lundi 25 mars 2013

Lettres d'un maître soufi - Le sheikh Al-'Arabi Ad-Darqâwî - Traduit par Titus Burckhardt - Lettre 49 - L'état d'extase


 
 

 
 
 
 
Titus Burckhardt
Lettre 49
 
 
 
 
Je me trouvais dans la tribu des Beni Zarwâl lorsqu'un homme me fit remarquer qu'il était contraire à la pudeur que les femmes élèvent la voix (en présence d'hommes étrangers), car il y avait alors certaines femmes qui invoquaient Dieu sous ma direction, à voix haute. Je m'abstins de lui donner la réponse qu'il méritait et au lieu de cela je lui dis:

"(Selon la règle) une femme invoque Dieu silencieusement, mais si son désir envers son Seigneur augmente jusqu'à ce qu elle perde la conscience de son corps, aucun reproche ne peut lui être fait du point de vue de la loi traditionnelle si elle fait entendre sa voix". Et je lui dis encore: "Si elle perd conscience de son corps, il arrive même, si Dieu le veut, qu'elle vienne vers toi les seins nus; alors, pourquoi te préoccuper du fait qu'elle élève la voix?" Or, ce que je venais de dire - écoute bien, ô pauvre - arriva littéralement:

il y avait, dans un village, une femme qui nous aimait, et voici qu'elle perdit la conscience de son corps, comme elle invoquait Dieu continuellement. Un homme pieux de sa famille conseilla: "Chauffez une aiguille à blanc, puis appuyez-la sur elle; si elle revient à elle, tant mieux, mais si elle ne revient pas, laissez-la tranquille." On fit ce qu'il dit, mais son extase ne devint que plus intense, à tel point qu'elle vint vers nous sans être consciente de ce que son haik lui tombait des épaules, de sorte qu'il n'était retenu que par sa ceinture; sa fillette tomba également de son dos sans qu'elle s'en aperçût, de sorte qu'elle arriva vers nous dans l'état que nous avons décrit. C'est ainsi qu'elle passa devant la porte de l'homme qui nous avait fait des remarques à son sujet, et il la vit de ses propres yeux...

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