
بـــسْم ﭐلله ﭐلرّحْمٰن ﭐلرّحــيــم ﭐللَّهُمَّ صَلِّ عَلَى سَيِّدِنَا مُحَمَّدٍ وَ عَلَى آلِهِ و صحبه وَ سَلِّمْ السلام عليكم و رحمة الله و بركاته
Affichage des articles dont le libellé est Pierre Ponsoye. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Pierre Ponsoye. Afficher tous les articles
samedi 7 mai 2016
jeudi 28 avril 2016
jeudi 14 avril 2016
Pierre Ponsoye - Saint Bernard et la Règle du Temple
Maison natale de Saint Bernard Fontaine lès Dijon
dimanche 26 janvier 2014
Hindouisme et Bouddhisme - Ananda K. Coomaraswamy
Traduit de l'anglais par René Allar
et Pierre Ponsoye
et Pierre Ponsoye
dimanche 1 septembre 2013
Pierre Ponsoye - L' Islam et le Graal - Étude sur l’ésotérisme du Parzival de Wolfram von Eschenbach
Pierre Ponsoye - L' Islam et le Graal - Étude sur l’ésotérisme du Parzival de Wolfram von Eschenbach - Quelques conclusions
«
Tant sainte chose est le Graal » que l'on ne saurait prétendre en épuiser les
problèmes, encore moins les significations. C'est pourquoi, au terme de cette
étude, nous laisserions volontiers au lecteur le soin de décider lui-même des
points qui lui paraissent acquis, souhaitant que les autres lui offrent des
directions utiles de recherche et de méditation. L'honneur qui tient au sujet
même commande pourtant que nous proposions quelques conclusions. Si elles ne
sont pas exclusives, ni, sur certains points, trop catégoriques, elles nous
semblent, en tout cas, conformes à la « vérité » du Graal.
La « légende
souveraine » n'est pas une invention de poète. Elle n'est pas non plus
l'expression romancée d'une certaine théorie de la Grâce. Elle est la résurgence,
en terre occidentale chrétienne, d'un courant traditionnel immémorial touchant
le Mystère essentiel de toute Révélation, Mystère de la Connaissance de Dieu
selon Dieu, « participation à la Nature divine » (II Pierre, I, 4), qui est en
soi Vie éternelle (Jean, XVII, 3), consommation de l'Unité (Jean, XVII, 23) :
le Mystère de la θέώδις ou du Tawhîd métaphysique. Si, dans cette «
Fontaine d'enseignement » un moment découverte, les eaux apparemment diverses
du Celtisme, du Christianisme, du Judaïsme et de l'Islam ont pu s'unir sans se
corrompre, c'est qu'elles étaient intellectuellement et spirituellement pures
et venaient de la même unique Source.
Les modes et les circonstances de cette confluence ne
sont pas de ceux dont l'histoire puisse garder trace. Mais elle n'a peut-être
pas été aussi complexe qu'elle peut le paraître, si l'on songe qu'elle a été
précédée par l'intégration chrétienne du legs celtique, et que, lorsqu'elle
s'est produite, la conjonction des ésotérismes judaïque et islamique existait de longue date. Mais ce qui ressort
du texte de Wolfram comme de multiples données convergentes, c'est que
l'ésotérisme islamique a été mandaté à un moment déterminé par les
représentants qualifiés de la Sagesse traditionnelle universelle pour
entreprendre, en accord avec ses frères chrétiens et juifs, une oeuvre de
restauration initiatique dont l'un des principaux aspects semble avoir été le
rétablissement d'un lien conscient entre les organisations initiatiques
occidentales et le Centre spirituel suprême, en vue de cette « réorientation »
de l'Occident dont nous parlons plus haut. On peut, d'après certains indices,
se demander si cette action de l'Islam a été comprise de tous ceux qui devaient,
normalement, lui prêter leur concours. En tout cas, si le magistère du Graal
était unique à l'origine, comme le donne à entendre Wolfram, et comme doit le
faire penser sa nature même, son enseignement semble avoir comporté assez tôt
deux courant distincts : un courant d'apparence spécifiquement chrétienne,
expression en mode chevaleresque de la tradition ésotérique propre du
Christianisme enrichie de l'apport celtique, qui s'est développé selon les
structures doctrinales et intellectuelles de l'Église d'Occident, à l'intérieur
de ses cadres dogmatiques, et, si l'on en croit Robert de Boron, avec son «
congé » ; - un courant gardant la marque de son inspiration orientale et de sa
filiation islamique et templière, identique quant au fond de la doctrine, mais
comportant en outre ouvertement certaines de ses conséquences immédiates,
telles que la notion d'universalité du Graal et de l'unité essentielle des
traditions, qui impliquaient, non plus seulement l'approfondissement ésotérique
du contenu des dogmes, mais leur transposition métaphysique, et tendaient par-là
à la rupture, par transcendance, des limites intellectuelles tenant au fait
même de leur définition, par là également au renversement, pour les élites, des
barrières religieuses, et à l'ouverture ou plutôt la réouverture de l'« espace
» spirituel chrétien aux influences et à l'assistance providentielles du Centre
suprême, condition de la réintégration de la Chrétienté, pour son propre
accomplissement, à l'Ordre traditionnel universel que ses propres Écritures lui
désignaient comme une réalité et une Norme perpétuelles en la personne et la
fonction de Melki-Tsedeq. Les moyens nécessaires et possibles de cette oeuvre
étaient, d'une part, une union véritable, institutionnellement garantie, entre
les autorités spirituelles des traditions respectives, d'autre part la solution
du problème des deux pouvoirs temporel et spirituel, dont l'existence menaçait
de plus en plus celle de la Chrétienté et devait si largement contribuer à sa
ruine, solution qui reposait uniquement sur la possibilité de les intégrer de
façon réelle et efficace à leur principe commun, le Christ, clavis David
sceptrumque domus Israël. Cette double possibilité s'offrait alors à la
conscience des élites responsables du monde chrétien en cette hypostase
mystérieuse, nommée Graal, de la Réalité christique sous ses deux aspects
sacerdotal et royal, et dans son Ordre.
Le premier de ces courants semble ne s'être maintenu,
après le XIIIème siècle, que dans des organisations de plus en plus restreintes
et fermées. Le second, où se reconnaissent le dessein et l'oeuvre interrompue
des Templiers, leur survécut à travers le Haut Gibelinisme et le
Rosicrucianisme, mais ne devait plus subsister, après le départ des derniers
Rose-Croix, que dans les vestiges recueillis par la Franc-Maçonnerie. Cette
dualité, quels qu'en aient été les circonstances et les motifs profonds, a eu
pour résultat l'isolement intellectuel du Templarisme, et par là l'échec final,
du moins sur le plan historique, du dernier et suprême effort pour conquérir au
monde la Cité divine.
Sans doute, avant que la Cité pût descendre du ciel en
terre, fallait-il que le monde allât encore en « avalant », et les pages les
plus sombres de l'histoire restaient encore à écrire, celle où l'on ne
trouverait plus, non seulement le souvenir du Graal, mais même le souvenir de
Dieu. Mais si le Graal fut à nouveau perdu, après que les meilleurs eurent cru,
un instant, pouvoir espérer en son Empire, ce n'est pas tant, ou d'abord à
cause du « péché », qui ne pouvait l'atteindre, que parce que l'Occident, en
rejetant finalement un pacte presque conclu, s'était retranché lui-même du
mystère de Grâce et de Justice dont il était la chance et la sanction.
Ce mystère est celui de Melki-Tsedeq, prototype éternel
du Sacerdoce et fondement de l'Ordre traditionnel universel et impérissable. Le
Graal est caché en lui avec la Parole également valable. Il ne cessera jamais
d'être cherché, parmi les Gens du Livre et parmi les Gens de l'Unité. C'est
avec cette Parole qu'ils le retrouveront, car Celui que tous les « enfants
d'Abraham » attendent, le Sacerdos in aeternum promis par serment à
Israël, le Messie de la Seconde Venue, Seyidnâ Aïssa, « Sceau de la Sainteté
universelle », leur a envoyé d'avance la même convocation.
Pierre Ponsoye - L' Islam et le Graal - Étude sur l’ésotérisme du Parzival de Wolfram von Eschenbach - X - La Parole également valable
L'enseignement
du Graal ne posait pas ouvertement le problème des rapports de la Papauté et de
l'Empire, et n'avait pas à le faire au plan qui était le sien. En tant que tel,
ce problème n'existait que par la fatalité du siècle. Quant à la dualité même
des deux grandes fonctions exotériques, elle a des raisons complexes dont
l'étude sortirait du cadre de ce travail, et qui tiennent avant tout aux
modalités particulières de la manifestation christique et de l'extension du
Christianisme à la Gentilité. Quoi qu'il en soit, cette dualité impliquait par
elle-même un principe commun, imposé métaphysiquement par leur unité
essentielle, et traditionnellement par l'appartenance du Christianisme à
l'Ordre de Melki-Tsedeq. Un moment devait venir pourtant où la fatalité
imposerait aux héritiers du Temple de prendre position dans cette perspective,
aussi ouvertement que le permettaient la nature profonde de la doctrine et le
secret initiatique. Ce moment marqué, à l'orée du XIVème siècle, par ces deux
symptômes majeurs du mal dont la Chrétienté devait mourir, non pas, bien
entendu comme Église, mais comme « Cité » humaine et divine : la disparition de
l'Ordre du Temple, et le conflit plus grave que jamais entre la Papauté et
l'Empire, d'apparence d'autant plus irrémédiable qu'il n'était plus depuis
longtemps d'attributions seulement, mais de principe. De cette prise de
position, l'oeuvre de Dante est le témoin le plus hardi, le plus complet, et,
pour nous, le plus précieux. Le De Monarchia, en particulier, publié à
l'occasion de la descente d'Henri VII en Italie, expose, à peine voilée sous sa
forme scolastique, une doctrine qui est bien loin d'être purement abstraite et
théorique, comme on pourrait le croire à une lecture tant soit peu
artificielle. Parmi les passages où l'auteur laisse voir le plus clairement sa
pensée profonde, nous citerons celui où il réfute l'argument d'après lequel, le
Pape et l'Empereur étant hommes, et tous les hommes étant ordonnés à un seul
homme, qui est leur mesure et leur type, l'Empereur est nécessairement ordonné
au Pape, dès lors que celui-ci ne peut être ordonné à un autre homme. Voici ce
que dit Dante :
«
En tant qu'ils sont des êtres relatifs (le pontificat et le pouvoir impérial étant
des relations, et non des formes substantielles comme l'humanité), ou bien ils
doivent être ordonnés l'un à l'autre, si l'un est subordonné à l'autre ; ou
bien ils appartiennent à une même espèce de relation ; ou bien ils sont
ordonnés à un troisième être, comme à leur archétype. Or, on ne peut soutenir
que l'un soit subordonné à l'autre, car, dans ce cas, l'un serait attribué à
l'autre, ce qui est faux. Nous ne disons pas, en effet, que l'Empereur est
Pape, ni réciproquement. On ne peut soutenir davantage qu'ils appartiennent à
la même espèce, car l'essence de la Papauté n'est pas celle de l'Empire. Donc
ils sont ordonnés à un être, en qui ils trouvent leur unité.
«
Pour comprendre cette troisième assertions, rappelons-nous que la relation se
comporte vis-à-vis de la relation comme le relatif vis-à-vis du relatif. La
Papauté et l'Empire, puisqu'ils sont des relations de prééminence, doivent être
ordonnés à une relation de prééminence dont ils découlent ; donc, le Pape et
l'Empereur, puisqu’ils sont des relatifs, doivent être ordonnés à un être chez
qui se trouve, sans caractéristiques particulières, la relation même de
prééminence. Ainsi est-il évident que le Pape et l'Empereur, en tant qu'hommes,
sont ordonnés à un être unique ; en tant que Pape et en tant qu'Empereur, ils
sont ordonnés à un autre être (119) » La conclusion apparente est que
l'Empereur ne peut être ordonné au Pape. Mais il en est une autre qui, pour
n'être pas exploitée, n'en est pas moins explicite : si l'Empereur et le Pape
sont ordonnés, d'une part en tant qu'hommes, et d'autre part en tant que Pape
et Empereur, à deux êtres distincts, ils ne le sont pas immédiatement à Dieu ;
autrement dit, il existe bien, à la source de leurs fonctions, cette «
substance inférieure à Dieu » en qui « se trouve, sans caractéristiques
particulière, la relation de prééminence ». Dante n'était pas homme à se payer
de mots ni à poursuivre des chimères, et l'on peut penser plutôt qu'en cette année
1311 où le destin semblait encore en suspens, il était difficile et sans doute
inutile d'en dire davantage. Cependant nous n'aurions pas cité ce curieux
passage si, quelle que soit la grandeur intellectuelle de son auteur, il
n'exprimait qu'une thèse personnelle. Mais l'on sait aujourd'hui qu'il n'en est
rien. Comme Wolfram à une autre époque, mais avec une autorité propre à
laquelle celle du bon chevalier ne peut se comparer, Dante parlait au nom des
organisations initiatiques héritières de l'Ordre du Temple, et en particulier
de la Fede Santa dont il était sans doute l'un des chefs. Entre la
sereine réserve du premier et l'ardente apologie du second, les événements
survenus depuis 1307 font toute la différence.
De
Wolfram à Dante, la filiation doctrinale n'a pas à être démontrée. La
constatation de traces d'influence islamique chez le grand Gibelin, analogues à
celles que nous avons révélées chez son prédécesseur, prend dès lors une
signification qui n'aura pas besoin d'être soulignée. Cette influence n'est
plus en question aujourd'hui, et, si l'on en discute, c'est seulement sur sa
nature. Voici ce que dit B. Landry dans l'Introduction à son édition française
du De Monarchia : « Un philosophe imprégné d'averroïsme autant qu'un
chrétien peut l'être, tel apparaît Dante en son De Monarchia.
D'ailleurs, n'a-t-il pas toujours et partout aimé les Arabes ; rappelons-nous
que Dante n'a pas voulu placer en enfer celui que les Augustiniens appellent le
Maudit, et que, lui, appelle l'Auteur du Grand Commentaire ; rappelons-nous
encore que Siger de Brabant, l'averroïste parisien que Saint Thomas combattit
avec une si grande force, siège au Paradis avec son illustre adversaire. Enfin,
n'oublions pas que Dante avait lu et médité la littérature arabe ; il savait
les voyages que Muhammad avait faits dans l'autre monde, et on a montré que les
cercles de l'Enfer dantesque sont très semblables à ceux de l'Enfer musulman.
«
Dante est fortement imprégné de la pensée arabe ; il habite un pays que
Frédéric II a pétri, et il a été ébloui, comme beaucoup de ses contemporains,
par la doctrine qu'à travers Avicenne et surtout Averroès, le Philosophe
révélait au monde occidental (120). »
A
la vérité, si Dante est imprégné de la pensée arabe (il serait plus exact de
dire islamique), ce n'est pas seulement par l'averroïsme mais aussi et surtout
par l'ésotérisme çufi, et en particulier par l'enseignement de Ibn Masârra et
de Mohyiddîn Ibn Arabî. Les travaux de Miguel Asin Palacios ont montré
l'influence indiscutable d'oeuvres comme les Futûhât el-Mekkyiah et le Kitâb
el-Isrâ sur la Divine Comédie, la Vita Nuova et le Convito
(121). Le mot « imprégné » est juste en ce qu'il sous-entend un partage
intellectuel se situant aux sources mêmes de la pensée, et dont l'ésotérisme
incontesté des oeuvres respectives suffit à exclure tout caractère extérieur ou
« profane ». René Guénon a fait observer combien est significatif à cet égard
le silence gardé par Dante sur celui auquel il a emprunté le principal du
symbolisme de la Divine Comédie, alors qu'il ne se fait pas faute de
nommer dans ses oeuvres nombres d'auteurs exotériques comme Avicenne, Averroès,
Alfarabi, Albumazar, Al Fergani, Al-Ghazzâli (ce dernier, bien que Maître çufi,
était surtout connu en Occident comme docteur), etc.
La doctrine de l'Empire universel chez Dante, en ce qui
la concerne, trouve effectivement chez Aristote, à travers les docteurs
musulmans, un répondant et une caution. Mais quand il dit, à propos de
l'Empereur, que « Dieu seul choisit, Dieu seul investit, car Dieu seul n'a pas
de supérieur », ou encore que « l'autorité temporelle du Monarque descend sur
lui de la Source universelle de l'autorité, sans aucun intermédiaire (122) »,
il ne s'agit pas là seulement de la transposition dans un ordre social « idéal
» d'une philosophie de l'ordre cosmique : il s'agit d'une réalité vénérable,
actuellement vivante et menacée, qu'il importait de défendre à la fois contre
ceux qui prétendaient la nier et contre ceux qui la détournaient dans un
intérêt de parti, et de promouvoir, en union et équilibre avec l'autorité spirituelle,
sur les bases d'authenticité et de régularité que pouvait seule fournir la
Sagesse traditionnelle universelle.
Ce
serait voir les choses sous un jour bien superficiel que de croire que l'aide
doctrinale que Dante a trouvée chez les Arabes s'est limitée au Péripatétisme,
quand l'on sait qu'il a connu et utilisé l'enseignement de Mohyddîn Ibn Arabî,
et alors que le Maître avait formulé, sur l'objet même auquel, lui, Dante,
avait voué sa vie, la doctrine la plus profonde et la plus complète qui se soit
jamais, sans doute, offerte à l'Occident.
Dans
des ouvrages d'exposition directe tels que le De Monarchia ou le Convito,
destinés à une large diffusion, et qui devaient compter avec la vigilance du
Saint-Offce (on sait que le De Monarchia devait être brûlé en 1327 sur
l'ordre du cardinal Du Puget, légat du Pape), on ne peut s'attendre à trouver
autre chose que des rapports de fond avec la doctrine du Califat telle que
Mohyddîn la présente, notamment au Chapitre 73 de ses Futûhât (123).
Mais les notions capitales s'y trouvent : celle de l'universalité de l'Empire,
et celle de l'investiture divine directe. La dernière, tout au moins, ne doit
rien à Aristote, et on leur chercherait vainement, d'autre part, des sources
patristiques, sans parler de la doctrine officielle de l'Église, qui, avec les
Augustiniens, visait à établir la primauté absolue du Siège pontifical.
On
notera que Dante, vraisemblablement pour les motifs indiqués ci-dessus, laisse
subsister, complète, l'ambiguïté entre les aspects exotérique et ésotérique de
l'Empire comme de la Papauté. Cette ambiguïté se retrouve dans la notion et le
mot de Khalifah, par lesquels le Sheikh el-Akbar entend aussi bien le
Pôle suprême que l'autorité extérieure islamique. Mais celui-ci, qui n'avait
pas les mêmes motifs de silence, distingue nettement un Califat intérieur et un
Califat extérieur, le premier seul véritablement universel, en indiquant du
reste que les deux fonctions peuvent exceptionnellement coïncider, comme ce fut
le cas pour les quatre premiers Califes (Abu Bakr, Omar, Othman et Alî) ainsi
que pour quelques autres plus tardifs. On verra peut-être une coïncidence analogue,
en ce qui concerne l'Empire, dans la personne du « grand Henri » que Dante
place au plus haut degré du Paradis, c'est-à-dire de la « Science"
initiatique » (124). Mais il est difficile de dire si cette coïncidence était
effective ou seulement symbolique, Henry VII pouvant n'avoir été, comme
Empereur et comme initié, que le représentant de l'autorité invisible que le
Rosicrucianisme devait désigner plus tard sous le nom d'Impérator. Si
Dante garde à ce sujet une réserve compréhensible, il n'hésite pourtant pas à
livrer, sous une forme, il est vrai, énigmatique, des indices significatifs sur
l'aspect profond de la tradition impériale et sa finalité spirituelle et
eschatologique. Nous voulons parler des mystérieux Veltro (Inferno,
I, - 100-111) et « cinquecento diece e cinque, messo di Dio » (Purgatorio,
XXXIII, 43-44), héritier de l'Aigle impériale, en qui est annoncée une mission restauratrice
à la fois temporelle et spirituelle, d'un caractère nettement apocalyptique.
Sans préjudice d'application plus restreintes que Dante pouvait avoir
accessoirement en vue, il s'agit ici, sans aucun doute, de la transfiguration
de l'Empire dans le sacrum Impérium véritable et universel, attendu à la
fin des temps. Or cet « envoyé de Dieu » a un correspondant précis dans
l'eschatologie islamique, en la personne du Mahdî (le « Guidé » de
Dieu), Précurseur de la Seconde Venue.
Une
autre notion fondamentale dans l'enseignement de Mohyiddîn est celle de l'unité
transcendante de la Prophétie ou de la Tradition universelle. Or, aussitôt
après avoir affirmé l'universalité de la fonction impériale, dans la dernière
de nos citations, Dante ajoute : « La bonté débordante de cette Source, une et
simple en elle-même, se répand en une multitude de ruisseaux. » S'il s'agissait
seulement d'affirmer la distinction d'origine du « ruisseau » impérial par
rapport au « ruisseau » apostolique, parlerait-il d'une « multitude » ? Même
alors la doctrine serait claire, car l'affirmer pour deux suffit pour poser le
principe. Et pourrait-il, d'autre part, proclamer l'universalité de l'Empire
sans reconnaître cette unité traditionnelle essentielle dont elle n'est qu'un
corollaire ? L'enseignement de Wolfram et celui de Dante peuvent, à cet égard,
s'éclairer l'un l'autre.
Mais
si l'on voulait leur chercher à tous deux des références scripturaires
explicites, ce n'est pas dans la Bible qu'on les trouverait : c'est dans le
Coran, avec des textes tels que celui-ci, qui résume en quelques mots toute
cette séquence doctrinale, et qui est comme le suprême message de l'Islam aux
Gens du Livre, c'est-à-dire aux Chrétiens et aux Juifs :
« Dis : O Gens du Livre ! Élevez-vous jusqu'à
une Parole également valable pour nous et pour vous : que nous n'adorions que
Dieu, que nous ne Lui associions rien, que nous ne prenions pas certains
d'entre nous comme « seigneurs » en dehors de Dieu. » (Cor., III, 57.)
Par cette Parole, données comme point de rencontre de
la Thorah, de l'Évangile et du Coran, le texte sacré définit la Voie du
Monothéisme pur (Hanîfyyiah) ou de l'Unité absolue (Tawhîd) qui
était celle d'Abraham (Cor., XIII, 29), et qui, au sens métaphysique et
initiatique, est celle de l'Identité Suprême, affirmée ouvertement ou
ésotériquement par toutes les doctrines traditionnelles. Elle se situe au
niveau synthétique de la « Mère du Livre » (Omm el-Kitâb), prototype
éternel de tous les Livres révélés, qui est « auprès d'Allâh » (Cor., XIII, 39)
(125). Dans les perspectives judaïque et chrétienne elle est reçue
respectivement sous l'aspect principiel de la Thorah et du Verbe ; - or, pour
l'Islam, « le Messie, Jésus, fils de Marie, est l'Envoyé de Dieu et sa Parole
qu'Il a projeté dans Marie » (Cor., IV, 169), comme aussi la confirmation de la
Thorah (Cor., V, 50). Mais dans la vision islamique elle s'explicite en outre
comme synthèse finale et totalisante des Verbes prophétiques antérieurs : celui
en qui Allâh l'a « projetée » comme telle, Seyidnâ Mohammed, est le « Sceau de
la Prophétie universelle », et c'est pourquoi, selon le Hadîth, il a pu
dire : « J'ai reçu les Sommes des Paroles (Jawâmi'u-l-Kalim) et j'ai été
suscité pour parfaire les Vertus les plus nobles. » C'est à cette
caractéristique spécifique de totalisation prophétique que l'Islam devait et
doit sa qualification surnaturelle pour porter aux Gens du Livre un tel message,
et pour travailler avec eux à sa réalisation.
Si l'on reprend à ce propos la terminologique de
Mohyiddîn Ibn Arabî dans ses Fuçûç el-Hikam, on observera que la Parole
également valable répond exactement à la Pierre précieuse christique descendue
du Ciel avec les Empreintes de la Royauté divine, mais sous l'aspect spécial de
synthèse universelle qui est celui de la Seconde Venue, laquelle marquera la
clôture du cycle humain actuel, alors que la synthèse mohammédienne marquait la
clôture de la prophétie légiférante. C'est bien cette Pierre dont Flégétânis
avait lu le nom dans les étoiles, et que Kyot, par ouï-dire, avait aussitôt
reconnue.
Comme Trévrizent le disait à Parzival, « elle n'a pas
cessé d'être pure ».
120 Ibid., introd., pp. 52-53.
121 Miguel Asin Palacios, El Averroismo teologico de
Sto Thomas de Aquino, Zaragoza, 1904 ; La Escatologia musulmana en la
Divina Comedia, seguida de la historia y critica de una polemica,
Madrid-Granada, 1943. Cf. en français André Bellessort, Dante et Mahomet,
in Revue des Deux Mondes, avril 1920 ; Louis Gillet, Dante,
Flammarion, Paris, 1941 ; M. Rodinson, « Dante et l'Islam d'après des
travaux récents », Revue de l'histoire des Religions,
octobre-décembre 1951.
122 De Monarchia, 1. III, ch. XVI, p. 194 de
l'éd. Landry.
123 V. plus haut, ch. VI, p. 128, un aperçu de cette
doctrine, d'après M. Michel Vâlsan. 124 Paradiso, XXX, 124-148. Cf. Convito, II, ch. XIV : « ... per cielo intendo la scienza e per cieli le scienze. »
125 A la « Mère du Livre » ou « Coran éternel »
répondent notamment le « Vêda primordial », le « Sepher éternel », l' «
Évangile éternel ».
samedi 31 août 2013
Pierre Ponsoye - L' Islam et le Graal - Étude sur l’ésotérisme du Parzival de Wolfram von Eschenbach - IX - De L'Empire d'Arthur à l'Empire du Graal
Arthur, l'illustre roi des Bretons du VIème siècle, est passé très
vite de l'histoire à la légende, si même, pour lui, elles se sont jamais distinguées.
Bientôt après sa disparition, dit Henri Martin, il « n'est plus seulement un
héros national ; c'est le « fils de la nuée », d'Uter à tête de Dragon, « roi
des ténèbres », être mystérieux et voilé, ordonnateur des batailles, supérieur
à Hu lui-même, d'Uter qui a pour bouclier l'arc-en-ciel, et qui a pris la forme
de la nuée pour engendrer son fils. Arthur a reçu de son père la grande épée :
il parcourt l'univers en vainqueur ; il est proclamé empereur du monde. Enlevé
au ciel après qu'il a été mortellement blessé à la bataille de Camlan, il
réside dans la constellation qui porte son nom (le Chariot d'Arthur, la
Grande Ourse) : il en redescendra un jour sur la terre. Il est devenu le type
même du génie héroïque des Celtes, le type élevé jusqu'à la substitution
d'Arthur à l'ancien Bel comme Taureau du Tumulte, génie du Soleil et de la
guerre ». Plus tard, ce type évolue. Arthur est toujours « le chef du monde
héroïque, mais il n'est plus le fils d'un dieu : il n'est que le fruit des
amours illégitimes d'un héros. Il n'est plus enlevé entre les constellations.
Toutefois sa disparition reste voilée de surnaturel : il n'est pas mort, il ne
mourra pas ; neuf fées le gardent dans l'Ile sainte d'Avallon, d'où il viendra
venger son peuple, ses deux Bretagnes (113) ». Disparu, il n'est pas réellement
absent ; on entend ses cors dans la forêt bretonne. Les Bretons n'ont pas voulu
d'autre roi après lui, à cause de cette invisible présence et de l'attente de
son retour béni (114).
Héros
polaire (son nom vient de Art, l'Ours, qui présente un étroit rapport
avec le symbolisme celtique du Pôle) (115), ses traits de prototype impérial se
précisent : s'il n'est plus le fils d'un dieu, c'est Dieu lui-même qui lui
donne l'Empire du Monde, symbolisé l'épée Excalibur, et dont les
limites, qu'il était alors interdit de dépasser, portent son nom (les bornes
Artus, qui sont, d'une part à l'extrémité orientale de l'Inde, d'après le Roman
d'Alexandre, c'est-à-dire aux confins du Paradis, d'autre part à l'extrême
Occident, identifiées avec les colonnes d'Hercule, auquel Arthur était
d'ailleurs souvent assimilé). Lui aussi est « ordonnateur des batailles » (ipse
dux crat bellorum, dit Nennius), car c'est à la pointe de l'épée qu'il doit
conquérir son empire contre les ennemis des Bretons et de Dieu. Cet empire
n'est pas seulement le monde terrestre, mais aussi le monde intermédiaire ou
subtil, c'est-à-dire tout le monde sublunaire, domaine des Petits Mystères. A
ce titre, il est souverain de droit de tous les lieux « enchantés » : « Et tous
ces lieux faés sont Artus de Bretagne », dit le Brun de la Montagne. En
tout cela, il est l'agent fidèle de Myrrdhin ou Merlin, dont il ne se distingue
pas essentiellement, le prophète insaisissable, omniprésent et multiforme, fils
d'une vierge et d'un esprit de l'air, maître des éléments, détenteur des «
divins secrets », chef spirituel et unificateur des peuples celtiques, qui sort
de sa « maison de verre », au fond de la forêt par excellence (Kalydon, ou
Brocéliande) pour l'assister dans les moments critiques. C'est sur les
directives de Merlin qu'il institue la
Table
Ronde
Qui
tournoie comme le monde,
ce
qui fait d'elle le « moyeu du Monde » et achève de caractériser Arthur comme
Monarque universel, semblable au Chakravarti hindou. Un signe de
régularité de ce Centre initiatique, auquel tout le Moyen-Age s'est référé
comme à la plus haute autorité chevaleresque, est fourni par la constitution
duodénaire de son collège principal, image des douze soleils zodiacaux ou des
douze manifestations cycliques de l'unique et éternelle Essence. Arthur
lui-même représente cette Essence dans sa constance et sa fixité non agissante.
C'est par ce non-agir même qu'il ordonne et « autorise » l'action. Il réalise
ainsi le pouvoir temporel dans son statut normal de résorption spirituelle qui
permet au Principe divin d'agir à travers lui sans obstacle ni altération. Son
union avec Merlin en est un autre signe, car elle exprime l'intégration normale
des deux pouvoirs dans leur Source commune.
Par ces rapides indications, on voit que le
thème arthurien offre par lui-même indépendamment de celui du Graal, un
véritable Doctrinal de l'Empire. Pour en saisir toute la portée, il faut se
souvenir que l'idée impériale a été l'une des dominantes majeures de la pensée
et de la foi médiévales, participant immédiatement de la finalité du Royaume de
Dieu. L'Empire était, avec le Sacerdoce, l'un des deux aspects normaux et
nécessaire de la Lieutenance conférée naturellement et surnaturellement à
l'Homme par le « Roi du Ciel ». Il ne s'agit donc pas là d'une formule
politique, même teintée de mysticité, mais de la communication au monde
chrétien de l'autorité et de la réalité du Christ sous son aspect royal. On peut
donc parler d'un Mystère impérial, qui n'est autre que le Mystère christique
dans son extension temporelle, et aussi dans sa perspective eschatologique, car
l'aspect royal se rapporte plutôt à la Seconde Venue, comme l'Empire, dans sa
manifestation ultime, à la Jérusalem céleste. Dans l'attente de cette Heure où
les deux autorités sacerdotale et royale seront réunies sur une seule auguste
tête, l'Empire demeure, comme l'Église, réalité transcendantale, archétypique
vers laquelle doit tendre l'histoire, puisqu'il doit la consommer.
Si étrangère que puisse être une telle conception à la mentalité moderne,
elle a été authentiquement celle du Moyen-Age, pour lequel le spirituel et le
temporel n'étaient que des « catégories » du sacré. C'est ce qui permet à
l'historien de faire des constatations telles que celles-ci de Joseph Calmette,
à propos du renouveau impérial carolingien : « La notion de l'Empire, écroulé
dans les faits (après 476), subsiste intacte sur le plan de l'idée pure... Les
traces en sont innombrables dans la littérature, surtout ecclésiastique.
L'Empire n'a pas cessé d'être. Il doit, de virtuel, redevenir réel. Toute âme
éclairée aspire à le revoir et a comme la nostalgie de cette patrie d'élection.
Or, le rêve des lettrés et des penseurs va prendre corps ; ce que n'a pu
Justinien, une dynastie franque le réalisera. L'histoire, sous son impulsion,
paraîtra refluer vers sa source. Désormais, en Occident, l'idée impériale,
fût-elle interprétée ou réalisée diversement, occupera toujours une place de premier
plan dans les préoccupations des souverains et des peuples (116). »
Entre
autres témoins du caractère sacré du symbole arthurien et de la fonction impériale,
citons le portail de la cathédrale de Modène, dédié à Arthur (environs de
1160), et la fameuse mosaïque de Latran, sur laquelle nous nous arrêterons un
instant. On y voit le pape Léon et l'empereur Charles, agenouillés aux pieds de
saint Pierre, et se faisant face sur le même plan horizontal. Les trois
personnages forment un ternaire où saint Pierre figure en majesté, c'est-à-dire
comme personnification d'un principe. Il donne simultanément à Léon et à
Charles deux investitures distinctes : l'une, par le pallium, purement
sacerdotale, et l'autre, par le vexillum, impériale, que Charles reçoit
ainsi directement. On remarque en outre qu'il garde dans son sein la clef d'or
de l'autorité spirituelle et la clef d'argent du pouvoir temporel. Le Prince
des Apôtres n'agit donc pas ici comme Chef de l'Église, mais dans la Fonction
spirituelle suprême, permanente parce qu'universelle, de Vicarius Christi,
Source des deux pouvoirs. On verra mieux plus loin à quoi pouvait répondre une
telle figuration. Rappelons ici que, dans le vexillum, concourent trois
symboles : celui de la Croix, celui de la Lance, et celui de l'Etendard. C'est
pourquoi il figure dans l'iconographie médiévale comme attribut du Christ
guerrier. La Croix de la Résurrection elle-même, avec sa banderole, n'est autre
qu'un vexillum, comme l'a justement fait remarquer Émile Mâle (117), ce
qui achève de montrer l'association étroite, dans la pensée médiévale, entre l'
« idée » impériale et la réalité spirituelle et parousiaque exprimée dans la
notion traditionnelle du Christ-Roi.
C'est à cette immanence, et nous dirions volontiers à cette imminence
du Mystère impérial que sont dus la transposition légendaire presque immédiate
de ses principales manifestations historiques, et le caractère messianique et
eschatologique qui les a si fortement marquées. Dans ses Notes sur le
Messianisme médiéval latin, P. Alphandéry a bien dégagé les traits
messianiques de l'Empereur archétype, tels qu'ils ressortent des légendes de
Charlemagne, de Frédéric Barberousse, de Frédéric II, ou de personnages de
moindre envergure mais de fonction analogue. Le thème de leur carrière est toujours
le même : élection divine, épreuve, retraite, retour glorieux. Il s'y ajoute
souvent un thème eucharistique ou baptismal (par passage des eaux, changement
de nom) ; plus généralement encore, l'Empereur élu est entouré d'un collège de
douze membres. Le temps de son absconditio se passe dans une Montagne
(Wunderberg, Kyffhaüser) ou dans une Terre inconnue au delà de la mer, symbole
évident du Centre du Monde. De là il sortira un jour pour combattre l'Antéchrist
: la renovatio imperii annonce ainsi la reparatio temporum. P.
Alphandéry fait justement remarquer que chacun des héros légendaires assumant
les traits de l'Empereur, initialement chef d'un peuple, reviendra à la tête de
tous les peuples, ou plutôt à la tête du peuple universel des saints (118). Il
s'agit donc dans tous les cas d'une seule fonction ; de sorte que l'apocalypse
impériale rejoint celle de Jean, celles de Baruch, d'Esdras et des traditions
rabbiniques, et celles reçues en Islam au sujet du Mahdî et du retour de
Seyidnâ Aïssa. Cette conjonction n'a rien qui doive surprendre, car si la
tradition impériale se référait historiquement à l'héritage romain et
théologiquement à la personne du Christ-Roi, elle plongeait de profondes
racines dans un fonds traditionnel universel, particulièrement invariable sur
ce point, et plus spécialement dans le fonds d'origine abrahamique, à la source
duquel on retrouve le Prêtre-Roi par excellence, Melki-Tsedeq.
On voit sur quel contexte, à la fois historique et «
trans-historique », Arthur, chef perpétuel de toute la Chevalerie terrestre,
venait projeter l'exemplaire d'un Art royal conscient de ses moyens et de son
but. Mais, s'il indiquait la fin de la Chevalerie qui est de devenir céleste,
il définissait aussi les bornes de son propre domaine - que marque, en particulier,
la discontinuité entre son royaume et Montsalvage - , et, entre le terrestre et
le céleste, ce passage à la limite qui est une transfiguration. La
théophanie du Graal achève la Terre. C'est pourquoi, si la sphère d'Arthur est
la voie d'accès
normale à celle du Graal, elle ne lui est, pourrait-on dire, que tangente, et,
si les deux chevaleries peuvent coexister, elles ne se compénètrent pas, la
seconde ajoutant à la qualité royale de la première, qu'elle possède éminemment,
la qualité sacerdotale qu'elle tient d'élection, réalisant le double aspect de
cette Lieutenance, hypostase du Sacerdoce éternel.
On
discerne dès lors comment l'Empire d'Arthur pouvait, sur un certain plan, être
valablement tenu pour une fin en soi, pour n'être plus, dès l'annonce du Graal,
que son étape et sa virtualité. L'Empire du Graal, auquel celui d'Arthur
s'ordonne naturellement, est en acte ce sacrum impérium attendu à la fin
du cycle de l'histoire, et dont le Saint Empire historique ne fut qu'une figure
lointaine et une espérance finalement déçue. S'il est futur pour le monde,
c'est qu'il n'est pas de ce monde, bien qu'il en soit proche, et tout en étant
sa fin, et il y a, entre eux aussi, ce passage à la limite, cette relation de
mystère dont nous avons parlé et qu'évoque, dans le Parzival, l'épisode
de Lohengrin et de la Question interdite. Mais il demeure, car la fin d'une
chose ne peut pas ne pas être l'actualité permanente de son Principe, et sa
Chevalerie elle-même n'est pas assez enchaînée à l'histoire pour mourir avec
ses « saisons ».
113 Henri Martin, op. cit., t. III, p. 360. Le Dragon est
symbole polaire très répandu. Hu-Cadarn (Hu le Puissant) est le Prêtre-Roi qui
guida la grande migration celtique des VIe-VIIe siècle depuis le « Pays de
l'été ». Bel ou Belen est l'Apollon celtique.
114 « Einsi (Artus) se fist porter en Avallon et les Bretons démonstrèrent
que oncques puis n'en oïrent novelles, ne ne firent roi, quar il cuidèrent que
il deust venir ; mès il ne revint oncques puis, mès li Bretons ont oï dire que
il ont oï corner en cest forest et ont oï ses cors et véu les plusor et ont véu
son hernois et encore cuident li plusors qu'il doit venir » (Perceval,
Ms Didot, ap. Hucher, op. cit. t. I, p. 502).
115 αρχτος : Ours, Grande Ourse, Nord. Ce mot entre dans la racine
du nom d'Artémis, fille de Zeus et de Letho, soeur jumelle d'Apollon. Il
désignait les jeunes filles consacrées à la déesse. L'Ourse joue un rôle
important dans la mythologie d'Artémis ; la légende voulait, en particulier,
qu'une ourse ait été substituée à Iphigénie quand elle lui fut sacrifiée.
116 J. Calmette et
C. Higounet, Le Monde féodal, Presse Universitaires, Paris, 1951, p. 91.
117
Émile Mâle, L'Art religieux au XIIIè siècle en France, A. Collin, Paris,
1923, p. 263.
118 P. Alphandéry, op.
cit., pp. 13 sq. Des
confusions inévitables se sont parfois produites entre les divers aspects, exotérique
et ésotérique, historique et eschatologique de l'Empire. Cf. le curieux ouvrage
de Paul Vuillaud, La Fin du Monde, Payot, Paris, 1952.
Pierre Ponsoye - L' Islam et le Graal - Étude sur l’ésotérisme du Parzival de Wolfram von Eschenbach - VIII - La rencontre celtique
L'une
des preuves incomparables de la haute intellectualité des romans du Graal est
la conjonction parfaite des deux thèmes sur lesquels ils reposent. Sur le thème
primitif d'Arthur et de la Table Ronde, celui du Graal, jusqu'alors ignoré ou
tu, est venu en effet s'imposer, non pas tant comme une suite que comme une
révélation nouvelle. « Les premiers introducteurs des traditions bardiques et
du cycle d'Arthur en France, dit l'historien Henri Martin, Geoffroy de Monmouth,
Wace, l'auteur, quel qu'il soit, de la Vie de Merlin, en vers latins,
l'auteur ou les auteurs des fragments du Tristan en vers français, et
même Chrétien de Troyes dans le Chevalier au Lion et le Chevalier à
la Charette, n'avaient pas dit un mot de la légende (du Graal). Elle paraît
être arrivée parmi les clercs et les trouvères de la cour de Henri II quelques
années après la rédaction du Brut par Wace... A peine la légende
est-elle dans les mains des lettrés de la cour anglo-normande, parmi lesquels,
chose remarquable, figurent plusieurs chevaliers, qu'ils la développent en
vastes amplifications, et opèrent, entre elle et le cycle de la Table Ronde,
une combinaison qui n'avait jamais eu lieu chez les Gallois (98). » Nous
ignorons si cette « combinaison » a été faite effectivement à la cour de Henri
II ou si, plutôt, les organisations initiatiques qui en sont responsables n'ont
pas trouvé là un lieu favorable à sa mise au jour. Le point important est que,
comme le dit ailleurs Henri Martin, le rameau du Graal a été « enté » à un
certain moment sur l'arbre vénérable grandi en terre celtique; et, si la
soudure entre les deux thèmes est aussi invisible que celle de l'épée de
Perceval, au point que le second apparaît comme l'accomplissement, la « mise à
chef » du premier, c'est qu'elle répond à une nécessité intime de logique
symbolique, et non pas parce que le Graal figurait primitivement dans la
finalité apparente de l'empire d'Arthur et de l'institution de la Table
Ronde. Lorsque, vers 1180, le Graal est apparu pour la première fois avec
l'ouvrage de Chrétien de Troyes, la grande légende arthurienne était déjà
répandue dans tout le monde occidental depuis de nombreuses années, durant
lesquelles, se suffisant apparemment à elle-même, elle avait apporté grâce aux
troubadours et aux trouvères, une contribution majeure à l'essor de la
Chevalerie. Elle n'avait pas fait en cela, que relayer dans leur fonction les
Chansons de Geste du cycle de Charlemagne ou les romans antiques (Romans
d'Alexandre, Roman de Thèbes, d'Enéas, de Troie,
etc.): elle en avait transposé l'objet sur un plan plus strictement légendaire,
c'est-à-dire plus intellectuellement lisible et plus directement initiatique.
Ceci est, pensons-nous, le motif réel de l'avènement triomphal de la « matière
de Bretagne », et appelle quelques observations.
Contrairement à ce que l'on croit généralement, la tradition celtique
n'a pas disparu lors de l'évangélisation de la Gaule et de la Bretagne
insulaire. On trouve des traces de son activité, non seulement lors du
renouveau celtico-chrétien du XIe siècle que l'on a appelé le Néo-Druidisme,
mais jusqu'au XIVe et même au XVe siècle. Les oracles de Merlin, notamment, ont
été entendus durant tout le Moyen-Âge, et écoutés, non seulement par le peuple,
mais par les princes et même les clercs (tel Orderic Vital, Suger, Alain de
Lille), sans opposition de l'Église, qui ne les a prohibés qu'après le Concile
de Trente, alors qu'ils ne subsistaient plus que comme de simples superstitions
(99). Les pays celtiques sont les seuls où le Christianisme a été accueilli spontanément
et à peu près sans effusion de sang, et il dut à cette synthèse doctrinale, où
il n'est pas exagéré de voir une sorte de miracle intellectuel, avec une
tradition à forme de Sagesse ou de Connaissance analogue à bien des égards à
l'Hindouisme, de conserver son imprégnation ésotérique primitive, beaucoup plus
que le Christianisme de juridiction romaine, dont il était indépendant. C'est
cette synthèse qui explique en particulier que l'Armorique ait été évangélisée,
non par des missionnaires de Rome, mais par le Christianisme celtique, comme
faisant partie du domaine traditionnel, c'est-à-dire spirituel, de la Bretagne
sacrée.
Pendant plusieurs siècles les deux
traditions subsistèrent côte à côte, le Christianisme prenant peu à peu en
charge la communauté générale des peuples bretons, tandis que le Druidisme
proprement dit se retirait dans un ordre d'activité de plus en plus cachée, de
forme principalement érémitique. « A côté de l'enseignement public du clergé
(chrétien), dit encore Henri Martin, les bardes ont un enseignement secret,
inconciliable, non avec la métaphysique chrétienne, mais avec le Christianisme
romain du Moyen-Âge, et avec une grande partie des doctrines accréditées par
l'Église, surtout depuis saint Augustin. Ils ont conservé quelque chose des
symboles et des rites d'initiation du Druidisme... Là (dans le sanctuaire
doctrinal celtique) reposent ces arcanes qui, transmis durant des
siècles par la tradition orale, seront, grâce à une heureuse transgression des
antiques maximes, livrées à l'écriture au moment où les rites bardiques seront
sur le point de disparaître... C'est là (dans le Livre des Arcanes, Cyfrinac'h)
que la pensée celtique, avant de dépouiller ses formes particulières et
périssables, a déposé ce qu'elle contenait d'immortel, son grand système des
destinées de l'âme et de la personnalité divine et humaine, ravivé par une
flamme d'amour divin allumé au flambeau du Christ (100). »
Les Druides, dans leur grande majorité, s'étaient ralliés à la religion
nouvelle, formant notamment ces mystérieux moines Kuldées sur lesquels
l'histoire est à peu près muette, mais dont il est du moins certain qu'ils
contribuèrent à assurer au Christianisme l'héritage sacré du Celtisme expirant.
Que cet héritage ait participé aux « enfances » du Graal, c'est ce que
montrent, non seulement la présence d'éléments celtiques purs dans la structure
de la légende, mais aussi l'existence antérieure, chez les Bretons, d'une
tradition originale de la coupe salutaire, contenant l' « eau de résurrection
». Cette coupe figurait depuis des dizaines de siècles dans le zodiaque de
pierre du temple stellaire de Glastonbury, et se retrouve dans les poèmes
bardiques. Taliésin notamment, le grand barde du VIe siècle, disait qu'elle "inspire
le génie poétique, donne la sagesse, découvre à ses adorateurs la science de
l'avenir, les mystères du monde (101) ». « Ses bords, dit encore Taliésin, sont
ornés de rangées de perles et de diamants », ce qui, au prix du changement de
ses vertus prophétiques en vertus eucharistiques, permet de voir en elle le
prototype du vase décrit par Chrétien de Troyes, lequel, comme on le sait, ne
reçut que chez les continuateurs de celui-ci sa spécification christique
exclusive.
Comment concilier ces faits avec la donnée chrétienne proprement
dite et la donnée orientale? Il faut d'abord préciser que, comme le dit Henri
Hubert, « les Celtes ne sont pas une race, mais un groupe de peuples, plus
exactement parlant un groupe de sociétés », dont le fondement et le lien était
le sacerdoce druidique, « institution panceltique, ciment de la société celtique
(102) ». Plutôt qu'une caste à proprement parler, les Druides formaient un
ordre fortement hiérarchisé, et distribué en trois classes: les Druides
proprement dits (dont le nom paraît dériver des deux racines dhru, «
force », et vid, « voyance », « connaissance »), les Files ou Filid et
les Bardes; cet ordre, ajoute Henri Hubert, « constitue une confrérie (sodaliciis
adstricti consortiis)... où il devait y avoir une initiation, une
préparation, des degrés dont nous retrouvons la trace chez les Filid »,
et qui « chevauche sur les tribus et les états ».
Les
Druides s'étant toujours refusés à fixer leur enseignement par écrit, le peu
que l'on en connaît repose sur les fameuses Triades bardiques et les
rares données transmises par les auteurs anciens. On peut y distinguer
toutefois des bases métaphysiques rigoureuses, et une forme de Sagesse
prophétique et "mystique" qui l'a fait parfois rapprocher du
prophétisme juif, mais qui l'apparente surtout à l'Hindouisme. On y discerne en
effet une doctrine de la transmigration, une doctrine de la réalisation
ascendante et descendante, une doctrine des cycles cosmiques, ainsi qu'une
anthropologie et une cosmologie qui, par plus d'un trait, rappellent celles du Védânta.
Un premier point est donc acquis: le Celtisme n'est pas un fait ethnique
ou sociologique, mais une tradition, au sens précis où nous avons pris ce mot à
la suite de René Guénon. Les manifestations premières de cette tradition
remontent bien en deçà de l'arrivée des peuples brittoniques (Goïdels et
Brittons ou Kymris) sur les côtes atlantiques de l'Europe, au VIe siècle avant
notre ère. Les différences dialectales de ces peuples montrent, à elles seules,
que leur séparation était déjà très ancienne, et que, pour retrouver l'unité
celtique, « il faut aller jusqu'à ce que beaucoup appellent encore l'époque
néolithique, c'est-à-dire la très longue suite de siècles pendant laquelle
l'usage des métaux s'introduisit lentement dans l'Europe occidental et
septentrionale (103) ».
La question des origines du Celtisme n'est
d'ailleurs que l'un des aspects du grand problème indo-européen, par lequel se
signale à travers les millénaires l'un des plus intenses foyers de lumière qui
aient jamais éclairé l'histoire humaine. Il nous faut ici en rappeler
brièvement les termes: on s'est aperçu, depuis le milieu du siècle dernier,
qu'il existe, entre toutes les vieilles langues de civilisation de l'Europe et
de l'Asie occidentale et centrale, une parenté telle qu'elle impose indiscutablement
la certitude d'une source commune, appelée par convention « indo-européen
commun ». Ces langues comprennent le groupe celtique, le groupe italique, le
groupe germanique, le groupe balto-slave, le grec, l'albanais, l'arménien,
l'indo-iranien (sanscrit, vieux perse épigraphique, zend), le hittite d'Asie
Mineure, le tokharien d'Asie centrale, sans parler des langues disparues
(thrace, phrygien, etc.). Les similitudes morphologiques, syntaxiques et
phonétiques de ces diverses familles ont conduit les linguistes à conclure,
avec Jean Naudou, qu'il a « nécessairement existé un peuple indo-européen,
peut-être une confédération de sociétés dispersées sur un vaste domaine et
soumises à des influences diverses, mais entre lesquelles l'unité linguistique
constituait un lien conscient (104) ». L'étude des affinités des différents
idiomes, qui a permis de les distribuer en deux grands groupes (un groupe
oriental avec l'indo-iranien, l’arménien, le balto-slave, et un groupe
occidental avec l'italo-celtique, le germanique et le grec, auquel se rattache
curieusement le tokharien) a conduit à une autre constatation, guère moins
importante: c'est que « la dispersion des groupes indo-européens doit se
concevoir comme un rayonnement à partir de l'aire initiale d'occupation (105)
».
Il y a lieu de noter d'autre part qu'aucune des langues en question
n'a pu être considérée comme la langue souche, ou même comme le tronc direct et
principal de celle-ci, dont les autres ne seraient que des ramifications. Si
Jean Naudou estime, avec Antoine Meillet, qu' « il faut considérer (les langues
indo-européennes) comme le développement ultérieur de dialectes d'une même
langue », la qualification conventionnelle d' « indo-européen commun » qu'on a
dû lui donner montre bien que celle-ci n'a pu être reconnue en aucune de ses
dérivées. Pour Henri Hubert, l'indo-européen n'est d'ailleurs « pas même
l'ombre d'une langue parlée », mais seulement « un système de faits linguistiques
», vestiges d'une langue perdue. On retiendra de cette confrontation d'opinions
que la notion d'une langue primitive unique correspond à une réalité indiscutable,
et non à une simple hypothèse de travail; mais que, d'autre part, cette notion
ne peut d'appréhender que par synthèse, comme une intégrale dont seules les
dérivées peuvent être saisies. Il va de soi que les faits linguistiques ne sont
que les reflets d'évènements beaucoup plus profonds, et la notion d'une langue
mère, en particulier, n'est pas dissociable de celle d'une tradition primitive.
On se souviendra, en effet, qu'il s'agissait de langues sacrées, comme en
témoignent encore le zend et le sanscrit, et comme l'étaient d'ailleurs toutes
les langues archaïques. Or une langue sacrée n'est pas telle par sa destination
liturgique, mais par sa constitution symbolique, au sens réel du mot, qui en
fait une hiérophanie, une hypostase véritable, en Lumière et en Nombre, des
Idées ou Formes (είδος) et les Énergies éternelles du Verbe. De là vient
son efficacité transcendante, notamment dans l'invocation rituelle, et son rôle
de support de la Révélation. Le mystère de l'origine des langues touche ainsi
directement à celui de la Source divine du langage, du symbole et du rite, et à
celui de la constitution de l'Homme comme imago Dei, qui lui confère,
selon les paroles de Mohyiddîn Ibn Arabî, l' « aptitude à embrasser toutes les
Vérités essentielles », et par suite à les exprimer en symboles, parce que «
tout ce qu'implique la « Forme divine », c'est-à-dire tout l'ensemble des Noms
divins (ou Qualité universelles) se manifeste dans cette constitution humaine,
qui, de ce fait, se distingue (des autres créatures) par l'intégration de tout
l'existence (106) ». Le pouvoir de nommer qui en découle, et qui est le même
que le pouvoir de bénir (benedicere), est donc, par excellence, une
spécification de la forme et de la fonction adamique; il suppose l'intégrité de
cette forme et de cette fonction.
On objectera peut-être que ce qui est dit
ici ne saurait valoir que pour la langue primordiale ou « syriaque » (en arabe loghah
sûryaniyah) à laquelle nous ne prétendons d'ailleurs nullement identifier
la langue indo-européenne primitive. Nous répondrons que toute langue sacrée
est « primordiale » en son essence, même si, historiquement, elle descend d'une
autre langue sacrée. Cette descendance même est hiératique dans ses moyens et
dans ses voies, car elle correspond nécessairement à une nouvelle forme de la
Tradition s'adaptant aux conditions cycliques spéciales, mentales et physiques,
de la partie de l'humanité à laquelle elle est destinée. Elle suppose donc
toujours l'exercice conscient de la fonction adamique.
Ceci permet d'entrevoir la signification de faits dont la science
officielle n'a pas été en mesure de rendre compte: « d'abord la « perte »
mystérieuse de la langue mère, qui traduit la résorption de la tradition dont
elle était le support; ensuite la diffusion, à partir d'un même foyer, de
plusieurs langues qui constituaient da descendance, et non pas seulement sa
dégénérescence dialectale; en outre, la co-extensivité entre les divers types
de civilisation issus de ce foyer et leurs idiomes respectifs; enfin, le
développement de ces civilisations et de ces langues en aires d'expansion
distinctes, sous la conduite ou l'inspiration de prêtres et de prophètes.
Quelle que soit l'obscurité dont ces faits s'enveloppent, ils apparaissent
comme la trace d'évènements immenses dans l'ordre spirituel et dans l'ordre
humain, échappant à toute date, mais dont l'influence n'a pas cessé de se faire
sentir sur le destin des peuples. Ils supposent une organisation théocratique
des sociétés primordiales, que l'archéologie est obligée d'admettre également:
« A l'Orient de l'aire d'expansion des Indo-Européens, dit encore Henri Hubert,
nous retrouvons des sociétés de prêtres tout à fait comparables par leur crédit
et leur puissance aux Druides: ce sont les Mages iraniens et les Brahmanes de
l'Inde. Les Druides ne paraissent différer de ces derniers que parce qu'ils ne
constituent pas une caste fermée... Il ne s'agit pas seulement de sacerdoces
comparables, mais de sacerdoces identiques... Toutes ces identités prouvent que
les institutions auxquelles même les textes de basse époque font allusion sont
de très haute antiquité », et que les sociétés indo-européennes primitives «
étaient déjà des sociétés d'un type élevé: elles avaient des chefs, des
prêtres, un droit formel (107) ». Jean Naudou précise de son côté: « La
religion et la société indo-européennes étaient hiérarchisées et comportaient
trois niveaux: un niveau sacerdotal et souverain, lui-même à deux aspects, l'un
violent et magique, l'autre bienveillant et juridique; un niveau guerrier; un
niveau populaire et producteur (108)". Quant aux deux aspects du
sacerdoce, nous dirions plutôt qu'ils sont l'un de rigueur et l'autre de
miséricorde, à l'image de la Divinité, et l'on a pu comprendre par ce qui
précède qu'il s'agit plutôt ici de théurgie que de « magie ». On notera d'autre
part que l'autorité sacerdotale était en même temps souveraine, autrement dit
qu'il s'agissait de ces Prêtres-Rois dont les Védas disent qu'ils
étaient « au-delà des castes » (ativarnâshramî): autre indice de
primordialité.
Toutes
ces données permettent de voir dans le « berceau » indo-européen un très haut
Centre spirituel, et l'une des principales stations de la Tradition primordiale
dans sa marche sacrée depuis l'indistinction polaire originelle jusqu'à son
siège oriental, à l'aurore de l'Histoire. L'origine hyperboréenne de la
Tradition, à une époque où les conditions climatiques étaient entièrement
différentes de celles qui ont prévalu depuis les temps historiques, est
attestée par les Védas, les plus anciens textes sacrés, comme l'ont
montré les travaux de B.G. Tilak, complétant ceux de Warren et de Rhys (109).
Cette indication est corroborée par l'Avesta, et rejointe d'autre part
par les traditions post-atlantéennes de l'ancien Mexique. De fréquentes
allusions à cet habitat nordique primitif sont fournies par les mythologies
celtiques, germaniques, scandinaves et finnoises, et on en trouve également la
trace dans les textes homériques (la « Série au delà d'Ortygie », où sont les «
révolutions du Soleil »), chez divers auteurs anciens (Hérodote, IV, 24,
Diodore de Sicile, II, 47, d'après Hécatée d'Abdère, Plutarque, etc.) et dans la
tradition hébraïque, comme on l'a vu plus haut.
Le
plan de réalité prophétique où se situait cette « descente » de la Tradition ne
permet d'en rien dire, sinon qu'elle était une « marche avec Dieu » au sens de
la Génèse, c'est-à-dire une marche avec la Shekinah, et que par elle
devait se maintenir l'intégration spirituelle du cycle humain à travers les
conditions nouvelles nées de son éloignement inéluctable des origines et du
Principe. Ses stations correspondaient en fait à des périodes cycliques couvrant
un nombre indéterminé de siècles et de millénaires. Celle à laquelle se
rattache le « mystère indo-européen » n'est pas la première d'entre elles, et
elle est certainement postérieure au détachement du rameau atlantéen. Si,
d'autre part, il est difficile de situer par rapport à elle les civilisations
pré-celtiques, ibères et ligures, ce que l'abbé Breuil appelle justement l' «
idée mégalithique » les relie au même courant traditionnel, car la continuité
de cette « idée » dans le Druidisme implique une continuité de tradition et de
sacerdoce. Quoi qu'il en soit, le Celtisme fut, en Occident, la forme majeure
de cette remanifestation universelle de la Tradition hyperboréenne qui marque
la station indo-européenne, et son hégémonie spirituelle s'exerça directement
ou indirectement sur tous les peuples de l'Europe du Centre, de l'Ouest et du
Nord, tandis qu'un autre courant indo-européen, qui semble distinct, quoique
étroitement apparenté, venait par les Thraces (Gètes et Daces, proches des
Cimmériens) donner naissance à la tradition gréco-romaine (les Grecs
attribuaient aux Thraces l' « invention » de la Musique, de la Poésie et des
Mystères), et l'on sait que, comme le culte même de l'Apollon delphien,
l'Orphisme et plus tard le Pythagorisme se réclamaient d'origines
hyperboréennes. Quant à la jonction entre le courant atlantéen et le courant
hyperboréen proprement dit, elle pose, toute certaine qu'elle soit, une énigme
dont la solution devrait, semble-t-il, être recherchée à la fois en Celtide, en
Kaldée (mot de même racine que « Celte », témoin d'une même origine
traditionnelle) et en Égypte.
Quoi qu'il en soit de ce dernier problème, que nous ne pouvons évoquer
ici que pour mémoire, le regard que nous venons de jeter sur le grand passé
traditionnel permet d'apporter une première réponse à la question que nous nous
étions posée: ce que les Druides, les Brahmanes, les Mages, les Kaldéens ont détenu
et transmis, c'est, au-delà du temps, de l'espace et de ses différentes expressions
sacrées, pour méconnue qu'elle soit aujourd'hui, n'a pas été étrangère à la
pensée gercque dite classique, car elle n'affirmait rien d'autre lorsque, avec
Platon et Aristote, elle voyait dans les peuples « barbares » les initiateurs
vénérables de la Philosophie, c'est-à-dire de la Sophia divine, de la
Sagesse transcendante et des Mystères. Là où les modernes veulent voir une «
fable », tout en reconnaissant assez contradictoirement les fondements
ésotériques de cette Philosophie, il y eut en réalité une tradition constante
que l'on trouve encore affirmée aux premiers siècles de notre ère. Ainsi le
pythagoricien Numérius d'Apamée dans son traité Sur le Bien: « Pour traiter
du problème de Dieu, il ne faudra pas seulement s'appuyer sur les témoignages
de Platon, mais reculer plus au delà et lier ses affirmations aux enseignements
de Pythagore, que dis-je, en appeler aux peuples de beau renom, conférant leurs
initiations, leurs dogmes, leurs cérémonies cultuelles qu'ils accomplissent en
plein accord avec les principes de Palton, tout ce que les Brahmanes, les
Juifs, les Mages et les Égyptiens ont établi. » Et Diogène Laërce, en préambule
à ses Vies des Philosophes: « D'aucun veulent que la Philosophie ait
commencé par les Barbares: il y a eu en effet les Mages chez les Perses, les
Kaldéens chez les Babyloniens ou Assyriens, les Gymnosophistes (Brahmanes) dans
l'Inde, les Druides chez les Celtes et les Galates. » Il n'est pas jusqu'aux
apologistes chrétiens des premiers siècles, Tertullien, Arnobe, saint Jérôme,
saint Augustin, qui ne l'admettent encore comme une vérité notoire et ne prêtant
pas à discussion (110). On observera d'ailleurs que, malgré la multiplicité des
sources et des formes d'expression, tous ces auteurs parlent de la « Philosophie
» comme d'une réalité consistante et unique. Ce seul fait, si l'on voulait le
méditer, suffirait à lui seul à ruiner la thèse de la « fable ».
Dans
la perspective ainsi ouverte, ce qu'Abraham emportait avec lui en sortant de
Kaldée n'était pas essentiellement différent de ce que les Druides devaient
confier plus tard au Christianisme celtique avant de disparaître, et qui
s'identifiait d'ailleurs au coeur du message chrétien: le secret de la
Tradition pure (ed-dîn el-hanîfî ou hanifyyiah), que Melki-Tsedeq
devait lui confirmer au nom du Dieu Très-Haut. Et la persistance chez les deux
légataires directs du testament abrahamique, le Judaïsme et l'Islam, d'éléments
symboliques ou doctrinaux tels que le breuvage d'immortalité, l'emploi rituel
des pierres brutes ou des bétyles, la notion de la Montagne sacrée et de la
Contrée suprême, celle des cycles cosmiques, etc., sont autant d'indices de cet
héritage traditionnel immémorial.
Mais l'Islam, ouvert par vocation surnaturelle à toutes les formes
de révélation authentiques, prophétiques ou sapientiales, a joué en outre d'un
rôle d'intégration à l'égard, non seulement du Mazdéisme et de l'Hermétisme
kaldéo-égyptien, mais encore du courant pythagoricien et platonicien qui, contrairement
à ce qui avait eu lieu en Europe, s'était maintenu dans le milieu arabo-persan
avec une continuité qui lui avait permis de conserver vivants ses fondements
ésotériques (111). Ainsi peut-on dire que, par sa capacité providentielle
d'accueil et de synthèse de tous les modes de la Prophétie universelle, c'est
l'Islam qui pouvait, entre tous, discerner le nom du Graal écrit dans les
étoiles.
Car
le Graal, dans sa signification macrocosmique la plus générale, représente le
dépôt spirituel et doctrinal de la Tradition primordiale. Tel est le sens de la
légende qui le fait recouvrer par Seth au Paradis terrestre. Si donc il n'est
pas inexact d'attribuer aux Celtes sa conservation jusqu'à l'époque du Christ,
comme le font certains, cela signifie que les Celtes comptent parmi les
détenteurs réguliers de la Tradition primordiale, mais non pas qu'ils furent
les seuls, ce qui serait d'ailleurs trop évidemment inexact. Il est donc
parfaitement légitime, du point de vue traditionnel, d'admettre conjointement
la validité des trois généalogies distinctes qui se laissent discerner dans sa
légende: celtique, chrétienne et orientale de filiation islamique. Ce point de
vue, qui, en de telles matières, ne peut que récuser tous les autres, est le
seul qui puisse rendre compte de l'apparente opposition entre les données
également valables qui lui assignent tour à tour l'une ou l'autre de ces
origines. Il est vrai qu'en venant en terre celtique par le commandement divin,
le Graal se rejoignait en quelque sorte lui-même. Mais il est aussi vrai, comme
le montre son retrait final, que sa véritable patrie est dans cet Orient à la
fois physique et spirituel où toutes les traditions, depuis les temps
historiques, s'accordent pour situer le Centre du Monde. Il n'est peut-être pas
indifférent de signaler à ce propos que, dans les visions d'Anne-Catherine
Emmerich, le Vaisseau qui recueillit le Corps et le Sang divins est celui-là
même qui servit à Melki-Tsedeq pour instituer le sacrifice du Pain et du Vin en
présence du père des trois traditions monothéistes. On notera enfin que,
d'après Robert de Boron, le motif donné d'En-Haut pour la migration du Graal à
l'extrême Occident est que « le monde va et ira en avalant », ou, selon la
version en vers, que ...
li
monz va avant
Et
tous jours en amenuisant.
Cette
mise en relation de l'Occident, lieu où le soleil se couche, avec
l'accélération et la déchéance fatales du siècle, pose implicitement l'Orient
comme lieu de primordialité et de retour aux origines. Pour en saisir toute la
signification, il faut savoir que l' "orientation" sacrée de la
Chrétienté n'avait pas seulement la valeur d'une réminiscence paradisiaque,
mais aussi, et surtout, celle d'une intention spirituelle et eschatologique en
rapport avec la notion d'une structure sacrale du monde, ordonnée au « Paradis
» comme à son propre Centre et au principe de sa rénovation apocalyptique.
Cette migration providentielle apparaît donc bien, en définitive, comme visant,
au plein sens du mot, une « ré-orientation » de l'Occident.
Que la révélation du Graal ait été pour le
monde chrétien un évènement nouveau et saisissant, on peut le voir dans sa
soudaineté, dans fécondité extraordinaire, dans le changement de niveau
spéculatif avec les enseignements légendaires antérieurs, y compris celui de la
Table Ronde, et surtout dans le caractère direct de son affirmation
théophanique. Si la filiation avec le bassin ou « chaudron », celtique est hors
de doute (Taliésin parle d'une descente d'Arthur aux enfers à sa recherche),
c'est au prix d'une transfiguration, car celui-ci n'apparaissait plus alors que
dans les contes populaires gallois et dans un état de dégradation magique. Le
cycle arthurien proprement dit, d'origine bretonne, n'en fait aucune mention.
Aussi a-t-on pu dire qu' « il n'existe dans aucune des littératures celtiques
si riches qu'elles soient, aucun récit qui ait pu servir de modèle aux
compositions si variées que notre littérature médiévale a tirées de ce sujet (le
Graal) (112) ». Quant au légendaire chrétien, si l'on y trouve la première
partie de l'histoire de Joseph d'Arimathie, il garde un silence complet au
sujet du Graal, et le passage souvent cité à son propos de la Gemma animae d'Honorius
d'Augsbourg ne ferait que confirmer ce silence plutôt que le rompre. Il est
d'ailleurs remarquable de constater que la légende sur l'apostolat de Joseph en
Grande-Bretagne y demeure inconnue jusqu'au milieu du XIIe siècle. Sans doute,
l'auteur anonyme de l'une des versions en prose assure-t-il que le Livre du
Graal lui fut surnaturellement « baillé » sept cent dix-sept ans après la
Passion, et Hélinand, en 1205, après avoir dit: Hanc historiam latine
scriptam invenire non potui, ajoute-t-il : sed tantum gallice scipta
habetur a quibusdam proceribus. Mais ce sont là des indications après coup
ne changent rien à l'évènement lui-même.
Cet évènement, on l'a vu, se présente comme
lié aux sources les plus profondes, non seulement de la spiritualité
chrétienne, mais de la communauté traditionnelle universelle. On ne saurait se
tromper sur sa nature, qui est l'un des rares points sur lesquels toutes les
versions montrent une unanimité invariable: il s'est agi de la revivification
du Centre spirituel chrétien et de son dépôt sacré. Or il n'y a ici que deux
hypothèses possibles: ou bien cette revivification est le seul fait des
organisations initiatiques occidentales, chrétiennes ou celtico-chrétienne, ou
bien elle a été inspirée et aidée par une intervention extérieure, c'est-à-dire
de l'Orient, quels qu'aient pu en être les modes. Si la première hypothèse
était la bonne - et pour nous en tenir à ce seul argument -, trouverait-on,
pour le Graal, une autre forme et une autre « estoire » que celle du Vase
christique? Il suffit, nous semble-t-il, de poser la question pour y répondre,
et pour découvrir du même coup l'explication et la portée véritables de
l'influence de l'Islam sur l'une des branches majeures de l' « Aventure
souveraine ».
On objectera peut-être que, précisément,
cette influence ne se constate que sur une seule branche. Nous répondrons que
l'on doit plutôt s'étonner de la trouver aussi patente, alors qu'elle n'a été découverte
que de nos jours sur l'oeuvre de Dante, où elle n'est plus discutée. On ne doit
d'ailleurs pas attacher une importance décisive, soit à l'hostilité de
certaines versions à l'égard des « Sarrasins », soit à leurs silences. L'action
de l'Islam se situait sur un tout autre plan, et ne s'exerçait certainement pas
sur les rédacteurs, dont l'anti-islamisme est probablement sincère, ni même,
peut-être, si l'on excepte le cas de Wolfram, sur leurs inspirateurs directs.
Il reste toutefois que la co-existence et peut-être la rivalité de deux
courants doctrinaux séparés par de telles différences d'expression et
d'intention symboliques a certainement été d'une extrême importance pour la
destinée du Graal, et par contrecoup pour celle d'Occident. Car, comme nous
allons le voir maintenant, le Graal, par sa présence, n'était pas seulement un
principe de renouvellement spirituel, mais aussi une solution de l'histoire, et
celle-ci impliquait, de la part du monde chrétien, des options
qui, l'évènement l'a prouvé, n'étaient déjà plus à sa mesure.
99 Cf. le commentaire d'Auguste Le Prévost sur le
passage où Orderic Vital rapporte ces prophéties, au livre XII de son Histoire
Ecclésiastique, à l'année 1128 : « Les prédictions de Merlin, admises sans
discussion, dès qu'elles parurent, furent placées, comme celles des Sybilles, à
peu près sur la même ligne que les Livres Saints, soigneusement commentées dès
le XIIème siècle et sans cesse citées respectueusement pendant toute la durée
du Moyen-Age. » Cités par Hucher, op. cit., t. I, p. 504.
100 Henri Martin, op. cit., t. III, p. 353.
101 Cité par Hucher, op. cit., t. I, p. 3.
102 Henri Hubert, Les Celtes, Renaissance du
Livre, Paris, 1932, t. I, p. 40. Cit. suivantes, t. II, pp. 273 et 281.
103 Ibid., t. I, p. 217.
104 Jean Naudou, Protohistoire, in Histoire
Universelle, t. I, Encyclopéde de la Pléiade, Paris, 1956, p. 68.
105 Ibid., p. 69. C'est nous qui soulignons.
106 Mohyddîn Ibn Arabî, Fuçûç el-Hikam, trad. T.
Burckhardt, op. cit., pp. 25 et 26.
107 Henri Hubert, op. cit., t. II, pp. 230 et
231.
108 Jean Naudou, op. cit., p. 73.
109 B. G. Tilak, The
artic Home in the Vêdas, Poona, 1925. Résumé dans Études
Traditionnelles, n° 221, octobre 1938 et suiv. Sur tout ceci; v. aussi René
Guénon, Le Roi du Monde, ch. IX ; La terre du Soleil, in Études
Traditionnelles, janvier 1936, n° 193 ; Le symbolisme des Cornes, ibid.,
novembre 1936, n° 203. Sur les origines hyperboréennes de l'Orphisme et du
Pythagorisme, par l'intermédiaire d'un Centre géto-thrace, v. Geticus, La
Dacie hyperboréenne, in Études Traditionnelles, avril 1936, n° 196
et suiv. L'auteur n'hésite pas à voir là la localisation du Centre suprême à
une certaine époque, d'après les indices tirés de l'archéologie et du folklore
roumains.
110 Pour ces citations et références détaillées, cf.
Festugière, La Révélation d'Hermès Trimégiste, op. cit., t. I,
ch. II.
111 Cet aspect ésotérique du Platonisme et du
Néo-Platonisme est mis particulièrement en évidence dans les écrits ismaëliens
et ceux des Ikhwân eç-Çafa. Certains maitres musulmans voyaient dans
Platon le Pôle de son époque, Abdul Karîm al-Jilî situe symboliquement sa
station posthume sur le Demâwend, point culminant de l'Alborj-Qâf,
résidence du Sîmorgh mystique. Sur la conjonction des courants
néo-platonicen et indo-iraniens (hindou, mazdéen et autres), et leur récurrence
dans l'ésotérisme islamique, cf. Reitzenstein, Plato und Zarathoustra,
Leipzig, 1927, Reitzenstein, et Schaeder, Studien zum antiken Synkretismus
aus Iran und Griechenland, Leipzig, 1926 ; Henri Corbin, Étude
préliminaire, op. cit., pp. 52 sq. ; Suhrawardî d'Alep, op. cit.,
pp. 10-11 ; terre Céleste, op. cit. ; aussi W. Iwanow, Brief Survey of the
evolution of Ismaïlism, Bombay-Leyden, 1952. On trouvera dans ces ouvrages
une bibliographie plus complète sur le sujet. Rappelons à ce propos les
affinités relevés par divers érudits, tels J. Strzygowski, H. Glück. F.
Kampers, F. von Suhtschek, entre le symbolisme du Graal et certaines données
traditionnelles orientales (Iran et Inde en particulier). L'existence de ces
affinités n'autorise pas à parler d' « emprunts », et la nature même du
symbolisme traditionnel doit faire exclure, par exemple, l'idée du Parzival comme
traduction ou imitation d'un hypothétique Parzivalnamah. Il ne s'agit
pas ici, disons-le, encore de littérature, mais de symbolique sacrée, et
l'échange n'est visible dans les symboles que parce qu'il a porté d'abord sur
les réalités symbolisées. Cet échange n'a pu évidemment se faire avec des
traditions éteintes ; il implique les voies et les moyens d'une spiritualité
vivante, ceux-là mêmes que, par situation et par vocation, l'Islam était seul
en mesure d'offrir.
112 J. Vendryes, Le Graal dans le cycle breton,
in Lumière du Graal, op. cit., p. 74.
Inscription à :
Articles (Atom)