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samedi 18 mai 2013

La Tariqa (la voie) - Salah Khelifa








Auteur: Salah Khelifa, Alawisme et Madanisme, des origines immédiates aux années 50.

Thèse pour l'obtention du Doctorat d'état en études Arabes &
Islamiques. Université Jean Moulin Lyon III.
 
 

La tariqa signifie chemin, voie; elle désigna par la suite la méthode "mystagogique" pour guider chaque vocation en traçant un itinéraire menant de la pratique littérale de la religion islamique(chari'a) jusqu'à la réalité unique (haqiqa). "S'ils se comportent avec droiture dans la voie, nous les abreuverons certes avec abondance" Qoran LXXXII 16. Elle finit par désigner un groupement de fûqaras (pauvres); "Vous êtes pauvres, Seul Allah est Riche" Qoran XXXV 15, dirigés par un Cheikh (Maître spirituel) reliés par " une chaîne de lumière spirituelle, de maître en maître, jusqu'à la source de l'existence ('ayn el woujoud), la cause de tous les êtres (el sabab fi kouli mawjoud) Mohammed "prière et salutation sur Lui ".

La tariqa conduit à la connaissance d'Allah, qu'Il Soit Glorifié et Exalté, quiconque pense que la réalité unique est incompatible avec la loi révélée se trompe...car la réalité unique est occultée dans la chari'a, tout comme la crème se trouve contenue dans le lait et le fruit dans l'arbre,...(en vérité) les actions des hommes sont en trois catégories:
  1. -Celle relative à la loi révélée (chari'a) qui vise à l'adoration d'Allah .
  2. - Celle relative à la voie (tariqa) qui consiste à vouloir aspirer vers Allah.
  3. - Celle ayant trait à la réalité unique (haqiqa) qui porte sur la contemplation, grâce à l'oeil intérieur du coeur.

 
Ainsi donc l'observance de la chari'a a pour corollaire le redressement des actions apparentes, celle de la tariqa, le redressement de la foi, quand à la haqiqa elle vise au redressement des secrets les plus intimes. Nous disons que la chari'a fait office de remparts protecteur de la haqiqa, a l'instar de l'écorce par rapport au fruit; en effet, n'eût été l'écorce protectrice de ce qui est à l'interieur du fruit, la pulpe se serait gâtée.." Al-Mûrchid, Fevrier 1951, n° 6, p 8.

La chaîne d'or
 
"L'héritage spirituel est maintenu grâce a la chaîne qui remonte à la présence divine (al hadra al ilahya) en passant par la source de la réalité (manba' al haqiqa)" Cheikh Mohammed al-Madani, Bûrhane ad-Dakirine. La chaine apparaît comme la condition nécessaire pour la vie de la tariqa, " c'est la chaîne qui nous lie au point fixe, au pivot unique, de maillon en maillon, solides et par leurs attaches et par la pureté de leur métal "elle est là vivante, à nos côtés, la chaîne solide qui conduit au Prophète (mohammed).

Lorsque par la chaîne de l'esprit prophétique nous arrivons au Prophète Mohammed, nous nous lions, non pas à la chaîne des représentants spirituels du Prophète mais a la chaîne des prophètes eux-même....jusqu'au bout, jusqu'au pivot unique. " Ce qui nous intéresse, ce n'est pas de nous savoir liés à une chaîne, c'est de nous savoir liés à une chaîne solide. ce n'est pas l’éclat de sa spiritualité qui nous est nécessaire mais plutôt sa force, sa solidité spirituelle". Al-Mûrchid, Octobre 1949 n° 30, p 6.

"Tous les chemins mènent au but .....oui, tous les chemins conduisent au sommet de la montagne. seulement il faut voir si le chemin est profitable, utilisable et si un tournant, un ravin ne le coupe. Oui il y a beaucoup de chemin dirigés vers le sommet, mais ce qui compte aussi, c'est d'en suivre un pour voir s'il nous conduit vraiment au but, le chemin que Dieu a placé devant moi est praticable; c'est celui du cœur". J.G.Brosset , de l'amour de Dieu, Mostaganem, p 31.

"La chaîne est l'arme du croyant (dans la voie); sans arme comment peut-il guerroyer...c'est la chaîne qui rattache chaque fidèle à son origine primordiale (yassilou bihi ila masdarihi el awal). Cheikh Mohammed al-Madani, Bûrhane ad-Dakirine.

Le Cheikh
 
"L'homme est en butte à plusieurs ennemis qui le dévoient vers les précipices des frayeurs et l'entraîne vers sa perte. La tyrannie de ses ennemis est tellement puissante que les Hadiths pas plus que les nobles Versets s'avèrent inopérants, quand ils sont inculqués uniquement par la parole ou même quand ils sont appris par cœur au contact de maîtres ordinaires. Aussi le murid a-il besoin d'un guide (murchid) qui le conduit dans la voie de la paraxis. D'un cheikh qui soit versé dans la connaissance, dans la science du livre (coran) et la sunna " Cheikh Mohammed al-Madani, Bûrhane ad-Dakirine.

Ce Cheikh puise donc dans les fondements scripturaires, il est considéré comme l'héritier légitime du Prophète, le dépositaire de l'héritage spirituel; " Cherchez la compagnie de celui dont la vue vous rappelle Dieu". Hadith. "Aujourd'hui Dieu n'envoie pas de prophètes, car notre Maître Mohammed est le dernier du cycle prophétique, mais par justice et dans sa bonté, Dieu n'abandonne pas le monde, Il lui envoie des remplaçants de prophètes, qui jusqu'à la venue de Issa (jésus, vers la fin des temps) ont le rôle de garder vivant l'esprit de la Prophétie. Ce remplaçant est le vrai Cheikh en tant que guide spirituel. Dieu lui parle dans son cœur, Il ne lui donne pas une nouvelle religion, ou bien une modification de l'ancienne comme à un prophète. Il fait descendre en son cœur la force de la lumière pour qu'il puisse comprendre et maintenir vivante la vérité....

Le vrai Cheikh est le vicaire de Dieu, il peut...en vérité présenter Dieu dans toutes ses expressions, car il Le voit en toutes choses, la Lumière est en lui " Al-Mûrchid, Avril 1949 n° 24, p 5 & 6.

" Nous sommes les remplaçants des Prophètes " Adda Bentounès, al-Mûrchid, Fevrier 1948, n° 15, p 9.

C'est justement par le truchement du Cheikh que la confrérie est rattachée à Dieu, chaque Cheikh antérieur constituant un des nombreux maillons de la chaîne spirituelle.

Le Cheikh authentique
 
"Le Cheikh se doit d'éduquer son âme à priori " Cheikh Mohammed al-Madani, Bûrhane ad-Dakirine.

Ainsi il pourra oublier ses intérêts propres pour ne servir que ceux de ses disciples dans la voie de Dieu. Il n'est pas nécessaire pour cela de vivre misérablement, le faste est à exclure, la cupidité qui a tenté plus d'un maître.

"ce n'est pas parce que je suis Cheikh que je dois vivre de la richesse de mon disciple" Adda Bentounès, cité par Léon. Langlet, ainsi m'a parlé le vénérable Cheikh sidi haj Adda Bentounès, p 65.

L'infatuation, la présomption, l'orgueil, voilà d'autres rares morales qui doivent être extirpées avec la dernière vigueur, " certes, ils sont nombreux ceux qui se disent maîtres, mais ils sont rares les maîtres qui se disent disciples " Al-Mûrchid, Juillet 1949, n° 28.

"Celui qui veut guider vers Dieu et qui ne peut porter le fardeau des créatures de Dieu, en les soulageant, n'est pas dans la voie de Dieu, mais dans celle de la vie de ce monde " Al-Mûrchid, Mai 1950 n° 37, p 8.

"Ses actes, ses paroles, ses états se situent entre ce qui est prescrit par la Loi et ce qui est recommandé, sans dépasser, de quelque façon que ce soit ces limites. Certes, il évolue en fonction des circonstances, la couleur de l'eau étant celle du récipient qui la contient, il est évident que les circonstances temporelles et spatiales changent si rapidement qu'elles viennent souvent à se transformer radicalement, tu le verras alors agir en conséquence, de telle sorte qu'il aide ses contemporains à enraciner profondément la loi chez eux. C'est pour cela qu'il acquiert le titre du Pôle Spirituel, car les astres gravitent au dessus de lui, alors que fixe, il ne se manifeste qu'à ceux qui ont besoin de lui, la vérité fuse de la bouche, coule sur la langue du connaissant de chaque époque, conformément aux nécessités de la contemporainéité, dont il n'extrait que ce qui est de nature à préserver l'héritage prophètique dont il est le dépositaire fidèle ". Cheikh Ahmed al-Alawi, al-Minah al-Qûdûssiyya.

Une question grave se pose: comment reconnaître un Cheikh véridique, car nombreux sont ceux qui se disent Cheikh . N'en rencontre-t-on pas qui portent barbe et turban bien ajustés ? gandoura bien soignée ? Légions sont ceux qui, égrenant gravement leur chapelet, affirment être affilié à tel grand maître, soutiennent qu'ils sont les seuls dépositaires du Flux divin (Baraka) et seuls, par conséquent, habilités à conduire les disciples vers la réalité unique. Ils connaissent parfaitement la chari'a et parlent de la science des soufis avec une telle aisance qu'ils convainquent leurs interlocuteurs avec une facilité déconcertante, " mais il y a de très belles fleurs qui ont une mauvaise odeur " Al-Mûrchid, Juillet 1949, n° 26, p 9.

"Ne te laisse pas, ô mûrid guider par un maître, simplement parce qu'il se pare de ce titre, le maître authentique est celui qui relève le voile et est versé dans les maladies des murids; il est celui que ton essence a reconnu comme vicaire de Dieu et que ton secret intime a reconnu réellement grand; c'est celui qui te polisse par ses qualités morales, qui illumine ton for interne par son rayonnement". Cheikh Ahmed al-Alawi, al-Minah al-Qûdûssiyya.

"Demandez à votre guide intérieur, le guide du coeur ne vous trompera pas, le Cheikh est un (envoyé) de Dieu dans votre temps " Al-Mûrchid, Mars 1951, n° 47, p 4.

"Le premier prodige que l'on doit rencontrer avec un vrai guide , c'est en le fréquentant, de sentir pénétrer en soi la force qui vit dans son cœur " Léon. Langlet, ainsi m'a parlé le vénérable Cheikh sidi haj Adda Bentounès, p 16.

La propre preuve de vérité du Cheikh ? " Il faut lui demander Dieu, s'il peut faire vivre votre cœur, jusqu'à ce que vous receviez la force de Dieu, la lumière de Dieu, vous-même, oui, vous pouvez croire que c'est un cheikh qui représente Dieu, car le monde ne reste jamais sans représentant de Dieu. Si vraiment nous voulons le trouver, ceci est sa preuve ." Al-Mûrchid, Avril 1949, n° 24, p 7.

Un Cheikh véridique doit donc irradier la lumière dans le cœur de son murid, même si celui-ci n'arrive pas a épurer son cœur jusqu'au point de recevoir la lumière divine, soit qu'il n'ait pas assez foi en lui soit que trop intense cette lumière ne fasse qu'offusquer son cœur. Dans sa vie, dans son attitude, dans sa conduite, la force spirituelle du Cheikh doit alors travailler a (dégauchir) les aspérités du cœur revêche à le rendre réceptif à la lumière.

"Mais si malgré tout il vous reste un doute, il faut vous redresser vers Dieu avec toute la force de votre cœur, pour qu'il vous montre quelques signes manifestes de ce Cheikh. Enfin, si vous ne trouvez pas cette force de Dieu, ni la force du Cheikh, ni aucun signe manifeste de sa force spirituelle, alors c'est qu'il n'est pas véridique, parce que Dieu n’abandonne jamais celui qui Le cherche " al-Mûrchid, Avril 1949, n° 24, p 7.

"Le sentier de la connaissance spirituelle étant étroit et nombreux les obstacles qui le jalonnant, le maître est justement celui qui est capable d'y conduire ses murids afin de les libérer de l'esclavage des séductions de l'âme et les habillant de parures de soi (soundousiyya) (digne de leurs aspirations) , de les préparer à s'introduire chez (el Haq) le Véridique." Cheikh Mohammed al-Madani, Bûrhane ad-Dakirine.

"Il ne se contentera pas donc de t'inviter à la porte mais soulèvera le voile entre lui et toi ; pour cela il polira le miroir de ton cœur jusqu’à ce que s'y reflètent les lumières de ton Seigneur. avec toi il s'est levé pour aller vers Allah et tu l'as accompagné; c'est lui qui t'a introduit dans la lumière de la présence Divine et t'as dit: te voilà avec ton seigneur. c'est lui qui déclenche le souvenir d'Allah quand on le voit et fait parvenir le serviteur chez son seigneur ." Cheikh Ahmed al-Alawi, al-Minah al-Qûdûssiyya.

"Alors le sultan de la transcendance de dire au serviteur (sincère) (Ô âme apaisée, retourne à ton Seigneur satisfaite et agrée!)" seul le Cheikh véridique peut faire parvenir ses disciples " à la présence divine et à la station de contemplation par le cœur." Cheikh Mohammed al-Madani, Bûrhane ad-Dakirine.

"Chaque Maître (authentique), lorsqu'il trouve un vrai disciple qui cherche la vérité, commence par lui poser un point; de ce point il lui développe le A, le lendemain le B, ensuite le C etc.....l'élève alors sera capable de se lancer dans n'importe quelle instruction; il peut s'instruire de tout et pourtant toute l'instruction n'a dérivé que d'un point." al-Mûrchid, Juin 1949, n° 27, p 5.

Cette instruction consiste à élever le niveau de conscience du murid dont on s'accorde à penser qu'ils se subdivisent en trois catégories de créatures:
  1. La créature supra-consciente qui voit en chaque chose la manifestation des actes de Dieu.
  2. La créature consciente qui procède à la qualité de la sagesse et de l'ignorance et qui voit à travers chaque créature tantôt la manifestation de Dieu, tantôt celle de l'égoïsme.
  3. La créature subconsciente égoïste voit en chaque créature la manifestation de l'égoïsme.

"Ainsi la montée du subconscient au supra-conscient à travers le conscient est le fait du Maître qui sait être un avec la créature subconsciente pour l'éveiller, un avec la créature consciente pour la dégager du subconscient et l'élever vers une conscience supérieure, un avec la créature supra-consciente pour maintenir son unité en Dieu. " al-Mûrchid, Septembre 1948, n° 22, p 9.

Les Disciples
 
Tous les disciples quel que soit leur rang social, leur âge, leur origine s’appelant pauvres (foqaras). Cette appellation dérive du coran qui affirme que "Allah est riche et (que) vous êtes les pauvres" Qoran XLVII 38.

"Le faqir est pauvre dans le vrai sens du mot, à tous les degrés, aussi bien matériellement que moralement et spirituellement, il porte malgré lui l'habit de la pauvreté " Adda Bentounès, pro Humanitate, Mai 1952, p50.

Quand bien même il se perfectionnerait pour se réaliser en Dieu, il sera en effet toujours pauvre, puisqu'il ne cessera d'avoir constamment besoin de Lui, la richesse étant détenue par Allah seul, l'homme et notamment l'adepte sont appelés à vivre dans cet état de pauvreté absolue. Conscient de cet état de dépouillement vis à vis d'Allah, le faqir dans une première démarche devient aspirant d'Allah (mûrid) , il s'emploiera à s'enrichir au contact de Dieu. Afin de s'aider en cela, il doit pratiquer le dhikr (remémoration du Nom de Dieu) car " à ceux et celles qui invoquent beaucoup Allah, Il leurs réserve l'absolution et une grande rétribution ". Qoran XXXIII 35

Le faqir passe ainsi à l'étape de dakir (remémorant) à qui " Allah a promis le degrés le plus élevé au jour de la résurrection, plus élevé que celui du combattant pour la foi , dût-il se servir de son épée jusqu'à ce qu'elle se brise et soit souillée de sang " Hadith de El-thirmidi.

Le dakir, alors est considéré comme un cheminant (salik), il entreprends son voyage vers Allah, pour lui rien n'existe que Lui (Allah) et à l'égard du monde il se comportera comme un étranger ou un passant " .Qu'ai-je de commun avec ce monde, je suis comme un passant qui se met à l'abri d'un arbre puis reprend son chemin et laisse l'arbre derrière lui " Hadith d'ibn Majah. Pour lui rien n'existe que Lui et à l'égard du monde il se comportera " comme un étranger ou un passant " Hadith dal-Bûkhari.

Peu arriveront au bout du voyage, les foqaras le savent mieux que personne "seul un petit nombre parmi les derniers(dernières générations)" Qoran LVI 14. Car, il est difficile de faire abstraction de ce monde plein de séductions, de tentations, pour compter parmi les cheminants heureux (salikines) , mais plus que d'être passant ou étranger, il faut en réalité mourir de ce monde, , "celui qui était mort, que nous avons ressuscité et à qui nous avons remis une lumière pour se diriger parmi les Hommes" Qoran VI 122, celui-là peut proclamer qu'il est parvenu au terme de son voyage " son coeur ressemble à celui d'un oiseau " Hadith de Mûslim.

Ces Salikîns qui atteignent cette station, ont entrepris leur long voyage, sans attendre de personne, ni aide, ni réconfort, seul le Maître avec l'aide d'Allah les ont aidés, parce que toutes leurs actions visaient à plaire à la face du Seigneur, en vue de s'absorber en son sein, c'est seulement quand il parvient a cette station (maqam) qu'il peut se considérer à juste titre comme un soufi.

"Faqir" est donc un vocable générique qui recouvre deux réalités soufiques, d'abord l'aspirant soufi (mûtassawif) qui peut être l'aspirant (mûrid), le dakir (remémorant), le cheminant non réalisé (salik), ensuite beaucoup moins nombreux; les Soufis parvenus au stade de la réalisation comme les mûqaddams , les grands mûqaddams, les Cheikhs et le Qûtb (le Pôle) relèvent de cette deuxième catégorie de fûqaras.

Le Mûrid et ses semblables
 

Le disciple, s'il veut gravir les cimes les plus hautes de la connaissance spirituelle (al ma'rifa) dés le début de son noviciat, doit nécessairement se mettre sous "le chapelet" d'un Maître, parvenu quand à lui au sommet des stations de la connaissance (maqamat el ma'rifa) c'est à dire à la pleine réalisation spirituelle.

"Le mûrid, parrainé ainsi, est astreint à observer certaines règles de courtoisie (adâb), non seulement à l’égard d’autrui, mais encore vis à vis de ses condisciples. Pour y parvenir, il lui sera absolument prohibé de mépriser qui que soit, et il doit se parer des habits des gens de la certitude, ô mûrid ! Sois détourné du monde d'ici-bas, de son faste, et ne te nourris surtout pas de l'espoir fallacieux susceptible de te prendre dans ses traquenards. Car le faqir, s'il ne bannit pas ses préjugés de classe, pour peu qu'il soit issu d'un milieu social aisé, risque de ne pas respecter ses confrères aînés, et de traiter sans clémence ses cadets, il doit privilégier indistinctement les personnes de rang noble et celles que les aléas de la vie ont rendues méprisables, par ailleurs, nul d'entre les créatures ne doit être par lui maltraité. On peut reconnaître un faqir sincère au fait qu'il supporte les injustices des hommes, qu'il s'arme de patience, qu'il loue le Seigneur à tout moment, aussi bien qu'il Le comble de Ses dons que quand Il l'en prive. La repentance sincère qu'on reconnait tant au rejet inconditionnel, sans appel, qu'au reniement de tous les actes et même des tares morales répréhensibles de sa vie anté-soufique, voilà une autre caractéristique du mûrid sincère, certes cela est nécessaire mais loin d'être suffisant, car le disciple une fois qu'il est paré de ce titre (faqir) doit réparer, s'employer à effacer les injustices faites à autrui." Cheikh Mohammed al-Madani, Hadiyat al-Ihkwan fil-Iman wal-Ihsan.

Le Mûrid et son Cheikh
 

"Le patronage étant donc absolument obligatoire pour le mûrid, celui-ci se doit de respecter un code rigoureux de courtoisie, en aucune façon "il ne doit élever sa voie en compagnie de son Cheikh, ni d'une voie élevée et bruyante (propre aux gens mal dégrossis) l'interrompre, au contraire, il doit observer le silence, écouter réellement attentivement ses paroles, en sa présence, le mûrid ne peut parler que si on le lui demande. Rire, s'asseoir en allongeant ses jambes sont des actes inconvenants, bref, en présence du Maître, nul ne doit être plus grand que lui aux yeux du faqir, lequel, devant se comporter comme le plus humble des serviteurs, à l'obligation d'obéir au Cheikh, de se conformer à ses interdits, bref, en un mot, les relations qui unissent le Cheikh à son mûrid sont de même nature que celles qui lient le thérapeute à son patient, pourtant il y a loin entre la maladie frappant les corps et celles frappant les esprits. Dans la vie des compagnons du Prophète, on trouve mille et un exemples d’obéissance inconditionnelle aux ordres et injonctions du Prophète. En effet, ils ne lui ont jamais désobéi, qu'ils se fût agi de choses insignifiantes ou d’affaires importantes, bien au contraire, ils lui obéissaient aveuglément, à la manière d'un aveugle qui s’abandonne à un voyant, cette qualité doit forcément se perpétuer chez les foqaras (héritiers légitimes) des compagnons du Prophète, tout comme le Cheikh est le représentant du Messager de Dieu, en son temps " Cheikh Mohammed al-Madani, Bûrhane ad-Dakirine.

"Qui aspire à pénétrer dans la Présence divine, doit nécessairement suivre son imam qui n'est autre que son Maître qui guide vers Lui, en aucune façon, le mûrid ne doit manifester une opposition quelconque à son égard, ni par sa langue, ni par son cœur, ni prendre son commandement à la légère, en aucun cas le mûrid ne doit s'éloigner de son Cheikh, même pas de la distance d'un pas de fourmi, il doit se comporter exactement, comme un mort, déposé sur son lit funèbre, entre les mains de son laveur." Cheikh Ahmed al-Alawi, al-Minah al-Qûdûssiyya.

Il bénéficiera, spécialement à cette condition, de l'assistance (al-Madad) du Cheikh dont le flux coulera vers le mûrid, le submergera. Pour peu que le mûrid désobéisse au Guide (el Mûrchid), il se retournera d’où il est venu, c'est à dire au point zéro, et se verra dépouillé des sciences du secret du Cheikh, l'abeille ne défend-elle pas son miel, quand bien même il serait de mauvais aloi ?" Cheikh Mohammed al-Madani, Hadiyat al-Ihkwan fil-Iman wal-Ihsan.
Auteur: Salah Khelifa, Alawisme et Madanisme, des origines immédiates aux années 50.
Thèse pour l'obtention du Doctorat d'état en études Arabes & Islamiques.
Université Jean Moulin Lyon III.

dimanche 3 juillet 2011

Le Cheikh Mohammed Ben Khalifa al-Madani par le Dr Salah Khlifa



1) Naissance, éducation de base (1888 / 1909)


Mohammed ibn-Khalifa al-Madani naquit à qûsaybat al-madiyûni en 1888, issu d’une famille prestigieuse par sa piété. Son père Khalifa était un commerçant itinérant, il différait des autres par son aisance relative ; il possédait une charrette sur laquelle il pouvait transporter son huile jusqu’à Tunis, là il pouvait l’écouler, réaliser des bénéfices substantiels et retourner au village. Comme il était pieux, il compta tôt parmi les adeptes du Cheikh as-Sadiq as-Sahrawi, grand Mûqaddam de la confrérie Madaniyya-Chadhûliya à Tunis dont le Maître spirituel était le Cheikh Mohammed Zafir al-Madani.
Khalifa ibn-Hassin brûlait de désir d’avoir un fils et il fit le vœu de l’appeler du nom du fondateur de la confrérie (Mohammed al-madani) dont il était considéré comme l’un des membres les plus dynamiques.
Quand l’enfant naquit, il fut nommé donc Mohammed al-madani, et bien avant l’âge de cinq ans il fréquenta le Kûttab pour y apprendre le Qoran. Après avoir apprit par cœur les 60 chapitres du livre, alors qu’il était âgé de 12 ans, il fut envoyé à Monastir, là, il suivit les cours de l’école Qoranique, il apprit à écrire, à lire et à compter.
En 1901, il retourna au village pour s’initier aux sciences religieuses et aux règles de la syntaxe et de la grammaire arabes. Cet enseignement était prodigué par d’excellents maîtres. Au bout de deux ans, le petit Mohammed ibn-Khalifa al-Madani fut jugé apte à suivre les cours de la Grande Mosquée de Tunis, c’est à l’âge de quinze ans qu’il quitta le village pour s’inscrire à la Zaytûna, « …il était considéré comme l’un des étudiants les plus studieux de sa promotion… ».

A la Grande Mosquée, le jeune Mohammed al-Madani fréquenta l’enseignement intensif connu de l’université d’al-Zaytûna, qui était destiné à préparer à différentes carrières. A cette époque l’influence du Cheikh Mohammed ‘Abdûh était déjà profonde, dans le milieu universitaire, celui-ci trouva un terrain très fertile pour l’implantation de ses idées, et certains Ulémas adhérèrent au réformisme et devinrent ses disciples, par contre, beaucoup d’autres le combattirent. Quand Mohammed al-Madani s’inscrivit à la Zaytûna en 1903, le climat se caractérisait par la tension qui régnait dans le milieu professoral, cette tension s’accentua à l’occasion de la seconde visite que le Cheikh ‘Abdûh entreprit en Tunisie, (la première en 1884 et dura 40 jours), les querelles redoublèrent de violence entre partisans et adversaires du Grand Imam d’Egypte. L’amertume gagna vite le jeune élève, qui trois ans auparavant fut traumatisé par ce qu’il vit à Tunis, qu’il visita pour la première fois : « tu serais vraiment incapable de reconnaître les musulmans des chrétiens, tant ils se ressemble et par les vêtements et par la langue… ».


Et voilà que les porteurs du Savoir, les garants de l’identité musulmane s’entre-déchiraient à « pleines plumes », au lieu de s’unir contre les conquérants aliénants.

2) La rencontre du Maître (11 / 1909)

En classe terminale, préparant le Tatwi’ (Diplôme de fin d’étude du second cycle), à cette époque, Mohammed al-Madani fréquentait assidûment le Grand Mûqaddam de la confrérie Madaniya-ach-chadiliya, Mohammed as-Sadiq as-Sahrawi, lequel lui avait délivré peu de temps avant de mourir, en 1909, une Ijâza, tâma, mûtlaqa, âma (licence complète, absolue et générale).

Le jeune Mohammed al-Madani rencontra le Cheikh Ahmed al-Alawi au mois de novembre 1909, il faisait partie justement de ce groupe de jeunes gens que le Cheikh vit dans sa vision, « je pensais que le Cheikh al-Alawi était semblable aux maîtres de notre époque…mais à peine avais-je écouté son prêche spirituel (tadkîr), goûté aux délices de son élocution, à la force de son verbe et à la puissance de son intelligence que je m’étais dis : ces paroles ont la fraîche senteur (des temps proches) du Maître des Mondes (hâdal kalâm qarîb al ‘ahd min rabil ‘âlamîn)…alors, je me tins devant lui, après l’avoir humblement salué…je pris le serment d’allégeance, et il m’inculqua les litanies générales propres au chapelet de sa confrérie. ».


Le Cheikh parti, Mohammed al-Madani n’en continua pas moins à observer scrupuleusement les directives spirituelles de son Maître. Régulièrement, matin et soir, il pratiquait le Dhikr, cependant qu’il suivait les cours de la Zaytûna, mais le cœur n’y était plus, Mostaganem l’accapara avec d’autant plus d’ardeur qu’à Tunis on apprit le retour du Cheikh à Mostaganem et son installation définitive, après de bref périple qu’il entreprit. Il décida donc de rejoindre son Maître avec qui il entretint une correspondance assidue. Interrompant ses études, il partit pour Mostaganem, c’était en 1911, il y resta d’abord un an d’affilé. Auprès de son Maître, il remplit les fonctions de secrétaire personnel préposé à la transcription de ses oeuvres, de ses correspondances etc.…... « J’avais tiré un grand profit des secrets de la théologie de l’Unicité (asrâr at-Tawhîd), de la subtilité de son exégèse qoranique, de la finesse de ses commentaires et analyses, des Hadiths dont je n’avais jamais douter que ce fût l’œuvre de l’inspiration divine… ».

Après ce séjour d’un an passé à Mostaganem et à Tlemcen ou Mohammed al-Madani s’employa à dispenser des cours de grammaire (nahw), de syntaxe (sarf), de rhétorique (balâgha), de droit (fiqh) aux jeunes disciples, le Cheikh al-Alawi délivra une licence (ijâza) autorisant Mohammed al-Madani à propager les enseignements de la confrérie en Tunisie, c’était le dimanche 3 décembre 1911.


3) Ijaza du Cheikh al-Alawi



« Voici la licence des connaissants, ô faqir parvenu à l’extinction, affilié au parti du Seigneur, Mohammed ibn Khalifa ibn al-Haj Omar, plus connu sous le nom d’al-Madani, tu nous as fréquenté des jours durant, et pour toi, Allah a dissipé les illusions et levé les voiles. Le profit que tu as tiré à nos contacts, a été à la mesure de l’amour que tu as nourri pour nous, aussi devras-tu faire profiter tes frères parmi les serviteurs de Dieu, car il n’est pas licite qu’un homme laisse la science juste qu’il lui a été donné de recevoir. Voici le grade de la guidance qui te réclame avec le sérieux le plus intégral, guide donc qui fait appel à toi, conduis vers l’union qui a rompu d’avec toi.

Dans la voie Chadhûli nous te décernons la licence verbale pour confirmer la licence de cœur que nous t’avons délivrée auparavant, tu te dois d’aimer continuellement ton Seigneur, car Allah réserve à son serviteur la place que ce dernier lui réserve en son âme. Je formule le souhait qu’Allah t’accorde la pérennité de son amour, et sache que l’assistance du Seigneur est fonction de la disposition du serviteur. De notre conduite rien ne t’a été occulté, suis donc ce qu’elle recèle de meilleur, non pas nos imperfections dans la guidance. Notre Maître, mon Seigneur Mohammed al-Bûzaydi, avait passé de nombreuses nuits, rapprochant les serviteurs du Seigneur…suis la tradition de nos précédents maîtres à qui nous avons emprunté la voie, tu seras bien solidement attaché à eux, aussi longtemps que tu te seras conformé à leurs traditions. Veille qu’Allah te bénisse sur leur amitié, sur leur pacte, Allah veillera sur toi, il est le meilleur des vigiles, le plus clément des cléments. Pour clore, je supplie Allah le Grandissime par la gloire de son Prophète généreux qu’Allah prie sur lui et le salut fortement, de nous préserver dans ce qu’il nous a donné, de nous seconder dans l’observance de ses ordres.

Je te supplie, ô Seigneur ! par le plus grand de tes messagers, le meilleur de toutes tes créatures, d’aplanir pour lui (al-Madani) la voie droite, nous l’avons conduit devant ta porte, il te fera aimé de tes créatures et tes créatures de toi. Ô seigneur ! Élargis devant lui la voie de ta connaissance, introduis-le dans ton enceinte inexpugnable, préserve tous ceux qui se rattacheront à lui, par le privilège de l’entrée en ta présence, et sois, ô notre Seigneur ! Son ouïe, sa vue, sa main sa jambe, ô Seigneur ! Éteins son existence en la tienne, de sorte qu’il ne lui reste plus que ce qui est par toi et pour toi, Amin ! Par le caractère sacré du Maître des messagers ! Notre ultime prière est de louer Allah, le Seigneur des mondes. »

En tout, Mohammed al-Madani dut rester auprès du son Cheikh, trois ans environ, il passa prés de lui toute l’année 1911, ensuite deux années discontinues.


4) Les premières années de labeur (1912 / 1918)

Devenu maître d’enseignement primaire à Monastir (1912 / 1915), il démissionna de ses fonctions d’instituteur, sur l’ordre du Cheikh al-Alawi, pour mieux s’adonner à sa vocation de guide spirituel. Mais il avait déjà formé ses adeptes au temps ou il enseignait, désormais, il lui fallait gagner sa vie autrement, comme il savait travailler aux champs, ce fut vers l’agriculture qu’il dirigea ses efforts. Il acheta ses premiers lopins de terre aux souassis, il prouva par ses efforts continus que la terre n’était pas si stérile que les natifs de cette région voulaient le croire, il y planta des oliviers, des amandiers, des figuiers, il cultiva le blé, l’orge…Certes le climat n’était pas favorable, ni les terres très fertiles, mais les effort du Cheikh al-Madani ne furent pas vains, au contraire, les gens des souassis furent convaincus que leurs terres pouvaient produire de bonnes récoltes.

L’audience d’al-Madani n’en fut que plus large, on l’écoute avec plus d’attention, plus de sérieux. Peu à peu, les jeux de cartes largement pratiqués dans la région étaient délaissés, les vols devenus moins fréquents, les vices de toutes sortes se résorbaient, grâce à l’influence du Cheikh al-Madani qui, parallèlement à ses activités culturales, s’adonnait à la propagation des enseignements reçus de son Cheikh, la voie timidement implantée à Qûsaybat al-Madiyûni, à Monastir, connut plus d’extension aux Souassi, là, de douar à douar, de village en village, Mohammed al-Madani, à dos d’âne, à cheval, quelques fois à pieds, portait la bonne parole aux gens, les invitait à assister à ses enseignements, lesquels, truffés de versets qoraniques et de Hadiths, éveillait chez les bédouins des impulsions religieuses enfouies en eux depuis bien longtemps. Les cours de nahw grammaire, sarf (syntaxe) apprirent aux enfants à manier la langue arabe, les cours de fiqh (droit musulman) permirent aux adultes de pratiquer leur religion conformément à la Chariâ (loi révélée).

Le prosélytisme de la voie se propageait au nom du Cheikh al-Alawi, bien avant que son audience ne se fût élargie, le Cheikh Mohammed al-Madani reçut l’autorisation du Cheikh al-Alawi de baptiser de son nom la confrérie qu’il avait pour mission de fonder en Tunisie, ce devait être probablement en 1914, quand le Cheikh al-Alawi prit ses distances à l’égard des Darqawis. Il était inconcevable qu’un disciple prît unilatéralement la liberté de baptiser la confrérie de son nom (sans l’autorisation de son maître vivant), c’eût été contraire non seulement à la morale islamique, mais encore à l’éthique reçue au contact de son maître.

5) Le Maître spirituel (1918 / 1959)


Une zawiya était donc nécessaire pour le rayonnement de la confrérie Madanie. Sur quelques parcelles de terre, achetées par le Cheikh al-Madani lui-même, ou offertes par des gens pieux à titre de don « pour la face de Dieu », on construisit la zawiya mère des Madanis de Qûsaybat al-Madiyûni, en 1920, elle était partiellement cloturée, une partie de la mosquée, l’aile est, était construite avec le mihrâb. Le Cheikh al-Madani changea de résidence et s’installa dans sa maison contiguë à la mosquée et achevée en 1921.

En 1933, la mosquée fut agrandie, de nouvelles chambres furent construites pour l’hébergement des fûqaras. 1943 vit la construction de la médersa (kûttab) pour l’enseignement du Qoran, en 1945, la mosquée s’agrandie dans sa partie sud, un deuxième mihrab fut construit. En réalité la zawiya s’agrandissait toujours, et les travaux, pour peu qu’ils s’interrompissent, reprenaient de nouveau, grâce à l’ardeur, au zèle et à la ferveur des disciples, sous l’œil approbateur du maître. C’est que le nombre des adeptes croissait rapidement et que leurs réunions devenaient régulières, moins espacées.

Chaque jeudi soir, la zawiya s’animait, des groupes de fûqaras de tous les horizons y arrivaient pour chanter des odes du Cheikh al-Alawi, de Omar ibn al-Faridh et des qassîdas composées par le Cheikh al-Madani lui-même, conformément aux thèmes des grands maîtres soufis. La zawiya vibrait d’ivresse soufique, les fûqaras chantant les louanges et la gloire d’Allah , la beauté et les mérites incommensurables de son Prophète (pssl), finissaient toujours leur soirée par une ou plusieurs ‘imara ou hadra (danse extatique).

Les mûdhakaras du maître laissaient un impact profond et durable chez les disciples, qui enchantés, s’en allaient gagner de nouveaux frères. En 1925, le Cheikh al-Madani célébra pour la première fois le Mawlid à la zawiya de Qûsaybat al-Madiyûni. Infatigablement, il luttait contre toutes les formes de déviations religieuses.

Le Cheikh al-Madani, du même coup, malgré lui, eut plusieurs adversaires, tous ceux qui lui enviaient ces milliers d’adeptes pleins de vigueur et qui auraient été, selon eux, mieux employés à d’autres fins, politiques par exemple, ceux aussi, qui, chargés de diplômes délivrés par la Zaytûna, voyaient dans les pratiques du soufisme Madanie, des pratiques hétérodoxes, des innovations blâmables (bid’a), ceux qui, refusaient toute pratique religieuse, a fortiori les pratiques ésotériques. Enfin les autorités coloniales qui, a priori, craignaient tous les rassemblements indigènes, et si ces dernières, grâce à leurs indicateurs, surent vite que la confrérie Madanie n’avait pas d’autre ambition que celle de restaurer l’Islam, de lui restituer sa pureté primitive pour les communs des croyants (‘âmma) et d’amener l’élite (khâssa) à se réaliser en l’Unique.


Les trois autres catégories d’adversaires restèrent intraitables et constituèrent de véritables obstacles à la diffusion de la confrérie Madanie, leur animosité s’aiguisait, d’autant plus que le Cheikh al-Madani prenait de l’ascendant, que ses adeptes étaient recrutés dans les milieux sociaux les plus variés.

Toujours en butte aux attaques des ses adversaires recrutés parmi les étudiants de la Zaytûna, il se devait de leur prouver que les enseignements qu’il dispensait étaient agrées par les plus hautes autorités exotériques, qu en tout cas, sur ce plan-là, celui des connaissances en général, il était muni des diplômes les plus convoités.

En 1926, il se fit délivrer une ijâza par le Mûfti Malékite de la Mecque, Mohammed Jamal ibn Mohammed al-‘Amir, l’autorisant à professer ‘ilm at-tafssir (la science de l’exégèse), le Hadith, le fiqh (la jurisprudence), at-Tawhid wa âlâtûhû (la théologie unitariste et ses techniques), al-Badi’ (la rhétorique), al-Mantiq (la logique)…Ce fut ainsi qu’en 1936, il décocha une ijâza signée par belhassan an-Najjâr, le président des commissions des examens à la Zaytûna, qui était en même temps, le Mûfti Malékite de Tunis, l’autorisant ainsi à professer toutes les sciences rationnelles ou transcriptives et plus spécialement la science du Hadith et le fiqh selon les quatre écoles (madâhib) avec une autorisation sans réserve.

Déjà sept ans auparavant, le lundi 1929, accompagné d’une soixantaine de ses adeptes, il fit son premier pèlerinage à la Mecque et visita Médine, à son retour, Adda Bentounés, l’un des disciples les plus aimés du Cheikh al-Alawi, délégué par celui-ci, vint à Qûsaybat al-Madiyûni présenter ses félicitations et celles du Cheikh et de tous les frères Alawis aux heureux pèlerins Madanis représentés par leur maître.


Outre les trois années que le Cheikh al-Madani avait passées à Mostaganem et à Tlemcen du contact du Cheikh al-Alawi, ses rapports avec lui ne furent pratiquement jamais interrompus, d’abord le maître et le disciple s’écrivaient d’une façon régulière, ensuite ce dernier ne lésinait pas sur son temps pour aller en Algérie pour assister aux grandes cérémonies spirituelles que le maître organisait. En 1927, on le vit assister à l’ihtifal Alawi d’Alger, c’était probablement la dernière fois qu’il voyait son maître vivant. Quand al-Haj Adda Bentounès envoya un télégramme annonçant le décès du Cheikh, toute la Zawiya Madaniya fut en deuil, le Cheikh al-Madani réunit ses fûqaras afin de réciter le Qoran en entier pour le repos de l’âme du maître vénéré.

Les rapports du Cheikh al-Madani avec la confrérie Alawie n’en restèrent pas moins inaltérables, et ce, malgré les dissensions qui éclatèrent après le décès du Cheikh al-Alawi. En 1936, le Cheikh Adda se rendit à Qûsaybat al-Madiyûni. En 1954, ce ne fut pas chez Hassan Trabelssi, ni chez Ali al-Bûdaylami que le Cheikh Mohammed al-Madani se rendit, mais bien chez al Haj Adda Bentounès, successeur légitime du Cheikh al-Alawi. Une année après s’être désaltéré à la source du maître, maintenant défunt, il entreprit un deuxième pèlerinage à la Mecque (1955), et s’abreuva, cette fois-ci, à la source primordiale.

Ce fut le jeudi 14 mai 1959 que le Cheikh Mohammed al-Madani, après une brève maladie, exhala son dernier souffle, dans l’hôpital de Sousse.


6) Portrait du Cheikh Mohammed al-Madani

« Quand je suis retourné à Monastir, j’appris qu’un instituteur était nommé à l’école qoranique, il portait une espèce de gandûra (jûbba) et sa barbe était longue et fournie, disait-on, on racontait aussi qu’il portait un chapelet assez massif au coup…En effet, il était éloquent, écrivain, poète et la vastitude de ses connaissances surprenait tout le monde. Afin de nourrir les siens et ses disciples, comptant sur l’aide d’Allah, lui permit d’acquérir fortune et biens licites, dénués d’impureté dans la gestion de ses affaires, il pensa à rechercher d’autres sources de revenus (que l’enseignement et la pratique de l’agriculture), bref, tout ce qu’il avait acquit était conforme à l’éthique islamique, il employa en signe de reconnaissance envers Dieu, une partie de ses biens à aider les nécessiteux… » Omar al-Rûkbâni, 1912.

« Marchant droit, il exhalait de tout son être une senteur qui vous fait forcément penser qu’il s’agit d’un être hors du commun, par sa voix pleine de douceur, jamais coléreuse, il vous conquiert malgré vous, vous avez beau être animé du désir de lui nuire, tant on vous a excité contre lui, mais pour peu qu’il vous parle, il vous gagne par sa voix qui susurre, par ses gestes spontanés, son regard franc et droit qui vous va jusqu’au cœur le séduisant contre votre volonté, le sourire aux lèvres, un sourire ineffaçable, il vous offre le thé, un vert de thé vert parfumé à la menthe vous est toujours servi par un de ses innombrables disciples, il savait pourtant que je venais l’embêter de mes questions sournoises et malintentionnées, de gaieté de cœur il me parlait et malgré mes tentatives qui visaient à l’énerver, jamais il ne se laissait emporter par la colère, de guerre lasse, j’abandonnai la querelle et cessai de me rendre à sa zawiya, car il m’avait subjugué par tant de bonté, de bienveillance, de largeur d’esprit, maintenant, je regrette vraiment, sincèrement tout le tort que je voulais lui faire, j’étais en réalité manipulé par des hommes, qui, ayant désespérés de le gagner à leur cause politique, et étant incapable de soutenir la moindre discussion avec lui, en raison de leur ignorance, m’utilisèrent pour lui chercher querelle. Sur le plan culturel, j’avais reconnu devant lui et devant ses disciples, ma grande ignorance et ma maladresse. » A.H.G, diplômé de Sadiki.

L’amour du Cheikh Mohammed al-madani s’enracina solidement dans le cœur de la majorité des gens de Monastir. Or, les Monastiriens sont parmi les Sahiliens, ceux qui savent le mieux distinguer le bon grain de l’ivraie et estimer un homme à sa juste valeur. Ils ne craignaient ni les grands de ce monde ni les tyrans, a fortiori quand ils avaient la certitude que la justice te le droit étaient à leur côté. Aussi ne laissaient-ils jamais mystifier par les charlatans.


La conduite du Cheikh al-Madani nous faisait penser aux précesseurs justes (salaf salih), n’était-il pas bienveillant pour ceux qui lui faisaient du mal ? L’avait-on un seul jour entendu médire autrui ? Qui pourrait prétendre l’avoir vu agir en contradiction avec la Chari’â ? Ne le voyait-on pas inviter assez souvent un grand nombre de pauvres et leur présenter généreusement des plats simples, comme on en faisait dans les temps anciens… Vous les voyiez grâce à lui, portés sur l’acquisition du savoir, la pratique des prières rituelles, sur le dhikr dans une atmosphère de fraternité sincère, d’entraide, de piété, de désintéressement.

Si parfois un faqir apportait quelques victuailles et qu’il les offrit à son maître, celui-ci acceptait le don et ne le refusait pas, mais il ne demandait pas qu’on lui en fit et ne tenait pas à ce qu’on lui offrit quoi que ce fut, d’ailleurs, chaque don était largement distribué entre les pauvres et les disciples, ainsi tout était offert ou mit à la disposition des hôtes d’Allah, car le séjour des disciples durait plusieurs jours à la zawiya, voir plusieurs semaines, quelques fois plusieurs mois.

« en 1919, mon père l’avait invité à mon mariage, avec ses disciples, il passa toute la nuit à célébrer la louange d’Allah et de son messager, par des chants qui étaient ardents, passionnés, ils s’y mettaient tous de tout leur cœur, quand ils se levèrent pour la hadra ou ‘imara, je fus frappé par leur absorption lors de cette cérémonie, la mûdhakara finale avait laissé en moi la meilleure des impressions, il était évident que le Cheikh al-Madani était convaincu qu’il avait une mission suprahumaine à accomplir. Oh ! Comme il était loin des bassesses dans lesquelles sombrent la plupart des hommes, ce fut un homme comme on en vit très peu dans son temps. C’était pratiquement l’un des rares individus respectables de Tunisie qui se tint éloigné des courants idéologiques assoiffés d’intérêts séculiers malgré tous les slogans plus ou moins humanitaires qu’ils exhibaient aux masses, j’étais convaincu, ce soir-là, que j’avais devant moi un groupe d’hommes bien unis à leur maître, une micro communauté islamique qui me fit penser à la première communauté des croyants du temps du Prophète (pssl), tout en eux faisait vivre en moi ces réminiscences d’élève ayant appris l’histoire de la communauté durant la période apostolique.

Pour moi, comme pour beaucoup d’autres, le Cheikh al-Madani marcha sur la voie du Prophète (pssl) et s’employa, sa vie durant, à former des disciples qui fussent à l’image des premiers croyants, avec leur barbe assez longue, leur turban bien enroulé, leur gandûra assez ample, leur chapelet, leur parfum sentant le musc ou l’ambre, le Cheikh al-madani et ses disciples, semblaient jaillir, comme par enchantement, d’un âge révolu, qu’on croyait à jamais enterré, pourtant ils étaient là, en plein XXe siècle, courtois, polissés, humbles, je comprends maintenant, pourquoi l’image du Cheikh al-Madani, vielle maintenant d’une soixantaine d’années, ne voulait pas me quitter, je dirais même qu’elle m’obsède.


Quelques fois, il représentait incontestablement ce que la religion islamique a d’inaltérable, malgré les béliers défenceurs et l’infinitude des agents corrosifs de l’histoire, par son éthique, il me fait toujours penser aux traditions de ces Prophètes conduisant leur peuple vers la voie d’Allah et dont le Qoran est si riche. Chez moi, son image restera vivace, tant que je continuerai à vivre. » témoignage recueilli en 1977 auprés de Mohammed Salah Mezali, ancien premier ministre tunisien du temps du protectorat français mars/aout 1954.


« Issu de vielle famille prestigieuse par sa science et sa droiture morale, il compta parmi l’élite des disciples du Cheikh al-Alawi....le Cheikh Mohammed al-Madani fut un guide spirituel universel...il fut de ceux que Dieu gratifia de hautes qualités morales. Quand notre Cheikh al-Alawi lui délivra l’autorisation de propager les enseignements de la confrérie, il était jeune, il n’avait que 23 ans, alors il répondit au Maître : »sidi, je me vois trop petit pour assumer une responsabilité aussi grande !« , »mais moi, je te vois grand !« lui répondit le Cheikh. Cette encouragement eut l’impact le plus favorable chez le jeune disciple, qui étant, rentré chez lui, et s’étant dépouillé de la tunique imaginaire des illusions, se retrouva grand parmi ceux de son village, en effet, à peine s’y était-il installé, que Dieu fit déborder son coeur, sa langue du flux de sa sagesse à telle enseigne que les gens se virent comme attirés à lui pour ceuillir cette sagesse... » Cheikh Adda Bentounès.

Cette sagesse revêtait les formes les plus diverses, même avec ses pires ennemis, le Cheikh restait bien-veillant.


Voici une allocution Cheikh Mohammed al-Madani, lors du commémoration du Mawlid 1943, tiré du livre biographique du Cheikh par al-Haj Abdûl’aziz bû-Zayd.

"Il y en avait parmi ceux qui ne faisaient pas partie de le confrérie qui nous faisaient du mal...mais je lis à travers leur visage le désir de comprendre notre voie et d’en bénéficier...ils ne sont pas seulement poussés par le désir de la polémique aveugle et obstinée , ni celui de la vengeance...quand ils seront convaincus que l’adoration en vigueur dans notre voie repose sur la base solide de la tradition du meilleur des premiers et des derniers des hommes, sur la phraséologie des maîtres soufis, alors ils s’affilieront à notre voie et s’y cramponneront avec toute leur énergie et je prie Allah pour qu’il m’ouvre la poitrine et les leurs, afin que nous accomplissions tous les devoirs qi nous sont demandés.

Ceux qui s’opposent à l’invocation d’Allah, au fondement de notre voie, commettent une faute vénielle, ce sont des hommes sains, de bonne foi.

Ô gens d’Allah remémorants ! Je voudrai vous entretenir d’une personnalité saillante de ce temps, à propos de laquelle les contreverses ont agité les langues, il s’agit de cet homme debout parmis vous et qui vous parle. J’ai voulu vous dire ce qu’il est au juste, sans tomber dans l’exès de son pane gyrique, ni celui de sa calomnie, afin que les gens sachent vraiment de qui il s’agit, car beaucoup de personnes chantent ses immenses mérites dans beaucoup de villes et beaucoup de réunions affirmant que le Cheikh Mohammed al-Madani est l’homme du temps annoncé, son secours, son pôle spirituel, l’héritier du secret du Messager d’allah...et qu’il n’y a pas de pareils parmi ses contemporains, ils vont jusqu’à développer des analyses dépassant toute mesure, les limites même du panégyrique, du dévouement à ma personne.

Une autre catégorie de gens, à longueur d’année, écrivent souvent dans les journaux, soutiennent aussi dans certaines réunions et certaines ville que Mohammed al-madani est un imposteur, un hérésiarque, un homme de paille du gouvernement, qu’il déteste le parti Destour...là aussi, la démesure dans la diffamation, je dirai dans la calomnie...L’homme aussi longtemps qu’il est sur terre, a forcément des amis qui le louent et des ennemis qui le calomnient.

J’ai eu la chance de me joindre au soufi universel et au connaissant par Allah arrivé au stade de l’union théopatique, le Cheikh sidi Ahmed al-Alawi qui m’avait initié au wird de la confrérie Chadhuliya, Darqawiya, Alawiya. Ainsi je dus changer de cap, puisque je n’allais plus courir derrière les diplômes, en vue de devenir fonctionnaire. Par contre, je fus habité par le désir brûlant de parvenir à la station de la connaissance suprême pour la présence du miséricordieux, et à celle de l’extinction de tous les univers. Au contact du Cheikh al-Alawi, je pus acquérir ce qu’Allah m’avait déstiné de toute éternité, au point que mon Cheikh m’autorisa à initier les communs des croyants au wird de la confrérie et l’élite au Nom Suprême. Voilà donc 34 ans que je dépense le meilleur de mon temps et mes connaissances les plus précieuses en faveur de ceux parmi mes frères croyants qu’Allah prédisposa à recevoir ces connaissances...je ne vous dirai pas que je sois un homme infaillible, non ! non ! l’infaillibilité a cessé d’exister avec le sceau des Prophètes, je suis un homme semblable aux croyants...Je souhaite qu’Allah absoluve mes fautes le jour du jugement et que vous priez pour moi dans vos retraites spirituelles".


Alors que le Cheikh al-Madani traversait la rue au milieu de ses disciples, un libre penseur assis devant le café maure de la place publique lança à ses camarades sur un ton ironique :


■Mais vous ne trouvez pas que le Cheikh présente beaucoup de points communs avec votre Prophète ? le plus déluré du groupe de s’enquérir : « mais lesquels ? »

■Quel est le nom de votre Prophète ?

■Mohammed ! répondirent-ils en choeur.

■Le Cheikh ne s’appele-il pas ainsi ?

■Quel est celui de la mère de votre Prophète ?

■Amina !

■Eh bien, sachez que c’est aussi celui de la mère du Cheikh !

■Le mûezzin de votre Prophète qui était-il ?

■Bilâl, un noir !

■Et le mûezzin du Cheikh, n’est-ce pas Bey Mabrûk, regardez-le, n’est-il pas aussi noir que le jais ? Par ailleurs, votre Prophète n’est-il pas surnomé le père des filles, car ses fils sont morts en bas âge ?

■Certs, tu dis vrai !

■Eh bien, le Cheikh, n’a-il pas perdu lui aussi tous ses fils en bas âge, sauf un seul qui n’a que six ans et en revanche n’a-il pas cinq filles ?

■Là aussi tu dis vrai, mais le Prophète irradiait la lumière.

■Mais regardez donc le front du Cheikh, ne voyez-vous pas cette lumière qui jaillit ?....

Parmis le groupe il y en avait qui , prenant les paroles du libre penseur à la légère, rigolèrent à plein gosiers, d’autres oublièrent aussitôt ce qui venait d’être dit, par contre, les autres restèrent longtemps perplexes, surpris par tant de ressemblances révélées par la bouche ironique de celui qui se targuait de ne pas croire.

Cela se passait en 1943, le Cheikh al-madani avait en effet perdu trois de ses fils (Nasir en 1936, un autre du même nom en 1943, Ahmed al-Alawi en 1940. Le seul fils vivant était donc Mûnawwar, né en 1937 qui a pris la succession spirituelle à la tête de la confrérie depuis le décès de son père.


7) Epilogue


Il est certain que le Cheikh Mohammed al-Madani avait joué un rôle imminent dans la vie religieuse de la Tunisie contemporaine, la confrérie qui porta son nom, était la confrérie soufie la plus dynamique et la plus vivante de la régence de Tunis, celui-là entraîna bien des tracasseries dont Mohammed al-Madani eut raison, grâce à sa perspicacité, à son tact, à son intelligence pénétrante, à sa vaste culture, à sa sagesse, à sa droiture morale, à son soufisme sincère.

Quand à notre demande, son fils Mûnawwar nous fit visiter la demeure de son père, grande fut notre surprise de remarquer que les plafonds du vestibule et des chambres, même celui de la chambre nuptiale, étaient fait de branches sèches d’oliviers mal dégrossies, sur lesquelles, on avait simplement posé des pierres sèches assez plates , le tout étant recouvert de mortier. En sortant de la demeure, nous nous surprimes à répéter tout bas : « non ! Cet homme ne pouvait avoir été un imposteur, s’il avait été, il n’aurait pas vécu dans une demeure aussi humble, aussi archaïque ».

D’aucuns diraient probablement que, construite en 1920, elle ne pouvait être que ce qu’elle est, alors nous rétroquerons d’abord que le marbre existait à cette date à Qûsaybat al-Madiyûni, ensuite que le Cheikh Mohammed al-Madani eût pu, lui qui avait fait construire une si grande zawiya, rebâtir sa demeure, ou du moins, la réaménager, il ne l’avait pas fait, il visait plus loin, plus haut, il voulait vivre comme le plus humble de ses disciples, sa mission était supra humaine, nous disait Mohammed salah Mezali.

Nous sommes convaincus, aprés avoir visité nous-même la demeure privé du Cheikh al-madani, nous avons acquit la certitude que l’homme ayant atteint la station de l’union théopathique, devrait compter parmis les saints reconnus de l’Islam contemporain, pour avoir été l’ouïe d’Allah, sa vue, sa langue parlante, de par son amour, comment pouvait-il accepter la désunion, lui qui connut l’union : « je suis uni, certes je suis simultanément l’aimé et l’amant ».

Salah Khelifa


Thèse pour l’obtention du Doctorat d’état en études Arabes & Islamiques.


Université Jean Moulin Lyon III.

mardi 21 juin 2011

Les trois catégories de « cheminants » Cheikh Muhammad al-Madani


Cheikh Muhammad al-Madani (m. 1959) divise les hommes qui se dirigent vers Allah en trois catégories nettement distinctes.
a- Les Gens de la bénédiction : Il s’agit des fidèles qui se consacrent entièrement aux actes d’adoration (‘ibādāt), sans trop se soucier d’atteindre la Connaissance d’Allah.
b- Les Gens de la gauche : ceux qui nient la Connaissance après l’avoir reçue. Ceux-là doivent cependant garder l’espoir en la miséricorde d’Allah.
c- Les Premiers, ceux qui devancent les autres : ils sont les plus proches et bénéficient déjà du paradis de la Connaissance avant d’accéder au Paradis éternel.
Sidi Muhamamd al-Madanī a dit :
« Ce que l’Elite [1] comprend de ce verset [Coran, 56, 14], selon l’interprétation allusive, est que, lorsque l’univers cosmique se réalise et que sa facette illusoire disparaît des yeux du Connaisseur, les hommes qui cheminent vers Allah se divisent en trois catégories :
Les hommes de la droite, ceux qui ont de la chance, la bénédiction et les bonnes actions. Ce sont eux qui s’appliquent à accomplir les actes rituels qui les rapprochent d’Allah. Ils sont ceux qui se dirigent vers la Présence sacrée. Comme fruit de cette intention, ils accompliront davantage les actes rituels, s’attacheront plus aux actes surérogatoires, même s’ils n’obtiennent pas la grande Connaissance et n’aboutissent pas à la Présence sacrée. Le deuxième groupe se forme des Gens de la gauche, dont la fin sera mauvaise et qui éprouveront un triste revirement. Ce groupe dévie du droit chemin ; sa lumière s’amoindrit et devient une obscurité qui couvre le cœur au point de nier la Connaissance qu’ils ont acquise. Peut-être le diable leur souffle-t-il qu’elle s’oppose aux préceptes de la Révélation coranique. Cela se produira si la ruse d’Allah les enveloppe. Ils seront au nombre des gens maudits dont la fin sera terrible. Cependant, le fait de les mentionner entre les gens de la droite et les Premiers qui devancent les autres, donne espoir en la miséricorde divine à leur égard. Puisse-t-Il leur tendre la Main et les élever de la bassesse de l’altérité vers la hauteur de la majesté de l’Unicité. « Cela n’est point difficile pour Dieu ». [Coran, 35:17].
Les Premiers, qui devancent les autres, ont obtenu la Connaissance du Seigneur, en faisant disparaître l’altérité et en existant uniquement par Lui. Ce sont eux les proches de Dieu, le Réel, qui en devient ouïe et vue, dans le Paradis éternel, car leurs esprits se sont déjà magnifiés dans le Paradis de la Connaissance, puis dans le Paradis des délices, ou autrement dit : d’abord dans le Paradis du Sacré (Allah) avant d’accéder au Paradis du firdaws. Parmi ces Premiers figurent les premiers Compagnons de la communauté muhammadienne. La majorité, pour ne pas dire la totalité, de cette première génération figure parmi ceux qui occupent le plus haut rang et la position plus honorable. Ils étaient tous au summum de la Présence avec le Vrai. Les ombres de l’insouciance ne traversent point leur pensée. Ils ont dépensé leurs âmes pour Allah en quête de Sa Générosité. Il en va de même pour un petit nombre des Dernières Générations de la Communauté muhammadienne. Dieu merci, il en existe encore ! Il est possible que la prophétie suivante fasse allusion à eux : « Un groupe de ma Communauté ne cessera point d’observer les préceptes d’Allah. Ceux qui les abandonneront ou divergeront d’eux n’auront aucun impact sur eux et ce jusqu’à ce que vînt l’ordre de Dieu. Ils resteront sur cette voie ». Cette tradition a été rapportée par al-Baghawī et elle est également confirmée par un deuxième hadith : « La Terre ne sera point vide des quarante hommes qui ressemblent à l’Ami d’Allah [Abraham]. C’est grâce à eux que la pluie tombe et c’est grâce à eux que vous avez votre subsistance. Chaque fois que l’un d’eux meure, Allah le remplace par un autre. »
Commentaire de la sourate 56 (al-Wāqi‘a, verset, 14, p. 14).

[1] Dans la terminologie de l’auteur, le terme « khâssa »signifie l’élite des croyants qui ne s’arrêtent pas aux apparences et s’appliquent à accéder aux sens profonds des versets.

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lundi 20 juin 2011

Débat des Connaisseurs par le Cheikh al-Madani



 La pensée du Cheikh Mohammed al-Madani (1888-1959) est axée sur la réinscription du soufisme dans le sillage de la Tradition islamique. Dans tous ses écrits, le Cheikh s’évertuait à purifier le soufisme des dérives et excès pour lui redonner sa place authentique : le soufisme n’est autre que le troisième pilier de l’Islam, selon le célèbre hadith de Jibrîl [1]. Cet axe a été également développé dans un débat (muhâwara), adressé à ses disciples, comme aux détracteurs du soufisme à son époque.
Hétérogène, le public du Cheick se compose d’une part des gens instruits, connaissant le raisonnement jurisprudentiel, enseigné, entre autres, à l’Université de la Zaytûna (Tunis). D’autre part, ce public comporte des gens illettrés, issus de la Tunisie des années trente et quarante ; une Tunisie meurtrie suite à la terrifiante deuxième guerre mondiale (1939-1945) et à de nombreuses années de misère. Cependant, rien ne pouvait détourner le Cheikh de sa noble mission : éduquer les disciples et leur enseigner les sciences religieuses afin de combattre l’ignorance et le charlatanisme. En excellent pédagogue, le Cheikh diversifiait ses méthodes de transmission et d’éducation. La nouvelle manière qu’avait produite son génie éducatif consistait à imaginer un débat entre un demandeur et un érudit. Certes, cette méthode n’est pas entièrement inédite, ayant des antécédents dans la littérature et la pensée arabe classique. Son originalité consiste néanmoins à simplifier les concepts soufis pour les transmettre à un large public suivant le principe : question/réponse. Vingt-une questions et leurs réponses ont été brièvement conçues.
Afin de garantir une importante diffusion, le Cheikh al- Madani suggère que ce débat soit mené par deux disciples lors de la commémoration du Mawlid en 1950 dans la Zaouia Madania de Ksibet el-Médiouni, en présence de ses fouqaras et invités. Le premier disciple joue le rôle d’un Aspirant qui cherche, sincèrement, à connaître la voie et à comprendre le bienfondé de ses rites. Le second interprète le rôle d’un savant qui argumente les pratiques soufies en se référent aux quatre sources du fiqh musulman, à savoir le Coran, la Sunna, l’unanimité et le qiyâs (analogie). La démarche qui régit ce débat est celle d’un jurisconsulte maniant les Textes attestés ainsi que les procédés de la déduction juridique.
Ce débat porte sur certains points controversés du soufisme qui ont jadis fait l’objet de plusieurs traités classiques tels que le Ihyâ’ d’al-Ghazâlî (m. 1111). Ainsi, des questions telles que la danse (raqs), l’usage du chapelet (misbaha), l’invocation du Nom Suprême, le rattachement à une tarîqa et l’invocation collective, et tant d’autres questions, ont été traitées dans le but d’asseoir leur légitimité religieuse. Le principe récurrent est de montrer que ces pratiques sont sinon recommandables, du moins permises selon le point de vue de la charî‘a. Elles ne sont nullement en contradiction avec les préceptes fondamentaux de l’Islam.
On notera par ailleurs le courage et la science du Cheikh à cette époque où les livres n’étaient pas disponibles comme à nos jours. Pourtant, il a fait montre d’une grande connaissance, puisant, avec brio, dans les ouvrages connus pour défendre la légitimité du tasawwuf, considéré non comme un stade facultatif de la perfection spirituelle, mais plutôt comme le troisième pilier de l’Islam sans lequel l’édifice s’effondrera. Visant à être entendu et lu par un large public, le style de ce débat est limpide, simple et sans fioritures rhétoriques. Ainsi, le Cheikh offre un « guide pratique » à ses disciples, contenant les arguments nécessaires prouvant que les rites soufis font partie intégrante de la Tradition islamique consensuelle.
Par ce concis texte, le Cheik al-Madani rappelle l’évidence oubliée : les soufis sont parmi les sincères musulmans. Ils s’attachent à préserver la quintessence de l’héritage prophétique alors que les autres s’arrêtent aux formes éphémères. Dans sa version madanie, le soufisme n’est autre que l’application raisonnée de l’Islam dans sa vision spirituelle, la plus saine et la plus profonde. C’est un « effort », permanant et quotidien, d’atteindre la proximité de Dieu par les invocations, les règles de bonnes convenances et la connaissance progressive des stations spirituelles (maqâmât) qui constituent le but de tout musulman : connaître véridiquement Allah.

 Introduction

Louange à Dieu, Seigneur des Univers. Qu’Allah bénisse et salue le Maître des premiers et des derniers, sa famille, ses Compagnons et leurs disciples (tâbi‘î-s [2]) jusqu’au Jour du Jugement dernier.
Cette brève épître comporte deux parties :
La première est un dialogue soufi, que j’avais moi-même rédigé et qui fut relaté [3] d’un côté par un demandeur, notre frère sidi ‘Ali al-Baghdâdî [4] , de la ville Othmania (Algérie), et de l’autre sidi al-Sadiq ibn al-chaykh [5] de la ville Mahres [6], (Tunisie) lors de la célébration de la Nativité (Mawlid) du Prophète, sur lui bénédictions et salut. Ce dialogue eut lieu dans la Zawia Madaniyya, dans notre ville Ksibet el-Médiouni, devant une grande audience, issue de diverses classes sociales. Ce dernier eut un grand impact sur l’audience. Certains amis vertueux nous proposèrent alors de le publier afin de répandre ses bienfaits sur les absents et les présents.
La deuxième partie comporte des maximes (hikam) soufies aussi, composées selon le style des maximes d’Ibn Atâ‘ Allah al-Iskandari [7] (1259-1309), bien que l’imitant ne puisse atteindre le degré de l’imité. Entre nous, s’étend une distance séparant deux mondes. Or, celui qui apprécie un peuple en fera partie.
Ces maximes furent recensées par sidi al-Tâhir ‘Abd al-Hâdî [8], sidi Muhammed Taqtaq [9] et sidi Mabrûk ibn al-Hâj [10], [des fouqarâs de] Sfax en 1370/1950. Ils les ont extraites de plusieurs missives que j’avais adressées à mes frères en Allah, ceux qui appartiennent à Allah, qu’Il soit Exalté.
Après avoir glané ces perles et composé ces émeraudes, ils les classèrent par la guidance divine. Ils agencèrent chaque maxime à côté d’une autre similaire. Dans le but de répandre les bienfaits [de ce dialogue et maximes] auprès des gens d’Allah, les invocateurs, je leur donnai mon accord, car je sentis la sincérité de leurs intentions et la pureté de leurs cœurs. « Les actions valent par leurs intentions » [11] .
J’ai intitulé cette épître : « Présent des invocateurs : dialogue et maximes des Connaisseurs  » en espérant qu’Allah nous accorde sa Protection. Il protège les pieux ; qu’Il en soit loué.

 DIALOGUE

« Appelle à la voie de ton Seigneur par la sagesse, la belle exhortation et discute avec eux par la belle manière » [12].
Louange à Dieu, et bénédictions sur les Serviteurs qu’Il a élus. Mon Maître vertueux, cheikh sidi al-Sadiq ibn al-Chaykh, qu’Allah prolonge votre vie et vous rende utile aux gens, je souhaiterais vous poser des questions concernant la voie soufie.

 DEFINITION DE LA VOIE :

1- Question :
J’ai vu les disciples de votre voie, Madanie- Alawie- Darqawie- Châdilie, pratiquer des [rites]. Ont-ils alors un fondement dans le Coran, la sunna, l’analogie (qiyâs) ou un fondement dans les actes des Pieux Ancêtres, les consultations juridiques données par des savants bien-instruits ? En effet, j’ai entendu certains étudiants dire qu’il s’agit d’hérésies. Ils ajoutent : « Toute hérésie n’est qu’un égarement et tout égarement [conduira] au feu [13] ». Je pense que ce jugement est sévère pour la communauté mohammadienne, car la majorité des musulmans, parmi desquels des savants célèbres et des grands imams, sont rattachés au soufisme. S’ils encouraient tous l’enfer, qui mériterait alors la miséricorde divine « englobant toute chose [14] » ?
2- Réponse :
Mon frère, vous pouvez poser toutes les questions qui vous semblent pertinentes. Je répondrai, si Dieu le veut, grâce à Sa science inspirée, à la compréhension qu’Il m’a accordée et d’après les ouvrages des prédécesseurs que j’ai compulsés. Qu’Allah nous guide vers le chemin droit. « Il accorde la sagesse et la parole décisive à qui Il veut ».
3- Question :
En quoi consiste votre voie ? Qui vous l’a indiquée ?
4- Réponse :
Notre voie est connue sous le nom de « madaniyya ». Nous y étions initiés par notre Cheikh, éducateur de nos âmes, le Connaisseur, le Maître Muhammed al-Madani al- Médiouni, ci-présent, qu’Allah prolonge sa vie [15] . Il y fut initié par le Maître sidi Ahmed al-‘Alaoui (m. 1934) et ainsi de suite jusqu’au Messager de Dieu, bénédictions et salut sur lui. En vérité, c’est une voie mohammadienne.

 LE RATTACHEMENT

5- Question :
Le rattachement d’un disciple à un Maître par lequel il se rend au droit chemin a-t-il des précédents dans la première génération de Compagnons.
6- Réponse :
Ceci est certain. La preuve en est qu’al-Mughîra ibn Bardizbah, l’aïeul de l’imam al-Bukhârî, lorsqu’il se convertit à l’Islam avec al-Yamani ibn al-Akhnas al-Ja‘afi, déclara son appartenance à lui. On l’appelait désormais « al-Mughira al-Ja‘afî ». Ainsi, cette appartenance s’applique à l’imam al-Bukhârî, désormais [connu sous le nom] d’al-Ja‘afi. Il en va de même pour les malikites qui appartiennent à l’imam Malik ibn Anes. Idem pour les hanafites, etc.
7- Question :
Comment définissez-vous le Pacte (‘ahd) par lequel vous rattachez les disciples ?
8- Réponse : Le pacte consiste à ce que le disciple évite les interdits, obéisse aux Ordres, dans la mesure du possible, évite les vices et acquière les vertus.
9- Question :
Ce pacte par lequel vous rattachez les disciples a-t-il eu lieu du vivant du Prophète, sur lui bénédictions et salut ?
10- Réponse :
En vérité, le Prophète, sur lui bénédictions et salut, a rattaché, par le pacte, certains Compagnons suite à leur conversion. Cela concernait les hommes et les femmes. A ce principe, le verset fait allusion : « Oh toi le Messager ! Si les croyantes viennent te prêter allégeance de n’associer personne à Allah… » [16] . Il en va de même pour l’Allégeance de l’Arbre (bay‘at al-shajara) [17] . La pratique des musulmans, en Orient comme en Occident, est conforme à ce principe jusqu’à nos jours.
11- Question :
Quel est le but de se rattacher à une voie et d’y adhérer ?
12- Réponse :
La voie de tasawwuf a un commencement et une fin. Son commencement n’est autre que l’observance des obligations rituelles, l’accomplissement, dans la mesure du possible, des actes surérogatoires et l’embellissement par le noble caractère.
Quant à sa fin, c’est connaître véritablement Allah, Exalté soit-Il, atteindre Sa Présence sacrée, jouir des délices de Sa Proximité et quitter le monde sensible.
« Et c’est vers ton Seigneur qu’est l’Aboutissement final » [18] .
13- Question :
Nous avons bien compris le début de la voie. Cependant, nous n’en avons pas bien saisi sa fin. Pourtant, je sens une certaine majesté qui agrémente votre discours. Je pense que cette majesté est celle d’un homme véridique.
Auriez-vous l’amabilité de bien vouloir m’expliquer ces significations pour que je puisse les savourer ?
14- Réponse :
Mon frère, il a été établi chez tous les érudits que certaines significations ne sont accessibles que par le goût (dhawq) [19] . Ils ne sont pas non plus exprimables par le discours. La poitrine s’en resserre, la langue en est embarrassée [20] ».
Al-Ghazâlî (505h/1111 J-C) et les autres autorités de cette discipline observaient tous ce principe.
Mon frère, tu dois ainsi te rattacher à la voie des gens d’Education et être initié par un Maître connaisseur et parfait afin qu’il te dise « Te voilà avec ton Seigneur ». Tu arriveras au but escompté et à la finalité recherchée si Allah a décidé que tu sois parmi les gens de la Perfection. Cela n’appartient qu’à Allah.

 LE MAITRE EDUCATEUR

15- Question :
Quelles sont les conditions requises du Maître [véridique], car les choses se sont confondues. Comment alors séparer le bon grain de l’ivraie ?
16- Réponse :
Le Maître-éducateur est un homme issu de la communauté mohammadienne. Il observe les Ordres [divins] et évite les interdits. Il craint Allah par son comportement apparent ainsi que dans son for intérieur. Il a été initié à la voie par un Maître connaisseur véridique. Par là, j’entends la connaissance spécifique qu’ont enfermée les cœurs des Compagnons. A ce propos, Abû Hurayra dit : « Mon Bien- aimé Muhammed m’a prodigué deux outres de science. La première, je l’ai diffusée. Quant à la seconde, si je la diffusais, on m’exécuterait ». Rapporté par l’imam al-Bukhârî dans son Authentique. Suivant ce modèle, se sont comportés Zayn al-‘Abidîn, ibn Husayn ibn Alî (né. 38h/ m. 94h) qui dit :
Si je divulguais une certaine science, on me dira tu es au nombre de ceux qui adorent les idoles.
Des hommes musulmans déclareront licite mon sang. Leur pire action, ils la considéreront belle !
Il s’agit de la science qu’a sollicité Moïse d’al-Khidhr (sur eux bénédictions et salut) lorsqu’il lui dit : « Puis-je te suivre pour que tu m’enseignes ce qu’on t’a appris concernant la sagesse » [21] .
17- Question :
Beaucoup de gens rapportent que le Maître- éducateur n’existe plus de nos jours. Personne n’est habilité à éduquer [les âmes] ?
18- Réponse :
Mon frère, tu es un homme raisonnable. La prophétie a été close par le meilleur des créatures, notre Maître Mohammed, sur lui bénédictions et salut. Quant à l’éducation, ou la sainteté, elle ne s’interrompt pas et ne s’interrompra point. [D’après le hadîth] « Une fraction de ma communauté ne cesse de suivre le Vrai. Ceux qui les contrediront ne leur porteront aucun préjudice jusqu’à ce que l’Ordre divin arrive ». Allah, Exalté soit-Il, accorde la sagesse à qui Il veut et choisi parmi ses serviteurs. La majorité d’érudits et de pieux de la communauté mohammadienne suivent cette règle.
19- Question :
Les Compagnons du Prophète, sur lui bénédictions et salut, ont-ils vécu ces états ?
20- Réponse :
Certes. La voie soufie, qui est le stade de la sainteté (wilâya) ou disons le stade de perfection (ihsân) était générale chez les Compagnons et leurs disciples. Lorsque l’attachement à ce bas-monde et à ses parures s’est propagé chez les gens, ceux qui se caractérisent par leur attachement à Allah, ceux qui n’aspirent qu’à sa Face, se sont distingués par ces pratiques. Ils furent connus sous le nom de « soufis » à cause de la pureté et la sincérité de leurs cœurs [22] . Ils ne voyaient qu’Allah, Exalté soit-Il. Cela a été explicité par le Père des historiens, Ibn Khaldôun (m. 808/1406) dans ses Prolégomènes (Muqaddima).
21- Question :
Cette connaissance spécifique et ces états vertueux que vous avez mentionnés sont-ils contradictoires avec les textes sacrés [de la chari‘a] ?
22- Réponse :
Non, mais ils sont la conclusion des textes sacrés et le fruit d’une action conforme à la science religieuse. Quiconque œuvre selon ce qu’il sait, Allah lui accordera la science de ce qu’il ne sait pas. « Craignez Allah et Il vous instruira » [23] . Quiconque se rapproche d’Allah par les actes obligatoires, ainsi que par les actes surérogatoires, Allah l’aimera et deviendra son ouïe et sa vision, sa main et son pied. Quiconque prétend aboutir à un stade dans lequel il s’émancipe des dispositions légales est un imposteur.
23- Question :
J’ai lu dans les ouvrages des soufis [certaines] expressions dont le sens apparent insinue la Fusion et l’Union. Cela fait-il partie de leur croyance ?
24- Réponse :
La croyance des soufis est la croyance sunnite, ach‘arite [24] . Les discours tenus par les soufis, au moment de l’extase, proviennent de leur extinction totale dans l’Océan de l’Unité [divine], et de leur abandon des réalités illusoires de l’existence.
Lorsqu’on les interprète [correctement], ces discours demeurent conformes aux Textes de la Loi exotérique. Ainsi, l’imam Ahmad al-Maqqarî (m. 1632) [25] dit :
Exprimés selon leur style spécifique, les discours ambigus de célèbres soufis donnent l’impression de l’Union .
Grâce à l’interprétation, ces discours reviennent aux Textes [de la loi exotérique]

 INVOCATION D’ALLAH

25- Question :
Je sais qu’Allah nous ordonne, dans son Livre saint, de L’invoquer. Il dit « Oh vous qui croyez ! Invoquez Allah abondamment » [26] . De même, Notre Prophète, sur lui bénédictions et salut, nous en a fortement encouragé. Cependant, je vous demande a-t-on rapporté selon le Prophète, un discours incitant à L’invoquer collectivement dans une même séance ?
26- Réponse :
Bien évidemment. On a rapporté que le Prophète, sur lui bénédictions et salut, a dit : « Allah a des anges qui parcourent la terre à la quête des séances d’invocation. S’ils trouvent un groupe de gens invoquant Allah, ils s’appellent : « venez voir votre but ! Ils s’élèvent ensuite vers les hauteurs des cieux. Allah leur demande : « d’où venez-vous ? ». Ils disent : « Nous étions chez Tes serviteurs, un tel et un tel, qui Te glorifient, attestent de Ton Unicité, Te louent et T’implorent ». Allah, qu’Il soit-Exalté, dit alors : « Oh ! Mes anges, Je vous tiens pour témoins que j’absous leurs péchés. Ils disent alors : « Mais, untel n’est pas venu pour T’invoquer, mais il est simplement de passage dans la séance ». Allah dit : « J’absous également ses péchés. Ils sont un peuple dont le compagnon ne sera point malheureux ». Rapporté par al-Bukhârî et Muslim dans les deux Authentiques.
Al-Bazzâr rapporte, selon Anas, que le Prophète, sur lui bénédictions et salut, a dit : « Allah a des anges qui parcourent la terre à la quête des séances d’invocation. S’ils en trouvent une, ils couvrent les invocateurs de leurs ailes. Allah, qu’Il soit Exalté, dit : « couvrez-les de Ma miséricorde. Ils sont un peuple dont le compagnon ne sera point malheureux ».
Al-Bukhâri rapporte d’Abû Hurayra que le Prophète, sur lui bénédictions et salut, dit : « Allah dit : « Je ne déçois point l’attente de Mon serviteur. Je serai avec lui s’il M’invoquait. S’il M’invoquait dans son for intérieur, J’en ferai de même pour lui. S’il M’invoquait en public, Je l’invoquerai dans un meilleur public ».
[J’estime] que ces traditions sont suffisantes pour justifier l’invocation d’Allah en groupe.
27- Question :
Ces traditions sont certainement suffisantes. Grâce à Dieu, elles rassurent le cœur. Qu’Allah vous bénisse. A-t-on rapporté d’autres traditions expresses qui justifient l’invocation à haute voix ?
28- Réponse :
Maintes traditions ont été sûrement rapportées à ce propos. Parmi lesquelles un hadith, rapporté par les deux Maîtres [al-Bukhârî et Muslim] disant : « L’invocation à haute voix après les prières obligatoires était courante à l’époque du Prophète, sur lui bénédictions et salut ».
Cela a été de surcroît autorisé par plusieurs Docteurs de loi parmi lesquels al-Hafiz al-Suyûtî (1445/1505) qui a composé une épître particulière, intitulée « Le fruit de méditation justifiant l’invocation à haute voix ». L’auteur d’al-Minhâj al-Wadhih a rapporté que l’invocation à haute voix est légitime dans tous les actes d’adoration, que ce soit à très haute, à moyenne ou à basse voix. Il s’agit d’un acte recommandable pour l’élite des savants et des saints, car l’invocation porte les germes de la bien-guidance et les motifs encourageant d’imitation ».
29- Question :
J’ai vu beaucoup de soufis invoquer Allah par le Nom Suprême : « Allah Allah ! » uniquement. J’ai entendu les jeunes étudiants dire qu’invoquer Allah par ce Nom seulement ne présente pas une formule consacrée. A-t-on rapporté ceci dans la Tradition ? Les Docteurs de loi ont-ils prononcé une consultation juridique le justifiant ?
30- Réponse :
Les musulmans, en Orient comme en Occident, ont l’habitude d’invoquer le Nom Suprême Allah Allah . On a rapporté que le Prophète, sur lui bénédictions et salut, a dit « L’Heure [ou le Jour de Jugement dernier] ne viendra jusqu’à ce qu’il ne reste, sur terre, personne qui dira Allah Allah » [27] . Ce hadith vaut comme preuve autorisant l’invocation du Nom Suprême. Cela a été autorisé par l’éminent érudit, le Cheikh sidi ‘Abd al-Qâdir al-Fâsi [28] dans ses Casuistiques (Nawâzil).
31- Question :
A-t-on rapporté des Traditions justifiant l’invocation debout ?
32- Réponse :
La preuve est dans le Coran « Ceux qui invoquent Allah debout et assis et sur leur cotés » [29] . Le Prophète, sur lui bénédictions et salut, invoquait Allah dans tous ses états.

 LA DANSE SOUFIE

33- Question :
J’ai vu les disciples de la voie madanie, ainsi que d’autres gens de tasawwuf, valser lors de l’invocation. Avez-vous une Tradition justifiant ce mouvement ?
34- Réponse :
Bien entendu, lorsque les Compagnons du Prophète, sur lui bénédictions et salut, invoquaient Allah, ils se mouvaient tel un arbre au vent. Ceci a été rapporté par Abû Na‘îm al-Asbahânî, dans son ouvrage « La parure des saints », qui fait l’unanimité des savants sur son authenticité. Cette tradition a été rapportée par le Mufti de Fès, al-Cheikh sidi Muhammed Mahdi al-Wazzânî. Plusieurs Compagnons, qu’Allah les agrée, ont valsé pour diverses raisons.
35- Question :
Danser est-il autorisé dans l’absolu ? Qu’il soit le fruit d’un état intérieur ou forcé ?
36- Réponse :
Dans son ouvrage : « La revivification des sciences religieuses », al-Ghazâlî (m. 555/1111) précise : « La danse (raqs) ou le mouvement sont en général autorisés, qu’ils soient le fruit d’un état intérieur ou d’une manière forcée ». Il a même dit qu’il faille provoquer la danse. Il y a explicité cette question en détail. Qu’Allah l’agrée et le bénisse. C’est la coutume d’éminents savants aux connaissances poussées. Certains l’ont autorisée à la seule condition qu’elle soit le fruit d’un véritable état intérieur.
D’autres ont désapprouvé la danse en disant qu’elle constitue une hérésie et que « toute hérésie est égarement et que tout égarement est sanctionné par l’enfer » [30] . Ceux-là ont tout confondu. Leur pensée est trop étriquée pour accepter les idées douces [31] . Ils condamnent à l’Enfer la majorité de la communauté Mohammadienne alors qu’elle contient des savants pratiquants et de pieux imams. Nulle force ni puissance que par Dieu. C’est le sort de quiconque profère des paroles inconsidérées.

 L’EMPLOI DU CHAPELET

37- Question :
J’ai vu les soufis, et ceux qui les suivent, invoquer Allah par le chapelet. Ont-ils une preuve ? Les Compagnons et leurs disciples (tâbi‘î) l’ont-ils utilisé ?
38- Réponse :
Assurément, les Compagnons et leurs disciples ont utilisé le chapelet. Parmi lesquels Abû Safiyya, le client du Prophète, sur lui bénédictions et salut, qui possédait une nappe. On lui apportait un bât (zinbîl) contenant des pierres avec quoi il invoquait jusqu’à midi. On lui amenait ensuite la nappe. Lorsqu’il finit la prière du Midi (Zuhr), on la lui apportait de nouveau. Il invoquait jusqu’au soir. Parmi les Compagnons figure également Sa‘d ibn Abî Waqqâs qui invoquait en utilisant les pierres et les noyaux [de dattes]. Il en va de même pour Fâtima, la fille de Husayn ibn ‘Ali ibn Abî Talîb, qu’Allah les agrée tous, qui invoquait en utilisant un fil noué. Idem pour Abû al-Dardâ’ qui invoquait avec les noyaux [de dattes]. Abû Hurayra invoquait avec des noyaux frottés (mujazza‘). (Selon l’avis des philologues arabes, le terme mujazza‘ signifie : les noyaux qui deviennent blancs tellement ils ont été frottés les uns contre les autres. Certains gardent leur couleur initiale).
[On rapporte] qu’Umm Ya‘fûr avait des chapelets et que Zâdân les a pris [de force]. Elle s’en plaignit alors à ‘Ali qui lui enjoint : « redonne à Umm Ya‘fûr ses chapelets [32] ».
De la même manière, maints autres hommes et femmes qui ont été cités, sur qui nous comptons et en qui nous avons confiance ont utilisé le chapelet pour invoquer Allah. Jalâl al-Dîn al-Suyûtî (m. 1505) dit : « Aucun savant, des aïeux pieux et de leurs prédécesseurs, n’a transmis l’interdiction d’invoquer Allah avec un chapelet. Au contraire, la majorité des savants l’utilisait pour compter les invocations. Certains ont chanté leurs louanges en disant :
Le sage se retire avec ses « perles enfilées » [33] . .
Elle renforce sa volonté.
S’il invoquait Allah, que son Nom soit Exalté,
Ce sage s’effritera de Sa majesté [34] »
J’ai rapporté toutes ces traditions de l’ouvrage : « Le corpus de consultations juridiques » [al-Hâwî li-Fatâwî] de Jalâl al-Dîn al-Suyûtî. Il a composé une épître particulière intitulée « Le don dans le chapelet » [al-Minha fî subha]. Son autorité suffit qu’Allah l’agrée.
39- Question :
J’ai entendu dire que le chapelet est un signe distinctif des moines chrétiens. Cette accusation est-elle fondée ?
40- Réponse :
Cet avis n’a aucun fondement. Le chapelet a été utilisé dans la première époque de l’Islam, comme je vous l’ai dit. S’il y avait correspondance entre l’Islam et le christianisme dans certaines dispositions, ceci est approuvé par les Docteurs de Loi (faqîh). Nous faisons nôtres les lois et dispositions des communautés précédentes tant qu’elles n’ont pas été abrogées. Ainsi, les Législations sont unanimes sur plusieurs questions.
41- Question :
Pourquoi les gens profèrent-ils [des allégations] concernant la question du chapelet et d’autres questions similaires ?
42- Réponse :
L’ignorance, la non-connaissance et les prétentions infondées qui meublent les cœurs vides et les esprits désœuvrés en sont la cause. Qu’Allah nous protège de l’égarement et des glissades ! Qu’Il nous guide vers les belles actions ! Je L’invoque par le rang sacré (hurma) de notre Prophète, sur lui bénédictions et salut.
43- Aveu :
Mon Maître !
Cela me suffit largement.
Vos réponses pertinentes, les traditions authentiques rapportées nous permettent de connaître le bien- fondé des actes coutumiers chez les soufis, qu’Allah les agrée.
Qu’Allah prolonge votre vie pour servir la religion !
Qu’Il vous rende utile pour [servir] les musulmans.
Que la parole de l’Imam al-‘Izz ibn ‘Abd al-Salâm (m. 660h.h/1279 J-C) est pertinente lorsqu’il a déclaré : « Les gens [soufis] se sont attachés aux piliers indestructibles de la charî‘a alors que les autres se sont attachés aux formes futiles ».
[Pour notre propos], il est inutile de rentrer dans les détails. Car la prolixité fatigue la volonté. Je suis avec vous. J’observerai votre pacte jusqu’à la rencontre d’Allah. « Quiconque observe son engagement aura une belle récompense ».
Qu’Allah nous raffermisse dans le droit Chemin par le rang sacré de notre Seigneur, le Prophète, sur lui bénédictions et salut, et sur ses Compagnons et leurs disciples jusqu’au Jour du Jugement dernier. Louanges à Dieu.

[1] Rapporté par Muslim.
[2] Ce terme désigne les « suivants », c’est-à-dire les disciples des Compagnons du Prophète, sallâ Allahu alayhi wa sallam, ceux qui ne l’ont pas rencontré de son vivant, mais se sont convertis après sa mort. Ce terme englobe ainsi toutes les générations de musulmans jusqu’au Jour de Jugement.
[3] Ce dialogue a été récité lors d’une célébration du Mawlid, à la Zawia de Ksibet el-Médiouni avant 1950.
[4] Disciple madani, d’origine algérienne (ville Othmânia). Il fut maître de l’Ecole coranique de la Zawia madaniyya.
[5] Disciple madani de la ville de Mahrese.
[6] Mahrès ou Mahares (المحرس) est une ville côtière tunisienne située à 30 kilomètres au sud de Sfax et à 300 kilomètres de Tunis.
[7] Grand soufi connu pour ses maximes. Cf. Paul Nwyia : Ibn ’Atâ’ Allâh al-Sikandarî et la naissance de la confrérie shâdhilite, Dâr al-Machreq, Beyrouth, 1971 ; Eric Geoffroy, La sagesse des maîtres soufis, Grasset, Paris, 1998.
[8] Disciple madani de la ville de Sfax. (né. 27-1-1927 et mort 7-04-2004).
[9] Disciple madani de la ville de safx. (né. 02-03-1925 et mort 02-09-1989).
[10] Disciple madani de la ville de Sfax. (né. 1929 et mort le 29-12-1998).
[11] Allusion fait au premier hadith rapporté par al-Imâm al-Nawawi « Les actions ne valent que par les intentions ».
[12] Coran, sourate : « Les Abeilles », v. 125.
[13] Allusion au hadith rapporté par Ibn Madja, al-Tirmidhi et Abû Dâwûd.
[14] Allusion au Coran, sourate : « al-A‘râf », v. 56.
[15] L’auteur, sidi Muhammed al-Madani, fut présent lors de ce débat. Avec intérêt, il entendait ses deux disciples réciter les questions et les réponses (qu’il a lui- même rédigées) dans le but de leur transmettre ce savoir.
[16] Coran, sourate : « al-Mumtahina », v. 12.
[17] Le Coran fait allusion à cette allégeance. Sourate : al-Fath, v. 18. Le prophète, sur lui bénédictions et salut, a pris l’allégeance d’un nombre de Compagnons.
[18] Coran, sourate : « L’Etoile », v.42 ; tard. D. Masson, Le Coran, II, p.657.
[19] Ce terme arabe désigne la faculté intérieure de vivre les réalités religieuse par le cœur et non par l’analyse nationale, souvent incapable de percer les arcanes de la Vérité divine.
[20] Allusion faite au Coran, Sourate : « Les Poètes », v. 13.
[21] Coran, Sourate : « La caverne », v. 66.
[22] Il est à noter que les deux termes : « soufi » et « safâ’ » (pureté) sont dérivés de la même racine arabe S. F.W qui désigne « la pureté ».
[23] Coran, sourate : « La vache », v. 282.
[24] L’auteur appartient à l’école d’Abû al-Hasan al-Acha ‘rî.
[25] Un savant originaire de Tlimsan. Il fut connu au Maghrib comme en Orient au XVIIe siècle.
[26] Coran, Sourate : « Les fractions », v ; 141.
[27] Ce hadith est rapporté par Muslim, n° : 148. Muslim rapporte les deux versions dans son sahih, Livre de la croyance (iman), ch. 66 intitulé dhahab al-iman akhir al-zaman (De la disparition de la croyance à la fin des temps).
[28] Juriste marocain du XIX siècle, auteur des al-Nawâzil al-Sughrâ.
[29] Coran, sourate : « La famille d’Imrân », v. 191.
[30] Allusion faite au même hadith, cf. note 5.
[31] Le texte arabe utilise une métaphore : « il ne peut pas avaler l’eau douce ».
[32] Cette tradition est rapportée par ibn Abî Chayba, II, 160.
[33] Métaphore désignant le chapelet.
[34] Ces vers sont attribués à ‘Imâd al-Dîn al-Manâwî.


Traduit en français par A. Madani. Septembre-Octobre 2009.
http://www.madaniyya.com/