Source : Le livre des Invocations, de l’imam al-Nawawi , traduit
de M. Al-Fâtih, édition entièrement revue et corrigée par Sheykh Abd-Allah
Penot, éditions Alif – En nour », pages 492 à 495.
Sache tout d’abord que, de l’avis d’une majorité de
juristes, de traditionnistes et de savants des différentes écoles, tant parmi
les Anciens que parmi leurs successeurs –que Dieu soit satisfait d’eux-,
l’invocation est recommandée. En effet, Allâh -exalté soit-Il- a dit : « Votre
Seigneur a dit : "Invoquez-moi et Je vous exaucerai." » [2]
Il a dit également : « Invoquez votre seigneur en toute
humilité et en secret (ou intérieurement) » [3]
les autres versets présentant un sens analogue sont bien
connus. Quant aux hadîths authentiques portant sur le sujet, ils sont eux aussi
trop connus pour les mentionner ici. Nous en avons d’ailleurs suffisamment cité
au chapitre relatif aux invocations. Et c’est Allâh qui accorde la réussite.
Nous extrayons ce passage de la « Risâla » de l’imâm abû
al-Qâsim al-Qushayrî –que Allâh soit satisfait de lui- :
« Les hommes ont toujours divergé pour savoir s’il valait
mieux invoquer [Allâh dans les moments difficiles] ou observer un mutisme
satisfait ? Les uns estiment que l’invocation est une servitude en vertu du
hadîth précédemment cité : L’invocation est l’essentiel de l’adoration, et
aussi parce-que l’invocation est l’expression de son indigence à l’égard de
Allâh -exalté soit-Il-. D’autres estiment que le mutisme et la soumission
devant l’accomplissement des décrets divins est plus parfait, et qu’il vaut
mieux, de ce fait, se contenter des dispositions prises par le destin. D’autres
estiment, encore que pour satisfaire aux deux exigences, le fidèle devrait
invoquer Allâh de sa bouche tout en gardant son cœur satisfait [du décret
divin]. »
Selon al-Qushayrî, l’attitude la plus satisfaite est de
tenir compte de la situation : l’invocation peut être en effet préférable au
silence à certains moments, et cela en conformité avec la bienséance
spirituelle alors qu’à d’autres moments c’est le silence qui sera préférable,
en vertu de cette même bienséance. Tout ceci est fonction de l’instant : si le
cœur du fidèle l’incline à l’invocation, c’est que celle-ci est alors
préférable, mais si son cœur aspire au silence, c’est que celui-ci est plus
parfait.
Ce que l’on peut dire avec certitude c’est que lorsque
l’invocation est profitable aux musulmans, ou lorsqu’elle a un rapport avec un
droit divin, elle est préférable, car elle constitue un acte d’adoration ; mais
dès lors qu’il s’agit de droits individuels, le silence est plus parfait. En
dehors de cela, la première des conditions qui prélude à l’invocation, est de
ne se nourrir que de ce qui est licite.
On rapporte que Yahya b. Mu’âdh al-Râzî -que Allâh soit
satisfait de lui- disait : « Comment pourrai-je T’invoquer moi qui suis un
pécheur ? Et comment ne pas T’invoquer, Toi qui es le Généreux ? »
Parmi les règles de bienséance propres à l’invocation, la
présence du cœur en est une des plus importantes. Nous allons indiquer, si
Allâh le veut, les fondements scripturaires de cette règle. Selon certains
savants, le but de l’invocation est de faire montre de son indigence, car
Allâh -glorifié et exalté soit-Il- fait
ce qu’Il veut [c’est-à-dire que les invocations ont davantage pour objet de
faire état de sa dépendance à l’égard de Allâh que d’obtenir quelque chose].
L’imâm abû Hâmid al-Ghâzalî précise pour sa part dans son
« Ihyâ’ » que les règles de bienséance en matière d’invocation sont au nombre
de dix :
* La première consiste à guetter les moments propices aux
invocations, tels que le jour de ‘Arafât, le mois de Ramadhân, le jour du
vendredi, le dernier tiers de la nuit ou le début de l’aube.
* La deuxième consiste à profiter des situations au cours
desquelles les invocations sont exaucées, tels que la prosternation, le choc
des armées, la tombée de pluie, la fin de la prière etc. J’ajouterai pour ma
part que la disposition du cœur constitue aussi un moment privilégié.
* La troisième veut que l’on s’oriente vers la qibla, en
levant les mains [au ciel] puis qu’après l’invocation, on se les passe sur le
visage.
* La quatrième nous incite à ne pas hausser la voix, mais
à L’invoquer à mi-voix.
* La cinquième consiste à ne pas employer d’artifices de
langage au cours de l’invocation, au point qu’on a pu dire que de tels
artifices portent atteinte à l’invocation. Il est même, peut-être préférable
dans ce cas de recourir à des invocations traditionnelles, car il n’est pas
donné à tout le monde de choisir avec bonheur les mots d’une invocation, et on
peut craindre d’un ignorant qu’il prononce des formules regrettables à son
insu.
Certains savants estiment même que puisqu’il faut
invoquer [Allâh] avec humilité et en faisant montre de son indigence, à quoi
bon employer des termes éloquents [à seule fin de plaire au public], voir
suffisants ? On prétend du reste que les savants et les abdâls n’utilisent pas
plus de sept paroles dans leurs invocations. Ceci semble confirmé par le
contenu du dernier verset (286) de la sourate « La Vache » (al-Baqara) :
Seigneur ne nous tiens pas rigueur. En effet, pas un des versets contenant des
invocations attribuées à l’un des serviteurs de Allâh n’en contient davantage,
comme on peut le constater notamment dans le trente-cinquième verset de la
sourate « Ibrâhîm » : Seigneur fais de ce pays un endroit sûr …
La majorité des savants n’interdit cependant pas
d’utiliser plus de sept mots, ni ne le déconseille. Et il est même recommandé
de manière générale de multiplier les invocations.
* La sixième règle à observer lors d’une invocation est
d’implorer [Allâh] avec crainte et humilité, en vertu de la Parole de Allâh
-exalté soit-Il- : « Ils s’empressaient de faire le bien, ils Nous invoquaient
avec espérance (ou : amour) et crainte, et se montraient humbles devant Nous. »
[4]
Il a dit également : « Invoquez votre seigneur en toute
humilité et en secret » [5]
* La septième règle veut que l’on se montre résolu dans
sa demande, tout en étant certain de la réponse et en faisant montre d’un
espoir sincère. Les textes qui recommandent cette attitude sont nombreux et
fort connus. Sufyan b. ‘Uyayna -que Allâh lui fasse miséricorde- a dit : « Ce
que l’on sait de soi-même ne doit pas nous empêcher de demander (ou d’invoquer
Allâh), car Allâh -exalté soit-Il- a exaucé la pire des créatures, à savoir
Iblîs lui-même, quand ce dernier Lui demanda : Seigneur, accorde moi un délai
jusqu’au jour où ils seront ressuscités. Allâh [lui] répondit : oui, ce délai
t’est accordé (litt. Tu es de ceux qui sont attendus ! ). » [6]
* La huitième veut que l’on se montre insistant dans ses
invocations, sans cependant les répéter plus de trois fois ni les trouver
longues à être exaucées.
* La neuvième consiste à introduire son invocation par la
mention de Allâh -exalté soit-Il- et j’ajouterai, pour ma part, de faire suivre
cette invocation d’une demande de grâce [ou d’une prière : salât] sur l’Envoyé
de Allâh -que Allâh lui accorde la grâce et la paix- précédée d’une louange
adressée à Allâh -exalté soit-Il- puis de terminer l’invocation de la même
manière.
* Et la dixième règle, la plus importante, est
fondamentale pour espérer être exaucé : [avant de L’invoquer}, il faut tout
d’abord se repentir, réparer les torts causés à autrui et tourner son cœur vers
Allâh -exalté soit-Il-.
Al-Ghazâlî ajoute cette précision : « Si l’on me demande
: à quoi donc servent les invocations, puisqu’on ne peut infléchir les décrets
divins ? Je répondrais ceci : Sache que repousser le malheur par le biais de
l’invocation est justement un aspect du décret divin. L’invocation, en effet,
infléchit le malheur et appelle la miséricorde, de même que le bouclier
préserve des armes et que l’eau fait pousser les plantes. Ainsi, tout comme le
bouclier repousse la flèche et qu’ils se repoussent l’un l’autre, de même
l’invocation a pour vocation de repousser les épreuves. Porter les armes
n’implique pas une méconnaissance du décret divin, puisque Allâh -exalté
soit-Il- a dit :« Qu’ils soient sur leurs garde et prennent leurs armes ! » [7]
Allâh – exalté soit-Il – a à la fois prédestiné toute chose et la cause de
toute chose. En outre l’invocation favorise le recueillement et la
concentration du cœur, et fait naître chez le fidèle un sentiment d’indigence,
ce qui constitue l’essence de l’adoration et de la connaissance. »
Notes :
[1] Réf : « Le livre des Invocations, de l’imam al-Nawawi
, traduit de M. Al-Fâtih, édition entièrement revue et corrigée par Sheykh
Abd-Allah Penot, éditions Alif – En nour », pages 492 à 495.
[2] Qour'an, s40/v60
[3] Qour'an, s7/v55
[4] Qour'an, s21/v90
[5] Qour'an, s7/v55
[6] Qour'an, s7/v14
et 15
[7] Qour'an, s4/v102
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire