Titus Burckhardt et Frithjof Schuon
Un
livre de Titus Burckhardt, on me rétorquera qu'il s'agit d'un écrit
difficile, inaccessible, voire indigeste. Que nenni, c'est un régal
pour celui qui s'intéresse à ce qui n'est pas visible, (Bâtin) aux
grands ésotéristes du 20ème siècle.
Titus
Burckhardt est de mon point de vue l'un des meilleurs interprètes de
ce que l'on appelle la vérité universelle en matière
d'enseignement ésotérique et sapientiel, de cette philosophia
perennis que l'on retrouve aussi bien dans le Platonisme que le
Vedanta ou le Soufisme.
Membre
de l' "école traditionaliste", il fait partie de ceux qui
ont composé les trois courants principaux de disciples de René
Guénon (1886-1951) : Frithjof Schuon, Michel Valsân, Roger
Maridort, Martin Lings ou encore Roger du Pasquier.
Pour
celles et ceux qui ne connaissent pas Titus Burckhardt, il est né à
Florence en 1908 et mort à Lausanne en 1984. Il est l'auteur
d'ouvrages consacrés à l'ésotérisme, notamment l'ésotérisme
musulman qui aujourd'hui est considéré sans contestation comme
trouvant sa source dans le livre sacré de l'Islam, le Coran, où la
dualité d'Allah, Celui apparent et Celui caché, autorise pleinement
la voie mystique.
Dans
son livre « Introduction aux doctrines ésotériques de l'Islam »,
Dervy-Livres, 1969, réédité dans la collection l'Etre et l'Esprit,
2008, Titus Burckhardt confirme, que le soufisme n'a aucunement pas
subi d'influences extérieures à l'Islam, qu'elles soient hindoues,
chrétiennes ou néo-platoniciennes. Il compare le rôle du Soufisme
dans l'Islam à « celui du cœur dans l'homme », le cœur étant le
« centre vital de l'organisme » et le « siège » d'une essence
qui dépasse toute forme individuelle ».
Le
Soufisme, l'ésotérisme de l'Islam, appelé al-taçawwuf, car ces
adeptes revêtaient de la laine (çûf), ceux que l'on appelle
mutaçawwuf, qui vivent le « secret » (al-sir) entre eux et Allah.
Titus Burckhkardt définit le Soufisme « qui est l'aspect ésotérique
ou « intérieur » de l'islam, se distingue de l'Islam exotérique
au même titre que la contemplation directe des réalités
spirituelles – ou divines – se distingue de l'observance des lois
qui les traduisent dans l'ordre individuel en rapport avec les
conditions d'un certain cycle humain. »
Il
oppose l'ésotérisme islamique, l'intérieur – l'invisible, le
caché – ou bâtin, à l'extérieur – le visible, l'apparent –
ou zâhir, celle-ci qui consiste dans la simple observance des lois
religieuses qui symbolisent les réalités spirituelles.
C'est
également sur la Loi religieuse, la Charia ou « grande route »,
qui doit s'appliquer à l'ensemble des croyants musulmans, et qui est
considérée comme une écorce, dont la Vérité (haqqiqah) est le
noyau. Ce noyau est accessible à un très petit nombre.
Pour
René Guénon, cette loi islamique (exotérisme) s'assimile à la
circonférence qui entoure un point central qui est la Vérité et
pour que de la loi on accède à la Vérité, il y a lieu d'emprunter
un chemin ténu, « voie étroite », qui est comme le rayon de la
circonférence au centre et qui est la tarîqah, voie initiatique : «
La circonférence ne saurait exister sans le centre, dont elle
procède en réalité tout entière, et, si les êtres qui sont liés
à la circonférence ne voient point le centre ni même les rayons,
chacun d'eux ne s'en trouve pas moins inévitablement à l'extrémité
d'un rayon dont l'autre extrémité est le centre même. Seulement,
c'est ici que l'écorce s'interpose et cache tout ce qui se trouve à
l'intérieur, tandis que celui qui l'aura percée, prenant par là
même conscience du rayon correspondant à sa propre position sur la
circonférence, sera affranchi de la rotation indéfinie de celle-ci
et n'aura qu'à suivre ce rayon pour aller vers le centre. (...) Il
faut d'ailleurs préciser que, dès que l'enveloppe a été pénétrée,
on se trouve dans le domaine de l'ésotérisme ».
S'il
existe de nombreuses voies initiatiques ou tourouk, elles tendent
toutes vers le même point central qui est « l'état primordial ».
Dans
le soufisme, on distingue trois éléments : une doctrine, une
initiation et une méthode spirituelle.
La
doctrine est une « préfiguration symbolique de la connaissance
qu'il s'agit d'atteindre ». Elle est enseignée de manière «
personnelle » de maître à disciple, le maître qui est rattaché
au Prophète par un lien, dite chaîne de transmission (silsilah).
Quant
à l'initiation, elle consiste dans « la transmission d'une
influence spirituelle » d'un maître à un disciple qui lui inculque
une méthode spirituelle. Il existe de nombreuses méthodes, de
nombreuses chaînes qui sont autant de voies différentes
correspondant à des vocations spirituelles particulières. Pour
illustrer mon propos, prenons comme exemple Djalâl ud-din Rûmî,
dit Mawlânâ, « notre Maître », fondateur de l'ordre des
Derviches tourneurs qui a développé le concept du concert spirituel
– le samâ' – : « Plusieurs chemins mènent à Dieu, dira-t-il,
j'ai celui de la danse et de la musique » :
«
Le samâ' est la paix pour l'âme des vivants,
Celui
qui sait cela possède la paix de l'âme.
Celui
qui désire qu'on l'éveille,
C'est
celui qui dormait au sein du jardin.
Mais
pour celui dort dans la prison,
Etre
éveille n'est pour lui que dommage.
Assiste
au samâ' là où se célèbre une noce,
Non
pas lors d'un deuil, en un lieu de lamentation.
Celui
qui ne connaît pas sa propre essence
Celui
aux yeux de qui est cachée cette beauté pareille à la lune,
Une
telle personne qu'a-t-elle à faire du samâ' et du tambour de basque
?
Le
samâ' est fait pour l'union avec le Bien Aimé.
Ceux
qui ont le visage tourné vers la Qibla,
Pour
eux, c'est le samâ' de ce monde et de l'autre.
Et
plus encore ce cercle de danseurs dans le samâ'
Qui
tournent et ont au milieu d'eux leur propre Ka'ba ».
Il
est établi que dans la tradition islamique, la recherche de la «
connaissance » (Ilm) est un mot qui revient plus de 800 fois dans le
Coran et les nombreuses traditions prophétiques affirment que « la
recherche de la connaissance est une obligation religieuse », ou «
cherchez la connaissance jusqu'en Chine ».
C'est
donc, cette obligation pesant sur le croyant musulman qui est se
consacrer à la recherche de la connaissance qui « vivifiera » la
religion musulmane.
https://blogavocat.fr/space/chems-eddine.hafiz/contents
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire