Nous proposons ici la recension d'un ouvrage de Sophia Tazi-Sadeq qui nous offre un voyage à travers l’histoire de l’écriture Arabe, des origines à nos jours. Le lecteur y découvrira pourquoi et comment la calligraphie, a trouvé au sein de la civilisation de l'Islam un sommet de raffinement et d'harmonie.
L'auteure
Spécialiste de
l'écriture et de la calligraphie arabe, née en 1971 au Maroc, Sophia Tazi-Sadeq
est originaire de la ville de Fès, haut-lieu de la spiritualité musulmane.
Ayant poursuivi ses études universitaires en France, elle a contribué à la
rédaction de plusieurs ouvrages et articles consacrés à la culture marocaine.
Aujourd'hui, elle oriente son travail de recherche vers la spiritualité et
l'art musulmans.
Le sujet
Acquis lors d’un voyage
au Maroc, dans une petite librairie nichée au sein du port d’Essaouira ce livre
est une très belle surprise.
Dans cet ouvrage intemporel, Sophia Tazi-Sadeq nous offre un voyage à travers l’histoire de l’écriture Arabe, des origines à nos jours. Le lecteur découvre pourquoi et comment la calligraphie, a trouvé au sein de la civilisation de l'Islam un sommet de raffinement et d'harmonie.
Sur la forme, le livre suit l’ordre chronologique. L’écriture est tout à la fois simple et claire, ce qui contraste avec l’histoire riche et foisonnante de l’écriture arabe qui est retracée. En effet, le propos est à la fois soutenu et aéré par une iconographie très riche. Un tiers de l’ouvrage est constitué d’illustrations, dont certaines, inédites, proviennent de la Bibliothèque royale du Maroc et de la Bibliothèque Qaraouiyyine de Fès ou encore des collections privées. Il en résulte un livre à la fois didactique et quelque peu poétique.
Dans cet ouvrage intemporel, Sophia Tazi-Sadeq nous offre un voyage à travers l’histoire de l’écriture Arabe, des origines à nos jours. Le lecteur découvre pourquoi et comment la calligraphie, a trouvé au sein de la civilisation de l'Islam un sommet de raffinement et d'harmonie.
Sur la forme, le livre suit l’ordre chronologique. L’écriture est tout à la fois simple et claire, ce qui contraste avec l’histoire riche et foisonnante de l’écriture arabe qui est retracée. En effet, le propos est à la fois soutenu et aéré par une iconographie très riche. Un tiers de l’ouvrage est constitué d’illustrations, dont certaines, inédites, proviennent de la Bibliothèque royale du Maroc et de la Bibliothèque Qaraouiyyine de Fès ou encore des collections privées. Il en résulte un livre à la fois didactique et quelque peu poétique.
Des origines...
Calligraphie Ghani Alani : sourate coranique XCVI.
Dans une première partie
(les deux premiers chapitres), en abordant les origines de la langue Arabe,
l’auteure commence par nous dévoiler en quoi la calligraphie arabe est
intimement liée à la spiritualité, élevée au rang d’art sacré. C’est que, comme
l’indique d’emblée le titre du second chapitre : «La Langue d’Allah », l’arabe est avant tout
la langue de la révélation coranique. C’est pourquoi « Lorsque les Musulmans se
mirent à écrire le Coran, il fallait que cette écriture soit adéquate au
contenu qu’elle exprimait, autrement dit qu’elle soit le juste reflet de la
Beauté éternelle » [p28]. Or comme la parole divine, parlant à la raison comme
au cœur, à la fois singulière et universelle, éternelle et cheminant à travers
les temps et les lieux, « La
calligraphie arabe est la trace d’une pérégrination, un éternel retour à la
source ».(p30). Chaque lettre porte en elle une « charge » symbolique, ce
n’est pas une simple graphie, et c’est d’ailleurs pour l’auteure ce qui
explique l’essor de l’art calligraphique au détriment de l’art pictural : « […] avancer, comme c’est le cas, que
l’essor de l’art calligraphique dans la civilisation musulmane est dû à
l’interdiction de la figuration témoigne d’une inversion du sens ! Au
contraire, il apparait que c’est la dimension symbolique de l’écriture et de
l’art en général, qui a suscité chez les théologiens une interprétation, et non
une interdiction, de la licéité de la figuration, […] » (p40).
Quant au calligraphe, l’artisan, considéré comme un véritable artiste et non comme
un simple copiste, « […] Il
se laisse emporté par son inspiration (ilhâm) d’essence divine, et son œuvre,
parce qu’elle participe de l’être créateur, est une création »
(p31).
De la technique à l'Art...
Dans une seconde partie (chapitre 3 & 4), constatant à quel point les développements calligraphiques sont intimement liés à l'histoire des dynasties, nous accompagnons l’auteure dans sa traversée des contrées de l’ancien empire islamique, à la découverte des différentes déclinaisons calligraphiques, de leurs origines et de leurs raisons d’être, des grands maîtres et des disciples ou encore des multiples techniques et supports employés.
En effet, les modalités de l'écriture de l'arabe évoluent au fil du temps. Evolution des styles, le style le plus ancien étant nommé "Coufique" (p48) [1]. Plus tard apparaît un style plus arrondi, le style Naskh (p76). De ces deux écritures naissent d'autres styles (p70 & 78), comme le Thuluth (p72). Diversité des supports aussi. Comme nous le montre les nombreuses illustrations, l’art calligraphique ne se limite pas au parchemin et au papier. D’une part, à l'origine, les compagnons du Prophète (ç) de l’Islam notent les paroles de la révélation sur des morceaux de cuir ou sur des omoplates de chameaux (p26). Puis rapidement, la calligraphie décore des objets, des mosaïques dans les palais et les mosquées.
En effet, les modalités de l'écriture de l'arabe évoluent au fil du temps. Evolution des styles, le style le plus ancien étant nommé "Coufique" (p48) [1]. Plus tard apparaît un style plus arrondi, le style Naskh (p76). De ces deux écritures naissent d'autres styles (p70 & 78), comme le Thuluth (p72). Diversité des supports aussi. Comme nous le montre les nombreuses illustrations, l’art calligraphique ne se limite pas au parchemin et au papier. D’une part, à l'origine, les compagnons du Prophète (ç) de l’Islam notent les paroles de la révélation sur des morceaux de cuir ou sur des omoplates de chameaux (p26). Puis rapidement, la calligraphie décore des objets, des mosaïques dans les palais et les mosquées.
Calligraphie sur céramique bleue.
Alef et cercle étalon Alef tracé d’après l’échelle des sept points en losange
Au fil du temps, s’élabore un véritable savoir calligraphique, codifié par des maîtres prestigieux de la cour abbasside, tels le vizir Ibn Muqla (mort en 940) (p60) ou Ibn al-Bawwâb (mort en 1022) (p63). Ils instaurent un système de règles théorisant « l’écriture bien proportionnée ». On trace à partir de la première lettre de l’alphabet, alif, un cercle de référence à l’intérieur duquel toutes les autres lettres doivent s’inscrire. Ce système est complété par l’emploi du point mesure – obtenu avec la pointe biseautée d’un calame – qui permet de fixer les proportions de chaque lettre. C’est à Yâqût al-Musta’simî (mort à Bagdad en 1298) (p70) que reviennent les derniers perfectionnements du Naskh et la formalisation de « six styles » canoniques. C'est ainsi que nous découvrons le calligraphe tour à tour homme d’état, « compagnon », artiste, enseignant, disciple, inventeur, administratif. Le discours est parfois technique mais la présence des nombreuses illustrations fluidifie et clarifie le propos.
Tradition renouvelée
"Mon cœur deviendra-t-il un arbre lourdement chargé de fruits que je pourrai cueillir et leur donner ?" (Khalil Gibran). Calligraphie Hassan Massoudi
Enfin, après nous avoir rappelé que l’art calligraphique s’accommode bien mal de l’imprimerie notamment parce qu’il s’agit avant tout d’un art initiatique [2], nous terminons ce voyage (5eme chapitre) par la présentation du travail de quatre « calligraphes » contemporains. En premier lieu, Ghani Alani Irakien formé à Bagdad, docteur en droit et vivant à Paris représentant d’un certain classicisme. Puis trois calligraphes de formation qui d’après l’auteur, ont ensuite « su opérer une synthèse entre leur culture d’origine et celle qu’ils ont rencontrée, pour engendrer une création singulière et originale » (p130). Il s’agit d’Hassan Massoudy autre irakien installé à Paris qui combine « la noblesse de l’écriture arabe avec l’éclat de l’art pictural occidental » (p130); du tunisien Nja Mahdaoui (tisserand par ailleurs) et enfin d’Ahmed Cherkaoui (1934-1967) Marocain.
Au terme du voyage
Arrivés au terme du voyage, nous constatons que cet ouvrage nous a révélé les différentes dimensions de la calligraphie Arabe. Protéiforme, en fonction du propos et des états « d’âme » du lecteur, celle ci apparait statique et dynamique, technique et art, sacrée et profane, artisanale et « industrielle », outil administratif et art initiatique, « assourdissante » et «silencieuse», pesante et légère. Ce qui permet à l’auteure d’affirmer : « C’est à la fois une œuvre musicale, un poème, un conte, une danse, un monument architectural ; c’est à la fois l’écriture de la pensée, de la parole, de la matière et du silence » (p124). Tout ceci est bien rendu par la superbe iconographie de l’ouvrage qui nous prouve combien l'art calligraphique développe l'expressivité du texte qu'il illustre. La calligraphie donne vie aux textes d’ici-bas. Ce qui n’est finalement qu’un juste retour, car ainsi que nous l’apprend la tradition concernant l’ascension du Prophète(ç) de l’Islam (mi’râj) « […] puis l’archange l’éleva à une hauteur où il entendit un son étrange : c’était le bruissement des calames, qu’utilisaient les anges pour inscrire sur le grand Livre le destin de l’humanité… » (p30) [3]
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[1] A l'origine, cette écriture se nommait "Mekki" ou "Mdini" avant d'être regroupée sous le nom de Mekki. Puis à la création de Kuffah et de Bassorah elle fut renommée "Hijazi". Ensuite, une fois retravaillée et embellie par les gens de Kuffah elle finit par être nommé "Kuffi" (Coufique).
[2] p 124, et par ailleurs comme dans les sciences islamiques l’apprentissage et sanctionné par la délivrance d’une « ijaza » rappelant la chaine de transmission du savoir au travers des âges.
[3] En complément, nous donnons ici la source de cette tradition qui provient de la Sunnah (hadiths). cf Sahîh al-Boukhârî (arabe- français) , traduction et commentaire de Mokhtar Chakroun, edition AL QALAM, Tome 1, 8, Le livre de la prière, Bâb 1 : Institution de la prière lors du "Voyage Nocturne" (al-mi'râj), Hadith 349, Matn (texte) p 307 : " Ibn Chihâb (az-Zouhrî) dit que (Abou Bakr Ibn Mohammad Ibn 'Amr) Ibn Hazm m'a informé disant que ('Abdallah) Ibn 'Abbâs et Aboû Habba (al- Badri) al-Ansârî disaient : "Continuant son ascension, le Prophète (ç) dit : "Je suis parvenu jusqu'à l'endroit où j'entendis le crissement des "calames" "
[1] A l'origine, cette écriture se nommait "Mekki" ou "Mdini" avant d'être regroupée sous le nom de Mekki. Puis à la création de Kuffah et de Bassorah elle fut renommée "Hijazi". Ensuite, une fois retravaillée et embellie par les gens de Kuffah elle finit par être nommé "Kuffi" (Coufique).
[2] p 124, et par ailleurs comme dans les sciences islamiques l’apprentissage et sanctionné par la délivrance d’une « ijaza » rappelant la chaine de transmission du savoir au travers des âges.
[3] En complément, nous donnons ici la source de cette tradition qui provient de la Sunnah (hadiths). cf Sahîh al-Boukhârî (arabe- français) , traduction et commentaire de Mokhtar Chakroun, edition AL QALAM, Tome 1, 8, Le livre de la prière, Bâb 1 : Institution de la prière lors du "Voyage Nocturne" (al-mi'râj), Hadith 349, Matn (texte) p 307 : " Ibn Chihâb (az-Zouhrî) dit que (Abou Bakr Ibn Mohammad Ibn 'Amr) Ibn Hazm m'a informé disant que ('Abdallah) Ibn 'Abbâs et Aboû Habba (al- Badri) al-Ansârî disaient : "Continuant son ascension, le Prophète (ç) dit : "Je suis parvenu jusqu'à l'endroit où j'entendis le crissement des "calames" "
Pascal Lemmel
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