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Regnabit » – 5e année – N° 1 - Tome XI – Juin 1926.
Nous avons, dans notre dernier article, indiqué divers
symboles qui, dans les traditions antiques, représentent le Centre et les idées
qui s'y rattachent ; mais il en est d'autres encore, et un des plus
remarquables est peut-être celui de l'Omphalos, que l'on retrouve également
chez presque tous les peuples, et cela dès les temps les plus reculés (1).
Le mot grec omphalos signifie proprement « ombilic »,
mais il désigne aussi, d'une façon générale, tout ce qui est centre, et plus
spécialement le moyeu d'une roue. Il y a pareillement, dans d'autres langues,
des mots qui réunissent ces différentes significations ; tels sont, dans les
langues celtiques et germaniques, les dérivés de la racine nab ou nav : en
allemand, nabe, moyeu, et nabel, ombilic ; de même, en anglais, nave et navel,
ce dernier mot ayant aussi le sens général de centre ou de milieu ; et, en
sanscrit, le mot nâbhi, dont la racine est la même, a à la fois les deux
acceptions (2). D'autre part, en gallois, le mot nav ou naf, qui est évidemment
identique aux précédents, a le sens de « chef » et s'applique même à Dieu ;
c'est donc l'idée du Principe central que nous retrouvons ici (3).
Il nous semble que, parmi les idées exprimées par ces
mots, celle du moyeu a, à cet égard, une importance toute particulière : le
Monde étant symbolisé par la roue comme nous l'avons expliqué précédemment, le
moyeu représente naturellement le « Centre du Monde ». Ce moyeu, autour duquel
tourne la roue, en est d'ailleurs la pièce essentielle et nous pouvons nous
référer sur ce point à la tradition extrême-orientale : « Trente rais réunis,
dit Lao-tseu, forment un assemblage de roue ; seuls, ils sont inutilisables ;
c'est le vide qui les unit, qui fait d'eux une roue dont on peut se servir »
(4). On pourrait croire, à première vue, qu'il s'agit dans ce texte de l'espace
qui demeure vide entre les rayons ; mais on ne peut dire que cet espace les
unit, et, en réalité, c'est du vide central qu'il est question. En effet, le
vide, dans les doctrines orientales, représente l'état principiel de «
non-manifestation » ou de « non-agir » ; l'« Activité du Ciel », dit-on, est
une « activité non-agissante » (wei wu-wei), et pourtant elle est la suprême
activité, principe de toutes les autres, et sans laquelle rien ne pourrait agir
; c'est donc bien l'équivalent du « moteur immobile » d'Aristote (5).
Revenons à l'Omphalos : ce symbole représentait
essentiellement le « Centre du Monde », et cela même lorsqu'il était placé en
un lieu qui était simplement le centre d'une région déterminée, centre
spirituel, d'ailleurs, bien plutôt que centre géographique, quoique les deux aient
pu coïncider en certains cas. Il faut, pour le comprendre, se rappeler que tout
centre spirituel régulièrement constitué était considéré comme l'image d'un
Centre suprême, où se conservait intact le dépôt de la Tradition primordiale ;
nous avons fait allusion à ce fait dans notre étude sur la légende du Saint
Graal (août-septembre 1925). Le centre d'une certaine région était donc
véritablement, pour le peuple qui habitait cette région, l'image visible du «
Centre du Monde », de même que la tradition propre à ce peuple n'était en
principe qu'une adaptation, sous la forme qui convenait le mieux à sa mentalité
et à ses conditions d'existence, de la Tradition primordiale, qui fut toujours,
quoi que puissent en penser ceux qui s'arrêtent aux apparences extérieures,
l'unique vraie Religion de l'humanité tout entière.
On connaît surtout, d'ordinaire, l'Omphalos du temple
de Delphes ; ce temple était bien réellement le centre spirituel de la Grèce
antique, et, sans insister sur toutes les raisons qui pourraient justifier
cette assertion, nous ferons seulement remarquer que c'est là que s'assemblait,
deux fois par an, le conseil des Amphictyons, composé des représentants de tous
les peuples helléniques, et qui formait d'ailleurs le seul lien effectif entre
ces peuples, politiquement indépendants les uns des autres. La force de ce lien
résidait précisément dans son caractère essentiellement religieux et
traditionnel, seul principe d'unité possible pour une civilisation constituée
sur des bases normales : que l'on songe par exemple à ce qu'était le Chrétienté
au moyen âge, et, à moins d'être aveuglé par les préjugés modernes, on pourra
comprendre que ce ne sont pas là de vains mots.
La représentation matérielle de l'Omphalos était généralement une pierre sacrée, ce qu'on appelle souvent un « bétyle » ; et ce dernier mot est encore des plus remarquables. Il semble, en effet, que ce ne soit pas autre chose que l'hébreu Beith-El, « maison de Dieu », le nom même que Jacob donna au lieu où le Seigneur s'était manifesté à lui dans un songe : « Et Jacob s'éveilla de son sommeil et dit : Sûrement le Seigneur est en ce lieu, et je ne le savais pas. Et il fut effrayé et dit : Que ce lieu est redoutable ! c'est la maison de Dieu et la porte du Ciel. Et Jacob se leva tôt le matin, et il prit la pierre sur laquelle il avait reposé sa tête, la dressa comme un pilier, et versa de l'huile sur son sommet (pour la consacrer). Et il donna à ce lieu le nom de Beith-El ; mais le premier nom de cette ville était Luz » (Genèse, XXVIII, 16-19). Ce nom de Luz a aussi une importance considérable dans la tradition hébraique ; mais nous ne pouvons nous y arrêter actuellement, car cela nous entraînerait dans une trop longue digression. De même, nous ne pouvons que rappeler brièvement qu'il est dit que Beith-El, « maison de Dieu », devint par la suite Beith-Lehem, « maison du pain », la ville où naquit le Christ ; la relation symbolique qui existe entre la pierre et le pain serait cependant digne d'attention, mais nous devons nous borner (6). Ce qu'il faut remarquer encore, c'est que le nom de Beith-El ne s'applique pas seulement au lieu, mais aussi à la pierre elle-même : « Et cette pierre, que j'ai dressée comme un pilier, sera la maison de Dieu » (ibid., 22). C'est donc cette pierre qui doit être proprement l'« habitacle divin » (mishkan) suivant la désignation qui sera donnée plus tard au Tabernacle ; et, quand on parle du « culte des pierres », qui fut commun à tant de peuples anciens, il faut bien comprendre que ce culte ne s'adressait pas aux pierres, mais à la Divinité dont elles étaient la résidence (7).
La représentation matérielle de l'Omphalos était généralement une pierre sacrée, ce qu'on appelle souvent un « bétyle » ; et ce dernier mot est encore des plus remarquables. Il semble, en effet, que ce ne soit pas autre chose que l'hébreu Beith-El, « maison de Dieu », le nom même que Jacob donna au lieu où le Seigneur s'était manifesté à lui dans un songe : « Et Jacob s'éveilla de son sommeil et dit : Sûrement le Seigneur est en ce lieu, et je ne le savais pas. Et il fut effrayé et dit : Que ce lieu est redoutable ! c'est la maison de Dieu et la porte du Ciel. Et Jacob se leva tôt le matin, et il prit la pierre sur laquelle il avait reposé sa tête, la dressa comme un pilier, et versa de l'huile sur son sommet (pour la consacrer). Et il donna à ce lieu le nom de Beith-El ; mais le premier nom de cette ville était Luz » (Genèse, XXVIII, 16-19). Ce nom de Luz a aussi une importance considérable dans la tradition hébraique ; mais nous ne pouvons nous y arrêter actuellement, car cela nous entraînerait dans une trop longue digression. De même, nous ne pouvons que rappeler brièvement qu'il est dit que Beith-El, « maison de Dieu », devint par la suite Beith-Lehem, « maison du pain », la ville où naquit le Christ ; la relation symbolique qui existe entre la pierre et le pain serait cependant digne d'attention, mais nous devons nous borner (6). Ce qu'il faut remarquer encore, c'est que le nom de Beith-El ne s'applique pas seulement au lieu, mais aussi à la pierre elle-même : « Et cette pierre, que j'ai dressée comme un pilier, sera la maison de Dieu » (ibid., 22). C'est donc cette pierre qui doit être proprement l'« habitacle divin » (mishkan) suivant la désignation qui sera donnée plus tard au Tabernacle ; et, quand on parle du « culte des pierres », qui fut commun à tant de peuples anciens, il faut bien comprendre que ce culte ne s'adressait pas aux pierres, mais à la Divinité dont elles étaient la résidence (7).
La pierre représentant l'Omphalos pouvait avoir la
forme d'un pilier, comme la pierre de Jacob ; il est très probable que, chez
les peuples celtiques, certains menhirs n'étaient pas autre chose que des
représentations de l'Omphalos. C'est notamment le cas de la pierre d'Ushnagh,
en Irlande, dont nous reparlerons plus loin ; et les oracles étaient rendus
auprès de ces pierres, comme à Delphes, ce qui s'explique aisément, dès lors
qu'elles étaient considérées comme la demeure de la Divinité ; la « maison de
Dieu », d'ailleurs, s'identifie tout naturellement au « Centre du Monde » (8).
L'Omphalos pouvait aussi être représenté par une pierre
de forme conique, comme la pierre noire de Cybèle, ou ovoïde. Le cône rappelait
la montagne sacrée, symbole du « Pôle » ou de l'« Axe du Monde », ainsi que
nous l'avons dit précédemment (mars et mai 1926) ; quant à la forme ovoïde,
elle se rapporte directement à un autre symbole, celui de l'« OEuf du Monde »,
que nous aurons à envisager aussi dans la suite de ces études. Parfois, et en
particulier sur certains omphaloi grecs, la pierre était entourée d'un serpent
; on voit aussi ce serpent enroulé à la base ou au sommet des bornes
chaldéennes, qui doivent être considérées comme de véritables « bétyles » (9).
D'ailleurs, comme nous l'avons déjà fait remarquer, le symbole de la pierre
est, d'une façon générale, en connexion assez étroite avec celui du serpent, et
il en est de même de celui de l'oeuf, notamment chez les Celtes et chez les
Egyptiens.
Un exemple remarquable de figuration de l'Omphalos est
le bétyle de Kermaria, près Pont-l'Abbé (Finistère), dont la forme générale est
celle d'un cone irrégulier, arrondi au sommet (10). A la partie inférieure est
une ligne sinueuse, qui parait n'autre autre chose qu'une forme stylisée du
serpent dont nous venons de parler ; le sommet est entouré d'une grecque. Sur
une des faces est un swastika (voir notre article de mai 1926) ; et la présence
de ce signe (dont la grecque est d'ailleurs un dérivé) suffirait à confirmer,
d'une façon aussi nette que possible, la signification de ce curieux monument.
Sur une autre face est encore un symbole qui n'est pas moins intéressant :
c'est une figure à huit rayons, circonscrite par un carré, au lieu de l'être
par un cercle comme la roue ; cette figure est donc tout à tait comparable à ce
qu'est, dans le type à six rayons, celle qui occupe l'angle supérieur du
pavillon britannique (voir no-vembre 1925, p. 395), et qui doit être
pareillement d'origine celtique. Ce qui est le plus étrange, c'est que ce signe
du bétyle de Kermaria se trouve exactement reproduit, à plusieurs exemplaires,
dans le graffite du donjon de Chinon, bien connu des lecteurs de Regnabit ; et,
dans le même graffite, on voit encore la figure à huit rayons tracée sur le
bouclier ovale qui tient un personnage agenouillé (11). Ce signe doit avoir
joué un assez grand rôle dans le symbolisme des Templiers (12), car « il se
trouve aussi en d'anciennes commanderies du Temple ; il se voit également,
comme signe héraldique, sur un grand écusson à la tête de la statue funéraire
d'un Templier, du XIIIe siècle, de la commanderie de la Roche-en-Cloué
(Vienne), et sur une pierre sculptée, en la commanderie de Mauléon, près
Châtillon-sur-Sèvre (Deux-Sèvres) » (13). Cette dernière figuration est
d'ailleurs celle d'une roue proprement dite (14) ; et ce n'est là qu'un
exemple, entre beaucoup d'autres, de la continuation des traditions celtiques à
travers le moyen âge. Nous avons omis de signaler précédemment, à propos de ce
symbole, qu'une des significations principales du nombre 8 est celle de «
justice » et d'« équilibre », idées qui, comme nous l'avons montré, se
rattachent directement à celle du Centre (15).
Bétyle de Kermaria
Pour ce qui est de l'Omphalos, il faut encore ajouter
que, s'il était représenté le plus habituellement par une pierre, il a pu
l'être aussi parfois par un tertre, une sorte de tumulus. Ainsi, en Chine, au
centre de chaque royaume ou Etat féodal, on élevait autrefois un tertre en
forme de pyramide quadrangulaire, formé de la terre des « cinq régions » : les
quatre faces correspondaient aux quatre points cardinaux, et le sommet au
centre lui-même (16). Chose singulière, nous allons retrouver ces cinq régions
en Irlande, où la « pierre debout du chef » était, d'une façon semblable,
élevée au centre de chaque domaine (17).
C'est l'Irlande, en effet, qui, parmi les pays
celtiques, fournit le plus grand nombre de données relatives à l'Omphalos ;
elle était autrefois divisée en cinq royaumes, dont l'un portait le nom de Mide
(resté sous la forme anglicisée Meath), qui est l'ancien mot celtique medion, «
milieu », identique au latin medius. Ce royaume de Mide, qui avait été formé de
portions prélevées sur les territoires des quatre autres, était devenu
l'apanage propre du roi suprême d'Irlande, auquel les autres rois étaient
subordonnés. A Ushnagh, qui représente assez exactement le centre du pays,
était dressée une pierre gigantesque appelée « nombril de la Terre », et
désignée aussi sous le nom de « pierre des portions » (ail-na-meeran), parce qu'elle
marquait l'endroit où convergeaient les lignes séparatives des cinq royaumes.
Il s'y tenait annuellement, le premier mai, une assemblée générale tout à fait
comparable à la réunion annuelle des Druides dans le « lieu consacré central »
(medio-lanon ou medio-nemeton) de la Gaule, au pays des Carnutes.
Cette division de l'Irlande en quatre royaumes, plus la
région centrale qui était la résidence du chef suprême, se rattache à des
traditions extrêmement anciennes. En effet, l'Irlande fut, pour cette raison,
appelée l’« île des quatre Maîtres» (18) ; mais cette dénomination, de même
d'ailleurs que celle d'« île verte » (Erin), s'appliquait antérieurement à une
autre terre beaucoup plus septentrionale, aujourd'hui inconnue, disparue
peut-être (Thulé ou Ogygie), et qui fut un des principaux centres spirituels
des temps préhistoriques. Le souvenir de cette « île des quatre Maîtres » se
retrouve jusque dans la tradition chinoise, ce qui semble n'avoir jamais été
remarqué ; voici un texte taoïste qui en fait foi : « L'empereur Yao se donna
beaucoup de peine, et s'imagina avoir régné idéalement bien. Après qu'il eut
visité les quatre Maîtres, dans la lointaine île de Kou-chee (habitée par des
hommes transcendants, tchennj-en), il reconnut qu'il avait tout gâté. L'idéal,
c'est l'indifférence (le détachement) du surhomme, qui laisse tourner la roue
cosmique » (19).
La dernière phrase de ce passage nous ramène encore au
symbole de la « roue du Monde » : l'« indifférence » dont il est question ne
doit pas être entendue au sens ordinaire, mais elle est proprement le «
non-agir » ; l'« homme transcendant », étant placé au Centre, ne participe plus
au mouvement des choses, mais il dirige ce mouvement par sa seule présence,
parce qu'en lui se reflète l'« Activité du Ciel » (20). On pourrait, si l'on
traduisait ceci en termes du langage occidental, le rapporter très exactement à
l'« habitat spirituel » dans le Coeur du Christ (21), à la condition, bien
entendu, d'envisager cet habitat dans sa pleine réalisation effective, et non
pas comme une simple aspiration plus ou moins sentimentale.
Peut-être certains ne verront-ils, dans quelques-uns
des rapprochements que nous avons signalés ici, qu'une affaire de simple
curiosité ; mais nous tenons à déclarer qu'ils ont pour nous une portée beaucoup
plus grande, comme tout ce qui permet de retrouver et de réunir les vestiges
épars de la Tradition primordiale.
Graffiti relevés par Louis Charbonneau-Lassay au château de Chinon (A), et dans l'abbaye de Seuilly (B) (xylographies).
RENÉ GUÉNON.
(1) W.-H. Roscher, dans un ouvrage intitulé Omphalos,
paru en 1913, a rassemblé une quantité considérable de documents établissant ce
fait pour les peuples les plus divers ; il prétend que ce symbole est lié à
l'idée que se faisaient ces peuples de la forme de la terre, mais c'est là une
opinion mal fondée, qui implique une méconnaissance de la signification profonde
du symbolisme : l'auteur s'imagine qu'il s'agit de la croyance à un centre de
la surface terrestre, au sens le plus grossièrement littéral. - Nous
utiliserons dans ce qui suit un certain nombre de renseignements contenus dans
une étude de M. J. Loth sur L'Omphalos chez les Celtes, parue dans la Revue des
Etudes anciennes, juillet-septembre 1915.
(2) Le mot nave, en même temps que le moyeu d'une roue,
désigne la nef d'une église ; mais cette coïncidence parait n'être
qu'accidentelle, car nave, dans ce dernier cas, doit être dérivé du latin
navis.
(3) Agni, dans le Rig-Vêda, est appelé « nombril de la
Terre », ce qui se rattache encore à la même idée ; le swastika est souvent un
symbole d'Agni.
(4) Tao-te-king, XI.
(5) Dans le symbolisme hindou, l'être qui est libéré du
changement est représenté comme sortant du « monde élémen-taire » (la « sphère
sublunaire » d'Aristote) par un passage comparé au moyeu de la roue d'un
chariot, c'est-à-dire à un axe fixe autour duquel s'effectue la mutation à
laquelle il va échapper désormais.
(6) « Et le tentateur, s'approchant, dit à Jésus : Si
tu es le Fils de Dieu, commande que ces pierres deviennent des pains » (St
Matthieu, IV, 3 ; cf. St Luc, IV, 3). Ces paroles ont un sens mystérieux, en
rapport avec ce que nous indiquons lei : le Christ devait bien accomplir une
semblable transformation, mais spirituellement, et non matériellement comme le
deman-dait le tentateur ; or l'ordre spirituel est analogue à l'ordre matériel,
mais en sens inverse, et la marque du démone est de prendre toutes choses à
rebours. C'est le Christ lui-même qui était « le pain vivant descendu du Ciel »
; et c'est ce pain qui devait, dans la Nouvelle Alliance, être substitué à la
pierre comme maison de Dieu » ; et, ajouterons-nous encore, c'est pourquoi les
oracles ont cessé.
(7) Nous ne pouvons nous étendre ici, autant qu'il le
faudrait, sur le symbolisme général des pierres sacrées ; peut-être aurons-nous
l'occasion d'y revenir plus tard. Nous signalerons, sur ce sujet, l'ouvrage
trop peu connu de Gougenot des Mousseaux, Dieu et les Dieux, qui contient des
renseignements d'un grand intérêt.
(8) Tout ceci se rattache à la question des «
influences spirituelles » (en hébreu berakoth), question très complexe et qui
ne paraît pas avoir jamais été traitée dans son ensemble.
(9) On peut voir plusieurs spécimens de ces bornes au
musée du Louvre.
(10) M. J. Loth, dans l'étude que nous avons citée plus
haut, a donné des photographies de ce bétyle, ainsi que de quelques autres
pierres du même genre.
(11) Ce bouclier rappelle nettement la roue à huit
rayons, comme celui de la figure allégorique d'Albion, qui a la même forme,
rappelle la roue à six rayons, ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer.
(12) La même figure a d'ailleurs été conservée jusque
dans la Maçonnerie moderne ; mais on l'y considère seulement comme la « clef
des chiffres », et on montre qu'il est en effet possible de la décomposer de
manière à obtenir tous les chiffres arabes sous une forme plus ou moins
schématisée.
(13) L. Charbonneau-Lassay, Le Coeur rayonnant du
donjon de Chinon, p. 16. Le texte est accompagné de la reproduction des deux
exemples dont il est ici fait mention.
(14) Une roue à peu près semblable est figurée sur un
pavé de carrelage du musée des Antiquaires de l'Ouest, à Poitiers, datant
vraisemblablement du XVe siècle, et dont l'empreinte nous a été communiquée par
M. Charbonneau.
(15) On sait aussi quelle était l'importance de
l'Ogdoade pour les Pythagoriciens. - D'autre part, nous avons déjà indiqué
(novembre 1925, p. 396) les significations du nombre 6, qui est, avec le nombre
8, le plus fréquent pour les rayons des roues symboliques ; celle de «
médiation » a aussi un rapport très étroit, et d'ailleurs évident, avec l'idée
du Milieu ou du Centre.
(16) Le nombre 5 a, dans la tradition chinoise, une
importance symbolique toute particulière. - Il va sans dire que le tertre est
encore une image de la montagne sacrée.
(17) Brehon Laws, citées par J. Loth.
(18) Le nom de saint Patrice, qu'on ne connaît
d'ordinaire que sous sa forme latinisée, était originairement Cothraige, qui
signifie « le serviteur des quatre ».
(19) Tchoang-tseu, ch. 1er ; traduction du R. P. L.
Wieger, S. J., p. 213. - L'empereur Yao régnait, dit-on, en l'an 2356 avant
l'ère chrétienne.
(20) Il devrait être à peine utile de faire observer
que ce « non-agir » n'a rien de commun avec un « quiétisme » quelconque.
(21) Voir l'article de M. Charbonneau-Lassay sur ce
sujet (janvier 1926), et aussi la fin de notre article de mars 1926.
P.-S. - Pour compléter notre article sur le Coeur
rayonnant et le Coeur enflammé (avril 1926), nous reproduisons ces lignes
empruntées à M. Charbonneau-Lassay (22) : « Les rayons, dans l'héraldique et
dans l'iconographie du moyen âge, étaient le signe spécial, le signe réservé de
l'Hat glorieux ; les flammes symbolisaient l'amour ou l'ardeur (au sens humain
et au sens mystique) qui consument comme le feu, mais non la gloire. Les
rayons, éclat et lumière fulgurante, disaient le triomphe, la glorification
suprême et totale. Dans l'ancienne héraldique française, si nettement
expressive, les rayons étaient si bien l'emblème propre de la gloire ainsi
entendue, et surtout dans une composition religieuse, de la gloire céleste, que
les croix rayonnantes portent, dans le langage si parlant du blason, le nom de
croix divines »
Il y a là encore une raison, s'ajoutant à celles que
nous avons déjà dites, de l'importance prépondé-rante de la figuration du Coeur
rayonnant antérieurement aux temps modernes : on voit en effet qu'elle
correspondait à un aspect plus élevé, plus exclusivement divin en quelque
sorte, du symbolisme du Coeur.
Pour les flammes, la signification héraldique est
exactement celle que nous avons indiquée en nous basant sur des considérations
d'un autre ordre ; pour les rayons, comme la concordance pourrait n'être pas
saisie immédiatement, il faut une explication complémentaire, qui peut d'ailleurs
tenir en quelques mots. En effet, la signification héraldique des rayons se
rapporte essentiellement à la « lumière de gloire », dans et par laquelle
s'opère la vision béatifique ; or celle-ci est bien de l'ordre intellectuel
pur, elle est la connaissance la plus haute, la réalisation la plus complète de
l'intelligence, puisqu'elle est la contemplation directe de la Vérité suprême.
R. G.
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