بـــسْم ﭐلله ﭐلرّحْمٰن ﭐلرّحــيــم ﭐللَّهُمَّ صَلِّ عَلَى سَيِّدِنَا مُحَمَّدٍ وَ عَلَى آلِهِ و صحبه وَ سَلِّمْ السلام عليكم و رحمة الله و بركاته
lundi 2 avril 2012
L'histoire du Coran
La descente du Coran
Le Coran et la Révélation
Révélation Mecquoise et Médinoise
Le Coran à la Mecque
Le Coran à Médine
Le Coran à l’époque de `Uthmân
L’inscription du Coran à l’époque du Prophète
L’inscription du Coran à l’époque de Abû Bakr - qu’Allâh l’agrée
Les versets liminaires
Investigations dans le domaine des sciences coraniques par le grand imâm; le Cheikh al Azhar Mohammad Sayed Tantâwî
Les versets liminaires
Dieu révéla le Noble Coran à son loyal Messager pendant sa mission prophétique. Les sourates du Noble Coran constituèrent un vaste registre de l’Histoire de la prédication, une brillante guidance exposant l’essence de l’Appel divin et une Législation éternelle : "Nous avons certes révélé le Rappel, et c’est Nous qui le préservons.".
Dans chaque sourate du Noble Coran, nous trouvons un esprit général qui la gouverne et une idée principale qui en constitue le pivot. Les versets liminaires se sont diversifiés selon la variation des thèmes des sourates.
Ainsi certaines sourates commencent-elles par les louanges à Dieu. C’est le cas de sourate Al-Fâtihah : "Louange à Dieu, le Seigneur des Mondes". C’est également le cas de sourate Al-An`âm : "Louange à Dieu qui a créé les cieux et la terre, et établi les ténèbres et la lumière". Citons aussi Sourate Al-Kahf qui commence ainsi : "Louange à Dieu qui fit descendre le Livre sur Son serviteur".
D’autres sourates sont entamées par une interpellation : "Ô gens !", "Ô toi, l’enveloppé !", "Ô toi, le revêtu d’un manteau !".
D’autre part, certaines sourates débutent par un serment, comme : "Par ceux qui sont placés en rangs !", "Par les vents qui éparpillent !", "Par le Mont !", "Par l’étoile !", "Par l’aube", "Par le soleil", "Par la nuit", "Par le Jour Montant !", "Par les coursiers haletants !", "Par le Temps !".
Lettres Alphabétiques
Il est des sourates coraniques qui débutent par des lettres de l’alphabet ne constituant pas un mot. C’est le cas de "Alif, Lâm, Mîm" [1].
Il y a dans le Coran diverses formulations présentant ce type de versets liminaires. Parfois il s’agit d’une seule lettre comme dans : "Sâd. Par le Coran, au renom glorieux !" ou "Qâf. Par le Coran glorieux !", ou encore, "Nûn. Par la plume et ce qu’ils écrivent !".
D’autres versets liminaires présentent deux lettres : "Tâ, Hâ * Nous n’avons point fait descendre sur toi le Coran pour que tu sois malheureux", "Yâ, Sîn * Par le Coran plein de sagesse", "Hâ, Mîm * La révélation du Livre vient d’Allah, le Puissant, l’Omniscient". D’ailleurs, "Hâ, Mîm" inaugure plusieurs sourates : Ghâfir, Fussilat, Ash-Shûrâ, Az-Zukhruf, Ad-Dukhân, Al-Jâthiyah et Al-Ahqâf.
D’autre part, certaines sourates commencent par trois lettres : "Alif, Lâm, Râ" ou "Alif, Lâm, Mîm". Nous retrouvons "Alif, Lâm, Mîm" au début des sourates Al-Baqarah, Âl `Imrân, Al-`Ankabût, Ar-Rûm, Luqmân, et As-Sajdah.
En outre, il y a des sourates entammées par quatre lettres : "Alif, Lâm, Mîm, Sâd" ou "Alif, Lâm, Mîm, Râ".
Enfin, certains versets liminaires comptent cinq lettres. C’est le cas de sourate Mariam : "Kâf, Hâ, Yâ, `Ayn, Sâd * C’est un récit de la miséricorde de ton Seigneur envers Son serviteur Zacharie".
Sens des versets liminaires
Ces versets liminaires, composés d’une ou plusieurs lettres alphabétiques, n’ont pas de sens propre dans la langue arabe. Il ne nous est pas parvenu de traditions authentiques remontant au Prophète - paix et bénédiction de Dieu sur lui - en explicitant le sens.
Cela dit, maintes opinions furent rapportées des pieux prédécesseurs. Malgré la multiplicité de ces opinions, elles se résument en deux opinions essentiellement :
Première opinion : Le sens de ces versets liminaires composés de lettres alphabétiques fait partie des choses que Dieu a gardées pour Lui-Même et que nul autre ne connaît. C’est l’opinion de nombreux Compagnons et Successeurs.
Seconde opinion : Le sens de ces versets est accessible. Diverses interprétations ont été données à leur sujet :
- Certains affirment que ces versets constituent le nom des sourates qu’ils entament ou que chacun de ces versets marque la fin d’une sourate et le début d’une autre.
- D’autres estiment qu’ils renvoient à des Noms et Attributs de Dieu - Exalté Soit-Il. On attribue à Ibn `Abbâs l’opinion selon laquelle dans "Kâf, Hâ, Yâ, `Ayn, Sâd", la lettre Kâf est prise dans le mot Al-Mulk (Royauté), la lettre Hâ est celle du Titre de Majesté Allâh, la lettre Yâ est celui d’Al-`Azîz (le Grandiose), et la lettre Sâd est celle d’Al-Musawwir (le Façonneur).
On lui attribue également une opinion soutenant que "Kâf, Hâ, Yâ, `Ayn, Sâd" renvoie à Kâfin (le Protecteur), Hâdin (le Guide), Amîn (le Loyal), `Âlim (le Savant) et Sâdiq (le Véridique).
Il a été rapporté selon Ad-Dahhâk que le sens de Alif, Lâm, Râ est Ana Allâhu Arfa` (Je suis Dieu, J’élève les rangs).
- D’autres encore pensent qu’il s’agit d’un serment divin visant à montrer l’honneur de ces lettres que l’on retrouve dans le Livre révélé à Son Messager.
- Selon une autre opinion, ces versets liminaires visent à éveiller l’audience et à l’interpeller.
- Ils viseraient, selon une autre opinion encore, à attirer et à séduire les gens qui se détournaient du Coran afin qu’ils lui prêtent une oreille attentive. Il est connu que les ennemis de l’Islam, à ses débuts, s’incitaient mutuellement à ne pas écouter le Coran et se disaient : " (...) Ne prêtez pas l’oreille à ce Coran, et faites du chahut (pendant sa récitation), afin d’avoir le dessus" [2]. Lorsque les sourates commençant par des lettres de l’alphabet furent révélées, c’était là une chose peu familière pour eux, si bien qu’ils tendirent l’oreille attentivement. Ils se retrouvèrent alors face à des versets explicites qui ont séduit leurs coeurs. Trouva la foi celui pour qui Dieu voulait la guidance, s’y refusa celui que Dieu voulait éloigner, et la preuve fut établie contre les orgueilleux tyrans.
- Enfin, ces lettres seraient mentionnées en guise de défit et pour témoigner de l’Inimitabilité du Coran. Toutes les créatures sont incapables de produire quelque chose de similaire au Coran, alors qu’il est composé de ces mêmes lettres alphabétiques dont ils usent dans leurs discours. C’est là une preuve qu’il ne provient pas d’un être humain et qu’il s’agit, certes, d’une révélation émanant d’un Sage, Très Digne de Louanges.
A la lumière du Coran
Si nous lisons attentivement le Coran, en suivant de près ces nobles sourates débutant par des lettres détachées, nous remarquerons, de façon générale, qu’elles traitent de la révélation du Noble Coran et de son caractère miraculeux et inimitable. Cela montre que ces lettres sont citées au début de la sourate pour mettre en valeur le défit lancé aux créatures et pour souligner l’inimitabilité du Coran. Ce n’est aucunement l’oeuvre d’un humain : il s’agit du Livre divin révélé à Mohammad, paix et bénédictions de Dieu sur lui. Par ce Livre, Dieu a scellé Son Message destiné à Ses créatures. Il y a explicité Sa Législation et les lois qu’Il a inscrites dans l’univers. Ce Livre sacré constitue un éternel miracle pour son Messager, un témoignage vivant qu’il est le Messager du Seigneur des mondes.
Méditons les versets suivants :
"Alif, Lâm, Mîm * C’est le Livre au sujet duquel il n’y a aucun doute, c’est un guide pour les pieux." [3]
"Alif, Lâm, Mîm * Allah, point de divinité à part Lui, le Vivant, Celui qui subsiste par Lui-même * Il a fait descendre sur toi le Livre avec la vérité [...]." [4]
"Alif, Lâm, Mîm, Sâd * C’est un Livre qui t’a été descendu [...]." [5]
"Alif, Lâm, Râ. Voici les versets du Livre plein de sagesse." [6]
"Alif, Lâm, Râ. C’est un Livre dont les versets sont parfaits en style et en sens, émanant d’un Sage, Parfaitement Connaisseur." [7]
"Alif, Lâm, Râ. Tels sont les versets du Livre explicite * Nous l’avons fait descendre, un Coran en [langue] arabe, afin que vous raisonniez." [8]
"Alif, Lâm, Mîm, Râ. Voici les versets du Livre ; et ce que t’a été révélé par ton Seigneur est la vérité [...]." [9]
"Alif, Lâm, Râ. (Voici) un livre que nous avons fait descendre sur toi, afin que - par la permission de leur Seigneur - tu fasses sortir les gens des ténèbres vers la lumière [...]." [10]
"Alif, Lâm, Râ. Voici les versets du Livre et d’une Lecture explicite." [11]
"Tâ Hâ * Nous n’avons point fait descendre sur toi le Coran pour que tu sois malheureux." [12]
"Tâ, Sîn, Mîm * Voici les versets du Livre explicite." [13]
"Tâ, Sîn, Mîm * Voici les versets du Livre explicite * Nous te racontons en toute vérité, de l’histoire de Moïse et de Pharaon, à l’intention des gens qui croient." [14]
"Tâ, Sîn.. Voici les versets du Coran et d’un Livre explicite." [15]
"Alif, Lâm, Mîm * Voici les versets du Livre plein de sagesse * C’est un guide et une miséricorde aux bienfaisants." [16]
"Sâd. Par le Coran, au renom glorieux (Dhikr)." [17]
"Hâ, Mîm * La révélation du livre vient d’Allah, le Puissant, l’Omniscient." [18]
"Hâ, Mîm * [C’est] une Révélation descendue de la part du Tout Miséricordieux, du Très Miséricordieux." [19]
"Hâ, Mîm * Par le Livre explicite * Nous en avons fait un Coran arabe afin que vous raisonniez." [20]
"Hâ, Mîm * Par le Livre (le Coran) explicite * Nous l’avons fait descendre en une nuit bénie, Nous sommes en vérité Celui qui avertit." [21]
"Qâf. Par le Coran glorieux ! " [22]
Circonstances de la Révélation
Si nous analysons les circonstances générales de la révélation de ces versets, nous verrons qu’il s’agit de sourates mecquoises, à l’exception des deux sourates Al-Baqarah et Âl `Imrân. Ces sourates débattent avec les mécréants mecquois, les sortent de leur entêtement, en leur indiquant les signes d’inimitabilité dans ce Livre éternel que Dieu révéla à Son Messager en guise de guidance pour eux, de lumière pour leur vie, et de modèle pour leur éthique. Mais ils se bouchèrent les oreilles, refusèrent de l’écouter et dirent : "Ce ne sont là que les légendes des peuples révolus". Ils prétendirent que c’était une parole inventée et qu’ils étaient capables de produire des paroles similaires. Ils ne cessèrent de propager le doute pour éloigner les gens et les détourner du Coran. C’est alors que ces sourates furent inaugurées par ces lettres détachées pour interpeller leurs coeurs et attirer leur attention. L’effet de surprise face à ce qui est peu familier a un impact certain sur l’ouïe et l’éveil de l’esprit.
Secret de l’Inimitabilité (I`jâz)
Il se peut aussi que l’inimitabilité et le caractère miraculeux de ces lettres résident dans le fait qu’elles renferment toutes les facettes mentionnées par les savants qui en ont étudié le sens. Il s’agit de versets liminaires. Ce sont aussi des signes renvoyant aux Noms de Dieu - Exalté Soit-Il - ou à Ses Attributs. C’est également un moyen d’interpeller et d’éveiller les insouciants. En outre, ce sont des serments divins témoignant de l’honneur du Coran et ses mérites. Ce sont des versets dont le sens fut gardé dans le Savoir divin. Ainsi, les avis des savants sont des efforts louables visant à en atteindre les secrets et à pénétrer la sagesse d’ouvrir les sourates de la sorte.
Dieu ne cesse d’accorder Ses grâces et bienfaits à Ses serviteurs, de jour comme de nuit, pour qu’ils comprennent le Coran et pénétrent ses sens profonds.
On demanda à l’Imâm `Alî, que Dieu l’agrée : "Le Messager de Dieu - paix et bénédiction de Dieu sur lui - vous a-t-il privilégié par quelque chose ? ". Il dit : "Non, si ce n’est une compréhension du Coran que Dieu accorde à un homme".
Véridique est la Parole de Dieu : "Dis : Si la mer était une encre [pour écrire] les paroles de mon Seigneur, certes la mer s’épuiserait avant que ne soient épuisées les paroles de mon Seigneur, quand bien même Nous lui apporterions son équivalent comme renfort." [23]
P.-S.
Traduit de l’arabe de `Ulûm Ad-Dîn Al-Islâmî (Les sciences de la religion islamique) de Dr. `Abd Allâh Shehâtah, éditions Al-Hay’ah Al-`Âmmah Al-Misriyyah lil-Kitâb, 3ème édition, 1998. ISBN 977-01-5786-4.
Notes
[1] NdT : Il s’agit de la retranscription de trois lettres de l’alphabet arabe. Par exemple, la deuxième sourate du Coran - sourate Al-Baqarah - commence par ces trois lettres.[2] Sourate 41, Fussilat, verset 26.
[3] Sourate 2, Al-Baqarah, versets 1 et 2.
[4] Sourate 3, Âl `Imrân, versets 1-3.
[5] Sourate 7, Al-A`râf, versets 1 et 2.
[6] Sourate 10, Yûnus, verset 1.
[7] Sourate 11, Hûd, verset 1.
[8] Sourate 12, Yûsuf, versets 1 et 2.
[9] Sourate 13, Ar-Ra`d, verset 1.
[10] Sourate 14, Ibrâhîm, verset 1.
[11] Sourate 15, Al-Hijr, verset 1.
[12] Sourate 20, Tâ Hâ, versets 1 et 2.
[13] Sourate 26, Ash-Shu`arâ, versets 1 et 2.
[14] Sourate 28, Al-Qasas, versets 1 à 3.
[15] Sourate 27, An-Naml, verset 1.
[16] Sourate 31, Luqmân, versets 1 à 3.
[17] Sourate 38, Sâd, verset 1.
[18] Sourate 40, Ghâfir, versets 1 et 2.
[19] Sourate 41, Fussilat, versets 1 et 2.
[20] Sourate 43, Az-Zukhruf, versets 1 à 3.
[21] Sourate 44, Ad-Dukhân, versets 1 à 3.
[22] Sourate 50, Qâf, verset 1.
[23] Sourate 18, Al-Kahf, verset 109.
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Le Coran à Médine
Le Prophète - paix et bénédictions de Dieu sur lui - émigra à Médine. Les Médinois accueillirent avec enthousiasme et hospitalité ce Loyal Messager. Paix et Islâm se propagèrent à Médine.
Les musulmans médinois furent appelés Ansâr [1] alors que les musulmans ayant quitté la Mecque pour s’installer à Médine, furent qualifiés de Muhâjirûn [2]. Le Prophète - paix et bénédictions de Dieu sur lui - unit solennellement les Muhâjirûn et les Ansâr par un lien de fraternité. Il établit les fondements du nouvel Etat et s’engagea dans une réconciliation avec les juifs stipulant la liberté de foi et une défense commune de Médine. Le Prophète - paix et bénédictions de Dieu sur lui - voulait ainsi assurer la sécurité des musulmans à Médine afin qu’il puisse propager l’Islam en dehors de cette ville.
Le Prophète - paix et bénédictions de Dieu sur lui - envoya des expéditions, dirigea les batailles et fut victorieux dans la plupart d’entre elles. Le nouvel ordre à Médine appella à la distinction de la révélation médinoise et à son harmonie avec la nouvelle société. La révélation faite au Prophète expliqua aux musulmans les fondements de leur religion, appela les gens à adhérer à une foi saine et accompagna le cortège de la prédication islamique d’un flambeau de lumière et de guidance.
Les différents groupes religieux à Médine
Suite à l’avènement et l’expansion de l’Islam à Médine, la société évolua, comptant principalement trois groupes religieux : les musulmans, les juifs et les hypocrites (munâfiqûn).
- Les musulmans reçurent des versets médinois traitant de questions pointilleuses de la Législation islamique, des détails des jugements légaux, des divers types de lois - civiles, pénales, militaires, sociales, internationales -, des droits individuels, ainsi que des diverses oeuvres cultuelles et transactions.
Cela apparaît de façon manifeste dans des sourates comme Al-Baqarah, An-Nisâ’, Al-Anfâl et Al-Hujurât.
- Pour ce qui est des juifs, les sourates médinoises débattirent avec eux. Elles leur rappelèrent leur passé, leur falsification de la Parole de Dieu, leur transgression du jour du Shabat, les assassinats des Prophètes qu’ils commirent, leur adoration du veau d’or, leur amour pour la vie matérialiste, et leur grand attachement à la vie. Dieu - Exalté Soit-Il - dit à leur égard : "Et certes tu les trouveras les plus attachés à la vie (d’ici-bas)..." [3].
Par ailleurs, les versets médinois décrivirent l’état des juifs du temps de Moïse, ainsi que leur état après lui, du temps de Jésus et à l’époque de Muhammad - paix et bénédiction de Dieu sur lui. Ils montrèrent que leur comportement fut le même à ces différentes époques et que les nouvelles générations avaient hérité les viles manières de leurs aïeux. C’est pour cela que Dieu leur adressa, tous, un discours unique : "...Dis : "Pourquoi donc avez-vous tué auparavant les prophètes d’Allah, si vous étiez croyants ?" [4].
- Quant aux hypocrites, le Coran leur fit face, dévoila au grand jour les tréfonds de leurs consciences, et révéla leurs viles intentions si bien qu’une sourate portant leur nom fut révélée. Elle décrivit leur hypocrisie et fit la lumière sur leur tromperie et leur mauvais caractère. Dieu - Exalté Soit-Il - dit : "Quand les hypocrites viennent à toi, ils disent : "Nous attestons que tu es certes le Messager d’Allah" ; Allah sait que tu es vraiment Son messager ; et Allah atteste que les hypocrites sont assurément des menteurs." [5].
En outre, dans sourate Al-Baqarah Dieu décrivit les musulmans dans quatre versets, puis parla des mécréants dans deux versets alors que treize versets furent consacrés aux hypocrites. Par le biais de ces treize versets, il fit la lumière sur leur tromperie et leur dissimulation dans les chemins et les allées. Cela est exprimé dans la Parole de Dieu - Exalté Soit-Il : "Parmi les gens, il y a ceux qui disent : "Nous croyons en Allah et au Jour dernier !" tandis qu’en fait, ils n’y croient point * Ils cherchent à tromper Allah et les croyants ; mais ils ne trompent qu’eux-mêmes, et ils ne s’en rendent pas compte." [6].
Par ailleurs, sourate At-Tawbah fut révélée à Médine. Cette sourate fut également appelée Al-Fâdihah [7], car elle dévoila les hypocrites au grand jour et multiplia les assauts contre eux en montrant qu’ils trahissent les engagements, s’absentent du jihâd, espèrent le mal pour les musulmans, et avancent des prétextes mensongers dans l’espoir de séjourner à Médine et par crainte de participer aux batailles, surtout aux moments difficiles et sous la chaleur d’été. Dieu - Exalté Soit-Il - dit : "Ceux qui ont été laissés à l’arrière se sont réjouis de pouvoir, rester chez eux à l’arrière du Messager d’Allah, ils ont répugné à lutter par leurs biens et leurs personnes dans le sentier d’Allah, et ont dit : "Ne partez pas au combat pendant cette chaleur !" Dis : "Le feu de l’Enfer est plus intense en chaleur." - S’ils comprenaient !" [8].
Normes des sourates médinoises
À partir de là, il apparait clairement que la révélation médinoise a des normes rigoureuses et invariables. Elles sont comme suit :
- Chaque sourate renfermant des détails relatifs aux sanctions pénales, aux obligations, aux droits, aux lois civiles, sociales ou internationales, est une sourate médinoise.
- Chaque sourate autorisant le jihâd et traitant de ses prescriptions juridiques est médinoise.
- Chaque sourate mentionnant les hypocrites est médinoise.
- Chaque sourate débattant intensément avec les gens du Livre et les appelant à délaisser l’immodération dans la religion, est médinoise.
- La longueur de la sourate, et certains de ses versets, le recours aux hyperboles et le style législatif paisible.
- Le détail des preuves et arguments soutenant les vérités religieuses.
Quelques exemples de sourates médinoises
Il est possible de sélectionner certaines sourates médinoises afin de passer en revue les thèmes principaux que recèlent les principes et les nobles objectifs de ces sourates.
Développement des thèmes de sourate Al-Baqarah
- Premier objectif :
Montrer les catégories des gens selon le Coran : les croyants, les mécréants et les hypocrites (versets 2 à 20).
- Deuxième objectif :
Expliciter les fondements de la religion et présenter la création d’Adam, paix sur lui (versets 21 à 43).
- Troisième objectif :
Parmi les objectifs de sourate Al-Baqarah figure l’invitation, en particulier, des Gens du Livre afin qu’ils délaissent leurs fausses croyances et qu’ils adhèrent à cette religion de la vérité. Cette invitation commence par le verset : "O enfants d’Israël, rappelez-vous Mon bienfait dont Je vous ai comblés. Si vous tenez vos engagements vis-à-vis de Moi, Je tiendrai les miens. Et c’est Moi que vous devez redouter". (versets 40 à 176).
- Quatrième objectif :
Présenter, de façon détaillée, des éléments de la législation islamique et ce, à partir du verset 177 : "La bonté pieuse ne consiste pas à tourner vos visages vers le Levant ou le Couchant [...]".
La seconde moitié de cette sourate aborde des éléments relatifs à la législation, les oeuvres de culte, les transactions et les jugements légaux nécessaires dès lors que les musulmans constituèrent un groupe adhérant à l’Islam et engagé à l’application de ses principes.
En effet, la sourate évoque dans sa seconde moitié le talion, les jugements légaux relatifs au meurtre, au jeûne, au testament, à la séclusion à la mosquée (I`tikâf), au grand pèlerinage (Al-Hajj), au petit pèlerinage Al-`Umrah, au combat, aux jeux de hasard, au vin, aux orphelins, et le jugement légal concernant l’alliance par le mariage avec les polythéistes. La sourate aborde également les jugements légaux relatifs aux menstrues de la femme, à la purification rituelle des femmes, au divorce (le Talâq et le Khol`), au délai de viduité et à l’allaitement. En outre, la sourate traite de la foi et de l’expiation du serment manqué. La sourate évoque également la dépense dans la voie de Dieu, l’usure, les jugements concernant la vente, et montre comment contracter de façon sûre les dettes par le biais de la consignation écrite et de la présence de témoins.
Cette partie débute avec le verset 178 "O vous qui avez cru ! Le talion au sujet des tués vous a été prescrit" et s’étend jusqu’à la fin de la sourate quasiment. La présentation de ces prescriptions est accompagnée des arguments religieux incitant à leur respect et dissuadant de leur transgression, ainsi que des récits de peuples passés, des directives de guidance, des promesses pour les croyants et des menaces pour les mécréants.
Cette sourate se termine par l’évocation de ceux qui ont adhéré à ce message divin dont ceux-ci sont les objectifs et montre ce qui leur advient dans ce bas-monde et dans l’Au-delà.
Les principes que renferme sourate An-Nisâ’
De manière synthétique, les principes et les objectifs de sourate An-Nisâ’ - une autre sourate médinoise - sont :
- Annoncer l’égalité des êtres humains et fonder une société basée sur ce principe.
- Établir les droits de la femme et ceux de l’orphelin. Elle établit par ailleurs les droits des indigents (sufahâ’) [9].
- Présenter les lois de l’héritage.
- Expliciter les lois relatives à la vie conjugale.
- Insister sur la solidarité sociale, sous la bannière du monothéisme et des nobles manières.
- Évoquer les fondements du gouvernement islamique.
- Mettre en garde contre les hypocrites, les mécréants et les ennemis qui attendent un revers de fortune pour les musulmans et qui les combattent matérielement et psychologiquement.
- Montrer que l’envoi de Messagers est régi par la Volonté divine, et que Muhammad n’est pas une innovation parmi les messagers.
- Établir la preuve contre ceux qui croient à tort en la trinité.
- Montrer que le message du Prophète Muhammad s’adresse à toute l’humanité.
P.-S.
Traduit de l’arabe de `Ulûm Ad-Dîn Al-Islâmî (Les sciences de la religion islamique) de Dr. `Abd Allâh Shehâtah, éditions Al-Hay’ah Al-`Âmmah Al-Misriyyah lil-Kitâb, 3ème édition, 1998. ISBN 977-01-5786-4.
Notes
[1] Al-Ansâr : les Soutiens ou les Auxiliaires.
[2] Al-Muhâjirûn : les Emigrés.
[3] Sourate 2, Al-Baqarah, La génisse, verset 96.
[4] Sourate 2, Al-Baqarah, La génisse, verset 91.
[5] Sourate 63, Al-Munâfiqûn, Les hypocrites, verset 1.
[6] Sourate 2, Al-Baqarah, La génisse, versets 8 et 9.
[7] Al-Fâdihah : Littéralement "celle qui dévoile au grand jour".
[8] Sourate 9, At-Tawbah, Le repentir, verset 81.
[9] Ntd : Sourate 3, Âl `Imrân, La famille d’Amram, verset 5 ; "Et ne confiez pas aux faibles d’esprit vos biens dont Allah a fait votre subsistance. Mais prélevez-en, pour eux, nourriture et vêtement ; et parlez-leur convenablement.
[10] Sourate 17, Al-Isrâ’, Le voyage nocturne, verset 82.
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Le Coran à la Mecque
Caractéristiques du Coran mecquois
Dans la caverne de Hirâ’, entre les montagnes mecquoises, la révélation commença à être faite au Messager de Dieu - paix et bénédiction de Dieu sur lui - appelant au monothéisme pur et fustigeant l’adoration des idoles. Cette révélation interpela la fitrah [1] de l’homme et le libéra de l’imitation aveugle des aïeux. Elle recommanda les vertus et interdit les vices. Elle attira l’attention des hommes sur l’univers et ce qu’il recèle, le ciel et Celui qui l’a merveilleusement créé, la terre et Celui qui l’a étendue, les montagnes et Celui qui les a établies, les mers et Celui qui les a écoulées... Il attira également le regard vers d’autres signes de l’univers comme la nuit obscure, le jour ensoleillé, la fascinante lune, les étoiles brillantes, les plantes florissantes, les vents, les pluies... Ces courts versets de sourate Al-Ghâshiyah nous interpellent dans ce sens : « Ne considèrent-ils donc pas les chameaux, comment ils ont été créés * et le ciel comment il est élevé, * et les montagnes comment elles sont dressées * et la terre comment elle est nivelée ? * Eh bien, rappelle ! Tu n’es qu’un rappeleur, * et tu n’es pas un dominateur sur eux. » [2].
Citons aussi ces versets de sourate `Abasa : « Que l’homme considère donc sa nourriture : * C’est Nous qui versons l’eau abondante, * puis Nous fendons la terre par fissures * et y faisons pousser grains, * vignobles et légumes, * oliviers et palmiers, * jardins touffus, * fruits et herbages, * pour votre jouissance vous et vos bestiaux. » [3].
La révélation mecquoise et la révélation médinoise ont, chacune, des caractéristiques propres et des signes distinctifs. Bien que la connaissance du caractère mecquois ou médinois des passages du Coran dépende de ce que les compagnons et les successeurs ont transmis, il est des signes et des règles qui permettent de distinguer la révélation mecquoise de la révélation médinoise. Ces signes furent décelés par les savants du passé à travers l’étude minutieuse du Noble Coran.
Parmi les caractéristiques de la révélation mecquoise citons :
- Chaque sourate où figure le mot kallâ (« non ! ») est mecquoise. Il y a 33 occurrences de ce mot dans le Noble Coran, toutes dans la seconde moitié du Coran. En effet, la seconde moitié du Coran est constituée essentiellement de sourates mecquoises ; sachant que la plupart des mecquois étaient des tyrans, ce mot constituait une menace, une admonestation et un reproche ferme qui leur étaient adressés.
- Chaque sourate qui contient l’apostrophe « Ô gens ! » et ne contenant pas « Ô vous qui avez cru ! » est une sourate mecquoise.
- Chaque sourate rapportant les récits des Prophètes et les communautés passées est mecquoise, exception faite de sourate Al-Baqarah.
- Chaque sourate mentionnant le récit de Adam et Satan est mecquoise, sauf, encore une fois, sourate Al-Baqarah.
- Chaque sourate débutant par des lettres détachées comme (Alif Lâm Mîm), (Tâ Sîn Mîm), ou (Hâ Mîm), est mecquoise, à l’exception de sourate Al-Baqarah et sourate Âl `Imrân.
- Chaque sourate comportant une prosternation pendant la récitation est mecquoise.
Autres caractéristiques du Coran mecquois
Il y a des caractéristiques dominantes et des attributs fréquents qui touchent, dans leur ensemble, les champs de l’éloquence et du sens, et qui aident à déterminer le caractère mecquois ou médinois d’un verset.
Parmi les éléments fréquents dans la révélation mecquoise il y a :
Premièrement :
L’interpellation de l’intellect et de la réflexion. La révélation mecquoise attire l’attention sur les preuves manifestes et les signes dans l’univers qui témoignent de l’Unicité de Dieu et de Son Omnipotence.
Par exemple, sourate Qâf est une sourate mecquoise que le Prophète - paix et bénédiction de Dieu sur lui - récitait fréquemment pendant les sermons du vendredi au point que les femmes musulmanes dirent : "Nous n’avons appris sourate Qâf que du sermon du Prophète - paix et bénédiction de Dieu sur lui". Dans cette sourate, Dieu - Exalté Soit-Il - dit : "N’ont-ils donc pas observé le ciel au-dessus d’eux, comment Nous l’avons bâti et embelli ; et comment il est sans fissures ? * Et la terre, Nous l’avons étendue et Nous y avons enfoncé fermement des montagnes et y avons fait pousser toutes sortes de magnifiques couples de [végétaux],* en guise d’appel à la clairvoyance et un rappel pour tout serviteur repentant. * Et Nous avons fait descendre du ciel une eau bénie, avec laquelle Nous avons fait pousser des jardins et le grain qu’on moissonne, * ainsi que les hauts palmiers aux régimes superposés, * comme subsistance pour les serviteurs. Et par elle (l’eau) Nous avons redonné la vie à une contrée morte. Ainsi se fera la résurrection" [4].
Ces versets constituent un des modèles de da`wah [5] récurrents dans le Noble Coran. Ils interpellent l’homme et le renégat avec une telle force pour lui dire : "Tu n’as pas été créé sans but et tu ne seras pas laissé sans obligation à observer. Cet univers a nécessairement un Créateur et ce monde a forcément une finalité. Il faut après la mort une résurrection, un jugement et une rétribution. Et l’issue sera soit un Paradis soit un Enfer".
Dieu - Exalté et Glorifié Soit-Il - dit : "Pensiez-vous que Nous vous avions créés sans but, et que vous ne seriez pas ramenés vers Nous ? › * Que soit exalté Allah, le vrai Souverain ! Point de divinité en dehors de Lui, le Seigneur du Très sublime !" [6].
Deuxièmement :
Le Coran mena une violente guerre contre le polythéisme (shirk), l’idolâtrie (wathaniyyah) et les prétextes qu’avançaient les mecquois pour persister dans l’adoration des idoles. Le Coran ne leur laissa la moindre issue et leur fournit les preuves probantes de leur erreur. Il recourut à l’arbitrage des sens, en donnant des exemples, ô combien éloquents, qui montrent la perte des idoles, prouvent qu’elles ne peuvent ni faire du bien, ni nuire, et qu’elles ne peuvent rien pour elles-mêmes, ni à plus forte raison, pour autrui. Et il est bien connu que l’on ne peut donner à autrui ce dont on est soi-même démuni.
Il y a dans le récit d’Abraham une leçon à tirer et un modèle invitant à déraciner cette habitude déviante. Ainsi, ce dernier détruisit les idoles adorées en dehors de Dieu, puis dit à son peuple : "[...] ‹Adorez-vous donc, en dehors d’Allah, ce qui ne saurait en rien vous être utile ni vous nuire non plus. * Fi de vous et de ce que vous adorez en dehors d’Allah ! Ne raisonnez-vous pas ?›" [7].
Lorsque les mecquois s’entêtèrent dans leur égarement, prétextant qu’ils suivaient la voie de leurs aïeux, le Coran leur reprocha avec force de faire chuter la dignité de l’être humain dans ce gouffre de l’humiliation pour des pierres et des idoles. Il montra la sottise de leurs illusions et celles de leurs aïeux qui négligèrent l’étude des signes qu’il y a en eux et des signes divins qui comblent les horizons. Il enlaidit à leurs yeux l’immobilisme qui les poussait à l’imitation aveugle de leurs aïeux : "Et si leurs aïeux n’avez point d’entendement et n’étaient guère guidé...".
En outre, le Coran débattit avec eux quant à leurs croyances déviantes ; croyances qui se traduisirent par cette idolâtrie, l’ingratitude envers Dieu, le refus des prophéties, et la négation de la résurrection, la responsabilité et la rétribution.
Troisièmement :
Le Coran aborda les mauvaises coutumes des mecquois. Il les appela à les délaisser, en leur montrant leurs effets néfastes sur l’individu et la société. Il leur interdit le meurtre, l’effusion du sang, l’enterrement des filles à leur naissance, la violation des honneurs, et l’usurpation de l’argent des orphelins.
A l’opposé, il loua les pieux qui se préservent de ces vices. Citons à cet égard ce verset de sourate Al-Furqân qui décrit les qualités des serviteurs du Tout Miséricordieux : "Et ceux qui n’invoquent pas d’autre divinité avec Allah et ne tuent pas la vie qu’Allah a rendue sacrée, sauf à bon droit ; qui ne commettent pas de fornication - car quiconque fait cela encourra une punition." [8].
Quatrièmement :
Le Coran exposa magnifiquement aux mecquois les fondements de l’éthique et les droits de la société. Il leur rendit détestables la mécréance, la perversion, la désobéissance à Dieu, l’anarchie, l’ignorance, le mauvais caractère, la dureté du coeur et la rudesse dans les paroles. Il leur fit aimer la foi, l’obéissance à Dieu, l’ordre, la science, l’amour, la miséricorde, la sincérité, le respect d’autrui, la gratitude envers les parents, la générosité à l’égard des voisins, la purification du coeur et la pureté de la langue...
Cinquièmement :
Le Coran relata aux mecquois les récits des Messagers, des Prophètes et l’histoire des peuples précédents. Il y a en ces récits d’éloquentes exhortations et des leçons bénéfiques montrant les règles divines que Dieu établit dans l’univers pour faire périr les mécréants et les tyrans et pour donner la victoire aux croyants et les bienfaisants. La victoire des croyants finit par arriver aussi longtemps qu’ils défendent la vérité et soutiennent la foi.
Sixièmement :
Le Coran s’adressa aux mecquois en des termes concis. C’est ainsi que les versets des sourates mecquoises furent courts. Les mecquois étaient, en effet, réputés pour leur éloquence. Ils étaient de grands orateurs, et la façon la plus appropriée pour les interpeller était d’user de mots forts et concis, plutôt que de recourir à de longs discours. Aussi la Haute Sagesse divine veilla-t-elle à ce que le progrès et l’élévation dans l’éducation des peuples et des individus se fassent de façon graduelle, en hiérarchisant les priorités. Nul doute que le credo et l’éthique sont plus importants que les différentes formes d’œuvres de culte et les transactions complexes : les premiers constituent, en effet, les fondements des seconds. C’est pour cela que la révélation mecquoise les aborda de façon fréquente et leur accorda le plus grand soin. Le Noble Coran commença par les fondements les plus prioritaires avant d’arriver aux questions de moindre importance, et suivit la méthodologie générale des Messages destinés à guider l’être humain, à l’honorer et à raffiner ses manières.
Dieu - Exalté Soit-Il - dit : "Nous ne t’avons envoyé qu’en miséricorde pour les mondes". Et le Messager de Dieu - paix et bénédiction de Dieu sur lui - dit : "Je n’ai été envoyé que pour parachever les nobles manières".
P.-S.
Traduit de l’arabe de `Ulûm Ad-Dîn Al-Islâmî (Les sciences de la religion islamique) de Dr. `Abd Allâh Shehâtah, éditions Al-Hay’ah Al-`Âmmah Al-Misriyyah lil-Kitâb, 3ème édition, 1998. ISBN 977-01-5786-4.
Notes
[1] la disposition originelle
[2] Sourate 88, Al-Ghâshiyah, versets 17 à 22.
[3] Sourate 80, `Abasa, versets 24 à 32.
[4] Sourate 50, Qâf, versets 6 à 11.
[5] Appel à Dieu, prédication.
[6] Sourate 23, Al-Mu’minûn, versets 115 & 116.
[7] Sourate 21, Al-Anbiyâ’, Les prophètes, versets 66 et 67.
[8] Sourate 25, Al-Furqân, Le critère, verset 68.
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Révélation Mecquoise et Médinoise
Le Noble Coran est le Livre éternel de l’Islam. Il constitue l’âme de la da`wah [1] islamique, la source motrice de sa doctrine, son lexique et le registre de son mouvement. Dieu - Exalté Soit-Il - accorda à Ses Prophètes des miracles en adéquation avec leur époque afin d’appuyer leur Message. Il donna à Moïse un bâton qui se transforma en un énorme serpent avalant les cordes des magiciens. De même, lorsqu’il mit sa main sur son côté puis la ressortit, elle était d’une blancheur éclatante, plus éblouissante que le soleil. Les Egyptiens avaient en effet excellé en magie et Moïse vint avec un miracle qui surpassait leur magie.
Muhammad, quant à lui, fut envoyé dans les terres des arabes, au milieu de personnes illettrées, excellant dans l’éloquence et les belles paroles, versifiées ou en prose. D’ailleurs, des rencontres culturelles et littéraires annuelles réunissaient, dans le marché de `Uqâdh, les poètes afin qu’ils exposassent au grand public leur production intellectuelle et littéraire. Lorsqu’un poème leur plaisait, ils le suspendaient à la Ka`bah pour l’inscrire dans la postérité et pour témoigner de leur fièreté.
Les arabes avaient coutume d’user de la prose rimée, de parler par phrases rythmées et donnaient beaucoup d’importance à la rhétorique. Ils jouaient sur la corde de l’émotion, employaient des procédés linguistiques et variaient leurs expressions, afin de séduire leur audience et l’éveiller.
La révélation mecquoise s’adressa à ces Arabes. C’est la Parole de l’Audient, du Voyant, du Compatissant, le Parfaitement Connaisseur, qui créa l’homme et qui sait, mieux que quiconque, ce que l’âme de l’homme lui suggère. C’est ainsi que Dieu révéla le Coran, au paroxysme de l’éloquence. Plus encore, le Coran atteignit dans ce domaine un degré inaccessible, un rang hors concurrence.
Quand les Arabes adressèrent à Muhammad toutes sortes d’accusations mensongères et racontèrent à son sujet bon nombre d’histoires - ils dirent tour à tour qu’il était magicien, poète, devin et qu’il inventait des légendes - le Noble Coran les défia de produire un Livre semblable au Coran, ou d’inventer dix sourates comme celles du Coran, ou même une seule ! Puis le Coran inscrivit dans l’éternité leur incapacité à faire cela et déclara ce défi, pour eux et les autres : "Dis : ‹Même si les hommes et les djinns s’unissaient pour produire quelque chose de semblable à ce Coran, ils ne sauraient produire rien de semblable, même s’ils se soutenaient les un les autres›" [2].
La Révélation Mecquoise
Les premières révélations du Coran furent faites au Prophète alors qu’il était à la Mecque Honorée. La révélation se poursuivit dans cette ville pendant treize ans, appelant les gens à embrasser la foi en Dieu et à vouer un monothéisme pur au Créateur. Le Noble Coran lutta contre l’adoration des idoles et des statues, rappela aux gens la Résurrection et le Jugement, projeta des images du retentissement de la Trompe [3], l’exode à partir des tombes, la distribution des registres des oeuvres, la pesée des oeuvres, le passage sur le Sirât, l’entrée des pieux au Paradis et la chute des mécréants en Enfer.
Par ailleurs, le Coran détailla la description du Paradis et de ses délices : les fleuves qui y coulent, ses fruits à portée de mains, les houris aux yeux magnifiques [4] , et des éphèbes éternellement jeunes [5].
Le Coran décrit également l’Enfer et ses divers châtiments et tourments. Ses habitants auront le visage noirci ; leurs visages seront tournés dans le Feu, ils mangeront du darî` et du zaqqûm, ils boiront une eau bouillante telle le métal en fusion, brûlant le visage. Dieu - Exalté Soit-Il - ne les regardera pas, Il ne leur parlera point, et ils auront un douloureux châtiment.
Les sourates mecquoises et médinoises
Par convention, les savants qualifient de mecquois le Coran révélé avant l’hégire et de médinois ce qui en fut révélé après l’hégire, en référence aux villes de la Mecque et de Medine. Les sourates mecquoises représentent environ 19/30ème du Coran alors que les sourates médinoises représentent 11/30ème, sur un total de 114 sourates. Quatre-vingt-deux sont mecquoises à l’unanimité, vingt sont médinoises à l’unanimité et douze sourates font l’objet de divergences quant à leur caractère mecquois ou médinois.
Les vingt sourates médinoises sont : Al-Baqarah, Âl `Imrân, An-Nisâ’, Al-Mâ’idah, Al-Anfâl, At-Tawbah, An-Nour, Al-Ahzâb, Muhammad, Al-Fath, Al-Hujurât, Al-Hadîd, Al-Mujâdalah, Al-Hashr, Al-Mumtahanah, Al-Jumu`ah, Al-Munâfiqûn, At-Talâq, At-Tahrîm et An-Nasr.
Les sourates qui font l’objet de divergence sont : Al-Fâtihah, Ar-Ra`d, Ar-Rahmân, As-Saff, At-Taghâbun, At-Tatfîf, Al-Qadr, Lam Yakun [6], Idhâ Zulzilat [7], Al-Ikhlâs et les deux sourates préservatrices.
Les quatre-vingt-deux sourates restantes sont consensuellement mecquoises.
Un registre pour chaque sourate
Lorsque nous prenons connaissance des caractéristiques de chacune des cent quatorze sourates du Coran, la date de leur révélation ainsi que l’ordre dans lequel elles furent révélées, nous mesurons l’effort colossal fourni par les savants devanciers pour préserver ce Livre honoré et classifier les sourates selon divers critères : les premières sourates révélées et les suivantes, les sourates révélées nuitamment et celles révélées de jour, celles révélées en été et celles révélées en hiver, celles accompagnées d’un cortège d’anges et celles révélées simplement, celles qui sont elliptiques et celles à vocation explicative, celles qui furent révélées à Al-Juhfah, à Jérusalem, à Tâ’if ou encore à Al-Hudaybiyah. Il s’en fallut de peu pour que chaque sourate possédât un registre spécial traitant de ses versets, la date de sa révélation, les circonstances entourant sa révélation, les prescriptions qu’elle contient, sa part de versets abrogeants et de versets abrogés, les versets explicites et les versets ambigus, les versets généraux et les versets spécifiques. Ils dressèrent également l’inventaire des versets médinois que recèlent les sourates mecquoises et inversement. Ils notèrent les sourates emmenées de la Mecque à Médine et inversement, celles emmenées de la Mecque en Abyssinie, celles révélées à la Mecque mais considérées comme médinoises [8], celles révélées à Médine mais considérées comme mecquoises, celles révélées à la Mecque à propos des habitants de Médine et celles révélées à Médine à propos des habitants de la Mecque, celles parmi les sourates médinoises dont la révélation s’apparente aux sourates mecquoises et inversement... soit plus de vingt catégories qui interdisent à celui qui les méconnaît et ne peut les distinguer de se prononcer à propos du Livre de Dieu le Très-Haut - selon les imâms des sciences du Coran.
Trois étapes pour la révélation mecquoise
Forts de notre connaissance du registre de chaque sourate, la date et l’ordre de sa révélation, nous pouvons répartir les sourates mecquoises selon trois phases distinctes.
- La toute première phase dans l’histoire de la da`wah comporte les sourates suivantes : Al-`Alaq, Al-Muddaththir, At-Takwîr, Al-A`lâ, Al-Layl, Ash-Sharh, Al-`Âdiyât, At-Takâthur et An-Najm.
Les sourates de cette période sont caractérisées par leur extrême concision, la brièveté des versets, l’harmonie des transitions, la variation du discours entre l’injonction, l’interdiction, l’interrogation et le souhait, le choix des termes, la matérialisation des abstractions, la personnification et l’attribution de mouvements, de vie et de discours à des objets inanimés. Les sourates sont alors autant de scènes évocatrices, de spectacles fantastiques et vivants, inscrits dans un appel à dessein trouvant son chemin vers les coeurs et s’écoulant à l’intérieur des esprits calmant leur orgueil, rectifiant leurs travers grâce aux vérités éclatantes qu’il expose à propos de l’univers et de ses scènes, la création, la résurrection, le commencement et le retour.
Le Noble Coran relate également dans cette phase de courts récits sur les prophètes précédents et les nations passées en guise d’avertissement aux polythéistes et à titre de soutien aux croyants. Il montre également que la religion est une dans ses fondements et ses croyances et que l’islam est un appel général embrassant l’ensemble de l’humanité.
- La phase mecquoise intermédiaire comporte les sourates `Abasa, At-Tîn, Al-Qâri`ah, Al-Qiyâmah, Al-Mursalât, Al-Balad et Al-Hijr. Les sourates de cette période conservent la brièveté de leurs versets et le rythme des transitions, sauf que certaines sourates commencent à être plus longues, de même que certains versets s’allongent à leur tour. On peut dire que cette phase clarifie la précédente et détaille les questions qui y sont abordées. Pendant la première phase, le Coran aborde en effet la foi, le commencement et la résurrection, la rétribution, la révélation et le jugement, sans entrer dans les détails de ses questions, ni développer un argumentaire. Dans la phase intermédiaire, il passe en revue ces questions clarifiant l’idée sous-jacente, développant les arguments, apportant des démonstrations et citant des preuves historiques, cosmologiques et psychologiques pour appuyer son message et incliner les esprits par la sagesse et la bonne exhortation.
- La troisième et dernière phase comporte les sourates As-Sâffât, Az-Zukhruf, Ad-Dukhân, Adh-Dhâriyât, Al-Kahf, Ibrâhîm et As-Sajdah. Les sourates et les versets s’y distinguent par leur longueur et l’apparition de quelques lettres disjointes au début de certaines sourates. Le discours s’y adresse à l’humanité entière et non pas seulement aux habitants de la Mecque. On y expose certains sujets relevant du ghayb [9] tels que l’Essence de Dieu, les anges et les dijinns, les prophètes et les saints [10], les miracles et les prodiges. Cette phase illustre également la foi monothéiste dans un nouveau style ; on y rappelle également les vertus de l’obéissance à Dieu et à Son Messager, préparant le terrain aux prescriptions et obligations qui allaient être détaillées à Médine.
Réfutation d’une fausse allégation
Je voudrais insister sur le fait que cette répartition émane d’une appréciation individuelle basée sur les caractéristiques prédominantes et non pas sur des qualités distinctives, car le Coran, que ce soit à la Mecque ou à Médine, du début à la fin, est la Parole de Dieu le Très-Haut le Tout-Puissant. Il sait parfaitement ce qui convient le mieux à chacun et voit parfaitement les besoins de l’audience. Ainsi était-il plus approprié de s’adresser aux habitants de la Mecque avec des versets courts et de les appeler à la foi et à la noblesse des caractères. Puis, Il leur apporta progressivement les preuves et étaya l’idée, tout comme ferait un enseignant pédagogue avec ses élèves en commençant par des sourates courtes, puis moyennes, et ainsi de suite, les instruisant graduellement et leur faisant aimer sa matière.
Cependant, on notera la présence de versets mecquois parmi les versets de certaines sourates médinoises sans pour autant que cela ne se ressente au plan de la cohérence et de l’harmonie. Au contraire, on est même étonné par l’unité du discours, la perfection des jonctions, la beauté et l’harmonie du rythme. Le Coran est ainsi comme un long collier aux perles régulières ou une loi posée dont les principes et les finalités sont fortement articulées.
On peut à loisir choisir une sourate du Coran et parcourir ses versets par la pensée et l’examiner de près par deux fois : comment débute-t-elle ? Comment se termine-t-elle ? Comment ses prémices s’allient-elles à ses conclusions et comment son début renvoie à sa fin ?
En filigrane, on voit par ailleurs dans l’ensemble de la sourate une orientation précise conduisant à une finalité particulière, tout comme le corps possède une structure unie faite de divers organes dont les fonctions sont différentes mais collaborent pour la réalisation d’un même objectif.
Ceci ne montre-t-il pas que l’agencement coranique n’est pas le fait des hommes mais plutôt l’oeuvre de l’Expert et Omniscient ? Vraie est Sa Parole : "Ne méditent-ils donc pas sur le Coran ? S’il provenait d’un autre que Dieu, ils y trouveraient certes maintes contradictions !" (Sourate 4, An-Nisâ’, Les femmes, verset 82)
P.-S.
Traduit de l’arabe de `Ulûm Ad-Dîn Al-Islâmî (Les sciences de la religion islamique) de Dr. `Abd Allâh Shehâtah, éditions Al-Hay’ah Al-`Âmmah Al-Misriyyah lil-Kitâb, 3ème édition, 1998. ISBN 977-01-5786-4.
Notes
[1] Appel à Dieu.[2] Sourate 16, Al-Isrâ’, verset 88
[3] Il s’agit ici de la Trompe qui marque la fin du monde, puis donne le signal pour la Résurrection.
[4] NdT : " Et ils auront des houris aux yeux, grands et beaux, * pareilles à des perles en coquille.", 56 : 22-23
[5] NdT : "Parmi eux circuleront des garçons éternellement jeunes, * avec des coupes, des aiguières et un verre [rempli] : d’une liqueur de source.", 56 : 17-18
[6] sourate Al-Bayyinah
[7] sourate Az-Zalzalah
[8] Les sourates révélées après l’hégire sont dites médinoises indépendamment du lieu où elles furent révélées.NdT
[9] Al-Ghayb : Tout connaissance inaccessible par la raison humaine.NdT
[10] awliyâ’ : pluriel de walî, signifiant littéralement "allié" de Dieu, désigne les hommes exemplaires par leur piété et que Dieu rapproche de Lui. Cette notion ne recoupe pas exactement la notion de saint dans d’autres religions. NdT
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Le Coran à l’époque de `Uthmân
L’expansion des conquêtes
Les conquêtes s’étendirent pendant le caliphat de `Uthmân - que Dieu l’agrée. Ce dernier autorisa les qurayshites à s’installer dans les diverses contrées musulmanes, chose que `Umar leur avait interdite leur demandant de rester auprès de lui à Médine. Ainsi les habitants de chaque contrée s’instruisirent-ils auprès d’un maître-récitateur : Les habitants de la Syrie et de Hims s’instruisirent auprès d’Al-Miqdâd Ibn Al-Aswad, les habitants de Kûfah s’instruisirent auprès d’Ibn Mas`ûd, ceux de Basora auprès d’Abû Musâ Al-Ash`arî - dont ils appelaient le mushaf [1] lubâb al-qulûb [2]- et de nombreux habitants de la Syrie récitèrent à la façon de Ubayy Ibn Ka`b. [3]
Ils avaient alors diverses manières de réciter le Coran selon les différents modes dans lesquels il avait été révélé. Les gens différèrent alors dans la récitation et leurs divergences grandirent au point que l’un dise à son compagnon : "Ma récitation est meilleure que la tienne." La discorde n’était pas loin : "Ils divergèrent et se disputèrent, les uns reniant les autres, les désavouant et les damnant."
Al-Hâfidh [Ibn Hajar] rapporte : "En Irak, lorsque certaines personnes entendaient une récitation différente de la leur disaient : ’Je renie celle-là.’ et ceci se répandit si bien qu’on en référa à `Uthmân."
Les raisons de la compilation du mushaf par `Uthmân
Diverses narrations exposent les raisons qui poussèrent `Uthmân à compiler le mushaf :
- Certaines narrations indiquent que `Uthmân prit cette décision en voyant les divergences entre les instituteurs du Coran et leur sectarisme pour la récitation qu’ils avaient apprise et leur désapprobation des autres formes.
Ainsi, Ibn Abî Dâwûd rapporte dans Al-Masâhif qu’après l’avènement du caliphat de `Uthmân, tel instituteur enseignait la récitation de tel maître et tel autre instituteur enseignait la récitation de tel autre maître, si bien que les enfants se rencontraient et se disputaient. L’affaire arriva au niveau des musulmans qui commencèrent à s’anathémiser mutuellement. Lorsque `Uthmân fut informé de la situation, il dit dans un sermon : "Si, à mes côtés, vous divergez, alors a fortiori les habitants des autres contrées divergent encore plus."
- Certaines narrations indiquent que le Coran fut compilé sur le conseil de Hudhayfah Ibn Al-Yamân lorsqu’il vit le désaccord des gens en Irak.
Selon une narration, Hudhayfah fut témoin de ce sectarisme dans la Mosquée de Kûfah, une province de l’Irak.
Ibn Abî Dâwûd rapporte que, de passage dans l’une des mosquées de Kûfah, du temps du gouvernorat d’Al-Walîd Ibn `Uqbah Ibn Abî Mu`ayt, Hudhayfah entendit un homme parler de la récitation d’Ibn Mas`ûd et un autre parler de celle d’Abû Mûsâ. Il se leva alors et donna un prêche : "C’est de cette manière que les nations passées ont divergé. Par Allâh, je m’en vais voir le Prince des Croyants."
Al-Hâfidh [Ibn Hajar] rapporte dans une narration que `Uthmân dit : "Vous doutez du Coran et dîtes : ’la récitation de Ubayy, la récitation de `Abdullâh’, et d’autres disent à autrui : ’Par Allâh, nous ne considérons pas ta récitation.’"
- D’autres narrations encore indiquent que la raison de la compilation est la rencontre de groupes de différentes contrées à l’occasion des conquêtes et du jihâd et leur découverte de diverses récitations, leur étonnement à leur sujet et leur désapprobation des variations des styles de récitation du Coran, l’étonnement se transformant en suspicion, puis en accusation et en dispute. La nouvelle arriva à `Uthmân qui décida alors de compiler le Coran.
Il est possible que les divergences se soient manifestées à Médine devant `Uthmân, et en Irak et à Kûfah devant Hudhayfah et que ce dernier en ait également été témoin lors de sa participation à la campagne d’Arménie et décida alors de porter l’affaire à `Uthmân. Il y a d’autres raisons qui ne sont pas mentionnées explicitement dans les narrations mais que l’on peut déduire des données que nous avons. Par exemple, on peut citer l’ignorance des nouveaux musulmans de tout ce qui touche aux sept modes [4] ; en effet, même en ayant connaissance du hadîth stipulant que le Coran fut révélé dans ces sept modes, ils ignorent quels sont les lectionnaires (les récitations) corrects auxquels ils peuvent se référer en cas de divergence.
Par conséquent, `Uthmân décida de réunir les gens autour d’un codex unique conforme à la langue de Quraysh, la langue de la révélation du Coran, pour unir les musulmans, conjurer la discorde, pour défendre l’intérêt général, et rassembler les gens autour d’un livre unique servant de base pour leur religion et d’axe pour leur vie. Leur rassemblement autour de lui est un rassemblement autour d’une anse solide et sur un fondement inébranlable.
Quand, de surcroît, nous apprenons que les divergences avaient lieu sur les fronts des conquêtes militaires et de la lutte armée, là où les épées sont brandies er les lames apprêtées, on réalise la dangerosité de la désunion pour la oummah et l’intérêt de la réunir autour d’un codex unique.
Le hadîth d’Al-Bukhârî
Al-Bukhârî rapporte dans son Sahîh selon une chaîne de transmission remontant à Ibn Shihâb que Anas Ibn Mâlik lui dit que Hudhayfah Ibn Al-Yamân, en provenance du front d’Arménie et d’Azerbaïdjan où il combattait avec les troupes d’Irak, inquiété par leurs différends à propos de la récitation, alla voir `Uthmân et lui dit : "Ô Prince des Croyants ! Fais quelque chose avant que cette oummah ne se divise au sujet du Livre comme les juifs et les chrétiens !" `Uthmân envoya un émissaire à Hafsah avec pour message : "Envoie-nous les parchemins afin que nous les recopiions dans les codex, puis ils te seront restitués." Hafsah envoya les parchemins à `Uthmân qui ordonna à Zayd Ibn Thâbit, `Abdullâh Ibn Az-Zubayr, Sa`îd Ibn Al-`Âs et `Abd Ar-Rahmân Ibn Al-Hârith Ibn Hishâm de les recopier dans les codex. Il dit aux trois qurayshites : "Si vous divergez avec Zayd Ibn Thâbit sur quelque chose dans le Coran, inscrivez-le selon la langue de Quraysh car il a été révélé dans cette langue. Lorsqu’ils eurent achevé la copie des parchemins dans les codex, `Uthmân restitua les parchemins à Hafsah et envoya dans chacune des grandes régions l’un des codex ainsi copiés et ordonna que soit brûlé tout autre support du Coran que ce soit un parchemin ou un codex. [5]
Commentaires sur ce hadîth
Celui qui examine ce hadîth et les textes qui en traitent atteint les conclusions suivantes :
- `Uthmân prit l’initiative de compiler le codex sur le conseil de Hudhayfah Ibn Al-Yamân. Les autres narrations indiquent que `Uthmân le compila lorsqu’il constata la divergence des récitateurs à Médine. Il pensa alors que les divergences étaient probablement plus fortes dans les autres contrées musulmanes. La venue de Hudhayfah confirma ses soupçons et, par conséquent, il ordonna la compilation du Coran.
- La compilation du temps de `Uthmân se basa sur la compilation précédente du temps d’Abû Bakr. Cette dernière avait bénéficié de l’attention des Compagnons et de leur approbation ; elle avait bénéficié de nombreux efforts et fut réalisée sous la direction de Zayd Ibn Thâbit, le scribe de la révélation [du temps du Prophète]. La compilation précédente eut lieu peu de temps après le décès du Messager - paix et bénédictions sur lui - alors que le Coran était encore frais et se récitait partout. Al-Qurtubî relate que Zayd compila le Coran du temps d’Abû Bakr sans ordonner ses sourates et avec beaucoup de peine ; les parchemins ainsi compilés furent conservés chez Abû Bakr puis chez `Umar, puis chez Hafsah. [6]
- `Uthmân fit brûler un certain nombre de codex individuels que certains compagnons avaient écrits pour eux-mêmes et qui constituaient des codex privés. Ils différaient entre eux par l’ordre des sourates et selon certains lectionnaires. Les plus connus d’entre eux sont le codex de `Alî, celui de Ubayy Ibn Ka`b, celui de `Abdullâh Ibn Mas`ûd et celui d’Abû Mûsâ Al-Ash`arî. La diffusion de ses codex individuels conduisit à la désunion et à la divergence.
- Certains orientalistes tentèrent de nier le sérieux et la concordance du codex de `Uthmân prétendant que ce dernier le compila pour un intérêt personnel, présicément pour avoir un codex privé à l’instar de tous les compagnons. [7] Mais ceci est un mensonge visant à attaquer le codex maître (Al-Mushaf Al-Imâm) et à nier ses qualités de concordance, d’authenticité certaine et le fait qu’il est le fruit de nombreux efforts.
- L’inscription du codex à l’époque de `Uthmân se fit selon la langue de Quraysh, la langue dans laquelle le Coran fut revélé, celle de la majorité des musulmans, celle de la poésie et de la littérature, la langue officielle de l’État. A l’aube de l’islam, il était permis de réciter le Coran dans divers dialectes arabes par facilité. Mais lorsque les arabes s’habituèrent à la récitation, que la restriction à un seul mode était devenue chose facile et davantage dans leur intérêt, ils se réunirent autour d’un seul mode, celui de la Dernière Exposition. [8]
- Le public agréa l’oeuvre de `Uthmân et l’approuva, convaincu par l’effort qu’il y dépensa et persuadé de la réalisation de l’intérêt de la oummah en termes d’unité et de cohésion. L’Imâm `Alî - qu’Allâh l’agrée - dit : "Ne dîtes que du bien au sujet de `Uthmân. Par Allâh, tout ce qu’il fit était au vu et au su de chacun d’entre nous." [9] Il dit également : "Si j’étais caliphe, j’aurais pris la même initiative que `Uthmân vis-à-vis du codex." [8]
`Abd Ar-Rahmân Ibn Mahdî dit : "Deux choses distinguent `Uthmân par rapport à Abû Bakr et `Omar : sa patience face aux épreuves jusqu’à être assassiné injustement et le fait d’avoir rassemblé les musulmans autour du codex." [8] `Abdullâh Ibn Mas`ûd commença par objecter à cette intiative, puis son objection cessa lorsqu’il vit le codex de `Uthmân. [8]
La commission du mushaf
Les récits ne sont pas unanimes quant au nombre de mémorisateurs auxquels `Uthmân - que Dieu l’agrée - confia l’inscription du codex. Certains indiquent qu’il la confia à Zayd Ibn Thâbit. La narration rapportée par Al-Bukhârî indique que la commission comportait quatre personnes. La tradition rapportée par Ibn Abî Dâwûd indique que la commission était composée de douze membres. On comprend de l’ensemble de ces traditions que Zayd Ibn Thâbit était le président de la commission et que `Uthmân lui associa quatre parmi les meilleurs Compagnons et les mémorisateurs les plus sûrs. Il est également possible que `Uthmân ait appuyé la commission par un groupe supplémentaire de Compagnons pour les aider dans la copie des codex envoyés par la suite dans les diverses contrées.
Ainsi ceux qui attribuent l’inscription du codex à Zayd Ibn Thâbit prennent en considération le fait qu’il était le président de la commission. Ceux qui disent que la commission comportait quatre membres font référence à la commission initialement chargée de l’insription du codex maître. Ceux qui portent ce nombre à douze incluent les auxiliaires que `Uthmân appela en renfort pour la copie des codex envoyés dans les différentes contrées musulmanes.
Le nom des scribes de la recension `uthmanienne
Al-Bukhârî mentionne quatre personnes :
- Zayd Ibn Thâbit,
- `Abdullâh Ibn Az-Zubayr,
- Sa`îd Ibn Al-`Âs,
- `Abd Ar-Rahmân Ibn Al-Hârith Ibn Hishâm.
Nous avons vu précédemment que `Uthmân dit aux trois qurayshites : "Si vous divergez avec Zayd Ibn Thâbit sur quelque chose dans le Coran, inscrivez-le selon la langue de Quraysh car il a été révélé dans cette langue." On entend par langue ici la graphie de Quraysh.
D’autres traditionnistes hormis Al-Bukhârî avancèrent le nombre de six :
- `Abdullâh Ibn `Amr Ibn Al-`Âs,
- `Abdullâh Ibn `Abbâs,
- Ubayy Ibn Ka`b,
- Mâlik Ibn Abî `Âmir (le grand-père de Mâlik Ibn Anas),
- Kathîr Ibn Aflah,
- Anas Ibn Mâlik.
Par conséquent, seuls dix scribes du codex nous sont connus. Nous n’avons pu retrouver les deux noms restants, lesquels ont également échappé à Al-Hâfidh Ibn Hajar. Dès lors qu’un érudit comme Ibn Hajar n’a pu trouver un nom, il est de fait extrêmement difficile de le trouver et c’est pourquoi nous considérerons que la commission était composée de dix personnes.
Il est clair que cette commission était constituée à 50% de qurayshites : `Abdullâh Ibn Az-Zubayr, Sa`îd Ibn Al-`Âs, `Abd Ar-Rahmân Ibn Al-Hârith Ibn Hishâm, `Abdullâh Ibn `Amr Ibn Al-`Âs et `Abdullâh Ibn `Abbâs, et à 50% de non-qurayshites, dont quatre ansârites : Zayd Ibn Thâbit, Ubayy Ibn Ka`b, Anas Ibn Mâlik et Kathîr Ibn Aflah, l’affranchi d’Abû Ayyûb Al-Ansârî - l’affranchi d’un clan étant compté parmi eux. Le cinquième était Mâlik Ibn Abî `Âmir - le grand-père de Anas Ibn Mâlik - qui était un himyarite du Yémen. Ainsi veilla-t-on dans la composition de cette commission qu’elle soit qurayshite pour une moitié et ansârite pour l’autre moitié approximativement, avec un membre du Yémen.
Il est clair d’après la composition de la commission qu’elle était constituée d’Arabes authentiques [11] exception faite de Kathîr Ibn Aflah, l’affranchi d’Abû Ayyûb Al-Ansârî, sachant que les affranchis étaient nombreux parmi les Compagnons.
Il est donc probable que `Uthmân - qu’Allâh l’agrée - ait veillé à ce que soient représentés les Muhâjirûn [12], les Ansâr [13] et le Yémen d’une part, et les affranchis d’autre part. Tout comme il veilla à bien choisir les membres et que soit représenté l’ensemble de la communauté musulmane, il veilla à ce que la commission regroupe des membres jeunes et des seniors. Les jeunes gens représentent la force, la santé et le dynamisme, tandis que les seniors sons choisis pour leur expérience, leur expertise et leur maturité.
Parmi les jeunes membres, il y avait : Zayd Ibn Thâbit, Sa`îd Ibn Al-`Âs, `Abd Ar-Rahmân Ibn Al-Hârith Ibn Hishâm et Anas Ibn Mâlik. [14] Les membres seniors étaient : `Abdullâh Ibn `Amr Ibn Al-`Âs, Ubayy Ibn Ka`b et Mâlik Ibn Abî `Âmir. [14] On retient donc que le choix était très réussi et n’émanait pas d’une quelconque passion ni intérêt personnel. Il était au contraire justifié par la compétence absolue, l’expertise, le dévouement à la tâche, la piété, la science et le savoir. L’historique de la commission et la vie de ses membres est la plus grande preuve de la justesse de ce choix et sa réussite. [15]
P.-S.
Traduit de l’arabe de `Ulûm Ad-Dîn Al-Islâmî (Les sciences de la religion islamique) de Dr. `Abd Allâh Shehâtah, éditions Al-Hay’ah Al-`Âmmah Al-Misriyyah lil-Kitâb, 3ème édition, 1998. ISBN 977-01-5786-4.
Notes
[1] mushaf désigne en arabe une collection solidaire de parchemins, suhuf. Par extension, il désigne dans la terminologie islamique le Coran en tant que livre concret. Dans ce texte, nous le traduisons parfois par codex.
[2] lubâb al-qulûb : la pulpe des coeurs.
[3] Ceci apparaît dans les traditions mentionnées par Al-Hâfidh Ibn Hajar dans Fath Al-Bârî 9/14. Conférer également I`jâz Al-Qur’ân d’Ar-Râfi`î, p. 38.
[4] Al-Ahruf As-Sab`ah : les sept modes de récitation.
[5] Sahîh Al-Bukhârî, le livre des mérites du Coran ; Al-Itqân, volume 1, p. 102 ; Al-Masâhif d’Ibn Abî Dâwûd, p. 18 ; Tafsîr At-Tabarî, volume 1, pp. 20-21.
[6] La Mère des Croyants Hafsah est l’épouse du Prophète et la fille de `Umar Ibn Al-Khattâb. NdT.
[7] L’encyclopédie de l’Islam à l’entrée "Hafsah". Dr. `Abd As-Sabour Shâhîn dans Târikh Al-Qur’ân (L’histoire du Coran) p. 108 ; Dr Sobhî As-Sâlih dans Mabâhith fî `Ulûm Al-Qur’ân (Études dans les sciences du Coran) p. 76
[8] An-Nashr pp. 31-33.
[9] Al-Masâhif d’Ibn Abî Dâwûd.
[10] ansârite : originaire de Médine. NdT
[11] Ce détail a son importance en ce qui concerne la pureté de leur langue. NdT
[12] Al-Muhâjirûn : les immigrés mecquois arrivés à Médine lors de l’hégire. NdT
[13] Al-Ansâr : les ansârites, les musulmans originaires de Médine qui accueillirent le Prophète et ses disciples lors de l’hégire. NdT
[14] Ma`a Al-Masâhif de Yûsuf Ibrâhîm An-Nour, pp. 23:74
[15] L’orientaliste Blachère avance que `Uthmân était un aristocrate et qu’il choisit pour l’inscription du codex trois scribes de Quraysh représentant l’aristocratie. Il prétend qu’il les choisit à cause des liens de parenté qui les liaient. Mais cette hypothèse ne résiste pas à la critique vu que Zayd, le médinois, présidait la commission, et que l’oeuvre de la commission fut agréée par la communauté. En oûtre, notre exposé suffit à réfuter cette allégation mensongère. (Conférer Dr Sobhî As-Sâlih dans Mabâhith fî `Ulûm Al-Qur’ân (Etudes dans les sciences du Coran) p. 79)
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