i. xxxii, 303 pp; V. 11, 342 pp, incl. 4 p index to notes.
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Quesnot (F.). Les Cadres Maraboutiques de L'Islam Sénégalais, In Chailley (M.) Edit, Notes et Etudes sur L'Islam en Afrique Noire, Documents du Cheam, Paris, J. Peyronnet, 1962.
Rahman, Fazlur The Philosophy of Mullah Sadra. The only known treatment in English of the 17th cent. Persian philosopher. Rahman's conviction that lie was not a Sufi is probably correct , but the source of his
rational expression was Shi'ite Irfan (Gnosis) as Corbin shows (see Sufism) and Rahman acknowledges. Part 1: Ontology; Part Il: hagiology; Part Il: Psychology: Man and his Destiny. Notes, indexes. 1975, viii, 277pp.
Rice, Cyprian, O.P. The Persian Sufis. Written in terms of christian mysticism by a Dominica'n priest, bearing the imprimatur of the church and acknowledges having advice of a Pir (Spiritual Master) of Ni'matullahi Order of Sufis in Teheran. Includes translations of excerpts from Najim ed-Din Razi, 13th c. AD Kubrawiyya Sufi. Describes the Sufi way and its goal, principle doctrines and Sufi practices. Clear, readable introduction. 1964, 104 pp.
Sa'adi Of Shiraz The Bustan (Fruit Orchard). Translation by A.H. Edwards of entertaining anectodes and devotional wisdom of the sage of Shiraz. Born 1175 AD, Saadi was a disciple of the Sufi Pir Abdul Qadir Mani. 156 pp.
Sachedina, Abdulaziz Abdulhussein: Islamic Messianism/ The Idea of Mahdi in Twelver Shi'ism. Albany, 1981. 233pp.
Saeed, Maulana Ahmad Key to the Garden of Bliss translated by Rahm Ali al-Hashimi from Urdu collection of ahadith setting forth pious actions and worthy deeds, including prayers and other pillars of Islam, dhikr, relations with others, death, dreams, etiquette, glossary. 1971. 451pp.
Saeed, Maulana Ahmad Fear of Hell. Translated by Rahm Ali-Hashmi from Urdu Collection of ahadith bearing on acts leading to hell, beginning, with making partners with God and ending with bad manners. Appendices on remedies for minor and major sins. Glossary. 1972, 256 pp.
Saeed, Maulana Ahmad What Happens After Death?. Selected ahadith with commentary based on Tadhkirat of Qortobai, various works of Jallaluddin Siyuti, Hafis of Qayyam, Sha'rani and others, translated from Urdu Rahm Ali AI-Hashmi, 1974, 494pp.
Sage. Prières et Remèdes qui Guérissent. 197, 460p.
Sana'i, Hakim The Enclosed Garden of Truth. Translation by Maj. Stephensen of the first chapter (of ten) of a Persian classic on Sufism by Sana'i (1118-52 AD) of whom Jallal ed-Din Rumi said: "compared to Sana'i 1 am only half-baked." XXXIII, text: XXXIII, 197 pp. Persian text: 100pp.
Sana'i, Hakim The walled Garden of Truth. David Pendlebury, follower of Idries Shah, has abridged translation of Hadiqat al- Hadiqat by Maj. Stephenson and improved his prose. Not really new translation, but selections well made. In spite of usual protests of Sha's circle that Sufism is ''above'' Islam, Pendlebury acknowledges that its aim is to know God.1974,75pp.
Al-Sarraj, Abu Nasr Kitab Al-Luma' Fi'l-Tasawwuf. One of the earliest extant works on Sufism (4th c. AH) by the master of the master of Abu sa'id ibn al-khair. Intended to show consonance of Sufism with the Qur'an and traditions of the Prophet (PBUH). Arabic text and index; 154 pp.
English summary, glossary and indexes by R.A. Nicholson. 1963 (rep). 472 pp.
Schimmel, Annemarie Mystical Dimensions of Islam. Most comprehensive work on Sufisrn to appear in English; by a scholar whose heart has not been petrified by the mind nor has the mind been drowned by feelings. Includes history of classical Sufism. Sufi psychology, development of the orders, "theosophical" Sufisrn (wherein Ibn Arabi's much misunderstood Wahdat-i-wujud, Le. unity of being, perceptively clarified), rose and nightingale theme in Turkish and Persian poetry, development of Sufism in Inde-Pakistan; Appendices on mystical calligraphy, letter symbolism, feminine element in Sufism. Extensive bibliog., indexes of Qur'anic quotations, hadith, names and places, subjects. 1975, xxiii, 506 pp.
Schimmel, Annemarie Pain and Grace- A Study of two Mystical Writers of 18th Century Muslim India Mir dard ('pain') 1721-1785 of Delhi with Naqshbandi connections and Shah Abdul Latif ('Grace') 1689-1752 of Bhit are compared in beautiful but scholarly treatise by Prof. Schimmel. Dard produced a kind of spiritual biography while Latif is seen in emotional outpourings carefully translated from his Sindhi. Opens with masterful essay on the indian scene in 18th cent. Bibliog., indexes of Qur'anic refs. and ahadith, narnes and technical terms. 1976, xiv, 3 10 pp.
Schimmel, Annemarie, Et Al The Whirlinig Dervishes- A Commemoration Commemorate's 700th anniversary of death of jallal ed-Din Rumi on Decembre 17, 1273. From International Rumi Committee, beautiful informative collection by Prof. Schimmel, J. Moore, Nail Keseva (a Mehlevi musician) and J. Semers. striking color photographs of tomb of Rumi, calligraphy, turning of dervishes, etc, 1974, 28 pp. full colon,
Schuon Frithjof, Le Soufisme, Voile et quintessence, dervy-Livres, 138 p.
Schuon, Frithjof The Logic of Transcendence. Closely reasoned discussion of logical basis for belief in suprarational forms of knowledge, i.e. transcendental gnosis. Chapters on the proofs of God, oriental dialectic and its roots in faith, understanding and believing, nature and function of the spiritual master, man and certainty, etc. 1975 (273 pp).
Schuon, Frithjof Transcendent Unity of Religions. Though Allah is one, his messengers are many. It is therefore a legitimate, though perhaps peripheral study to attempt to discern his oneness behind or within the diversity of the messages. It is important to remember in such pursuit that Muhammad (PBUH), as the Seal of Prophets, is the criterion of completeness and perfection. Though it is not always apparent, Schuon, himself a Moslern as well as a sufi, writes from this view. Originally pub. 1948, 156 pp.
Schuon, Frithjof Understanding Islam. Translated by D.N. Matheson, perhaps the finest exposition of the perrenial and spiritual truth of Islam available on English. By a European Moslem from within the Sufi tradition. Profound, intellectually difficult, but very rewarding. 1963, 160 pp.
Sedir, Paul, Les Forces Mystiques, 1977, Amitiés Sphituelles.
Shabistari, Mahmud The Secret Rose Garden. Translation by F. Leaderer of poetical answers to profound mystical questions put to Sheikh Sad ud-Din Mahmud Shabistari in the 14th c. AD by Seyyed Amir Husseini of Herat. A Sufi classic. VIII, 74 pp.
Shadhilli, Abu AL-Mawahib Illumination in Islamic lvlysticism Translation by Edward J. Jurji with introduction and notes of Qawanin Hikam al-Ishraq by 15th cent. Sufi, al-shadhili. Careful scholarly presentation of Egyptian Sufi of North African Shadhili order of 12th cent. Still active. Index. 1939, 130 pp.
Shah, Amina Arabian Fairy Tales. A collection of 28 traditional tales for children about caliphs and dervishes, Jinn and Viziers, spiced with mystery and magic and conveying the atmosphere of Islamic society. 1969, xi, 166 pp.
Shah, Idries Nasruddin. Tales of the legendary Middle Eastern figure, Mullah Naser edDin, first made famous in the West by Gurdjieff Delightfül and amusing, Shah insists they are profound.
Shah, Idries The Sufis. For reasons best known to himself, Shah has devoted himself to popularizing Sufism in the West by insisting that it is not essentially Islamic, through lie acknowledges on the first page of introduction to this work that Islam in the "shell" of Sufism. Shah's learned father a Sufi, goes on to say: "... the Koran is the last text book of Sufism, and the prophet Mohamed the greatest Sufi of all times. Whosoever, therefore, does not subscribe to this idea, despite the fact that he may be following an occult way, is not a Sufi". Nevertheless, this is a fascinating introduction to sufism and its many unsuspected (and possibly occasionnally imaginary) influences on western civilization. 1964 xxvi, 404 pp.
Shah, Idries Tales of the Dervishes. First in a series giving Sufi tales, most for first time in English, from various sources. Appendix identifies in chronological order 62 Sufis from 7th to 20th century who are quoted. 1967, 222 pp.
Shah, Idries The Way of the Sufi. In his introduction, he points out the various pseudo Sufi cults and off-shoots, such as the Gurdjieff work, which confuse the seeker of Sufism; discusses misunderstandings of Western orientalists; gives excerpts from classical sufis: Ghazzali, Khayyam, 'Attar, Ibn' Arabi, Sa'adi, Jami, Sena'i, and Rumi (every one a devout Moslem); some material from four well-known orders: Chisti, Qadiri, Suhrawardi and Naqshbandi; finally pet-pourri of "teaching stories" many of which appear in English for first time. 1968, 288 pp.
SHAH, IKBAL ALI Islamic Sufism. Excellent introduction to sufisrn by father of Idries Shah, who, unlike his son, insists on the essentially islarnic foundations of genuine sufi ways. 197 1 (rep), 299 pp.
SHEIKH, M. SAEED Studies in muslim philosophy. Account of the four principle philosophical movements of early Medieval period-Mu'tazalism, Ash'arism, sufism, and the Ikhwani-safà(Bretheren of purity) as weil as other thinkers of the period, influenced by greek philosophy. xii, 248 pp.
SIRAJ ED-DIN, ABU BAKR The book of certainty. A work of profound insight by a contemporary Sufi, known in the west as Dr. Martin Lings. Meditations on qur'anic themes, including the three levels of certainty: of knowledge(Message of Islam), of experience(May of Islam), and of vision(Goal of Islam). 1974 (108 pp).
SIRHINDI, SHEIKH AHMAD The Majaddid's Conception for Tawhid by Burhan Ahmad Faruqui, study of the islamic Mystic of the 10th c. AD, called the Majaddid-i-wujud and central to the subsequent development of sufi doctrine. Sirhindi was affiliated with several orders: Suhrawardi, Chistis, and Naqshbandis, 197 1,vi, 132 pp.
SMITH, Jane and HADDAD, Yvonne: Islamic Understanding of Death and Resurrection. Albany, 1981. 270 pp.
SMITH, MARGARET Rabi'a the Mystic of Her Fellow Saints in islam life and times of one of the earliest mystics of islam and the first famous woman mystic, who had been sold into slavery as a child, settled in Basra and died there in the late 8th cent. A.D. 1976, 220 pp. (Rabi'a the mystic), Cambridge, 1928.
SMITH, MARGARET Readings from the Mystics of Islam. Translations from nearly 50 Arabic and persian originals, together with a short account of the history and doctrines of sufism, brief biographical notes on each sufi writer. v, 144 pp.
SMITH, MARGARET The way of the Mystics sub-titled " The Early Christian Mystics and the Rise of the Sufis", reprint of 45 year old work not yet superseded. Reviews pro-Islamic Christian Mysticism in Near and Middle East and shows extent opf diffusion and influence of christians, warm relations Between Muslims and Christians in first islamic century. Brief treatment of Islamic Mysticism and rise of Sufism, followed by short sketches of great early sufis: Rabi'a the saintly woman, Muhasabi, subject of later work by author(see Smith-2160), dhu'n Nun Misri and Abu Yazid Bistami. 1976 (rep-), xii, 276 pp.
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ZAIN UL-ABIDIN, HAZRAT IMAM ALI Sahifa-i-kamila great-grandson of prophet of islam, who poured his spiritual genius into inspiring prayers, of which this collection is the greatest. sixty-eight prayers for all occasions tr. by Seyyed Ali Mohani from arabic text of 11 th cent. edition of al-Majlisi 1. scholarly (30 pp). introduction and appreciation. 1970, 190 pp. ZAIN UL-ABIDIN, HAZRAT IMAM ALI Sahifa-e-karnelah (The Book of perfection) Another english version without arabic text. By Ahmed Ali Mohani with 92 pp. introduction and commentary annotated. 1971, XCII, 224 PR
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Mohammed Larbi ben Sayah, décédé en 1892 ap. J.C./11309 de l'hégire, est un des grands maîtres du Soufisme maghrébin, juriste, traditionaliste, homme de lettres et poète.
La Boghia, a été publiée au Caire. en 1886 ap. J.C./1304 de l’hégire ; son titre global est "Boghiat el Moustafïd fï charhi mouniat el mourid " (but de celui qui cherche à tirer profit du commentaire du Désir de l'Initié). Cet ouvrage, maillon fondamental dons l'une des grandes chaînes de transmission initiatique, fut, tout le long de mes expériences, un véritable guide, un livre de chevet et un code d'orientation mystique
Bnou baba Ahmed (décédé en 1844 ap. J.C./1260h).
La Pensée Islamique et le Monde moderne. Abdelaziz Benabdellah, Presses de la Sonir, Casablanca, 1981
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L'oeil de Chiva qui est localisé dans la zone frontale du caput, et que la science n'a pu, jusqu' ici, explorer positivement. La psychologie moderne la considère comme centre neutre, dénué de toute inférence biologique. Or. à partir de recoupements d'ordre psychique non encore définis, j'ose prétendre que cette zone est le centre d'une certaine coordination psychosomatique, en étroite liaison avec le subconscient microcosmique
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Corbin Imagin. créat. p. 84.
Hâdir el ‘Alam el Islami
L’Islam dans l’Afrique Occidentale, par A. Lechâtelier p. 189.
se référer à notre ouvrage arabe sur le processus d'évolution de la pensée Soufie au Maghreb
Manuscrit N° 471 (Bibliothèque Nationale de Rabat)
Manuscrits de la B.G de Rabat N° 1534/B.N. de Tétouan n' 519 et 874/Escurial 156 (se référer à un manuscrit "cadeau pour l'initié". Tétouan (452/871).
Manuscrits de la B.G. de Rabat N° 145 /B.N. de Tétouan N° 520/avec interprétation par El Kharroubi 8 G de Rabat D 2201). Un autre manuscrit de la B.G. de Rabat (N° 206 en 59 pages) a pour thème la structuration des bases et des origines du soufisme (se référer à deux autres manuscrits à Alger (N° 916) et Zeïtouna en Tunisie (111, 172).
voir son commentaire sur le poème "Noms de Dieu" par Mohammed Dimiati (B.G. Rabat D 506/D 1670/ Tétouan (826). Vatican (362-1254-1359)/ Alger (751).
B.G. Rabat ( D 1041 / D 1254 /Tétouan (452)
B.G. Rabat D 2175 (145 pages) / Tétouan (278), Bibliothèque hassanienne de Rabat N° 2116.
Bibliothèque du Vatican (N° 311 / 2532 / B.G. de Tunis (3571 M/4227 M).
Homme de loi, une des autorités de la chariâ
Chaarâni, dans ses Yawâqît (hyacinthes), chapitre 48.
Grands jurisconsultes et interprètes de la loi musulmane
Tabaqât de Chaarâni (préface)
Tradition du Prophète
"Hadith qodsi" ou propos divin autre que le Coran, révélé au Prophète - Un autre hadith rapporté par Abou Horeïra parle de la "science divine secrète".
Cristallisées par diverses espèces de connaissance : analytique, par forme ou objet, présentielle, d'évidence immédiate etc Nous y reviendrons.
se référer à "ed-Dhahab el Ibrîz" de Sidi Abdelaziz ed-Debbagh
N'est-ce pas le cas de l'abeille, dûment reconnu par la science ?
Dissocié des autres facultés - dirait Ghazali qui qualifie cet ensemble de "divin subtil", dont l'inspiration, l'intuition, la raison, la conscience, l'âme, l'esprit , le coeur etc..;
Se référer à cette dualité dans le Hadith.
dans ses Annotations sur le Commentaire explicatif du Traité dogmatique d Es-Sanoussi.
En réponse à une épître émanant d'un juriste de Zerhoun
Se référer A Jawahir El Maâni
selon le Hadith : "Dieu a créé Adam à son image"
Niche dans le mur d'une mosquée, orientée vers la Mecque
dans son commentaire du Waghlissiya
d'après ses Foutouhât el-Mekkiah
Ghazali, "preuve de l’Islam".
c'est la laouha où sont écrits les versets du Coran destinés à être lus et appris par coeur.
se référer à l'ouvrage d'Abdelaziz Benabdellah "Clartés sur l'Islam ou l'Islam dans ses sources" éd. 1969. Imp. de Fédala. (Moharnmédia) p. 21.
Dans son "Rawdat et-taarif bi-el-Houbb es-Chari f
AI-Akkad cite cette anecdote dans son ouvrage sur Avicenne
Le Tabiy est un contemporain des compagnons du Prophète.
El Jâmiy - Ben Mechri T 2 p 23 (manuscrit personnel)
Nirvana = Nour El Fana (Lumière de l'extinction)
Les inspirations des états s'identifient aux connaissances insufflées au coeur de l'initié.
qui vient du mot "Jahr" (dhikr à haute voix)
du nom Ahmed Ben AI-Machrah, le Yamanite
al-‘Ajz’ Ani Al-Idrâk Idrâk
Première sourate du Coran
d'après un hadith rapporté par Moslim
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