(René Guénon ; Quelques remarques sur la doctrine des cycles cosmiques article a paru en Anglais dans le Journal of Indian Society of Oriental Art, numéro de Juin-décembre 1937, dédié à A.K. Coomaraswamy, à l’occasion de son soixantième anniversaire )
On nous a parfois demandé, à propos des allusions que
nous avons été amené à faire çà et là à la doctrine hindoue des cycles
cosmiques et à ses équivalents qui se rencontrent dans d’autres traditions, si
nous ne pourrions en donner, sinon un exposé complet, tout au moins une vue d’ensemble
suffisante pour en dégager les grandes lignes. A la vérité, il nous semble que
c’est là une tâche à peu près impossible, non seulement parce que la question
est fort complexe en elle-même, mais surtout à cause de l’extrême difficulté
qu’il y a à exprimer ces choses en une langue européenne et de façon à les
rendre intelligibles à la mentalité occidentale actuelle, qui n’a nullement
l’habitude de ce genre de considérations. Tout ce qu’il est réellement possible
de faire, à notre avis, c’est de chercher à éclaircir quelques points par des
remarques telles que celles qui vont suivre, et qui ne peuvent en somme avoir
aucune prétention que d’apporter de simples suggestions sur le sens de la
doctrine dont il s’agit, bien plutôt que d’expliquer celle-ci véritablement.
Nous devons considérer un cycle, dans l’acception la
plus générale de ce terme, comme représentant le processus de développement
d’un état quelconque de manifestation, ou, s’il s’agit de cycles mineurs, de
quelqu’une des modalités plus ou moins restreintes et spécialisées de cet état.
D’ailleurs, en vertu de la loi de correspondance qui relie toutes choses dans
l’Existence universelle, il y a toujours et nécessairement une certaine
analogie soit entre les différents cycles de même ordre, soit entre les cycles
principaux et leurs divisions secondaires. C’est là ce qui permet d’employer,
pour en parler, un seul et même mode d’expression, bien que celui-ci ne doive
souvent être entendu que symboliquement, l’essence même de tout symbolisme
étant précisément de se fonder sur les correspondances et les analogies qui
existent réellement dans la nature des choses.
Nous voulons surtout faire allusion ici à la forme «
chronologique » sous laquelle se présente la doctrine des cycles : Le Kalpa
représentant le développement total d’un monde, c'est-à-dire d’un état ou degré
de l’Existence universelle, il est évident qu’on ne pourra parler littéralement
de la durée d’un Kalpa, évaluée suivant une mesure de temps quelconque, que
s’il s’agit de celui qui se rapporte à l’état dont le temps est une des
conditions déterminantes, et qui constitue proprement notre monde. Partout
ailleurs, cette considération de la durée et de la succession qu’elle implique
ne pourra plus avoir qu’une valeur symbolique et devra être transposée
analogiquement, la succession temporelle n’étant alors qu’une image de
l’enchaînement, logique et ontologique à la fois, d’une série
«extra-temporelle» de causes et d’effets ; mais, d’autre part, comme le langage
humain ne peut exprimer directement d’autres conditions que celles de notre
état, un tel symbolisme est par là même justifié et doit être regardé comme
parfaitement naturel et normal.
Nous n’avons pas l’intention de nous occuper
présentement des cycles les plus étendus, tels que les Kalpas ; nous nous
bornerons à ceux qui se déroulent à l’intérieur de notre Kalpa, c'est-à-dire
aux Manvantaras et à leurs subdivisions. A ce niveau, les cycles ont un
caractère à la fois cosmique et historique, car ils concernent plus
spécialement l’humanité terrestre, tout en étant en même temps étroitement liés
aux évènements qui se produisent dans notre monde en dehors de celle-ci. Il n’y
a là rien dont on doive s’étonner, car l’idée de considérer l’histoire humaine
comme isolée en quelque sorte de tout le reste est exclusivement moderne et
nettement opposée à ce qu’enseignent toutes les traditions, qui affirment au
contraire, unanimement une corrélation nécessaire et constante entre les deux
ordres cosmiques et humains.
Les Manvantaras, ou ères de Manus successifs, sont au
nombre de quatorze, formant deux séries septénaires dont la première comprend
les Manvantaras passés et celui où nous sommes présentement, et la seconde les
Manvantaras futurs. Ces deux séries, dont l’une se rapporte ainsi au passé, avec
le présent qui en est la résultante immédiate, et l’autre à l’avenir, peuvent
être mises en correspondance avec celles des sept Swargas et des sept Pâtâlas,
qui représentent l’ensemble des états respectivement supérieurs et inférieurs à
l’état humain, si l’on se place au point de vue de la hiérarchie des degrés de
l’Existence ou de la manifestation universelle, ou antérieurs et postérieurs
par rapport à ce même état, si l’on se place au point de vue de l’enchaînement
causal des cycles décrit symboliquement, comme toujours, sous l’analogie d’une
succession temporelle. Ce dernier point de vue est évidemment celui qui importe
le plus ici : il permet de voir, à l’intérieur de notre Kalpa, comme une image
réduite de tout l’ensemble des cycles de la manifestation universelle, suivant
la relation analogique que nous avons mentionnée précédemment, et, en ce sens,
on pourrait dire que la succession des Manvantaras marque en quelque sorte un
reflet des autres mondes dans le nôtre. On peut d’ailleurs remarquer encore
pour confirmer ce rapprochement, que les deux mots Manu et Loka sont employés
l’un et l’autre comme désignations symboliques du nombre 14 ; parler à cet
égard d’une simple « coïncidence » serait faire preuve d’une complète ignorance
des raisons profondes qui sont inhérentes à tout symbolisme traditionnel.
Il y a lieu d’envisager encore une autre correspondance
avec les Manvantaras, en ce qui concerne les sept Dwîpas ou « régions » en
lesquelles est divisés notre monde ; en effet, bien que ceux-ci soient
représentés, suivant le sens propre du mot qui les désigne, comme autant d’îles
ou de continents répartis d’une certaine façon dans l’espace, il faut bien se
garder de prendre ceci littéralement et de les regarder simplement comme des
parties différentes de la terre actuelle ; en fait, ils « émergent » tour à
tour et non simultanément, ce qui revient à dire qu’un seul d’entre eux est
manifesté dans le domaine sensible pendant le cours d’une certaine période.
Si cette période est un Manvantara, il faudra en
conclure que chaque Dwîpa devra apparaître deux fois dans le Kalpa, soit une
fois dans chacune des deux séries septénaires dont nous venons de parler ; et,
du rapport de ces deux séries, qui se correspondent en sens inverse comme il en
est dans tous les cas similaires, et en particulier pour celles des Swargas et
des Pâtâlas, on peut déduire que l’ordre d’apparition des Dwîpas devra
également, dans la seconde série, être inverse de ce qu’il a été dans la
première. En somme, il s’agit là d’états différents du monde terrestre, bien
plutôt que de «régions» à proprement parler ; le Jambu-Dwîpa représente en
réalité la terre entière dans son état actuel, et, s’il est dit s’étendre au
sud de Mêru, ou de la montagne«axiale» autour de laquelle s’effectuent les révolutions
de notre monde c’est qu’en effet, le Mêru étant identifié symboliquement au
pôle Nord, toute la terre est bien véritablement située au sud par rapport à
celui-ci.
Pour expliquer ceci plus complètement, il faudrait
pouvoir développer le symbolisme des directions de l’espace, suivant lesquelles
sont répartis les Dwîpas, ainsi que les relations de correspondance qui
existent entre ce symbolisme spatial et le symbolisme temporel sur lequel
repose toute la doctrine des cycles ; mais, comme il ne nous est pas possible
d’entrer ici dans ces considérations qui demanderaient à elles seules tout un
volume, nous devons nous contenter de ces indications sommaires, que pourront
d’ailleurs facilement compléter par eux-mêmes tous ceux qui ont déjà quelque
connaissance de ce dont il s’agit. Cette façon d’envisager les sept Dwîpas se
trouve confirmée aussi par les données concordantes d’autres traditions dans
lesquelles il est également parlé des « sept terres », notamment dans
l’ésotérisme islamique et la Kabbale hébraïque :
Ainsi, dans cette dernière, ces « sept terres », tout
en étant figurées extérieurement par autant de divisions de la terre de
Chanaan, sont mises en rapport avec les règnes des « sept rois d’Edom », qui
correspondent assez manifestement aux sept Manus de la première série ; et
elles sont toutes comprises dans la « Terre des Vivants », qui représente le
développement complet de notre monde, considéré comme réalisé de façon
permanente dans son état principiel. Nous pouvons noter ici la coexistence de
deux points de vue, l’un de succession, qui se réfère à la manifestation en
elle-même, et l’autre de simultanéité, qui se réfère à son principe, ou à ce
qu’on pourrait appeler son « archétype » ; et, au fond, la correspondance de
ces deux points de vue équivaut d’une certaine façon à celle du symbolisme
temporel et du symbolisme spatial, à laquelle nous venons précisément de faire
allusion en ce qui concerne les Dwîpas de la tradition hindoue.
Dans l’ésotérisme islamique, les « sept terres »
apparaissent, peut-être plus explicitement encore, comme autant de tabaqât ou «
catégories » de l’existence terrestre, qui coexistent et s’interpénètrent en
quelque sorte, mais dont une seule peut être actuellement atteinte par les
sens, tandis que les autres sont à l’état latent et ne peuvent être perçues
qu’exceptionnellement et dans certaines conditions spéciales ; et, ici encore,
elles sont tour à tour manifestées extérieurement, dans les diverses périodes
qui se succèdent au cours de la durée totale de ce monde. D’autre part, chacune
des « sept terres » est régie par un Qutb ou « Pôle », qui correspond ainsi
très nettement au Manu de la période pendant laquelle sa terre est manifestée ;
et ces sept Aqtâb sont subordonnés au « Pôle » suprême, comme les différentes
Manus le sont à l’Adi-Manu ou Manu primordial ; mais en outre, en raison de la
coexistence des « sept terres », ils exercent aussi, sous un certain rapport,
leurs fonctions d’une façon permanente et simultanée. Il est à peine besoin de
faire remarquer que cette désignation de « Pôle » se rattache étroitement au
symbolisme « polaire » du Mêru que nous avons mentionné tout à l’heure, le Mêru
lui-même ayant d’ailleurs pour exact équivalent la montagne de Qâf dans la
tradition islamique. Ajoutons encore que les sept « Pôles » terrestres sont
considérés comme les reflets des sept « Pôles » célestes, qui président
respectivement aux sept cieux planétaires ; et ceci évoque naturellement la
correspondance avec les Swargas dans la doctrine hindoue, ce qui achève de
montrer la parfaite concordance qui existe à ce sujet entre les deux
traditions.
Nous envisagerons maintenant les divisions d’un
Manvantara, c'est-à-dire les Yugas, qui sont au nombre de quatre ; et nous signalerons
tout d’abord, sans y insister longuement, que cette division quaternaire d’un
cycle est susceptible d’applications multiples, et qu’elle se retrouve en fait
dans beaucoup de cycles d’ordre plus particulier : on peut citer comme exemples
les quatre saisons de l’année, les quatre semaines du mois lunaire, les quatre
âges de la vie humaine ; ici encore, il y a correspondance avec le symbolisme
spatial, rapporté principalement en ce cas aux quatre points cardinaux. D’autre
part, on a souvent remarqué l’équivalence manifeste des quatre Yugas avec les
quatre âge d’or, d’argent, d’airain et de fer, tels qu’ils étaient connus de
l’antiquité gréco-latine : de part et d’autre, chaque période est également
marquée par une dégénérescence par rapport à celle qui l’a précédée ; et ceci,
qui s’oppose directement à l’idée de « progrès » telle que le conçoivent les
modernes, s’explique très simplement par le fait que tout développement
cyclique, c'est-à-dire en somme, tout processus de manifestation, impliquant nécessairement
un éloignement graduel du principe, constitue bien véritablement en effet, une
« descente », ce qui est d’ailleurs aussi le sens réel de la « chute » dans la
tradition judéo-chrétienne.
D’un Yuga à l’autre, la dégénérescence s’accompagne
d’une décroissance de la durée, qui est d’ailleurs considérée comme influençant
la longueur de la vie humaine ; et ce qui importe avant tout à cet égard, c’est
le rapport qui existe entre les durées respectives de ces différentes périodes.
Si la durée totale du Manvantara est représentée par 10, celle du Krita-Yuga ou
Satya-Yuga le sera par 4, celle du Trêtâ-Yuga par 3, celle du Dwâpara-Yuga par
2, et celle du Kali-Yuga par 1 ; ces nombres sont aussi ceux des pieds du
taureau symbolique de Dharma qui sont figurés comme reposant sur la terre
pendant les mêmes périodes. La division du Manvantara s’effectue donc suivant
la formule 10 = 4+3+2+1, qui est, en sens inverse, celle de la Tétrakys
pythagoricienne : 1+2+3+4 = 10 ; cette dernière formule correspond à ce que le
langage de l’hermétisme occidental appelle la « circulature du quadrant », et
l’autre au problème inverse de la « quadrature du cercle », qui exprime
précisément le rapport de la fin du cycle à son commencement, c'est-à-dire,
l’intégration de son développement total ; il y a là tout un symbolisme à la
fois arithmétique et géométrique que nous ne pouvons indiquer encore en passant
pour ne pas trop nous écarter de notre sujet principal.
Quant aux chiffres indiqués dans divers textes pour la
durée du Manvantara, et par suite pour celle des Yugas, il doit être bien
entendu qu’il ne faut nullement les regarder comme constituant une «
chronologie » au sens ordinaire de ce mot, nous voulons dire comme exprimant
des nombres d’années devant être pris à la lettre ; c’est d’ailleurs pourquoi
certaines variations apparentes dans ces données n’impliquent au fond aucune
contradiction réelle. Ce qui est à considérer dans ces chiffres, d’une façon
générale c’est seulement le nombre 4 320, pour la raison que nous allons
expliquer par la suite, et non point les zéros plus ou moins nombreux dont il
est suivi, et qui peuvent même être surtout destinés à égarer ceux qui
voudraient se livrer à certains calculs.
Cette précaution peut sembler étrange à première vue,
mais elle est cependant facile à expliquer : si la durée réelle du Manvantara
était connue, et si en outre, son point de départ était déterminé avec
exactitude, chacun pourrait sans difficulté en tirer des déductions permettant
de prévoir certains événements futurs ; or, aucune tradition orthodoxe n’a
jamais encouragé les recherches au moyen desquelles l’homme peut arriver à
connaître l’avenir dans une mesure plus ou moins étendue, cette connaissance
présentant pratiquement beaucoup plus d’inconvénients que d’avantages
véritables. C’est pourquoi le point de départ et la durée du Manvantara ont
toujours été dissimulés plus ou moins soigneusement, soit en ajoutant ou en
retranchant un nombre déterminé d’années aux dates réelles, soit en multipliant
ou divisant les durées des périodes cycliques de façon à conserver seulement
leurs proportions exactes ; et nous ajouterons que certaines correspondances
ont parfois aussi été interverties pour des motifs similaires.
Si la durée du Manvantara est 4 320, celles des quatre
Yugas seront respectivement 1 728, 1 296, 864 et 432 ; mais par quel nombre
faudra-t-il multiplier ceux-là pour obtenir l’expression de ces durées en
années ? Il est facile de remarquer que tous les nombres cycliques sont en
rapport direct avec la division géométrique du cercle : ainsi, 4 320 = 360 x 12
; il n’y a d’ailleurs rien d’arbitraire ou de purement conventionnel dans cette
division, car, pour des raisons relevant de la correspondance qui existe dans
l’arithmétique et la géométrie, il est normal qu’elle s’effectue suivant des
multiples de 3, 9, 12, tandis que la division décimale est celle qui convient
proprement à la ligne droite. Cependant, cette observation, bien que vraiment
fondamentale, ne permettrait pas d’aller très loin dans la détermination des
périodes cycliques, si l’on ne savait en outre, que la base principale de
celles-ci, dans l’ordre cosmique, est la période astronomique de la précession
des équinoxes, dont la durée est de 25 920 ans, de telle sorte que le
déplacement des points équinoxiaux est d’un degré en 72 ans. Ce nombre 72 est
précisément un sous-multiple de 4 320 = 72 x 60, et 4 320 est à son tour un
sous-multiple de 25 920 = 4 320 x 6 ; le fait qu’on retrouve pour la précession
des équinoxes les nombres liés à la division du cercle est d’ailleurs encore
une preuve du caractère véritablement naturel de cette dernière ; mais la
question qui se pose est maintenant celle-ci : quel multiple ou sous-multiple
de la période astronomique dont il s’agit correspond réellement à la durée du Manvantara
?
La période qui apparaît le plus fréquemment dans
différentes traditions, à vrai dire, est peut-être moins celle même de la
précession des équinoxes que sa moitié : c’est, en effet, celle-ci qui
correspond notamment à ce qu’était la « grande année »des Perses et des Grecs,
évaluée souvent par approximation à 12 000 ou 13 000 ans, sa durée exacte étant
de 12 960 ans. Etant donné l’importance toute particulière qui est ainsi
attribuée à cette période, il est à présumer que le Manvantara devra comprendre
un nombre entier de ces « grandes années » ; mais alors quel sera ce nombre ? A
cet égard, nous trouvons tout au moins, ailleurs que dans la tradition hindoue,
une indication précise, et qui semble assez plausible pour pouvoir cette fois
être acceptée littéralement : chez les Chaldéens, la durée du règne de
Xisuthros, qui est manifestement identique à Vaivaswata, le Manu de l’ère
actuelle, est fixée à 64 800, soit exactement cinq « grandes années ».
Remarquons incidemment que le nombre 5, étant celui des
bhûtas ou éléments du monde sensible, doit nécessairement avoir une importance
spéciale au point de vue cosmologique, ce qui tend à confirmer la réalité d’une
telle évaluation : peut-être même y aurait-il lieu d’envisager une certaine
correlation entre les cinq Bhûtas et les cinq « grandes années » successives
dont il s’agit, d’autant plus que, en fait, on rencontre dans les traditions
anciennes de l’Amérique centrale une association expresse des éléments avec
certaines périodes cycliques ; mais c’est là une question qui demanderait à
être examinée de plus près.
Quoi qu’il en soit, si telle est bien la durée réelle
du Manvantara, et si l’on continue à prendre pour base le nombre 4 320, qui est
égal au tiers de la « grande année », c’est donc par 15 que ce nombre devra
être multiplié. D’autre part, les cinq « grande année » seront naturellement
réparties de façon inégale, mais suivant des rapports simples, dans les quatre
Yugas : le Krita-Yuga en contiendra 2, le Trêtâ-Yuga 1 ½ , le Dwâpara-Yuga 1, et
le Kali-Yuga ½ ; ces nombres sont d’ailleurs, bien entendu la moitié de ceux
que nous avions précédemment en représentant par 10 la durée du Manvantara.
Evaluées en années ordinaires, ces mêmes durées des quatre Yugas seront
respectivement de 25 920, 19 440, 12 960 et 6 480 ans, formant le total de 64
800 ans ; et l’on reconnaîtra que ces chiffres se tiennent au moins dans des
limites parfaitement vraisemblables, pouvant fort bien correspondre à
l’ancienneté réelle de la présente humanité terrestre.
Nous arrêterons là ces quelques considérations, car,
pour ce qui est du point de départ de notre Manvantara, et, par conséquent, du
point exact de son cours où nous en sommes actuellement, nous n’entendons pas
nous risquer à essayer de les déterminer. Nous savons, pour toutes les données
traditionnelles, que nous sommes depuis longtemps déjà dans le Kali-Yuga ; nous
pouvons dire, sans aucune crainte d’erreur, que nous sommes même dans une phase
avancée de celui-ci, phase dont les descriptions données dans les Purânas
répondent d’ailleurs, de la façon la plus frappante, aux caractères de l’époque
actuelle ; mais ne serait-il pas imprudent de vouloir préciser davantage, et,
par surcroît, cela n’aboutirait-il pas inévitablement à ces sortes de
prédictions auxquelles la doctrine traditionnelle a, non sans de graves
raisons, opposé tant d’obstacles ?
(René Guénon ; Quelques remarques sur la doctrine des
cycles cosmiques article a paru en Anglais dans le Journal of Indian Society of
Oriental Art, numéro de Juin-décembre 1937, dédié à A.K. Coomaraswamy, à
l’occasion de son soixantième anniversaire ).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire