lundi 24 février 2014

Le Traité des Influences errantes de Quang-Dzu - Matgioi (Albert de Pouvourville)







Traité des Influences errantes de Quang-Dzu


TRADUIT DU CHINOIS  PAR MATGIOI

(ALBERT DE POUVOURVILLE)
1896

A collaboré à la traduction du Traité des Influences Errantes le xuâtdoï NGUYEN VAN CANG, HI fils puîné du thay-thuoc NGUYEN THE DUC, LUAT Tongsang du Rite de Laotseu














La recherche de la paix - Cheikh Mohammed Nazim Adil al Haqqani






La recherche de la paix

Question d’un participant :

-« Nous prions toujours pour la Paix.

Comment tous les êtres humains pourraient-ils vivre la Paix, ensemble? »

Votre demande est très importante, et je vous remercie de l’avoir faite.

Nous avons un dicton:

« La demande est la moitié de la Connaissance ».

Poser des questions si importantes dénote une vie mentale active et une grande sincérité.

Toutes les demandes ne peuvent se définir comme étant « la moitié de la Connaissance », car certaines relèvent d’un esprit fermé et non sincère, donc la réponse espérée ou l’opinion souhaitée est déjà construite dans la question même.

De telles interrogations ne sont ni réelles, ni sincères et nous tombent dessus avec le poids des montagnes, rendant étroite la perspective du discours.

Mais une demande sincère, telle celle-ci, est de celles qui nous offrent la joie d’y répondre.

Nous prions pour la Paix, vous priez pour la Paix, et les Chrétiens prient aussi pour la Paix. Mais nous ne la trouvons ni de manière individuelle, ni en général.

Pourquoi ?

Pour que chaque chose en ce monde ait lieu il doit y avoir les conditions adéquates.

Et la Paix n’est pas une exception à la règle.

Afin que la Paix existe, on doit s’en donner les moyens. S’ils sont satisfaisants, vous pourrez l’atteindre.

Premièrement, la Paix intérieure.

Ensuite la Paix entre vous et ceux qui vous entourent.

Mais la Paix continuera à être un idéal inatteignable si les conditions de sa réussite ne s’accomplissent pas.

Aussi, pour qu’arrive la Paix entre les gens, la condition primordiale est qu’ils se regardent mutuellement avec bonne volonté et tolérance.

Regardez ces magnifiques jardins !

Dans la même terre, il y a des centaines d’espèces de plantes et d’arbres différents !

Nous ne les voyons pas se plaindre sur la proximité d’autres types de plantes.

Il ne s’agit pas de fanatiques insistant pour que « tous les arbres » soient de la même variété.

Si vous vivez près des gens, avec des particularités différentes ou de Religions diverses et que chacun respecte les droits de l’autre, vous pourrez vivre dans le même voisinage, sans aucun problème.

Notre Prophète Mohammed (La Paix sur lui) vivait à côté d’un Juif.

Jamais il ne lui a fait d’objection disant :

-« Enlevez cette personne de mon quartier et faites qu’il reste avec ceux de son espèce ».

Non !

L’exemple du Saint Prophète est le meilleur pour nous et il a toujours souligné l’importance du bon voisinage.

Dans le Saint Coran, il est spécifiquement écrit que les voisins doivent être les premiers à recevoir aide et charité.

Le voisinage est un concept important en Islam, et la proximité de personnes différentes détruit le fanatisme.

Avez-vous étés appelés à être de bons voisins ?

Vous avez votre Religion, votre forme de vie, vos idées… et eux la leurs.

Laissez-les avec leur Seigneur dans leur différence afin que vous mainteniez le respect pour votre voisinage et donniez le meilleur de vous-même.

Ceci est votre devoir !

Si vous l’accomplissez, vous pourrez espérer que votre voisin vous montre sa bonté.

Ne cherchez pas ses fautes, ne provoquez pas non plus l’inimitié en attaquant ses croyances.

Laissez que votre Seigneur, Le Juge des Juges, soit Celui qui juge ….et ainsi le fanatisme mourra.

Actuellement, je suis assis à tes côtés. Et je te vois, vous tous également, comme des Créatures de mon Seigneur, tels des fruits uniques et parfaits de la Création de mon Seigneur, vous regardant comme si je voyais une rose ou un arbre fruitier. Aussi, j’ai l’impression d’être assis dans un jardin du Paradis et que de tous arrive une Paix intérieure à mon cœur.

Si nous pouvions tous nous voir ainsi, les uns les autres, nous obtiendrions non seulement la tolérance et l’acceptation, mais aussi la familiarité, l’estime et en dernière instance l’amour et la Paix.

Mais, étant donné que les gens ne s’estiment pas les uns les autres comme étant des Créatures Uniques et Aimées de Notre Seigneur, ils ne peuvent même pas se tolérer.

Pourquoi donc parler de s’apprécier ou de chercher à être plus familiers avec eux.

« Ce monde n’est pas si grand pour que nous y tenions à deux » se disent les individus les uns aux autres, ou les nations entre elles.

Chacun se gonfle tellement….Jusqu’à vouloir ôter tous les autres de l’existence !

Cette attitude fait que les gens deviennent si lourds…Au point que la Terre peut à peine continuer à se charger de l’humanité.

Non en raison de la quantité d’individus qu’elle porte, mais à cause de leurs attitudes et de leurs comportements.

Nous nous interdisons à nous-même d’apprécier les autres et de rechercher leur familiarité. Nous ne les voyons pas comme les représentants favorisés de Notre Seigneur sur cette Terre, mais comme une menace pour nous….

Et eux de même nous voient comme un danger et se gardent de montrer leur familiarité.

L’état sauvage est l’attribut qui grandit le plus vite entre les gens, et de cette nature sauvage arrive l’inimitié, et la froideur entre eux.

Notre être inférieur construit des murailles autour de nous, murailles impénétrables.

Rompez ces murailles pour que vous puissiez apprendre à apprécier les autres et vous rapprocher d’eux ! Alors vous verrez que de votre cœur coulent de bons sentiments et la majorité des personnes commenceront à montrer une meilleure attitude à votre égard.

Mais si vous êtes belliqueux puis contrôlé par « votre vilain et mesquin être inférieur » personne ne pourra vous atteindre. Donc vous ne pourrez arriver aux autres qu’à travers les dégâts.

Cela est réciproque.

Le premier travail à réaliser est en soi-même, en essayant de tenir sous contrôle cette partie inférieure, afin de pouvoir « offrir » de la familiarité aux autres.

Un des Grands Saints du chemin soufi, pouvait chevaucher un tigre en plein désert et utilisait un serpent comme cravache.

Il ne s’agit que de bêtes !

Mais que se passe-t-il avec les descendants d’Adam qui ont reçu un tel potentiel de leur Seigneur, au point qu’Il les ait appelés « la Couronne de la création et Ses représentants sur terre !»

Vous devez gagner cette familiarité avec eux pour pouvoir les domestiquer.

Bien qu’il y ait tant de mal et de sauvagerie dans ce monde, nous ne devrions pas désespérer, ni ne devrions pas dire :

« Quel est ce Dieu qui a fait des personnes si horribles et malveillantes qui font tant de dégâts les unes aux autres et qui causent tant de destructions massives et de guerres mondiales ?»

C’est avec magnanimité que nous devons essayer de dompter les sauvages. Ne dites pas non plus qu’il n’y a pas de Sagesse Divine dans la Création des tigres et des serpents, ni dans les personnes qui à travers leurs actes leur ressemblent.

Dites que le Tout Puissant a créé des tigres pour qu’ils soient chevauchés et des serpents pour qu’ils soient utilisés comme des cravaches!

Il y avait un homme dont la maison était infestée de cafards. Où qu’il aille, il trouvait ces désagréables et sales créatures. Quoiqu’il fasse, il ne pouvait s’en libérer. Il déménagea plusieurs fois en sa ville natale, espérant que la nouvelle demeure n’en ait pas, mais les cafards finissaient toujours par apparaître.

Il était si désespéré qu’il émigra dans un autre pays où il y en avait moins, pour s’y installer.

A un certain moment, l’homme eut un abcès très douloureux sur sa jambe. Il consulta plusieurs médecins mais les médicaments ne firent qu’empirer son état et irritèrent davantage l’abcès. Il arrêta tout traitement. Un jour qu’il était assis devant la porte de sa maison, la jambe en l’air, se plaignant et gémissant :

-« Ah ! Hi! Oh ! Ouille ! un derviche voyageur apparut et lui demanda :-« Pourquoi es-tu assis ici te plaignant et gémissant :

-« Ah ! Hi ! Oh ! Ouille ?

L’homme lui répondit :

-« J’ai un terrible abcès à la cuisse et quoique je fasse, je ne guéri pas. Et mon mal empire malgré les traitements. »

Le derviche dit :

-« Oh ! Il y a une chose très facile pour te guérir ! As-tu déjà vu un cafard ?

-« Un cafard ? Mais c’est la malédiction de ma vie ! Il y en avait tant dans ma ville natale qu’ils ont failli me rendre fou ! C’est pour cette raison que je suis venu vivre ici ! Justement pour échapper aux cafards ! »

Le derviche répondit :

-« Tu dois en attraper beaucoup, les tuer, les brûler, recueillir leurs cendres et les appliquer sur tes blessures, et si Dieu le veut, tu guériras vite ! »

L’homme suivit les conseils du derviche, recueillant dans ces lieux les cafards avec grande difficulté car ils étaient rares et peu faciles à trouver.

Mais finalement, il réussit à guérir rapidement après avoir suivi les conseils prescrits.

Depuis cet incident, plus jamais il ne maudit l’existence des cafards.

Alors qu’arrive-t-il aux honorables descendants d’Adam dont Allah a fait ses représentants sur Terre ?

Ne les haïssez pas pour leurs mauvaises actions, mais souvenez-vous qu’ils sont les créatures de Notre Seigneur. Essayez d’être magnanimes, comme nous l’exhorte le Saint Coran :

« La bonne et la mauvaise action ne sont pas équivalentes.

Repousse (le mal) par ce qui est meilleur, et voilà celui avec qui tu avais une animosité devient tel un ami chaleureux.

(Mais une telle attitude)… n’est donnée qu’à ceux qui endurent et se sont montrés patients; elle n’est accordée qu’à ceux qui détiennent une faveur immense.

Sourate: Foussillat (Les versets détaillés, 41 V. 33-34).

Voyez ! Comme je l’ai dit précédemment, le Saint Prophète vivait à Médine à côté d’un juif. Il acceptait sa présence bien que cette personne ne cessait de lui jeter des ordures chaque jour devant sa porte, en signe de mépris. Le jour où il ne vit plus d’ordures, le Saint Prophète s’inquiéta pour ce voisin, il apprît qu’il était malade.

Aussi Le Saint Prophète eut l’intention de le visiter, se préoccupant de sa santé.

Le juif resta si stupéfait de voir le Prophète devant sa porte, qu’il lui demanda :

-« Comment as-tu appris que j’étais malade ? »

Il lui répondit :

-« Je me suis rendu compte que ton cadeau quotidien n’était plus devant ma porte, aussi j’ai pensé que quelque chose de grave avait pu t’arriver. Alors je me suis renseigné et on m’a dit que tu étais malade. »

Mais loin d’enseigner une telle bonté aux membres des autres communautés, les gens d’aujourd’hui n’ont aucune compréhension, ni ne partage aucune familiarité, pas même avec les membres de leur propre famille. Les épouses n’apprécient pas les bonnes qualités de leurs maris et vice-versa. Les familles peuvent vivre sous un même toit et cependant n’ont pas de sentiments familiaux. Les personnes sont devenues étrangères avec leurs parents les plus proches, chacun encerclé dans le monde des désirs de leurs ego. Personne n’existe dans ce monde, sauf eux-mêmes, excepté eux seuls pour leurs exploitations égoïstes.

Si dans les familles, il n’y a plus de familiarité, alors que reste-t-il pour la communauté en général ?

C’est impossible !

Aussi parler de la Paix mondiale est inutile puisque la familiarité, l’amour et la paix doivent s’établir « dans l’individu », ensuite « dans la famille » et ainsi successivement, de bas en haut et non le contraire.

Nous prions pour un monde en Paix afin que tous les feux s’éteignent, de l’Est à l’Ouest.

Mais les murs de l’aliénation se sont faits si puissants qu’aucune nation ne peut même pas en sentir ni la proximité réelle, ni être en collaboration possible avec les autres.

La familiarité est prisonnière.

L’état sauvage et l’aliénation s’étendent jour après jour si rapidement, qu’à moins que ce courant ne soit vite freiné, il balaiera tout le monde !

Le courant de la sauvagerie humaine pousse à si gros bouillons qu’aucune digue ou qu’aucun barrage que nous construirons ne pourra l’endiguer, puisque l’homme récolte ce qu’il sème !

L’homme qui sème cette sauvagerie doit récolter cette sauvagerie, et non pas ni la familiarité, ni l’amitié. Ce courant a balayé et est passé par-dessus tous les niveaux des interactions humaines, recouvrant la terre.

Quel sera le résultat ?

Selon la tradition, l’humanité se mangera elle-même, dans un délire de violence, jusqu’à ce que l’intervention divine fasse un appel pour arrêter ce feu féroce.

Question :

Que se passe-t-il avec ces personnes qui manifestent pour la Paix, qui portent des pancartes et qui chantent ? Favorisent-elles la cause de la Paix ou l’engourdissent-elles ?

Si ces personnes se trouvent en Paix avec elles-mêmes, en leur for intérieur, alors leurs efforts peuvent être bénéfiques, mais si elles se trouvent être en un état de violence interne, quel sera le résultat de leurs activités ? Plus d’inimitié et plus de sauvagerie intérieure qui bouillonnera. C’est tout !

Aujourd’hui, dans les journaux, la Paix se caractérise par une colombe, mais il y a tant d’aigles qui espèrent l’arracher !

S’il n’y a pas un ravitaillement pour protéger cette colombe, Paix est un mot sans aucun sens.

Aujourd’hui, il y a un grand groupe de femmes marchant depuis l’Ecosse jusqu’à Londres, manifestant pour la Paix. Ma sha Allah !

Tant de femmes amenant la Paix depuis l’Ecosse !

Ces démonstrations servent seulement pour que les gens rient et s’amusent. Rien d’autre. Donc cette affaire à besoin de l’aide divine.

La Paix doit être fortifiée, et pour la renforcer, il manque un pouvoir.

Sans pouvoir, il n’y a pas de Paix.

L’appui le plus puissant pour la Paix est qu’il y ait un réveil de la vie intérieure: la familiarité qui grandit dans nos cœurs et qui étende ses branches vers tout le monde. »

Sans un tel cœur fertile et fructifère, quel est le sens d’une « marche pour la Paix » ?

Juste un jeu d’enfants ! Qui peut le prendre au sérieux ?

dimanche 23 février 2014

Émir Abd al-Qâdir - De l’abandon à Dieu (tawakkul).- Michel Chodkiewicz

esprit-universel.overblog.com



Muslim (1) a rapporté, d’après Râfi’ b. Khudayj : « Le Prophète - sur lui la Grâce et la Paix ! - arriva à Médine au moment où les gens fertilisaient les palmiers. Il leur dit que faites-vous ? Ils répondirent : Nous sommes en train de fertiliser les palmiers. Il leur dit : Peut-être vaudrait-il mieux vous abstenir de le faire, et la récolte de dattes diminua. Le Prophète - sur lui la Grâce et la Paix ! - leur dit alors. Je ne suis qu’un homme. Lorsque je vous ordonne quelque chose qui procède de mon opinion personnelle, sachez que je ne suis qu’un homme ! »

Dans une autre recension également rapportée par Muslim, on trouve cette variante : « Je ne suis qu’un homme pareil à vous, dont l’opinion peut errer ou tomber juste. Je ne vous avait pas dit : « Allâh a dit »… car je ne mens pas au sujet d’Allâh (2). »

Sache que celui qui, de ces deux hadîth-s, conclut que le Prophète (3) ignorait que la fertilisation est habituellement profitable au palmier (4) selon ce qu’Allâh (4) a disposé dans Sa sagesse et Sa générosité, celui-là est loin de la vérité. Si toutefois celui qui tient ce langage est d’entre les hommes spirituels (6), sans doute veut-il dire autre chose. Car, comment les Envoyés (7) pourraient-ils être ignorants à ce point des affaires de ce bas-monde ? Muhammad (8) a grandi en Arabie, c’est-à-dire au pays des palmiers (9), à l’endroit par excellence où l’on sait les cultiver et les fertiliser (10). Une telle conclusion à son sujet est donc absurde ! En outre, la science du Prophète est, pour une part, puisée aux sciences du Calame et de la Table (11), qui incluent précisément la connaissance des affaires de ce bas-monde, de leurs causes et de leurs effets - cela me fut inspiré hier dans une vision entre veille et sommeil (12).

Mais le Prophète - sur lui la Grâce et la Paix ! - savait à quel point les arabes s’appuyaient sur les causes secondes (13). Or les musulmans étaient fraichement sortis du paganisme (14) et de l’adoration des idoles. Il a donc voulu leur enseigner que les causes secondes n’ont point, par elles-mêmes, d’efficace, et que Dieu est le seul Agent (15), que les causes secondes soient présentes ou non. Il leur dit donc : « Si vous vous absteniez, cela vaudrait mieux ! (16) » , pensant que, s’ils abandonnaient le recours à une cause seconde - en l’occurrence la fertilisation -, Dieu accomplirait un miracle (17) et que les palmiers seraient améliorés sans intervention de la fertilisation ; après quoi il renverrait les musulmans à la pratique des causes secondes : ainsi atteindraient-ils la station de l’abandon à Dieu (tawakkul), laquelle consiste à s’appuyer exclusivement sur Lui, en la présence aussi bien qu’en l’absence des causes secondes, et non pas à croire qu’il vaut mieux faire confiance à Dieu (et s’abstenir d’agir) que de recourir extérieurement à des causes secondes tout en s’appuyant intérieurement sur Dieu (19).

C’est pourquoi le Prophète (18) n’ordonna pas catégoriquement aux musulmans d’abandonner tout recours aux causes secondes. Il serait inconcevable, en effet, qu’il défendit de recourir totalement à elles alors qu’elles ont leur place dans l’économie de la Sagesse divine (20), et que nous ne trouverons jamais rien qui soit dépourvu d’une cause. Les causes secondes sont exigées par la Sagesse divine et c’est Dieu qui les a instituées. Les dénier serait pure ignorance, et cette ignorance au sujet de Dieu est inconcevable s’agissant du Prophète.

S’il dit « je ne suis qu’un homme, etc. » dans le premier hadîth et « je ne suis qu’un homme pareil à vous, etc. » dans le second, c’est parce qu’ils n’avaient pas compris ce qu’il voulait d’eux et, d’autre part, s’imaginaient que tout ce que disait le Prophète (21) était une révélation (wahy) de la part d’Allâh et un enseignement venu de Lui. Il leur a donc expliqué qu’il est homme et prophète ; tout ce qui, dans ses paroles, se rapporte aux commandements et interdictions, à l’institution de la Loi, aux annonces divines, (22) tout cela fait partie de la révélation qu’il a reçu ordre de transmettre ; et tout ce qui se rapporte à la discipline spirituelle, au gouvernement des âmes et à la montée vers les stations de la perfection (23) vient de lui-même - sur lui la Grâce et la Paix ! Il leur a ainsi appris qu’ils ne devaient pas considérer tout ce qu’il disait ni comme appartenant toujours à la Révélation, ni comme procédant toujours de lui-même.

Il a été envoyé vers tous les hommes sans exception, Blancs ou Noirs (24). Il parle à chacun selon sa prédisposition et l’instruit selon sa capacité, le gouverne de la manière qui lui sera profitable (25). Il s’adresse aux grands ou aux humbles ; au roi et à ses sujets, au savant et à l’ignorant, à l’intelligent et au sot (26), il plaisante avec l’enfant, le vieillard ou la femme. Dans tout ce qu’il ordonne ou interdit par ordre divin, ou enseigne de la part d’Allâh, il est prophète ; et dans ce qui se rapporte au gouvernement de sa communauté, à son éducation, à son organisation, il est homme et ce qu’il dit vient de lui - mais en vertu d’un mandat général que Dieu lui a accordé (27).

Les maitres soufis (28) se sont inspirés de cet exemple dans leur façon de former leurs disciples (29). Ils commencent par les faire renoncer aux causes secondes, considérant que celui qui entre dans la voie ne pourra vraiment atteindre la station de l’abandon à Dieu - au point que cet abandon devient pour lui un état permanent - en s’adonnant en en même temps aux causes secondes. Puis, lorsque les disciples s’affermissent, leurs maîtres les autorisent de nouveau à recourir aux causes secondes tout en ne s’appuyant intérieurement que sur Dieu seul, ce qui correspond à la station des parfaits d’entre les prophètes et d’entre les saints. Le recours aux causes secondes conjoint à la confiance en Dieu est unanimement recommandé, et il est même jugé obligé obligatoire chez certains des maîtres.

Cette histoire présente une différence avec celle de Jacob - sur lui la Grâce et la Paix ! - lorsqu’il dit à ses fils : « N’entrez pas par une seule porte, etc. » (Cor. 12, 67) (30), car Jacob leur enseigne en une seule fois à utiliser les causes secondes et à faire exclusivement confiance à Dieu. La raison en est la force de leur lumière intérieure et leur participation à la prophétie sans intermédiaire.

Mawqif 278


(1) Muslim, Sahîh, fadâil, 140.

(2) Ibn ‘Arabî fait allusion à ce hadîth dans le deuxième chapitre des Fusûs (I, p.63) et le commente en disant : « Il n’est pas nécessaire que le parfait ait la prééminence en toute chose et en tout degré : car pour les hommes spirituels, n’est à prendre en considération que la prééminence du degré de connaissance d’Allâh. »

[innamâ anâ basharun mithlukum, wa innamâ adh-dhannu yakhta’u wa yasîb, wa lâkin mâ qultu lakum : qâla-Llâhu, fa-laysa akdhibu ‘alâ-Llâh.]

(3) [Prière sur le Prophète : salla-Llâhu ‘alayhi wa sallam, « sur lui la Grâce et la Paix ! »]

(4) [an-nakhlu yaslihuhu at-ta’bîr].

(5) [ta’âlâ : « Très-Haut »].

(6) [Dans le texte arabe : al-akâbîr (pluriel de al-akbar), littéralement « les plus grands »].

(7) [Prière sur les Envoyés (rusul) : salla-Llâhu ‘alayhim wa sallam, « sur eux la Grâce et la Paix ! »]

(8) [Prière sur le Prophète : salla-Llâhu ‘alayhi wa sallam, « sur lui la Grâce et la Paix ! »]

(9) [ard an-nakhîl].

(10) [tathmîr].

(11) Ces deux termes d’origine coranique, jouent un rôle fondamental dans la cosmologie sacrée ; le « Calame » (qalam, Cor. 68, 1) - qui est un symbole de l’Intellect premier - inscrit les décrets divins sur la « Table bien gardée » (al-lawh al-mahfûz, Cor. 85, 11) qui symbolise l’Âme universelle.

(12) [al-wâqi’ah, litt. l’événement, ce qui arrive ou apparaît. Dans le Coran, la sourate 56 portant le titre al-wâqi’ah fait allusion à la Résurrection].

(13) [al-i’timâdu ‘alâ-l-asbâb].

(14) [Le mot « paganisme » est utilisé ici pour traduire l’arabe jâhiliyya, signifiant littéralement l’ « ignorance ». René Guénon avait affirmé : « les anciennes doctrines sacrées, que presque personne ne comprenait plus, avaient dégénéré, du fait de cette incompréhension, en « paganisme » au vrai sens de ce mot, c’est-à-dire qu’elles n’étaient plus que des « superstitions », des choses qui, ayant perdu leur signification profonde, se survivent à elle-même par des manifestations tout extérieures. » ( La crise du monde moderne, chap.I - L’âge sombre)

(15) [anna-l-asbâb lâ ta’thîra lahâ, wa anna-l-fâ’il huwa-Llâh].

(16) [law lam taf’alû kâna khayran].

(17) L’auteur n’use pas ici du mot mu’jiza, qui est réservé aux seuls miracles accomplis par un prophète pour authentifier sa mission. La tournure qu’il emploie signifie littéralement « …que Dieu interromprait pour eux la coutume » - c’est-à-dire l’ordre « naturel » des choses. Cette « interruption » ne comprend bien entendu, du point de vue de l’école akbarienne, qu’à la perspective subjective des individus en cause, non à celle du Prophète. Elle impliquerait en effet une permanence du cosmos qui est en contradiction avec la doctrine de la « création perpétuelle » (khalq jadîd). Cf. note 32.

(18) [Prière sur le Prophète : salla-Llâhu ‘alayhi wa sallam, « sur lui la Grâce et la Paix ! »]

(19) [ta’âlâ : « Très-Haut »].

(20) [inna-Llâh rabata-l-hikmah bi-wujûdihâ, litt. « en vérité, Allâh a lié la Sagesse à son « existence » »].

(21) [Prière sur le Prophète : salla-Llâhu ‘alayhi wa sallam, « sur lui la Grâce et la Paix ! »]

(22) [al-amr wa-n-nahy wa-t-tashrî’ wa-l-ikhbâr ‘ani-Llâh].

(23) [at-ta’dîb, wa-s-siyâsah, wa-t-taraqqî fî-l-maqâmât al-kâmiliyah]

(24) [fa-innahu, salla-Llâhu ‘alayhi wa sallam, bu’itha ilâ-l-ahmar wa-l-aswad, wa ilâ-n-nâs kâffatan].

(25) [fa-huwa yukallimu kulla ahad hasaba isti’dâdih, wa yu’allimu kulla ahad hasaba qâbiliyatihi, wa yasûsu kulla ahad bimâ yasluhuh].

(26) [al-‘âlim wa-l-jâhil, « le savant et l’ignorant », adh-dhakî wa-l-balîd, « le sagace et l’idiot », al-‘âqil wa-l-ahmaq, « l’intelligent et l’insensé ». La distinction de ce qui relève de l’intellect supra-rationnel (‘aql) et de la raison (dhakâ’) faite dans le texte originale n’est pas exprimée dans la traduction.]

(27) [bi-idni-Hi al-‘âm ta’âlâ la-Hu].

(28) [mashâyîkh as-sûfiyyah ridwânu-Llâh ‘alayhim, « les maitres de l’ésotérisme islamique - qu’Allâh soit satisfait d’eux ! »]

(29) [tarbiyatihim li-l-murîdîn].

(30) [lâ tadkhulû min bâbin wâhidin].


[Émir Abd al-Qâdir, Mawqif 278, traduction et notes de Michel Chodkiewicz dans Abd el-Kader- Écrits spirituels, édition du Seuil, 1982. Les notes entre crochets sont celle du blog esprit-universel et consistent le plus souvent en des translitérations à partir d’un texte arabe des Mawâqif ar-rûhiyyah wa-l-fuyûdât as-subbûhiyyah, éd. Dâr al-kutub al-‘ilmiyyah, Beyrouth 1425H/2004, TI, p.136]



samedi 22 février 2014

L’oratorio spirituel ou le samâ’ : Une liturgie du souvenir entre ciel et terre - Amélie Neuve-Eglise


           Jean Baptiste van Mour (1671–1737)








http://www.teheran.ir/




Le samâ’ fait référence à une pratique spirituelle consistant à chanter et à danser pour exprimer certains états intérieurs particuliers et rendre louange à Dieu. Le mot samâ’ (سماع) vient du verbe arabe sami’a (سمع) signifiant "écouter". Cette pratique est donc avant tout une écoute, qui a cependant une particularité : elle se réalise avec l’oreille du cœur et décèle dans certaines musiques ou sons particuliers un appel à la connaissance de soi et au retour en un lieu situé au-delà de nos frontières géographiques. Elle se déroule selon des règles précises chargées d’un symbolisme à la fois riche et subtil, et se trouve parfois associée à certaines pratiques des confréries soufies tels que le dhikr [1] , la psalmodie de versets du Coran, des prières adressées au prophète Mohammad…

Bien qu’existant de manière sporadique depuis les premiers siècles de l’Islam, cette pratique a connu un nouvel essor grâce au grand mystique Jalâl-od-Dîn Rûmî (1207-1273) qui en définit les bases théosophiques en s’appuyant sur une pensée et une vision du monde très particulière. Le samâ’ demeure pratiqué jusqu’à aujourd’hui par les adeptes de sa "voie" (tarîqa), les mewlevîs, ainsi que par les adeptes de nombreuses autres confréries soufies du Moyen-Orient et du Maghreb. Au cours des siècles, cette pratique s’est d’ailleurs progressivement enrichie de divers chants et danses pour devenir une sorte de liturgie du souvenir puisant ses sources dans certains points fondamentaux de la mystique islamique.

Musique et mystique de l’Islam

Des grands mystiques tels que Ibn ’Arabî, Rûzbehân Baqlî Shîrâzî ou encore Sohrawardî ont fait, au détour d’un chapitre ou de quelques pages, allusion à la musique et à certaines de ses propriétés pouvant être à la fois bénéfiques à celui qui sait l’utiliser à bonne escient et extrêmement dommageables à la personne qui en fait un usage erroné.

Mais c’est sans doute Rûmî qui a porté le plus d’attention à la musique et au son dans la quête spirituelle, en déclarant que "dans les cadences de la musique est caché un secret ; si je le révélais, il bouleverserait le monde" [2]. A son tour Aflâkî, hagiographe de Rûmî, avait déjà comparé le son du violon et celui de l’appel à la prière en disant que le premier était "aussi une prière […]. Toutes deux s’adressent à Dieu. Il veut l’une extérieurement pour Son service, et l’autre intérieurement pour Son amour et Sa connaissance" [3].

De façon générale, la musique est considérée comme étant en relation intime avec l’ensemble du cosmos. Elle reflète la joie de vivre, la vie foisonnante et la nature engagées dans une danse perpétuelle. Les comparaisons entre nature et musique reviennent ainsi fréquemment dans le Mathnawî de Rûmî : "Je vois… […] les branches des arbres qui dansent comme des pénitents, les feuilles qui battent des mains comme des ménestrels" [4]. De même, le derviche se mettant à tourner au son de la flûte symbolise le mouvement circulaire constant des planètes et du cycle de la vie. La musique est donc l’expression sonore de la loi de l’univers, engagé dans un mouvement et une transformation circulaire perpétuels qui ne s’accomplirait pas sans l’existence d’un pôle (le soleil, symbolisant Dieu) et des planètes (l’ensemble des êtres vivants) tournant à la fois autour de lui et sur elles-mêmes.





La symbolique de l’instrument et en particulier de la flûte est également très importante dans la tradition mystique soufie et chiite. Dans le célèbre Mathnawî de Rûmî, chaque pèlerin de Dieu est une flûte que le souffle divin fait chanter : "nous sommes la flûte, notre musique vient de Toi" [5]. Ce motif du roseau trouverait sa source dans la tradition islamique selon laquelle l’une des premières choses créées par Dieu aurait été un roseau. Dans le Mathnawî, il symbolise également l’éloignement et le sentiment d’exil de l’âme-roseau qui, coupée de ses racines et séparée de la jonchaie (neyestân) de la prééternité du monde céleste pour être enfermé dans la prison du corps, gémit sans fin des douleurs de la séparation tout en aspirant à la ré-union avec son principe.


L’écoute de sonorités aux accents mélancoliques permet donc d’éveiller les cœurs et les consciences en incitant à réfléchir sur la réalité de la douleur se cachant dans la musique et sur la nostalgie des origines qu’elle déclenche dans le cœur des êtres. La compréhension de cette musique est cependant étroitement liée à l’aptitude et à l’état spirituel de celui qui l’écoute : si le cœur de l’auditeur est pur, elle sera tel un baume qui lui évoquera son état prééternel et lui livrera les secrets divins. Mais si ce dernier n’écoute la musique que par son audition externe, le son de la flûte pourra au contraire exacerber son animalité et ses désirs charnels. La musique comporte donc des niveaux de signification étroitement liés au degré d’ouverture spirituelle de son auditeur.

Chaque homme est donc appelé à écouter son âme et à faire chanter son propre ney en rompant progressivement les attaches qui le relient au monde matériel pour se remettre entre les mains du Musicien-Créateur. En évoquant l’instrument du rebab symbolisant le corps matériel de l’homme, Rûmî souligne ainsi que "ce n’est que corde sèche, bois sec, peau sèche, mais il en sort la voix du Bien-Aimé" [6]. En Inde, Rabindranath Tagore reprit par la suite le motif du roseau en appelant Dieu à faire de lui son instrument qu’Il ferait vibrer de sa musique.

Participant à un travail de connaissance et de maîtrise de soi, la musique a pour vocation de révéler à l’âme les causes de sa nostalgie et à la guider dans son aspiration à rejoindre son état subtil prééternel. Véritable office liturgique, le samâ’ fait se rencontrer musique, danse et parfois poésie à l’improviste ou au cours d’une cérémonie dont chaque mouvement s’enracine dans une symbolique aux significations riches et profondes.

Déroulement et symbolique du samâ’

Le samâ’ se réalise la plupart du temps en groupe, composé de plusieurs derviches d’une confrérie, de leur maître (shaykh), de musiciens, de chanteurs psalmodiant le Coran, et parfois d’un public.

Au sein de la confrérie Mawlawîa [7], les derviches sont en général vêtus d’un tissu blanc symbolisant le linceul et portent une sorte de toque en feutre très haute qui représente la pierre tombale.

Ils revêtent également un long manteau noir rappelant la tombe. Ces derniers sont guidés par un maître ou shaykh, intermédiaire entre le ciel et la terre, qui fait son entrée en dernier et qui, après avoir salué ses disciples, s’assoit face à un tapis de couleur rouge rappelant celle de la lumière du soleil couchant qui brûlait la terre de ses derniers rayons lorsque Rûmî rendit l’âme en 1273.

En général, la cérémonie commence par la récitation du prologue du Mathnawî évoquant la douleur de la séparation :

"Ecoute la flûte de roseau raconter une histoire et se lamenter de la séparation :

Depuis qu’on m’a coupé de la jonchaie, ma plainte fait gémir l’homme et la femme…

Le feu de l’amour est dans le roseau, l’ardeur de l’Amour fait bouillonner le vin.

La flûte est la confidente de celui qui est séparé de l’Ami ; ses accents déchirent nos voiles" [8].

Ensuite, des louanges au prophète souvent écrites par Rûmî lui-même sont lentement psalmodiées par un chanteur puis sont peu à peu accompagnées par le son de la flûte (ney), des timbales, et le rythme impulsé par le shaykh en frappant la terre. Le son des trompettes, qui intervient par la suite durant la danse, fait allusion au jugement dernier tout en rappelant le caractère fugace de l’existence terrestre.

Les derviches s’avancent alors pour faire trois fois de tour de la piste, le chiffre trois symbolisant les trois voies permettant de se rapprocher de Dieu : celle de la science, de l’expérience spirituelle devant conduire à la vision, et celle menant à l’union et l’annihilation de soi en Dieu (fanâ’) [9] . Ils laissent ensuite tomber leur manteau noir, symbole de l’enveloppe charnelle et de la prison du corps, pour renaître en un corps spirituel et immaculé, symbolisé par leur vêtement blanc.



Après avoir demandé la permission au shaykh, les derviches commencent à tourner sur eux-mêmes d’abord très lentement, en étendant leurs bras tels des oiseaux sur le point de prendre leur envol. Là encore, chaque geste est chargé d’une symbolique particulière : la main droite est tournée vers le ciel pour en recueillir la grâce, alors que la gauche est orientée vers la terre afin d’y répandre le don divin reçu qui s’est réchauffé en passant par le cœur brûlant d’amour des derviches. La disposition des danseurs n’est également pas le fruit du hasard : divisés en deux groupes formant chacun un demi-cercle, ils représentent respectivement l’arc de la descente des âmes dans les corps matériels et la remontée de ces mêmes âmes vers leur Créateur après la mort de leur enveloppe terrestre.

Le shaykh ne participe à la danse que dans un second temps, marquant alors une accélération du rythme. Il tourne à son tour au milieu du cercle et symbolise le soleil rayonnant autour duquel tournent les disciples-planètes. A ce moment-là, le son du pipeau s’élève de nouveau et la danse atteint alors son apogée : l’union mystique est réalisée. Lorsque le shaykh retourne à son lieu initial, la danse s’arrête pour laisser place à la psalmodie de versets du Coran, perçue comme la réponse de Dieu au samâ’ réalisé par les derviches. La cérémonie se termine avec des salutations et l’ultime évocation du nom divin : (Lui), rappelant le but et le destinataire unique de cette danse.

Le déroulement du samâ’ connaît certaines variations selon les confréries au sein desquelles il est pratiqué, mais on tend à y retrouver l’essentiel des éléments évoqués précédemment. La cérémonie peut parfois s’accompagner de la récitation de poèmes soufis chantés à capella ou de qasâ’id évoquant les noms de Dieu, certains aspects de la vie du Prophète Mohammad ou des personnes de haut rang spirituel qui lui ont succédées, ou encore des thèmes tournant autour de l’invocation de l’Aimé par l’amant et de la nostalgie de la séparation. Au-delà de ces variantes toutes extérieures, le samâ’ vise dans tous les cas à réaliser une conjonction, à recréer un lien entre l’homme et la divinité. L’enseignement de sa pratique s’effectue souvent durant les assemblées spirituelles des confréries dans lesquelles il est pratiqué.

En outre, au-delà de sa dimension cérémoniale et organisée, le samâ’ peut être également spontané et se déclencher en tout endroit et à tout moment, pour peu que le derviche ressente une émotion ou entende un son réveillant en lui les douleurs de la séparation de son Principe. Ce type de samâ’ était d’ailleurs le plus courant au temps de Rûmî, sa pratique ne s’étant codifiée et structurée qu’à partir du XVIIe siècle, soit près de quatre siècles après sa mort. Ce type de samâ’ spontané à notamment été évoqué par Jalâloddin Davânî [10] : "Il arrive aux maîtres d’entre les anachorètes spirituels (ahl al-tajrîd) d’éprouver dans leurs âmes une émotion sacrale bouleversante. Alors ils entrent en mouvement en dansant, en battant des mains, en tournoyant, et ils se préparent par ces mouvements à des splendeurs d’autres lumières aurorales, jusqu’à ce que cet état décroisse en eux, pour une cause ou une autre, comme le montre l’expérience des mystiques. Et cela, c’est le secret de l’audition musicale (sirr al-samâ’, le concert spirituel)" [11].

Une pratique ancrée dans la tradition islamique : racines et philosophie du samâ’

Si la pratique du samâ’ existait déjà avant le XIIe siècle, elle s’est réellement diffusée et a trouvé ses bases avec Rûmî qui avait déclaré : "Plusieurs chemins mènent à Dieu, j’ai choisi celui de la danse et de la musique" [12].

Le samâ’ est dès lors considéré comme un moyen de connaissance à part entière : si les livres peuvent satisfaire l’intellect et contribuer au développement de ses facultés analytiques et spéculatives, la danse du corps entraînant celle de l’âme permet d’éveiller cette dernière à l’existence de sa patrie oubliée. Aux côtés du savoir théorique et spéculatif, le samâ’ est donc essentiellement une connaissance contemplative et "en mouvement". Cette théorie de la connaissance - non exempte de certaines résonances platoniciennes -se fonde sur l’idée que l’homme détient en lui des connaissances qu’il a acquises à l’état prééternel et qu’il a ensuite oubliées après sa naissance "corporelle". Il doit dès lors s’efforcer de se ressouvenir et se remémorer les connaissances acquises par son âme avant qu’elle ne s’incarne dans son corps.

Ces croyances trouvent leur fondement dans le Coran qui fait état de la préexistence des âmes humaines et de l’existence d’un pacte établi entre Dieu et ces dernières : "Et quand ton Seigneur tira une descendance des reins des fils d’Adam et les fit témoigner sur eux-mêmes : "Ne suis-Je pas votre Seigneur ?" Ils répondirent : "Mais si, nous en témoignons..." - afin que vous ne disiez point, au Jour de la Résurrection : "Vraiment, nous n’y avons pas fait attention" (7 :172). Pour de grands mystiques comme Junayd [13], ce passage clé révèle une des significations profondes du samâ’ : lorsque les derviches dansent, leurs âmes se ressouviennent de l’interrogation divine prééternelle et de la douceur et l’allégresse qu’elle avait insufflée dans leur âme. La musique constitue dès lors un élément du ressouvenir, et les sonorités émises par la flûte matérielle ne sont considérées que comme l’écho de musiques éternelles perçues par l’âme avant sa descente dans le corps matériel et dont l’écoute doit faire ressurgir la nostalgie de sa patrie originelle. Interrogé sur la signification du samâ’, le grand poète turc Divâne Mehmed Tchelebi répondit ainsi : "pour ce qui est de ses secrets, voici ce qui pourrait suffire : il faut que tu t’en ailles là d’où tu es venu" [14].

Le rôle du samâ’ dans la connaissance mystique a également été souligné par le grand mystique Rûzbehân Baqlî Shîrâzî, qui avait évoqué que cette pratique pouvait révéler au mystique ce qu’il n’aurait compris ou découvert qu’au terme de plusieurs retraites de quarante jours (arba’înîyât).



Certains penseurs ont également soutenus que lorsque Dieu a créé l’être humain avec de l’argile, l’âme aurait tout d’abord refusé d’habiter le corps qu’elle considérait comme une prison. Le Créateur auraient alors envoyé deux anges jouer les plus belles mélodies pour la charmer, expliquant ainsi le sentiment d’allégresse et d’ivresse spirituelle que l’âme peut ressentir lorsqu’elle entend de belles sonorités.


Sohrawardî lui-même a également évoqué à plusieurs reprises dans son œuvre les effets de l’expérience musicale. Dans L’épître sur l’état d’enfance (Risâla fî hâlat al-tofûlîya), il dévoile le sens profond du samâ’ qui, selon lui, marque la rencontre avec le monde suprasensible et l’ouverture de l’âme aux mondes supérieurs divins. Le samâ’ permet ainsi de réveiller les sens intérieurs et spirituels de l’homme en provoquant une transfiguration de l’audition, l’âme devenant l’oreille vibrant au son de l’appel divin. Cette pratique a également été évoquée par Ibn ’Arabî, qui le considérait comme "l’écriture divine sur le livre de l’existence", phrase ayant fait l’objet de nombreuses gloses mais dont la signification exacte demeure floue.

En outre, Rûmî considérait le samâ’ comme un moyen permettant au mystique de manifester et de vivre pleinement ses émotions, des douleurs les plus profondes aux joies les plus intenses. Ainsi, on raconte souvent qu’une émotion particulière ou l’entente d’un son particulier incitait Rûmî à danser et qu’après la mort de son maître Shamsoddîn de Tabrîz, Rûmî lui-même ne cessa de pratiquer le samâ’ pour manifester sa peine et son chagrin.

Au final, la danse et l’ivresse spirituelle qu’elle permet d’exprimer doit conduire à un oubli progressif de sa propre personne ainsi qu’à la libération de l’emprise de son moi égoïste pour atteindre un état d’immersion en Dieu et d’annihilation totale de l’ego (fanâ’) dans la présence et l’amour divins [15]. La pratique du samâ’ doit également permettre de prendre conscience que tout l’univers et la création ne sont qu’un grand samâ’ chantant les louanges du Créateur. Il est par conséquent étroitement lié à une conception du divin considéré comme n’étant pas seulement une chose qui se pense et s’appréhende au travers de l’intellect, mais également qui se contemple et se vit.

Certains derviches se mêlaient également à la population locale et effectuaient avec elle la danse du samâ’, lui permettant d’oublier quelques instants ses difficultés quotidiennes et sa misère. Les derviches l’exécutaient aussi parfois dans la rue, lorsqu’ils revenaient de la prière du vendredi ou de certaines cérémonies religieuses. Dans l’esprit de certaines confréries, le caractère public de ces danses était et demeure considéré comme positif en ce qu’elles peuvent contribuer à développer dans le cœur de certains spectateurs réceptifs une certaine aspiration spirituelle et vers l’au-delà.

Controverses et prolongements modernes

La pratique du samâ’ a cependant fait l’objet de nombreuses controverses et critiques formulées pour la plupart par les courants orthodoxes et littéralistes de l’Islam, et attirant l’attention sur les déviations inhérentes à ce genre de pratique. Elles dénoncent notamment le danger de s’enivrer non pas de Dieu et de sa présence, mais de son propre état spirituel. Ce danger a d’ailleurs été évoqué par Rûmî lui-même, qui répétait inlassablement que le but ultime de cette danse était de rendre louange au Créateur unique, et qu’elle ne devait en aucun cas constituer une fuite par rapport à sa propre personne.

Dans ce cas, seule une élite restreinte parvient à atteindre réellement l’état d’annihilation en Dieu, alors que la grande majorité ne tend à éprouver qu’un "souvenir de soi" au détriment de celui de Dieu. Une troisième voie consistera dès lors à lutter contre le flot des pensées et penchants personnels pour concentrer progressivement son attention vers Dieu. Le combat contre l’âme charnelle est donc un prélude indispensable à la réalisation du samâ’, qui requiert à la fois une pureté intérieure et un oubli de son moi égoïste et charnel.

Dans ce sens, Sohrawardî a également fermement mis en garde contre les déviations du samâ’, en soulignant qu’il ne pouvait être que l’aboutissement d’un long processus de maturation spirituelle : "C’est la danse qui est le produit de l’état intérieur de l’âme ; ce n’est pas l’état intérieur de l’âme qui est le produit de la danse" [16]. Le samâ’ n’est donc qu’un moyen d’expression d’un état spirituel déjà présent et ne constitue en aucun cas une voie permettant d’atteindre un état extatique particulier qui deviendrait alors une fin en soi.

D’un point de vue politique, les confréries soufies et certaines de leurs pratiques dont le samâ’ ont souvent été considérées avec beaucoup de réticence par les autorités des différents pays où elles se sont développées, et notamment en Turquie après l’avènement d’Atatürk. De nombreux derviches tourneurs [17] ont dès lors quittés Konya pour s’établir dans des pays musulman d’Extrême-Orient, en Egypte, en Syrie, et dans les Balkans. Malgré cela, de nombreuses cérémonies de samâ’ se déroulent encore chaque année à Konya à l’occasion de la célébration de l’anniversaire de la mort de Rûmî.

Le samâ’ aujourd’hui

Si cette pratique est caractéristique de la Mawlâwîya, le samâ’ fut et demeure également pratiqué par d’autres confréries telles que la Tijania, la Boutchichia, la Ni’matollahi ou la Madkourya. Dans de nombreux pays occidentaux, des ordres se rattachant aux principes fondateurs de la Mawlawîa ont également émergé, notamment aux Etats-Unis avec le Mevlevi Order of America, ou encore en Allemagne au sein de la Mevlevi Tariqa. Cependant, le sens profond de cette danse a souvent été oublié et les vrais maîtres se font de plus en plus rares ou effacés.

Au cours des dernières décennies, nous avons également assisté à une certaine ouverture des rituels de samâ’ au public, parallèlement au développement de nombreuses représentations "touristiques" notamment en Turquie, en Syrie ou en Egypte. Cependant, même si ces dernières conservent une certaine aura spirituelle, elles ont souvent revêtu un aspect folklorique pour ne garder du samâ’ que sa dimension apparente.

Certains ensembles formés de soufis membres de diverses confréries se sont également constitués tels que, en 1999, l’ensemble Jilânî, composé de jeunes disciples appartenant à la tarîqa Qadiriya Boudchichiya.

Des concerts sont également régulièrement organisés à Paris, notamment à l’Institut des cultures musulmanes au sein duquel s’est récemment produit l’Ensemble Rabi’a (du nom de la célèbre soufie du VIIIe siècle), composé de femmes membres de diverses confréries dont la Qadiriya et la Boudchichiya. Des concerts sont également organisés chaque année lors du festival des musiques sacrées du monde à Fès au Maroc. Enfin, diverses radios comme la Radio Samaa [18] ont été également créées et diffusent régulièrement des musiques soufies anciennes ou plus modernes.

Véritable office liturgique, le samâ’ participe au travail de connaissance de soi et a pour vocation de rappeler le lien intime unissant l’homme au divin. Les chants et danses qui l’accompagnent sont donc essentiellement ceux du "ressouvenir" et l’écho d’un appel entendu à un autre niveau de l’être. Il s’insère plus généralement dans un ensemble de pratiques soufies dont le but ultime est de réveiller l’Esprit-ney qui habite chaque être et à lui indiquer le chemin de sa vraie source. Il est le début d’un envol, celui de l’âme vers la source ultime de la vie, ainsi qu’un appel à se diriger vers l’Absolu.

Le samâ’ est la paix pour l’âme des vivants,

Celui qui sait cela possède la paix de l’âme.

سماع آرام جان زندگان است

کسی داند که او را جان جان است

Celui qui désire qu’on l’éveille,

C’est celui qui dormait au milieu du jardin.

کسی خواهد که او بیدار گردد

که او خفته میان بوستان است

Mais pour celui qui dort dans la prison,

Etre éveillé n’est pour lui que dommage.

ولیک آن کو به زندان خفته باشد

اگر بیدار گردد در زیان است

Assiste au samâ’ là où se célèbre une noce,

Non pas lors d’un deuil, en un lieu de lamentation.

سماع آنجا بکن کانجا عروسی است

نه در ماتم که آن جای فغان است

Celui qui ne connaît pas sa propre essence,

Celui aux yeux de qui est cachée cette beauté pareille à la lune,

کسی کو جوهر خود را ندیده است

کسی کان ماه از چشمش نهان است

Une telle personne, qu’a-t-elle à faire du samâ’ et du tambour de basque ?

Le samâ’ est fait pour l’union avec le Bien-Aimé.

چنین کس را سماع و دف چه باید

سماع از بهر وصل دلستان است

Ceux qui ont le visage tourné vers la Qibla,

Pour eux, c’est le samâ’ de ce monde et de l’autre.

کسانی را که روشان سوی قبله است

سماع این جهان و آن جهان است

Et plus encore ce cercle de danseurs dans le samâ’

Qui tournent et ont au milieu d’eux leur propre Ka’aba.

خصوصا حلقه ای کاندر سماع اند

همی گردند و کعبه در میان است

Rûmî, Odes mystiques, 339.



Un extrait de L’épître sur l’état d’enfance de Sohrawardi :



- Moi : Chez les soufis, pendant le concert spirituel (samâ’) un certain état se manifeste. D’où provient-il ?
- Le shaykh : Quelques instruments de résonance agréable, tels que la flûte, le tambourin et autres semblables, font entendre, sur les notes d’un même mode, des sons qui expriment la tristesse. Au bout d’un moment, le psalmiste élève la voix sur le ton le plus doux qu’il soit, et accompagné par les instruments, il psalmodie une poésie. L’état auquel tu fais allusion est celui de l’extatique rencontrant le monde suprasensible, lorsqu’il entend la voix de plus en plus triste et que, porté par cette audition, il contemple la forme manifestée à son extase. De même que l’on évoque l’Inde en faisant mention de l’éléphant, de même on évoque l’état de l’âme en faisant mention de l’âme. Mais alors l’âme soustrait ce plaisir au pouvoir de l’oreille : "Tu n’es pas digne, lui dit-elle, d’écouter cela." L’âme destitue l’oreille de sa fonction auditive, et elle écoute directement elle-même. C’est alors dans l’autre monde qu’elle écoute, car avoir la perception auditive de l’autre monde, ce n’est plus l’affaire de l’oreille.
- Moi : Et la danse mystique, quel en est le profit ?
- Le shaykh : L’âme tend vers la hauteur, à la façon de l’oiseau qui veut s’élancer hors de sa cage. Mais la cage qui est le corps l’en empêche. L’oiseau qui est l’âme fait des efforts et soulève sur place la cage du corps. Si l’oiseau est doué d’une grande vigueur, il brise la cage et s’envole. S’il n’a pas assez de force, il reste en proie à la stupeur et à la détresse, et il fait tourner la cage avec lui. Là même, le sens mystique de cette violence est manifeste. L’oiseau-âme tend vers la hauteur. Comme il ne peut s’envoler hors de sa cage, il veut emporter la cage avec lui, mais quelque effort qu’il fasse, il ne peut pas la soulever plus haut que d’un empan. L’oiseau soulève la cage, mais la cage retombe au sol.
- Moi : En quoi consiste la danse ?
- Le shaykh : Certains ont dit "Je danse hors de tout ce que je possède", ce qui veut dire : nous avons trouvé quelque chose de l’autre monde, c’est pourquoi nous avons renoncé à tout ce que nous possédions en ce monde-ci ; nous sommes désormais des anachorètes spirituels. Quant au sens symbolique, le voici. L’âme ne peut pas s’élever plus haut que d’un empan. Elle dit à la main (étendue pour la danse) : "Toi au moins élève-toi d’une coudée, peut-être aurons-nous avancé d’une étape." […]
Le premier venu qui se met à danser ne rencontre pas pour autant l’extase. C’est la danse qui est le produit de l’état intérieur de l’âme, ce n’est pas l’état intérieur de l’âme qui est le produit de la danse. Discuter de ce renversement des choses, c’est l’affaire des "vrais hommes". La danse, c’est pour les soufis le choc du monde suprasensible. Mais il ne suffit pas au premier venu de s’habiller de bleu pour devenir un soufi. Comme on l’a dit : "Les vêtus de bleu surabondent - Parmi eux sont les soufis qualifiés - Ceux-là ne sont que des corps, étant vides de l’âme - Ceux-ci sont apparences de corps, car ils sont tout entiers âme."
L’épître sur l’état d’enfance (Risâla fî hâlat al-tofûlîya), in Shihâboddîn Yahyâ Sohrawardî, L’archange empourpré, quinze traités et récits mystiques traduits du persan et de l’arabe, présentés et annotés par Henry Corbin, Fayard, 1976.



Bibliographie
 Alberto Fabio Ambrosio, Les derviches tourneurs : doctrine, histoire et pratiques, Paris, Cerf, 2006.
 Jalâl-od-Dîn Rûmî, Mathnawî
 Jalâl-od-Dîn Rûmî, Odes mystiques
 Eva de Vitray-Meyerovitch, Rûmî et le soufisme, Seuil, 2005.
 Shihâboddîn Yahyâ Sohrawardî, L’archange empourpré, quinze traités et récits mystiques traduits du persan et de l’arabe, présentés et annotés par Henry Corbin, Fayard, 1976.


Notes


[1] Invocation répétitive des noms divins.


[2] Eva de Vitray-Meyerovitch, Rûmî et le soufisme, Seuil, 2005, op. cit.


[3] Ibid, Aflâkî, op. cit, 1, p.309.


[4] Rûmî, Mathnawî, IV, 3265-3268.


[5] Jalâl-od-Dîn Rûmî, Mathnawî, I, 599.


[6] Eva de Vitray-Meyerovitch, Rûmî et le soufisme, Seuil, 2005.


[7] Confrérie fondée après la mort de Rûmî par ses disciples et plus particulièrement son fils, Sultân Veled Celebî. Elle est la plus importante confrérie soufie de Turquie. D’importants poètes et musiciens tels que Shaykh Ghâlib, Abdullah Sârî ou Ismâ’îl Ankarâvî en ont fait partie. Elle s’est également étendue en Egypte, en Syrie et dans les Balkans.


[8] Rûmî, Mathnawî, I, 1 s.


[9] Cette mort de l’ego et de tout désir charnel et personnel est le but des efforts et de la lutte que mène le soufi contre lui-même. Elle conduit à l’oubli de sa propre personne et doit laisser place à la présence divine englobant tout.


[10] Philosophe ishrâqî du XVe siècle qui rédigea d’importants commentaires sur l’ensemble de l’œuvre de Sohrawardî.


[11] Shihâboddîn Yahyâ Sohrawardî, L’archange empourpré, quinze traités et récits mystiques traduits du persan et de l’arabe, présentés et annotés par Henry Corbin, Fayard, 1976, op. cit.


[12] Eva de Vitray-Meyerovitch, Rûmî et le soufisme, Seuil, 2005.


[13] Junayd ibn Mohammad Abu-l-Qâsim al-Khazzaz al-Baghbâdî, grand mystique et soufi du IXe siècle.


[14] Dîvâne Mehmed Tchelebi, Traité sur la séance mawlawîe.


[15] Certains derviches tourneurs font également allusion à une légère brûlure intérieure parfois ressentie à l’apogée de la cérémonie du samâ’, appelée émotion extatique.



[16] Sohrawardî, L’épître sur l’état d’enfance (Risâla fî hâlat al-tofûlîya), in Shihâboddîn Yahyâ Sohrawardî, L’archange empourpré, quinze traités et récits mystiques traduits du persan et de l’arabe, présentés et annotés par Henry Corbin, Fayard, 1976.


[17] L’expression même de "derviche tourneur" a été forgée en Occident au XIXe siècle et fait avant tout référence à l’aspect extérieur du samâ’, sans toujours prendre en compte sa symbolique et son sens profond.