Pierre Lory
Est-ce que l'enfer est éternel dans les religions
monothéistes (Islam, Christianisme, Judaïsme) ? Est-ce vrai qu'Ibn 'Arabî dit
que l'enfer n'est pas éternel et qu'il sert plutôt à purifier, et qu'une fois
purifiés on va au paradis ? Si tel est l'avis d'Ibn 'Arabî, quel est son point
de vue sur les Associateurs, les idolâtres ? Dieu ne dit il pas qu'il pardonne
tous les péchés sauf l'idolâtrie, le polythéisme ?
Dans l'Islam et selon la plupart des dénominations
chrétiennes, les châtiments infligés aux damnés sont effectivement considérés
comme éternels, en ce sens qu'il n'est pas prévu de "moment" ou de
modalité de leur fin [quant au judaïsme, il n'impose pas de dogme sur les
conditions de la vie dans l'au-delà]. Dans le cas précis de l'Islam, il est dit
des hommes qui meurent dans l'incroyance qu'ils resteront dans l'enfer
"khâlidin", ce qui signifie au sens strict "un temps d'une
longueur indéfinissable", et est traduit en général par
"éternellement". Des hadiths (enseignements oraux du prophète
Muhammad) confirment le caractère éternel de cet état, puisqu'ils rapportent
qu'après la Résurrection, la mort sera abolie sous forme d'un mouton sacrifié.
Quant aux interprétations d'Ibn 'Arabi, elles relèvent
de plusieurs considérations :
•Chaque homme retrouve dans l'au-delà la configuration
morale et psychique qu'il a forgée durant sa vie. Un homme pieux et aimant
retrouvera un au-delà paradisiaque où se reflèteront ses actions et aspirations
vers le Bien, de façon démultipliée. De même, celui qui aura manifesté sur
terre des qualités et des actions de violence retrouvera dans l'au-delà cette
même brutalité elle aussi amplifiée à l'extrême. Il s'y trouvera dans un cadre
qui lui est naturel, qui prolonge son propre Etre violent, qui est conforme à
sa personnalité profonde "comme un poisson préfère l'eau et fuit l'air qui
fait vivre les êtres sur la terre" selon l'expression d'Ibn 'Arabî. De
même l'idolâtre, l'"associateur" se voile ici- bas dans l'ignorance
de l'origine divine de toute chose : dans l'au-delà, il ne peut échapper aux
ténèbres de l'ignorance qu'il a développées en luimême. Les conditions
infernales décrites dans le Coran (feu, supplices) sont d'abominables tourments
pour un croyant, mais ne représentent pas pour le damné de véritables
souffrances, en un sens il prend même plaisir dans cet environnement qui lui
correspond.
•Par ailleurs, il convient de replacer toutes ces
considérations dans le système global d'Ibn 'Arabî, pour qui le cosmos entier
reflète les Attributs divins de Miséricorde et de Rigueur. Le déploiement de
cette double série d'Attributs conduit à l'existence nécessaire d'un Paradis
comme d'un Enfer. Mais ces deux Attributs ne sont pas symétriques : la
Miséricorde précède et domine la Rigueur et la Vengeance, c'est elle qui
"existe" au sens vrai. La Miséricorde finira par avoir la préséance
sur toute Rigueur. Les pécheurs resteront effectivement en Enfer, mais le côté
douloureux du châtiment, lui, n'est pas éternel. Au fond, la seule vraie
démarcation sera entre une demeure où la vision de Dieu sera offerte - le
Paradis - et une autre où les humains resteront voilés dans l'ignorance -
l'Enfer.
Notre Emir Abdel-Kader l'Algérien a traité de cette question dans son Livre des Haltes (pages 106 à 107, traduit par A. Penot, Editions Dervy, 2008. Il cite même Ibn Taymiyya qui a confirmé l'existence de hadîths qui attestent de la non-éternité de l'enfer, et rapportés par Ibn Umar, Ibn Masud et Abu Saîd. Il cite celui d'Ibn Umar : "Viendra un jour où les portes de l'enfer claqueront au vent alors qu'il sera vidé." Ceux qui détestent Ibn Arabi ont cru qu'il avait inventé cette croyance, alors que les Anciens la partageaient pour la plupart.
RépondreSupprimerSublime perspective
SupprimerEnfin des écrits sensés et huma istes qui reflètent bien la Miséricorde Divine
SupprimerTrès bons commentaires
Supprimer👍👍👍👍👍
SupprimerQuel Espoir !!!
RépondreSupprimer❤️❤️❤️🙏🙏🙏
SupprimerMon Dieu oui !!! Quel Espoir et surtout quel Magnifique Écrit !!!
RépondreSupprimerTrès plaisant à lire
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